→ Résumé de l’affaireMme [V] [C] épouse [Y] a obtenu une ordonnance autorisant une saisie conservatoire sur la société EURL CYRS BAT 06 pour une créance évaluée à 39 540,14 euros en principal, ainsi que des dommages et intérêts et frais irrépétibles. La saisie a été effectuée sur les comptes de la société détenus à la CAISSE D’EPARGNE COTE D’AZUR. En réponse, la société a demandé la rétractation de l’ordonnance et la mainlevée de la saisie, arguant que la créance n’était pas fondée et que les conditions pour la saisie conservatoire n’étaient pas réunies. Mme [V] [C] épouse [Y] a soutenu que la créance était fondée en raison de malfaçons dans les travaux effectués par la société, et a demandé le maintien de la saisie conservatoire. L’affaire a été mise en délibéré pour le 16/08/2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
GREFFE
M I N U T E
(Décision Civile)
JUGEMENT
JUGEMENT : E.U.R.L. CYRS BAT 06 / [C]
N° RG 24/02832 – N° Portalis DBWR-W-B7I-P4HD
N° 24/00243
Du 16 Août 2024
Grosse délivrée
l’ASSOCIATION BENHAMOU-HARRAR
Me CASTEL
Expédition délivrée
E.U.R.L. CYRS BAT 06
[V] [C] épouse [Y]
Me GALTIER
Le 16 Août 2024
Mentions :
DEMANDERESSE
E.U.R.L. CYRS BAT 06, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Maître Marcel BENHAMOU de l’ASSOCIATION BENHAMOU-HARRAR, avocats au barreau de NICE, avocats plaidant,
DEFENDERESSE
Madame [V] [C] épouse [Y]
née le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 5] (HAUTS-DE-SEINE),
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Maître Sylvie CASTEL , avocats au barreau de NICE, avocats plaidant,
COMPOSITION DU TRIBUNAL
JUGE UNIQUE : Valérie FUCHEZ, Vice-Présidente
GREFFIER : Ludivine ROSSI, Greffier
A l’audience du 12 Août 2024, les parties ont été avisées que le prononcé aurait lieu par mise à disposition au Greffe le 16 Août 2024 conformément à l’article 450 alinea 2 du code de procédure civile.
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, au fond. prononcé par mise à disposition au Greffe à l’audience du seize Août deux mil vingt quatre, signé par Madame FUCHEZ, Juge de l’exécution, assisté de Madame ROSSI, Greffier,
Selon ordonnance sur requête rendue le 04/07/2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice a autorisé Mme [V] [C] épouse [Y] à pratiquer une saisie conservatoire sur sa créance à l’encontre de l’EURL CYRS BAT 06 contre tout établissement bancaire ou postal entre les mains de ces derniers au titre des comptes bancaires détenus par l’EURL CYRS BAT 06, pour garantir une créance évaluée provisoirement à concurrence de la somme de 39 540,14 euros en principal, 10 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi, la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens de la procédure en ce compris le constat du 23/03/2024.
Selon procès-verbal de saisie conservatoire de créances en date du 29/07/2024, Mme [V] [C] épouse [Y] agissant en vertu de la décision susvisée, a procédé à l’égard de la société CYRS BAT 06 à la saisie conservatoire entre les mains de la banque CAISSE D’EPARGNE COTE D’AZUR de la somme totale de 52 540,14 euros en principal, dommages et intérêts et frais irrépétibles.
La CAISSE D’EPARGNE COTE D’AZUR a déclaré le même jour l’étendue de ses obligations à l’égard de la société à hauteur de 60 207,48 euros sous réserve des opérations et saisies en cours.
***
Selon exploit de commissaire de justice en date du 07/08/2024 à 14h30 l’EURL CYRS BAT 06 a fait assigner Mme [V] [C] épouse [Y] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice, suite à une requête aux fins d’assigner en urgence, au visa de l’article L 511-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, en vue d’obtenir la rétractation de l’ordonnance rendues par le juge de l’exécution de céans le 04/07/2024, la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 29/07/2024 sur les comptes ouverts à la CAISSE D’EPARGNE au nom de la société CYRS BAT 06 à la requête de Mme [V] [C] épouse [Y] et de la condamner au paiement d’une somme de 2 000 euros de dommages et intérêts au regard de sa résistance abusive outre au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
L’affaire a été appelée à l’audience du 12/08/2024.
