Expertise ordonnée suite à des désordres constatés dans des travaux de construction

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Expertise ordonnée suite à des désordres constatés dans des travaux de construction

Résumé de l’affaire

Monsieur et Madame [F] ont confié la construction de leur maison à la société Ann Street architecture, avec la participation de plusieurs autres entreprises. Des désordres ont été constatés lors de la réception des travaux, et malgré une expertise amiable, aucun accord n’a été trouvé. Les époux [F] ont alors assigné en référé plusieurs entreprises, dont la société Ann Street architecture, pour désigner un expert et réserver les dépens. Lors de l’audience, les époux [F] se sont désistés de leur demande contre certaines entreprises, tandis que d’autres parties ont formulé des protestations et des réserves. Certaines entreprises n’ont pas comparu.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 août 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG
24/00265
RE F E R E

Du 14 Août 2024

N° R 24/00265 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K4HM
54G

c par le RPVA
le
à

Me Bruno CRESSARD, Me Céline DEMAY, Me Emmanuel PELTIER

– copie dossier
– 2 copies service expertises

Expédition et copie exécutoire délivrée le:
à

Me Bruno CRESSARD,

Expédition délivrée le:
à

Me Céline DEMAY, Me Emmanuel PELTIER

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

OR D O N N A N C E

DEMANDEURS AU RÉFÉRÉ:

Madame [L] [A] épouse [A]-[F],
demeurant [Adresse 8] – [Localité 16]
représentée par Me Bruno CRESSARD, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me COLLOCH Simon, avocat au barreau de Rennes,

Monsieur [B] [F], demeurant [Adresse 8] – [Localité 16]
représenté par Me Bruno CRESSARD, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me COLLOCH Simon, avocat au barreau de Rennes,

DÉFENDEURS AU RÉFÉRÉ:

S.A.R.L. ANN STREET ARCHITECTURE,
dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 17]
représentée par Me Alain DUPUY, avocat au barreau du MANS, Me Emmanuel PELTIER, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me MASSON, avocat au barreau de Rennes,

Entreprise [J] [K],
dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 10]
représentée par Me Céline DEMAY, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me DOUGUET Yvanne, avocat au barreau de Rennes,

S.A.R.L. CONSTRUCTIONS BOIS D’ILLE ET RANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 7] – [Localité 13]
non comparante

Société ELAN BATISSEUR,
dont le siège social est sis [Adresse 5] – [Localité 9]
non comparante

S.A.R.L. GIBOIRE CARRELAGE,
dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 12]
non comparante

S.A.R.L. PAULIC RENOVATION SERVICE,
dont le siège social est sis [Adresse 14] – [Localité 11]
non comparante

LE PRESIDENT: Philippe BOYMOND, Vice-Président

LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR greffier, lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.

DÉBATS: à l’audience publique du 26 Juin 2024,

ORDONNANCE: réputée contradictoire , au terme des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 9 aout 2024 prorogé au 14 aout 2024 les conseils des parties ayant été avisées par le RPVA le 9 aout 2024

VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat d’architecte du 6 avril 2021, Monsieur [B] [F] et son épouse, Madame [L] [A] ont confié à la société Ann Street architecture la construction de leur maison d’habitation située au [Adresse 8] à [Localité 16] (35).

Ont notamment participé à l’opération de construction :
– pour le lot ossature bois-isolation, la société Constructions bois d’Ille et Rance (CB IV),
– pour le lot toiture, la société Elan Bâtisseur,
– pour le lot doublage cloisons, Monsieur [K] [J], entrepreneur individuel exerçant sous le nom commercial SB Menuiserie,
– pour le lot carrelage / faïence, la société Giboire carrelage,
– pour le lot électricité, la société Paulic rénovation service,

Les travaux ont commencé le 25 mars 2022.

Un procès-verbal de réception a été établi le 23 mars 2023 avec des réserves.

Les entreprises ne sont pas intervenues en reprise. De nouveaux désordres ont été dénoncés par M. et Mme [F] par courriers recommandés avec avis de réception.

Le 8 février 2024, a été organisée une réunion d’expertise amiable, en présence de la société Ann street architecture, portant notamment sur la non-conformité de la hauteur sous plafond de l’habitation. Aucun accord n’a cependant pu être trouvé.

Par actes de commissaire de justice du 22 mars 2024 , Monsieur et Madame [F] ont assigné en référé, devant le président du tribunal judiciaire de Rennes :
– la société Ann street architecture,
– Monsieur [K] [J], exerçant sous le nom commercial SB Menuiserie,
– la société CB IV,
– la société Elan bâtisseur,
– la société Giboire Carrelage et la société Paulic rénovation service, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, aux fins de :
– désigner un expert au bénéfice de la mission définie par l’assignation ;
– réserver les dépens.

