Jonction des instances et forclusion : ordonnance de provision sur désordres et responsabilités

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Jonction des instances et forclusion : ordonnance de provision sur désordres et responsabilités

Résumé de l’affaire

Mme [K] et M. [B] ont acquis une maison d’habitation avec des désordres en 2019, après la construction de la maison en 2010-2011. Ils ont obtenu une expertise judiciaire en 2019 et ont assigné plusieurs parties, dont les entreprises ayant réalisé les travaux et leurs assureurs, devant le tribunal judiciaire de Versailles pour obtenir des provisions pour les coûts de reprise des désordres. Les défendeurs ont soulevé des fins de non-recevoir et contesté la nature décennale des désordres. La société VERRE ALU MIROITERIE a été assignée en intervention forcée. L’affaire a été évoquée en juin 2024, avec des demandes maintenues par Mme [K] et M. [B] mais des demandes abandonnées contre la société ENERPUR. Les parties ont argumenté sur la forclusion des demandes, la responsabilité des entreprises intervenues sur le chantier, et les garanties des assureurs.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 août 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG
24/00353
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
09 AOUT 2024

N° RG 24/00353 – N° Portalis DB22-W-B7I-R4B4
Code NAC : 56C

DEMANDEURS

Madame [U] [K],
demeurant [Adresse 7]

Monsieur [R] [B],
demeurant [Adresse 7]

Représentés par Me Marie HEMOND, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 60

DEFENDEURS

VERRE ALU MIROITERIE, société à responsabilité limitée, inscrite au R.C.S VERSAILLES sous le n° 381 386 408, dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Delphine LAMADON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

AGENCEMENT GÉNÉRAL NÉGOCIATION CONSTRUCTIONS – AGN CONSTRUCTIONS, société à responsabilité limitée, inscrite au R.C.S VERSAILLES sous le n° 424 477 172, dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Jean-pierre ANTOINE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 5, avocat postulant et par Me Thierry LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 223, avocat plaidant,

SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS – SMABTP, société d’assurances mutuelles, inscrite au R.C.S PARIS sous le n° 775 684 764, dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Isabelle WALIGORA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 431

GAN ASSURANCES, société anonyme, inscrite au R.C.S PARIS sous le n° 542 063 797, dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège,
en qualité d’assureur de la société ENERPUR (contrat n°A07859 091 512 209),

Représentée par Me Stéphanie GAUTIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 38

Monsieur [V] [I] [A] [F]
né le 14 Octobre 1952 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 3]

Madame [P] [O] [A] [D] épouse [F]
née le 06 Juillet 1956 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 3]

Les deux représentés par Me Jean-pierre ANTOINE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 5, avocat postulant et par Me Thierry LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 223, avocat plaidant,

GENERALI IARD, société anonyme, inscrite au R.C.S PARIS sous le n° 552 062 663, dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Claire PRUVOST, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R085, Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667

***

Débats tenus à l’audience du : 11 Juin 2024

Nous, Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 11 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 26 juillet 2024, prorogée au 09 Août 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Mme [K] et M.[B] ont acquis de M. et Mme [F] une maison d’habitation située [Adresse 8] à [Localité 10].

La maison a été construite au cours des années 2010 et 2011 après obtention d’un permis de construire délivré le 3 février 2010.
Monsieur [F], exerçant la profession d’architecte, a assuré le suivi des travaux et leur coordination. La société AGNC, assurée au titre de la garantie décennale par la SMABTP, est intervenue pour la réalisation des travaux de terrassement, fondations, réseaux enterrés VRD au pourtour de la maison, gros-oeuvre, plancher, ravalement, plâtrerie, cloisonnement, menuiseries intérieures.
La société BOISANBIO’Z, assurée auprès de la SA GENERALI IARD, a exécuté les travaux d’ossature bois, de plancher/charpente, de revêtement extérieur, d’isolation/ revêtement intérieur et de menuiseries extérieures.

La société ENERPUR, assurée auprès de la SA GAN ASSURANCES, s’est chargée des travaux de voligeage, de fourniture et de pose de gouttière, de fourniture et de pose d’un larmier ventilé, de fourniture et de pose de feuilles à joint debout et de façonnage et de pose de bandes de rive.
La société TREBAT s’est occupée de la réalisation d’un complexe d’étanchéité y compris d’un isolant thermique sur toiture-terrasse accessible.