Par conclusions visées par le greffe à l’audience, l’EURL CYRS BAT 06 maintient ses demandes et les termes de son assignation et fait valoir au visa de l’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution,
-que la créance n’est pas fondée en son principe, en ce qu’aucun expert indépendant des parties ne s’est prononcé sur le prétendues malfaçons ou défaut d’exécution des travaux effectués par la société requérante ; que les conclusions des experts amiables de protection juridique sont contraires ; qu’il existe un litige concernant la facture impayée par Mme [Y] pour lequel elle a été assignée en paiement avant que l’ordonnance de saisie conservatoire n’ait été rendue ; qu’il n’existe pas de principe de créance.
Sur l’absence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, que Mme [Y] ne rapporte pas la preuve de l’insolvabilité de l’EURL CYRS BAT 06 de sorte que les conditions pour ordonner la saisie conservatoire ne sont pas réunies.
Sur les dommages et intérêts, elle considère que la procédure est abusive compte tenu de la facture impayée par Mme [Y].
En réponse, Mme [V] [C] épouse [Y] par conclusions visées par le greffe, expose au visa de l’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution que la créance est fondée en son principe. Elle sollicite le débouté de la demande de mainlevée de la saisie conservatoire et le surplus des demandes et la confirmation de l’ordonnance.
Elle considère que la créance à l’origine de la saisie conservatoire a un caractère vraisemblable au vu du chiffrage des dommages par l’expert de l’assurance et les devis estimatifs de travaux de réfection et rappelle qu’elle n’a pas à être certaine, liquide et exigible.
Elle soutient que la société a engagé sa responsabilité contractuelle en ce qu’en sa qualité de professionnel, elle n’a pas remis les documents contractuels conformes à la loi, qu’elle n’a pas respecté les caractéristiques et la précision des travaux qu’elle voulait et que des travaux de mauvaise qualité ont été réalisés, constitutifs de malfaçons. Elle indique que seul le devis du 10/07/2023 a été signé par ses soins et qu’elle n’a pas avalisé de travaux supplémentaires. Elle ajoute qu’elle avait signé pour l’obtention d’un parquet sans noeud alors qu’un parquet avec noeuds non conforme a été posé et que des dommages ont été causés aux objets chez elle. Elle expose que l’expert d’assurance a conclu suite à une réunion contradictoire que le parquet n’a pas été posé dans les règles de l’art et n’est pas conforme de sorte qu’il chiffre le dommage a minima à la somme de 19 804,40 euros hors dommages et interêts et autres frais divers. Elle explique que le montant total de la créance en principal résulte d’un devis de réfection par une entreprise versé aux débat et que le surplus correspond à des travaux facturés mais non posés tels que le voile de verre outre les biens détériorés pendant les travaux et les frais de ménage soit en principal la somme de 39 540,14 euros.
Elle estime que la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts doit lui être accordée outre les frais irrépétibles, les frais de constat du 29/03/2024 et les dépens.
Elle fait valoir que le risque de recouvrement de la créance est établi et résulte de la situation patrimoniale précaire de la société, de l’absence de publication des comptes sociaux par cette dernière et de l’absence de prise en charge du sinistre par l’assureur décennal de l’entreprise s’agissant d’une responsabilité contractuelle de cette dernière.
Elle s’oppose à l’octroi de dommages et intérêts au regard d’une créance fondée et en l’absence de préjudice.
Elle indique que la saisie conservatoire n’est pas abusive, que l’absence de paiement de la facture litigieuse de sa part n’est pas non plus abusif au regard des malfaçons et de l’absence de preuve de son accord quant à la commande de travaux supplémentaires.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions des parties.
L’affaire a été mise en délibéré au 16/08/2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la qualification de la décision
En l’espèce, toutes les parties ont comparu. La présente décision sera donc contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.
Par ailleurs la présente décision est rendue en premier ressort.
Sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire
En vertu de l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.
Selon l’article R 512-1 du Code des procédures civiles d’exécution :
Si les conditions prévues aux articles R. 511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment, les parties entendues ou appelées, même dans les cas où l’article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation.
Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.
L’article R 512-2 du même code prévoit que la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.
Le créancier saisissant doit donc justifier de conditions cumulatives tenant à une créance paraissant fondée en son principe et une menace dans son recouvrement. Il n’appartient pas au juge de l’exécution de se prononcer sur la réalité de la créance mais de statuer sur le caractère vraisemblable d’un principe de créance, sans qu’il soit exigé que la créance soit certaine ni même sérieusement contestable ou exigible.
Il n’appartient pas au juge de l’exécution dans le cadre de l’octroi d’une mesure conservatoire d’apprécier la liquidité d’une créance ni son quantum mais de constater une apparence de créance fondée en son principe dans les termes de l’article R 511-4 du code des procédures civiles d’exécution.
Il est admis qu’une mesure conservatoire soit obtenue pour un terme non échu.
