Mission d’expertise et demande de provision ad litem dans un litige de construction

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Mission d’expertise et demande de provision ad litem dans un litige de construction

Résumé de l’affaire

Monsieur [D] [B] et Madame [P] ont confié la construction de leur maison à la SAS BATI CONCEPT pour 282 000 euros, mais ont constaté de nombreuses malfaçons non résolues. Ils ont donc assigné la société en référé pour obtenir une expertise et une provision de 6 000 euros pour frais. La SAS BATI CONCEPT a contesté la demande de provision et a demandé que l’expertise porte sur le compte entre les parties. La juge des référés a pris acte des demandes des deux parties et a mis l’affaire en délibéré.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 août 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
24/00666
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référés expertises
N° RG 24/00666 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YGZU
SL/CG

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 06 AOUT 2024

DEMANDEURS :

M. [D] [B]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté par Me Louise BARGIBANT, avocat au barreau de LILLE

Mme [P] [B]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Louise BARGIBANT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.A.S. BATI CONCEPT
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Claire TITRAN, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Carine GILLET, Première vice-présidente, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Valérie DELEU lors des débats et Sébastien LESAGE lors de la mise à disposition

DÉBATS à l’audience publique du 02 Juillet 2024

ORDONNANCE du 06 Août 2024

LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

Monsieur [D] [B] et Madame [P] son épouse née [Y], propriétaires d’un terrain situé [Adresse 3] à [Localité 7] (59), ont confié suivant contrat du 23 août 2021, la construction de leur maison à la SAS BATI CONCEPT moyennant la somme de 282 000 euros.

Exposant avoir constaté dans la construction de nombreuses malfaçons qui n’ont pas été résolues, Monsieur [D] [B] et Madame [P] [B] ont par acte du 12 avril 2024, fait assigner la SAS BATI CONCEPT devant le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant en référé, aux fins de, outre la désignation d’un expert, au visa des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile :
-Condamner la Société BATI CONCEPT à verser à titre de provision à Monsieur [D] [B] et Madame [P] [B] la somme de 6.000 euros pour frais de procédure et d’expertise,
-Réserver les dépens,
-Condamner la Société BATI CONCEPT, en cas de recouvrement forcé des condamnations mises à sa charge par la décision à intervenir, au paiement du droit proportionnel de l’huissier en application de l’article 10 du décret n°96-1080 du 12/12/1996 modifié par le décret n°2011-212 en date du 08 mars 2001.

L’affaire a été appelée à l’audience du 18 juin 2024 et renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 2 juillet 2024.

Monsieur [D] [B] et Madame [P] [B], représentés par leur avocat, sollicitent le bénéfice de leur exploit introductif d’instance.

Aux termes de ses conclusions, la SAS BATI CONCEPT, représentée par son avocat, demande au président du tribunal judiciaire, statuant en référé, de :
Vu les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile,
-Prendre acte des protestations et réserves d’usage de la société BATI CONCEPT sur la demande de désignation d’expert sollicitée par Monsieur et Madame [B].
-Dire et Juger que l’expert qui sera désigné aura pour mission de donner son avis sur le compte entre les parties.
-Débouter les consorts [B] de leur demande de condamnation de la société BATI CONCEPT au versement d’une somme de 6.000 euros pour frais de procédure et d’expertise comme s’opposant à l’existence de difficultés réelles et sérieuses.
-Statuer ce que ce droit sur les dépens.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

La présente décision, susceptible d’appel, est contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’expertise

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Il suffit qu’un procès futur soit possible, qu’il ait un objet et un fondement suffisamment déterminé, que le demandeur produise des éléments rendant crédibles ses suppositions, sans qu’il n’y ait lieu à exiger un commencement de preuve des faits invoqués, que l’expertise est justement destinée à établir; que sa solution puisse dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, que celle-ci ne soit pas vouée à l’échec en raison d’un obstacle de fait ou de droit et ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

L’existence de contestations, même sérieuses, ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, l’application de ce texte n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

La SAS BATI CONCEPT formule les protestations et réserves d’usage à la demande d’expertise.

Les pièces produites aux débats et notamment les rapports d’expertise du 19 novembre 2023 réalisé par Monsieur [V] et du 6 février 2024 effectué par Monsieur [K] (pièces n°6 et 9 demandeurs) rendent vraisemblables l’existence des désordres invoqués concernant la construction de la maison, de sorte que les époux [B] justifient d’un motif légitime pour obtenir la désignation d’un expert en vue d’établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

En conséquence, et sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux fautes éventuelles, aux responsabilités encourues, et aux garanties mobilisables, dont l’appréciation relève du fond, il sera fait droit à la demande d’expertise suivant les modalités fixées à la présente ordonnance.