La société VERRE ALU MIROITERIE a assuré la fourniture et pose de la verrerie.

Aucun procès-verbal de réception n’a été dressé. La date de la réception n’est pas connue.

Au cours de l’année 2019, madame [K] et monsieur [B] ont constaté des désordres et obtenu du juge des référés de Versailles par ordonnance en date du 17 décembre 2019 la désignation de M. [L] en qualité d’expert. Il a déposé son rapport le 09 juin 2023.

Pa actes de commissaire de justice délivrés le 4 mars 2024, Mme [K] et M. [B] ont fait assigner M. et Mme [F], la SARL AGNC, la SMABTP, la SA GENERALI IARD, la SAS ENERPUR et la SA GAN ASSURANCES devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles. Ils lui demandent de condamner:
– solidairement la société AGNC et son assureur la SMABTP à leur verser une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres imputables à la société AGNC de 66 361,40 € HT,
valeur juin 2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement ;
– solidairement la société ENERPUR et son assureur la société GAN ASSURANCES à leur verser une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres imputables à la société ENERPUR de 10 736, 50 € HT, valeur juin 2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement;
– la société GENERALI à leur verser à une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres imputables à son assurée la société BOISAINBIO’Z HABITAT de 3714,16 € HT, valeur juin2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement ;
– solidairement Monsieur et Madame [F] à leur verser une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres qui leurs sont imputables de 40 023,52 € HT, valeur juin 2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement
– solidairement la société AGNC, la SMABTP, la société ENERPUR, la société GAN ASSURANCES, la société GENERALI IARD et Monsieur et Madame [F] à leur verser une provision de 33 616,63 € à valoir sur les frais financiers engagés incluant les frais d’expertise judiciaire ;
– solidairement la société AGNC, la SMABTP, la société ENERPUR, la société GAN ASSURANCES, la société GENERALI IARD et Monsieur et Madame [F] à leur verser une provision de 10.000 € à valoir sur le préjudice de jouissance subi et les frais de conseil engagés en cours d’expertise
– solidairement la société AGNC, la SMABTP, la société ENERPUR, la société GAN ASSURANCES, la société GENERALI IARD et Monsieur et Madame [F] à leur verser une somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code civil ainsi qu’aux entiers dépens.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 09 avril 2024, renvoyée à celle du 11 juin 2024.

Par acte de commissaire de justice délivré le 21 mai 2024, M. et Mme [F] ont fait assigner la SARL VERRE ALU MIROITERIE en intervention forcée.

Les affaires ont été évoquées ensemble à l’audience du 11 juin 2024.

A cette date, Mme [K] et M. [B] ont maintenu leurs demandes. Ils n’ont plus soutenu les demandes dirigées contre la société ENERPUR.

Pour s’opposer à la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action opposée par M. et Mme [F], ils ont fait valoir que le délai décennal était un délai de forclusion qui pouvait être interrompu et non suspendu, qu’en assignant dans le délai décennal ils avaient interrompu le délai de forclusion faisant courir un nouveau délai à compter de l’ordonnance de référé du 17 décembre 2019.
Au principal au soutien de leurs demandes de provisions ils ont fait valoir que les conclusions du rapport d’expertise étaient claires et les coûts de reprise précisément chiffrés par l’expert judiciaire sur la base des différents devis.

Au soutien de leurs prétentions dans leurs conclusions signifiées à l’ensemble des parties le 7 juin 2024 et auxquelles ils ont expressément renvoyé à l’audience et auquel la juridiction renvoie expressément, ils ont détaillé les conclusions du rapport de l’expert estimant qu’elles était claires et que leurs demandes provisionnelles n’allaient pas au-delà de ce qui avait été retenu par l’expert.