A l’audience utile en date du 26 juin 2024, Monsieur et Madame [F], représentés par avocat, ont sollicité le bénéfice de leurs exploits introductifs d’instance. Ils se sont également rapportés à leurs conclusions par lesquelles ils se sont, notamment, désistés de leur demande formée à l’encontre des sociétés Giboire Carrelage et Elan bâtisseur.

Par conclusions reçues à cette audience, la société Ann street architecture, pareillement représentée, a formé toutes protestations et réserves d’usage quant à la demande formée contre elle.

Egalement représenté par avocat, M. [K] [J] s’y est lui opposé et il a sollicité la condamnation des époux [F] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement assignées par acte remis à personne habilitée, s’agissant des sociétés Elan bâtisseur et Giboire carrelage et par dépôt de l’acte à l’étude, en ce qui concerne les sociétés Constructions bois d’Ille et Rance et Paulic rénovation service, celles-ci n’ont pas comparu, ni ne se sont faites représenter.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures respectives soutenues oralement lors de l’audience de plaidoirie précitée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 472 du code de procédure civile dispose que :

« Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».

Sur le désistement partiel

Les articles 394, 395, 397, 398 et 399 du même code disposent eux que :

« Le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.
Le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur. Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.
Le désistement est exprès ou implicite ; il en est de même de l’acceptation.
Le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance.
Le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte ».

Il conviendra de déclarer parfait au dispositif de la présente décision le désistement de Monsieur et de Madame [F] de leur demande formée à l’encontre des sociétés Elan bâtisseur et Giboire Carrelage, celles-ci n’ayant en effet présenté aucune défense au fond.

Sur la demande d’expertise

En application de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé en référé. Le motif légitime exigé par cet article doit être constitué par un ou plusieurs faits précis, objectifs et vérifiables qui démontrent l’existence d’un litige plausible, crédible, bien qu’éventuel et futur dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins et sur lesquels pourrait influer le résultat de la mesure d’instruction à ordonner (Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 publié au Bulletin). L’action au fond ainsi envisagée ne doit, en outre, pas apparaître comme étant manifestement compromise (Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 publié au Bulletin).

En l’espèce, M. et Mme [F] sollicitent le prononcé d’une mesure d’expertise au contradictoire de la société Ann street architecture, de Monsieur [K] [J] ainsi que des sociétés CB IV et Paulic rénovation service dans la perspective d’une action au fond qu’ils ont l’intention d’intenter à leur encontre sur le fondement des garanties légales applicables, notamment celles de parfait achèvement, biennale, décennale ou, à défaut, toute garantie contractuelle.

La société Ann street architecture a formé les protestations et réserves d’usage quant à cette demande dirigée à son encontre, de sorte que les demandeurs démontrent disposer d’un motif légitime à voir ordonnée une mesure d’expertise à son contradictoire, comme énoncé au dispositif de la présente ordonnance et à leurs frais avancés.

Monsieur [K] [J] s’oppose à cette demande, au motif que M. et Mme [F] ne justifient par aucune de leurs pièces de la réalité des désordres et n’allèguent d’aucun fondement juridique susceptible de prospérer au fond.

Les demandeurs répliquent qu’ils ont bien allégué de fondements juridiques et qu’ils justifient par la transmission d’un rapport d’expertise la présence de désordres susceptibles d’engager la responsabilité de Monsieur [K] [J].

Par courrier recommandé du 21 mars 2024 (leur pièce n°8), M. et Mme [F] ont sollicité Monsieur [J] aux fins de reprise de fissures au titre de la garantie de parfait achèvement. Ce fondement juridique est, parmi d’autres, également évoqué dans leur acte introductif d’instance.
Il n’est pas discuté, de sorte qu’il n’apparaît pas manifestement compromis.

En outre, un rapport de constats techniques en date du 22 avril 2024 (pièce demandeurs n°11) relève la présence de fissures affectant les cloisonnements ou doublages en plaques de plâtre (page 18), lesquels ont été confiés à Monsieur [K] [J] (pièce demandeurs n°2).

Il en résulte que Monsieur et Madame [F] démontrent disposer d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile. Dès lors, il convient également d’ordonner la mesure d’expertise au contradictoire de Monsieur [J].

Les sociétés CB IV et Paulic rénovation service n’ont pas comparu, ni ne se sont faites représenter. Il convient dès lors de vérifier que la demande formée à leur encontre est régulière, recevable et bien fondée.

Les demandeurs justifient de la participation aux travaux litigieux de la société CB IV par la production du procès-verbal de réception de son ouvrage, avec réserves, en date du 23 mars 2023 (leur pièce n°4). Leur expert a, par ailleurs, dans son rapport précité du 22 avril 2024 relevé une absence de conformité des charpentes (page 24).