Le juge de l’exécution doit apprécier le bien fondé de la demande au jour où il statue et non au jour où la mesure a été initialement autorisée (Civ 2 28/06/2006 n 04-18 598) ; ce qui peut le conduire à tenir compte de faits, survenus postérieurement à la mesure, qui seraient de nature à remettre en cause l’apparence de fondement de la créance en son principe ou l’existence de menaces sur le recouvrement.
En application de l’article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions.
***
Il ressort des éléments versés aux débats dont notamment le devis signé par les parties le 10/07/2023, le rapport technique de l’expert d’assurance suite à une réunion contradictoire amiable entre les parties, le procès verbal du commissaire de justice du 29/03/2024 qui corrobore les dires de l’expert amiable, que l’imputabilité des désordres dans le logement de Mme [Y] relève de la responsabilité de la société CYRS BAT 06 qui a failli à son obligation de délivrance conforme et commis des manquements aux règles de l’art de par sa qualité de professionnel d’autre part.
Au regard du chiffrage estimé par l’expert et par les devis des entreprises versés aux débats, il est acquis que les frais de réfection et d’exécution dans les règles de l’art outre la réparation des frais des dégâts occasionnés et de ménage, le montant principal estimé à la somme de 39 540,14 euros est vraisemblable comme principe de créance.
En outre, s’agissant d’un principe de responsabilité reconnu comme étant vraisemblable à l’encontre de la société, la somme relative au montant des dommages et intérêts du fait de l’inexécution contractuelle et les frais accessoires est vraisemblable.
En tout état de cause, il n’appartient pas, ainsi qu’il a été indiqué, au juge de l’exécution, de se prononcer sur la réalité de la créance mais de statuer sur le caractère vraisemblable d’un principe de créance, sans qu’il soit exigé que la créance soit certaine ni même sérieusement contestable ou exigible.
Il n’appartient pas au juge de l’exécution dans le cadre de l’octroi d’une mesure conservatoire d’apprécier la liquidité d’une créance ni son quantum mais de constater une apparence de créance fondée en son principe dans les termes de l’article R 511-4 du code des procédures civiles d’exécution.
Au regard des éléments produits, force est de constater que Mme [Y] a d’ores et déjà démontré qu’elle disposait d’une créance fondée en son principe car elle est vraisemblable et n’est même pas sérieusement contestable.
La première des conditions édictées par l’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution est donc remplie.
Il convient d’observer que la question du quantum exact et précis du montant qui sera attribué ne relève pas des attributions du juge de l’exécution statuant sur une mesure provisoire mais relève de la compétence du juge du fond saisi.
S’agissant de la seconde condition tenant à l’existence de menaces pesant sur le recouvrement de la créance, le demandeur à la présente instance ne peuvent légitimement prétendre que le recouvrement ne serait pas menacé dans la mesure où il ressort que cette dernière n’a plus de trésorerie et se trouve débitrice de l’URSSAF par ailleurs.
Cette absence de paiement atteste de manière indéniable des difficultés relatives à la solvabilité de la société.
Il est patent que l’absence de publication des comptes sociaux par cette dernière et l’absence de prise en charge du sinistre par l’assureur décennal de l’entreprise s’agissant d’une responsabilité contractuelle de cette dernière, permet à Mme [Y] d’estimer à juste titre que sa créance présente un risque quant à son recouvrement.
Force est donc de constater, compte tenu des développements qui précèdent, qu’il existe un risque réel pesant sur le recouvrement de la créance détenue par Mme [Y].
Les conditions énoncées par l’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution étant réunies, il y a lieu de rejeter la demande de mainlevée de la saisie effectuée sur les comptes bancaires de la société CYRS BAT 06 à la CAISSE D’EPARGNE.
En conséquence, la mesure de saisie conservatoire ayant été jugée fondée, il y a lieu de rejeter le surplus des demandes de la société CYRS BAT 06 au titre des dommages-intérêts et des demandes accessoires.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société CYRS BAT 06 demandeur et partie perdante succombant à l’instance, sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance conformément à l’article 696 du Code de Procédure Civile.
Sur l’exécution provisoire
En vertu de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution, la décision du juge est exécutoire de plein droit par provision. Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,
DEBOUTE l’EURL CYRS BAT 06 de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire de créance pratiquée sur ses comptes bancaires à la CAISSE D’EPARGNE COTE D’AZUR pour la somme totale de 52 540,14 euros, selon ordonnance sur requête rendue le 04/07/2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice,
CONDAMNE l’EURL CYRS BAT 06 aux entiers dépens de la procédure,
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,
RAPPELLE que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit,
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION