Expertise légitime sur un litige relatif à un diagnostic de performance énergétique

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Expertise légitime sur un litige relatif à un diagnostic de performance énergétique

Résumé de l’affaire

Les époux W ont acquis une maison d’habitation en juillet 2023, mais ont découvert après emménagement que le diagnostic de performance énergétique (DPE) réalisé avant la vente était erroné, ainsi que l’état de la toiture nécessitant des travaux importants. Ils ont donc assigné en référé expertise la société de diagnostic, ainsi que les vendeurs, soutenant que ces derniers avaient dissimulé l’état réel de la maison. En défense, les vendeurs ont nié toute mauvaise foi et ont affirmé que les travaux avaient été réalisés avant la vente. La décision du tribunal est en attente.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 août 2024
Tribunal judiciaire de Versailles
RG
24/00563
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
09 AOUT 2024

N° RG 24/00563 – N° Portalis DB22-W-B7I-R7M3
Code NAC : 50D

DEMANDEURS

Monsieur [A] [W]
né le 06 Septembre 1982 à [Localité 14],
demeurant [Adresse 3]

Madame [U] [G] épouse [W]
née le 23 Janvier 1984 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 3]

Représentés par Me Delphine BOGAERT-LENNE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 112, avocat postulant et par Me Françoise MALEMPRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 135, avocat plaidant,

DEFENDEURS

SEDI, société à responsabilité limitée, immatriculé au RCS de VERSAILLES sous le n° 451 910 590, dont le siège social est situé [Adresse 6], représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Emilie PLANCHE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 456, avocat postulant et par Me Lucile JOURNEAU-PRIGENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0184, avocat plaidant,

Monsieur [C] [H]
né le 25 Juillet 1953 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 7]

Représenté par Me Sophie MARTIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 58

Madame [L] [Z] épouse [H]
née le 03 Mars 1961 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Marc BRESDIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : T003

***

Débats tenus à l’audience du : 11 Juin 2024

Nous, Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 11 Juin 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 26 juillet 2024, prorogée au 09 Août 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié reçu par Maître [P], notaire à [Localité 12] le 18 juillet 2023, M. [A] [W] et son épouse, Mme [U] [G] (ci-après dénommés les époux [W]), ont acquis de M. [C] [H] et Mme [L] [Z] une maison d’habitation située [Adresse 3] [Localité 1] au prix de 510.000 euros.

Le DPE réalisé le 15 décembre 2022 par la SARL SEDI mentionnait une performance énergétique classée D pour une surface habitable de 277 mètres carrés et des frais d’énergie estimés entre 3.790 et 5.060 euros.

Après leur emménagement les époux [W] ont fait réaliser un nouveau DPE par la société SDI, lequel a retenu une performance classée F pour une surface habitable de 223 mètres carrés, et des frais annuels d’énergie compris entre 5.240 euros et 7.130 euros.

Ils ont également fait appel à la société JCK Charpente pour la rénovation des lucarnes de bois de leur bien, laquelle a mentionné dans son devis que l’état général de la couverture ne permettait pas de réaliser l’intervention sans que la couverture ne soit refaite à neuf en raison du délitement des tuiles.

Par actes de commissaire de justice délivrés le 09 avril 2024, M. et Mme [W] ont fait assigner la SARL SEDI, diagnostiqueur, et M. et Mme [H] en référé expertise devant le tribunal judiciaire de Versailles.

L’affaire a été examinée à l’audience du 11 juin 2024.

A cette date, M. et Mme [W] ont maintenu leurs demandes.
Au soutien de leurs prétentions, ils ont fait valoir qu’avant la vente M. [H] et Mme [Z] avaient fait réaliser des travaux d’isolation des combles aménagées et poser des volets roulants et survitrages, qu’ils connaissaient parfaitement l’état de la maison et que ces travaux leur avaient permis de dissimuler son état réel. Ils ont expliqué que le diagnostiqueur était l’époux de la responsable de l’agence immobilière en charge de la vente.

En défense, M. [H] a sollicité à titre principal le rejet de la demande d’expertise.
A titre subsidiaire il a formé protestations et réserves.
Il a demandé la condamnation des époux [W] aux dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions il a fait valoir que les acquéreurs avaient accepté la clause d’exonération de responsabilité des vendeurs et que la preuve de sa mauvaise foi n’était pas rapportée. Il a expliqué que le diagnostic avait été réalisé avant le mandat de vente donné à l’agence BSK IMMOBILIER.
M. [H] a soutenu que la diagnostic établi par la SARL SEDI était cohérent avec un diagnostic réalisé en 2014, que les travaux entrepris sur le bien l’avaient été en 2016 et 2017 et non concomitamment à la vente.
Affirmant que le DPE produit par les demandeurs était entaché d’erreurs, il a soutenu que le studio devait être intégré à la surface habitable et que leurs factures de consommation énergétiques étaient conformes aux estimations de DPE de la SARL SEDI.
S’agissant de l’état des lucarnes et de la toiture, il a fait valoir que les acquéreurs aveint eu tout loisir de visiter le bien, que les lucarnes en bois et la toiture étaient visibles lors des visites.
Il a expliqué que sa responsabilité ne saurait être mise en cause et qu’en conséquence les demandeurs étaient dépourvus de motif légitime à solliciter une mesure d’expertise.