M. et Mm [F] ont soulevé une fin de non-recevoir tenant à la forclusion des demandes de Mme [J] et M. [B].
Subsidiairement, ils ont sollicité le rejet des demandes de Mme [K] et M. [B]. A titre subsidiaire ils ont demandé à bénéficier de la garantie des entreprises intervenues sur le chantier, chacune à hauteur des dommages qui les concernent, et la condamnation de Mme [K] et M. [B] au paiement d’une somme de 6.000 euros au titre de l’article 70 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs prétentions ils ont fait valoir que le délai de forclusion initial qui courait pour une durée de 10 années à compter de la prise de possession des lieux au mois d’avril 2011 avait été reporté pour environ un mois et demi soit au plus tard jusqu’au 20 juillet 2021 de sorte que les demandeurs était forclos en agissant le 4 mars 2024.
Au principal ils ont fait valoir que leurs demandes se heurtaient à des contestations sérieuses en raison de l’insuffisance du rapport d’expertise à établir la réalité des désordres et leur nature décennale.
Ils ont soutenu que les fuites aux droits de la verrerie relevaient de la responsabilité de la SARL VERRE ALU MIROIRERIE qui ne justifiait pas les avoir mis en garde sur le risque d’infiltrations de sorte qu’elle devrait les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre.
Ils ont soutenu que le désordre relatif aux infiltrations sur la toiture n’avait pas une nature décennale et qu’à titre subsidiaire ils étaient fondés à obtenir la garantie de la société ENERPUR.
Ils ont fait valoir que la nature du désordre relatif aux fissures aux droits du parement intérieur des rampants n’était pas caractérisé, qu’il pouvait avoir pour origine le mouvement naturel du bâtiment de sorte que la demande se heurtait à une contestation sérieuse. Ils ont expliqué qu’en tout état de cause la garantie des sociétés BOISAIN BIO’Z HABITAT et ENERPUR devait leur être acquise.
S’agissant des infiltrations en sous-sol ils ont fait valoir que l’expert n’avait constaté que des stigmates et pas de désordres, que seule une infiltration par débordement s’était produite de manière ponctuelle le jour d’un important orage, qu’en l’absence de désordres l’ouvrage n’était pas compromis dans sa solidité ou rendu impropre à sa destination.

Ils ont fait valoir que l’expert ne relevait aucun désordre s’agissant de la maçonnerie de la terrasse si ce n’est des traces de calcite, qu’il n’avait pas constaté l’absence d’une couche drainante mais s’était référé au rapport établi par la société CIVILIS EXPERTISE. Les défendeurs ont indiqué que les travaux concernant l’isolation extérieure avaient été réalisés par la société BOISIANBIO’Z HABITAT, que l’expert n’avait pas caractérisé le caractère décennal du désordre. A titre subsidiaire ils ont indiqué devoir être garantis par la société BOISAIN BIO’Z HABITAT.
Ils ont affirment s’agissant des les dalles du parking extérieur que l’expert n’avait pas constaté lui-même les désordres, qu’ils relevaient du défaut d’entretien du propriétaire.
Ils font valoir que l’expert ne caractérise pas non plus le caractère décennal du désordre relatif à l’absence d’isolant et ont souligné le caractère majeur de l’intervention de la société BOISAIN BIO’Z HABITAT.

La société AGNC a soulevé une fin de non-recevoir tenant à la forclusion des demandes de Mme [J] et M. [B].
Subsidiairement, elle a sollicité le rejet des demandes de Mme [K] et M. [B]. A titre subsidiaire elle a demandé à bénéficier de la garantie de son assureur la SMABTP et subsidiairement la condamnation de Mme [K] et M. [B] au paiement d’une somme de 6.000 euros au titre de l’article 70 du code de procédure civile.
A l’appui de sa fin de non-recevoir elle a fait valoir les mêmes moyens que M. e Mme [F]. Au principal elle a soulevé l’existence de contestations en raison de l’absence de caractérisation des désordres par l’expert.

La SMABTP a demandé la limitation de sa condamnation aux chefs de demande concernant les infiltrations (51.719,40 euros) et infrastructures du carport (5.400 euros) ainsi que la réduction de la demande relative aux frais irrépétibles à de plus justes proportions et le rejet de la demande relative aux dépens correspondant aux frais d’expertise judiciaire.