La détermination de la mission de l’expert relève de l’appréciation du juge, conformément aux dispositions de l’article 265 du code de procédure civile.

Sur la demande de provision ad litem

Les époux [B] sollicitent la condamnation de la SAS BATI CONCEPT au paiement de la somme de 6000 euros de provision ad litem.

L’allocation en référé d’une provision à charge de l’adversaire pour couvrir les frais d’instance d’une partie et d’expertise et lui permettre la mise en œuvre de l’action judiciaire, est envisageable, sous réserve de la nécessité de la mesure d’instruction sollicitée mais également de la démonstration de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, fondant l’obligation au fond.

En l’occurrence, la mesure d’instruction qui a été précédemment ordonnée a précisément pour objet de déterminer la réalité des désordres allégués et permettre d’envisager les responsabilités encourues, de sorte qu’il ne peut être considéré à ce stade que la SAS BATI CONCEPT, en sa qualité de maître d’œuvre de l’immeuble litigieux, a une obligation non sérieusement contestable fondant l’obligation au fond, à l’égard des demandeurs, de telle sorte que la demande de provision ad litem ne peut être accueillie.

Dans ces conditions, il ne saurait y avoir lieu à référé sur la demande.

Sur les dépens

Le juge des référés a l’obligation de statuer sur les dépens en application des dispositions de l’article 491 du code de procédure civile. Il ne saurait donc réserver les dépens comme sollicité par les époux [B].

Monsieur [D] [B] et Madame [P] [B] dans l’intérêt et à la demande desquels la mesure d’instruction est ordonnée en avanceront les frais et supporteront les dépens de la présente instance.

Sur les honoraires proportionnels

L’article A444-32 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, en matière de droit de recouvrement, n’a pas vocation à s’appliquer, en l’absence de condamnation à paiement d’une créance à recouvrer.

Sur l’exécution provisoire

La présente décision, susceptible d’appel est exécutoire par provision, en application des dispositions des articles 484, 514 et 514-1, alinéa 3, du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort ;

Renvoyons les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;

Par provision, tous moyens des parties étant réservés ;

Ordonnons une expertise et Désignons en qualité d’expert :

Mme [I] [N] [T]
[Adresse 6]
[Localité 4]

expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de DOUAI, lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,

avec mission de :
– se rendre sur les lieux dans l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 7] (59), après y avoir convoqué les parties,
– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission;
– examiner les défauts, malfaçons, non-façons, non-conformités allégués dans l’assignation; Les décrire en indiquer l’origine, l’étendue, la nature, l’importance, la date d’apparition, selon toute modalité technique que l’expert estimera nécessaire; en rechercher la ou les causes et déterminer à quels intervenants, ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables et dans quelles proportions;
– dire si les travaux contestés ont été réalisés conformément aux documents contractuels et conformément aux règles de l’art;
– pour chacun des désordres, indiquer les conséquences quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu, ou quant à la conformité à sa destination ou si, affectant l’ouvrage dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, ils le rendent impropres à sa destination;
– décrire les travaux de reprise et procéder à un chiffrage desdits travaux,
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état;
– dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en découle, soit pour prévenir les dommages à la personne ou aux biens; Dans l’affirmative, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire, dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible;
– fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;
– donner son avis sur les comptes entre les parties ;

Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :
– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils,
– recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;
– se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
– définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
→ en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,
→ en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, sur le fondement de l’article 280 du code de procédure civile, et dont l’affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l’article 269 du même code ;
→ en fixant aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées ;
→ en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
– adresser aux parties au terme de ses opérations, un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport) et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable :
→ fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
→ rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.

Fixons à la somme de 3000 euros (trois mille euros), le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse, à la Régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de LILLE avant le 30 septembre 2024 ;

Disons que faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile ;

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport et en copie sous forme d’un fichier PDF, enregistré sur une clef USB, au Greffe du Tribunal Judiciaire de LILLE, Service du Contrôle des expertises, [Adresse 2], dans le délai de six mois, à compter de la consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du Contrôle ;

Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises de ce tribunal, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de Monsieur [D] [B] et Madame [P] [B] de provision ad litem ;

Laissons à la charge de Monsieur [D] [B] et Madame [P] [B], les dépens de la présente instance,

Disons n’y avoir lieu à statuer sur les frais de recouvrement proportionnels,

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La présente ordonnance a été signée par la juge et le greffier.

LE GREFFIER LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Carine GILLET


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