Mme [L] [Z] a sollicité le rejet de la demande d’expertise.
A titre subsidiaire elle a formé protestations et réserves et demandé que la mission de l’expert soit complétée du chef de mission suivant : « déterminer le caractère apparent ou caché des désordres au moment de la vente intervenue le 18 juillet 2023 ». Elle a demandé la condamnation des demandeurs aux dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions Mme [Z] a développé les mêmes moyens que M. [H] tenant à l’absence de motifs légitimes à la demande d’expertise.

La SARL SEDI a demandé le rejet de la demande d’expertise et la condamnation des demandeurs aux dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions elle a fait valoir qu’elle n’avait pas été informée de travaux récents lors de la réalisation du diagnostic, que ce dernier reposait sur un diagnostic réalisé en 2014, une attestation de superficie réalisée en 2014 et les déclarations des vendeurs.
Elle a soutenu que le diagnostic présenté par les époux [W] était erroné et modifiait artificiellement la surface habitable.

La décision a été mise en délibéré au 26 juillet 2024, prorogée au 09 août 2024.

MOTIFS

Sur la demande d’expertise

L’article 143 du code de procédure civile dispose que « Les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 232 du code de procédure civile ajoute que « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert la lumière d’un technicien. »

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. ».

Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte, la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel. Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, et présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ; elle doit être pertinente et utile.

Si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir l’existence des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

En l’espèce, la mesure demandée est légalement admissible ;

Le litige potentiel a un objet et un fondement suffisamment caractérisés ;

Les demandeurs produisent au soutien de leurs affirmations un diagnostic du bien retenant une performance énergétique bien moindre que celui réalisé par la SARL SEDI lors de la vente. Il constitue un commencement de preuve rendant légitime la demande d’expertise. Les moyens développés en défense sont en réalité des moyens de défense au fond qui devront être débattus dans le cadre des opérations d’expertise qui auront précisément pour objet de déterminer si le diagnostic de la SARL SEDI est erroné .et d’un éventuel procès au fond.

La prétention des demandeurs n’est pas manifestement vouée à l’échec ;

Il y a donc lieu d’y faire droit, dans les conditions détaillées dans le dispositif.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité et la situation économique des parties ne commandent pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront à la charge des demandeurs.

PAR CES MOTIFS

Nous, Charlotte Masquart, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Versailles, statuant par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Vu l’ article 145 du code de procédure civile,

ORDONNONS une expertise,

COMMETTONS pour y procéder :

M. [R] [B]
SARL VIARIS CONSULT [Adresse 4]
[Localité 8]
Port. : [XXXXXXXX02]
Mail : [Courriel 9]

inscrit sur la liste de la Cour d’appel, avec mission de :

* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

* se faire remettre toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

* se rendre sur les lieux et en faire la description,

* relever et décrire les désordres allégués et vérifier les repérages et mesures ayant conduit à l’établissement du dossier de diagnostic de performance de la SARL SEDI et dire si il est erroné,

* établir un nouveau dossier de performance énergétique, de manière contradictoire,

*Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer, s’il y a lieu, les préjudices subis,

* déterminer le caractère apparent ou caché des désordres allégués sur la toiture au moment de la vente intervenue le 18 juillet 2023 

*Indiquer et évaluer le coût des travaux nécessaires pour rendre conforme l’état de la maison avec les informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique erroné sur la base duquel est intervenue la vente ;

*en cas d’urgence reconnue par l’expert autoriser les demandeurs à faire exécuter aux frais avancés de qui il appartiendra les travaux estimés indispensables ;

* préciser et évaluer les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons et inachèvements et par les solutions possibles pour y remédier,

* rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties,

* mettre, en temps utile, au terme des opérations d’expertise, par le dépôt d’un pré-rapport, les parties en mesure de faire valoir, dans le délai qu’il leur fixera, leurs observations qui seront annexées au rapport,

DISONS que l’expert pourra, si besoin est, se faire assister de tout sapiteur de son choix,

FIXONS à 3000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, qui sera versé par le demandeur, au plus tard le 30 septembre 2024, entre les mains du régisseur d’avance de recettes de cette juridiction,

IMPARTISSONS à l’expert, pour le dépôt du rapport d’expertise, un délai de 6 mois à compter de l’avertissement qui lui sera donné par le greffe du versement de la provision,

DISONS qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert, il sera procédé à son remplacement par le magistrat chargé du contrôle des expertises qui est par ailleurs chargé de la surveillance des opérations d’expertise,

DISONS n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DISONS que les dépens seront à la charge de M. et Mme [W].

Prononcé par mise à disposition au greffe le NEUF AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE par Charlotte MASQUART, Vice-Présidente, assistée de Elodie NINEL, Greffière placée, lesquelles ont signé la minute de la présente décision.

LA GREFFIÈRE LA VICE-PRÉSIDENTE
Elodie NINEL Charlotte MASQUART


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