Au soutien de ses prétentions elle a contesté la responsabilité de la société AGNC pour les désordres 6 et 8 et fait valoir que l’expert ne relevait aucun désordre de nature décennale mais seulement des défauts esthétiques. Elle a fait valoir que l’expert concluait que les atteintes à la solidité pourraient survenir à terme seulement de sorte qu’il ne s’agissait pas de désordres de nature décennale.
Il a fait valoir que le juge des référés ne pouvait se prononcer sur une demande relative à un préjudice de jouissance qui supposait d’interpréter au fond le contrat d’assurance.

La SA GENERALI IARD a demandé à titre principal le rejet des demandes des consorts [K] -[B] et subsidiairement la condamnation de M. et Mme [F] à relever et garantir la compagnie GENERALI au titre du désordre relatif à l’absence de protection de l’isolant mural extérieur.

Elle s’est opposée aux appels en garantie formulés à son encontre et a demandé la condamnation in solidum de M. et Mme [F], la société ENERPUR, le GAN, la SMABTP et de la société GAN CONSTRUCTION à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Elle a demandé que chaque partie supporte la charge des condamnations au titre des préjudices immatériels, frais, dépens intérêts et article 700 à proportion de ses parts dans le coût des travaux réparatoires. Enfin elle demandé au juge de juger qu’elle pourrait opposer ses limites de garantie notamment sur les préjudices immatériels dont la franchise est opposable erga omnes et la condamnation des demandeurs au paiement d’une somme au de 2.00à euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions elle a fait valoir que les demandes des consorts [W] se heurtaient à des contestations sérieuses concernant la qualification du désordre tenant à l’absence de protection de l’isolant mural extérieur qui relevait d’une potentielle non conformité contractuelle et non d’un désordre de nature décennale
Elle a fait valoir que les demandeurs présentaient avoir exposé des frais dont la nature était totalement différente puisqu’il s’agissait de frais de conseil technique, de dépens de remise en état et d’investigations. Elle a contesté la responsabilité de la société BOISAINBIO’Z HABITAT dans le préjudice de jouissance évoqué par les demandeurs.

La SARL VERRE ALU MIROITERIE a demandé le rejet des demandes dirigées à son encontre et la condamnation des époux [F] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle a fait valoir qu’aux termes d’un protocole d’accord du 31 janvier 2024 la société AXA avait indemnisé les demandeurs à hauteur de 10.567,73 euros se décomposant comme suit :
5.940 euros correspondant à 90 % des frais de reprise de la verrière2.412 euros correspondant à 90% des frais de remise en état de la buanderie et 2.215,73 euros correspondant à 5 ,08 % des autres frais en contrepartie du renoncement à toute réclamation relative aux travaux de la société VERRA ALU MIROITERIE
La société ENERPUR et la société GAN ASSURANCES n’étaient pas représentées.

MOTIFS

Sur la jonction des instances

Il convient d’ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 24/720 et 24/353 ;

Sur la forclusion

Les demandes de Mme [K] et M. [B] sont fondées sur les articles 1792 et 172-1 du code civil.
Le délai d’action du maître de l’ouvrage se prescrit par dix ans. Le délai est un délai de forclusion qui peut seulement être interrompu.
L’assignation en référé du 31 octobre 2019 a emporté l’interruption du délai de forclusion. Un nouveau délai de dix ans a commencé à courir au prononcé de l’ordonnance le 17 décembre 2019. Dès lors les demandeurs n’étaient pas forclos lorsqu’ils ont délivré leur assignation en mars 2024.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur les demandes de provisions

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le Président du Tribunal judiciaire peut, « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » , « accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire » ;

L’article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendent impropre à sa destination.

Sur la demande de provision formée contre AGNC et la SMABTP

Au titre des infiltrations dans le sous-sol :

En l’espèce la contestation soulevée par la société AGNC ne peut être qualifiée de sérieuse dès lors que l’expert relève que les arrivées d’eau à l’intérieur du local technique le rendent impropre à l’usage et en tout cas diminuent l’usage du fait des inondations et des risques d’endommagement du matériel et des denrées qui s’y trouvent (page 30). Il attribue le désordre à un réseau d’eau pluviale sinistré dans son ensemble et présentant d’importantes malfaçons conduisant à des dépôts de matériaux et de boue.
Il caractérise donc les désordres et leur nature décennale. La responsabilité en est imputée de manière claire à la société AGNC à hauteur de 90%/

Il sera donc fait droit à la demande de provision à hauteur de 51.719,40 euros HT (soit 90% de la somme totale 57.466 euros).

Au titre des maçonneries des terrasses :

S’agissant des désordres structurels de la terrasse, la SMABTP soulève deux contestations sérieuses tenant au fait que l’expert ne relève aucun désordre de nature décennale et que la société AGNC n’a exécuté que la dalle support et les acrotères.
Force est de constater que l’expert ne fait état que d’un risque de voir les dégradations se poursuivre ;
L’obligation de la société AGNC et de la SMBTP ne présente pas un caractère non sérieusement contestable la demande sera rejetée.

Au titre de la dalle du parking extérieur :

L’expert relève « il ne fait aucun doute que les insuffisances de la dalle d’accès au craport proviennent de malfaçons imputables à l’entreprise de gros-œuvre, malfaçons génératrices de désordres et présentant un danger en cas de maintien des dispositions actuelles ». Il conclut que la solidité est affectée, établie par les visites réalisées en sous face de l’élément structurel.
La contestation relative à l’absence de constat des désordres ou à leur nature n’est donc pas sérieuse.

Le remplacement de la canalisation s’imposant au regard des travaux de reprise nécessaires. La contestation relative à l’absence de liens entre la canalisation qualifiée d’artefact et les désordres n’est pas sérieuse.
Il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de 6.480 euros (soit 90% de la somme totale de 7.200 euros).

La société AGNC et la SMABTP seront condamnés solidairement au paiement d’une provision de 58.199,40 euros aux demandeurs.

Sur la demande de provision formée contre la société GAN ASSURANCE au titre des désordres

L’expert impute les infiltrations d’eau au niveau de la toiture et les fissurations des rampants à la société ENERPUR à hauteur de 90 % Il caractérise les désordres et leur nature décennale. S’agissant des infiltrations d’eau au niveau de la toiture, il relève « S’agissant de la cause du désordre, l’intervention de la société ETAT9 au cours de la visite du 26 octobre 201 permet de mettre en évidence un défaut de soudure derrière le conduit en émergence du plan de couverture. L’eau s’y infiltre, atteint le complexe de la sous-couverture, rejoint le placoplâtre et coule à l’intérieur du séjour par la perforation du rampant. »Il conclut à une atteinte à l’habitabilité.

S’agissant de la fissuration des rampants il relève « s’agissant de l’origine du dommage, nous considérons que les passages d’eau depuis la souche de cheminée et potentiellement les accumulations de neige évoquées par M. et Mme [F] ont contribué à humidifier la sous-face de la couverture entraînant des phénomènes alternatifs de dessication en humidification des plâtres ».

Il n’est pas sérieusement contestable comme le soutiennent les demandeurs que ces infiltrations sont la cause directe d’un désordre de nature décennale.

Compte tenu du chiffrage retenu par l’expert et du taux de responsabilité de la société ENERPUR (90%) la provision mise à la charge de GAN ASSURANCES sera de 10.736,50 euros.

Sur la demande de provision formée contre la SA GENERALI

M. [L] relève que l’absence d’isolant mural affecte la solidité du bardage et qu’il relève de la responsabilité de la société BOISANBIO’Z HABITAT à hauteur de 90 %. La contestation soulevée par la SA GENERALI sur le caractère hypothétique du dommage en raison de l’emploi des mots « risque à terme » et « peut conduire » par l’expert n’est pas sérieuse. Le risque est en effet suffisamment caractérisé pour retenir l’existence d’une atteinte future mais non hypothétique à la solidité de la construction.

Compte tenu du chiffrage retenu par l’expert et de la part de responsabilité retenue par l’expert il sera fait droit à la demande de provision à hauteur de 3.714,16 euros.

Sur la demande de provision dirigée contre M. et Mme [F]

En leur qualité de maitre d’ouvrage et maitre d’œuvre, l’expert retient la responsabilité des défendeurs à hauteur de 10% dans la fuite au droit de la verrière, l’infiltration à partir de la toiture dans le salon la fissuration au droit du parement des rampants et la maçonnerie de la terrasse.