La participation de la société Paulic est justifiée par la production d’un devis en date du 27 avril 2022 (pièce demandeurs n°3). Par courrier recommandé en date du 6 mars 2024 (leur pièce n°5), les demandeurs ont mis en demeure cette société de résoudre le désordre lié à l’absence de clapet anti-retour de la VMC de la salle d’eau, lequel a toutefois été résolu en cours d’instance, de même que celui relatif au câble de mise à la terre (page 5 de leurs conclusions). Subsiste un défaut de positionnement, dans la salle d’eau, de l’extracteur des vapeurs d’eau (pièce demandeurs n°11, page 16).

Il en résulte que les demandeurs justifient d’un motif légitime à l’endroit de ces deux constructeurs, de sorte que l’expertise sera également ordonnée à leur contradictoire.

Sur les demandes annexes

L’article 491 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que le juge des référés « statue sur les dépens ».

Il est de jurisprudence constante que les parties défenderesses à une expertise ou à son extension, ordonnée sur le fondement de l’article 145 du même code, ne sauraient être regardées comme les parties perdantes au sens des dispositions des articles 696 et 700 dudit code.

En conséquence, les demandeurs conserveront provisoirement la charge des dépens.

La demande formée au titre des frais non compris dans les dépens par Monsieur [J], que l’équité ne commande pas de satisfaire, est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort :
Déclarons parfait le désistement de Monsieur et de Madame [F] à l’égard des sociétés Elan bâtisseur et Giboire carrelage ;
Ordonnons une expertise et désignons, pour y procéder, Monsieur [I] [G], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Rennes, domicilié [Adresse 6], à [Localité 17] (35) tél: [XXXXXXXX01], mèl: [Courriel 15], lequel aura pour mission de :
– se rendre sur place au [Adresse 8] à [Localité 16] (35), après avoir convoqué les parties par lettre recommandée avec accusé de réception, avis étant donné à leurs avocats éventuels ;
– entendre les parties et tous sachants ;
– se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
– décrire les travaux effectués et dire s’ils ont été réalisés suivant les règles de l’art et conformément aux documents contractuels ;
– vérifier la réalité des désordres, malfaçons, non façons invoqués dans l’assignation et ses annexes et, dans l’affirmative, les décrire ;
– en rechercher les causes et préciser, pour chacun d’entre eux, s’ils sont imputables à une erreur de conception, à un vice de construction, à un vice de matériaux, à une malfaçon dans la mise en œuvre, à une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou à quelqu’autre cause ; s’ils affectent l’un des éléments constitutifs de l’ouvrage ou l’un de ses éléments d’équipement en précisant, dans ce dernier cas, si les éléments d’équipement en question font ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ; s’ils constituent une simple défectuosité ou s’ils sont de nature à compromettre la solidité de l’immeuble ou à le rendre impropre à sa destination ;
– si la réception des travaux a été prononcée, préciser si elle a été accompagnée ou non de réserves et, dans l’affirmative, dire s’il y a eu des travaux de reprise et préciser si et quand les réserves ont été levées ;
– au cas où ils auraient été cachés, rechercher leur date d’apparition ;
– indiquer l’importance, la nature, le coût et la durée des travaux de remise en état et, s’il y a lieu, le montant de la moins value résultant de l’impossibilité de reprendre tout ou partie des désordres ;
– s’adjoindre en tant que de besoin le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine autre que le sien, conformément aux dispositions des articles 278 et suivants du code de procédure civile ;
– de manière générale, fournir tous éléments techniques et de fait et faire toutes constatations permettant à la juridiction, le cas échéant saisie, d’apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis ;
Fixons à la somme de 4 000 € (quatre mille euros) la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que Monsieur et Madame [F] devront consigner au moyen d’un chèque émis à l’ordre du régisseur du tribunal judiciaire de Rennes dans un délai de deux mois à compter de ce jour, faute de quoi la désignation de l’expert sera caduque ;
Disons que l’expert commencera ses opérations après avis de la consignation qui lui sera adressé par le greffe ;
Disons qu’à l’issue de la deuxième réunion, au plus tard, l’expert communiquera aux parties, s’il y a lieu, un état prévisionnel détaillé de l’ensemble de ses frais et honoraires et, en cas d’insuffisance manifeste de la provision allouée, demandera la consignation d’une provision supplémentaire ;
Disons que l’expert dressera un rapport de ses opérations qui sera déposé au greffe de ce tribunal dans un délai de huit mois à compter de l’avis de consignation ; qu’il aura, au préalable, transmis un pré-rapport aux parties et leur aura laissé un délai suffisant pour présenter leurs observations sous forme de dires auxquels l’expert sera tenu de répondre dans son rapport définitif ;
Désignons le magistrat en charge du service des expertises pour contrôler les opérations d’expertise et, en cas d’empêchement de l’expert, procéder d’office à son remplacement;
Laissons provisoirement la charge des dépens à Monsieur et Madame [F] ;
Rejetons toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière Le juge des référés


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