Il a été précédemment relevé que ni les contestations relatives à l’existence des désordres ni celles relatives à leur nature décennale n’apparaissent sérieuses au vu des conclusions du rapport d’expertise à l’exception de la contestation relative à la maçonnerie des terrasses également soulevée par la SMABTP.
Dès lors les demandes de provisions formées à l’encontre de M. et Mme [F] correspondant à 10 % du montant des travaux de reprise au regard de leur part de responsabilité n’apparaissent pas sérieusement contestables. Il sera fait droit à la demande provisionnelle à hauteur de 793 pour la fuite au droit de la verrière, 562,94 euros au titre de l’infiltration à partir de la toiture dans le salon, 630 euros au titre de la fissuration du parement intérieur des rampants, 5.746,60 euros au titre de l’infiltration au sous-sol, 720 euros au titre de l’instabilité de la dalle du parking extérieur et 412,68 euros au titre de l’absence d’isolant mural ( soit un total de 8.865,22 euros).

En revanche M. et Mme [F] soulèvent une contestation sérieuse quant à leur responsabilité unique dans le désordre relatif à l’isolation extérieure du rez-de-jardin en produisant la facture BOISAINBIO’Z HABITAT du 15 novembre 2011 laissant penser que les travaux ont été réalisés par cette dernière. La demande sera rejetée.

Sur les demandes provisionnelles à valoir sur les frais financiers

Mme [K] et M. [B] ont justifié des frais financiers engagés au cours des opérations d’expertise qui s’élèvent à la somme de 13.625,54 euros.
Il est constant également que les frais d’expertise leur ont coûté la somme de 19.991,09 euros,
Au vu de ces éléments ils sont fondés à solliciter la condamnation in solidum de l‘ensemble des défendeurs à leur régler une provision de 33.616,63 euros TTC.

Sur les demandes au titre du préjudice de jouissance et des frais d’avocat en cours d’expertise

Cette demande est formée solidairement contre M. et Mme [F] et l’ensemble des assureurs. L’indemnisation du préjudice de jouissance suppose une interprétation des contrats d’assurance qui excède la compétence du juge des référés. En outre aucune pièce n’est produite à l’appui du quantum réclamé. La demande se heurte à une condamnation sérieuse. Elle sera rejetée.

Sur les demandes d’appels en garantie

Ces demandes excèdent la compétence du juge des référés et relèvent du fond. Il sera dit n’y avoir lieu à référé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité et la situation économique des parties commandent l’application de l’article 700 du code de procédure civile ; Il y a lieu de condamner in solidum les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les défendeurs seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Nous, Charlotte Masquart, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort,

ORDONNONS la jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 24/720 et 24/353 ;

CONDAMNONS solidairement la société AGNC et son assureur la SMABTP à verser à Mme [K] et M. [B] une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres imputables à la société AGNC de 58.199,40 € HT, valeur juin 2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement ;

CONDAMNONS la société GAN ASSURANCES à verser à Mme [K] et M. [B] une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres imputables à la société ENERPUR de 10 736, 50 € HT, valeur juin 2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement ;

CONDAMNONS la société GENERALI à verser à Mme [K] et M. [B] une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres imputables à son assurée la société BOISAINBIO’Z HABITAT de 3714,16 € HT, valeur juin2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement ;

CONDAMNONS solidairement Monsieur et Madame [F] à verser à à Mme [K] et M. [B] une provision à valoir sur les coûts de reprise des désordres qui leurs sont imputables de 8.865,22 HT, valeur juin 2023, actualisée en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction à la date du paiement ;

CONDAMNONS solidairement la société AGNC, la SMABTP, la société GAN ASSURANCES, la société GENERALI IARD et Monsieur et Madame [F] à verser à Mme [K] et M. [B] une provision de 33 616,63 € à valoir sur les frais financiers engagés incluant les frais d’expertise judiciaire ;

DISONS n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes

CONDAMNONS in solidum la société AGNC, la SMABTP,la société GAN ASSURANCES, la société GENERALI IARD et Monsieur et Madame [F] à verser à Mme [K] et M. [B] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS in solidum la société AGNC, la SMABTP,la société GAN ASSURANCES, la société GENERALI IARD et Monsieur et Madame [F] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition au greffe le NEUF AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE par Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

LA GREFFIÈRE LA VICE-PRÉSIDENTE
Elodie NINEL Charlotte MASQUART


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