Demande d’expertise pour déterminer les responsabilités liées aux désordres dans une maison

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Demande d’expertise pour déterminer les responsabilités liées aux désordres dans une maison

Résumé de l’affaire

Madame [H] [V] a acquis un immeuble auprès de Monsieur [R] [U] mais a constaté des malfaçons dans la maison. Elle a donc fait assigner Monsieur [R] [U] devant le tribunal judiciaire de LILLE en référé pour obtenir la désignation d’un expert. L’affaire a été plaidée le 25 juin 2024, où Madame [H] [V] a demandé la désignation d’un expert et une indemnité de 1500 euros, tandis que Monsieur [R] [U] a demandé le rejet des demandes de Madame [H] [V] et une indemnité de 3000 euros. La décision de la juge des référés est susceptible d’appel et est contradictoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 août 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
24/00339
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référés expertises
N° RG 24/00339 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YBTI
SL/SH

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 06 AOUT 2024

DEMANDERESSE :

Mme [H] [Z], [P] [V]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Lamia BABA, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR :

M. [R] [D] [U]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Marie-christine DUTAT, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Sarah HOURTOULE, 1ere VP adjointe, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Martine FLAMENT lors des débats et Sébastien LESAGE lors de la mise à disposition

DÉBATS à l’audience publique du 25 Juin 2024

ORDONNANCE du 06 Août 2024

LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :
Madame [H] [V] a, suivant acte authentique reçu par Me [Y], Notaire à [Localité 9], le 23 mars 2023, acquis auprès de Monsieur [R] [U] un immeuble situé au [Adresse 5] à [Localité 6] (59), moyennant le prix de 115 000 euros.

Exposant avoir constaté des malfaçons dans la maison et sans issue amiable, Madame [H] [V] a par acte du 16 février 2024, fait assigner Monsieur [R] [U] devant le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant en référé, pour obtenir la désignation d’un expert, au visa des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, les frais et dépens étant réservés.

L’affaire a été appelée à l’audience du 2 avril 2024 et renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 25 juin 2024.

A cette date, Madame [H] [V] représentée par son avocat sollicite le bénéfice de ses dernières écritures, formulant les mêmes demandes que celles développées dans son acte introductif d’instance et y ajoutant de condamner Monsieur [R] [U] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions, Monsieur [R] [U], représenté par son avocat, demande au président du tribunal judiciaire, statuant en référé, de :
Vu l’article 145 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouter Madame [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– Condamner Madame [V] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

La présente décision, susceptible d’appel, est contradictoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’expertise

Madame [H] [V] sollicite l’organisation d’une expertise judiciaire pour déterminer l’étendue des désordres ainsi que les responsabilités afférentes concernant sa maison.
Elle précise que la responsabilité de Monsieur [U] est susceptible d’être recherchée puisqu’il a réalisé des travaux dans la maison, entraînant selon la requérante de nombreux désordres qui pourraient être qualifiées de vice.
Pour répondre aux arguments adverses, Madame [H] [V] explique que le rapport rendu à la suite de l’expertise amiable est contestable puisque les propos tenus par l’expert illustrent une partialité de sa part à l’égard de Monsieur [U] et la requérante soutient n’y avoir jamais eu connaissance.
Concernant les désordres notamment pour le raccordement tout à l’égout, le plancher, le mur, la toiture et sur les traces d’humidités, alors que Monsieur [U] les conteste par différentes pièces et allégations, Madame [V] soutient que la mesure d’expertise est dès lors plus que nécessaire pour déterminer les origines des désordres et les responsabilités.

Monsieur [R] [U] sollicite que Madame [V] soit déboutée de sa demande fondée sur l’article 145 du code de procédure en l’absence de motif légitime.
Pour cela, Monsieur [U] expose d’abord que le rapport expertise amiable qu’il produit écarte toute responsabilité de Monsieur [U] dans les désordres observés. Monsieur [U] indique avoir tout de même proposé de prendre en charge intégralement la réparation de la toiture, ce qui pourtant ne lui incombait pas. Il ajoute que la demanderesse fait preuve de mauvaise foi et d’un acharnement procédural.
De plus, le constat d’huissier du 29 décembre 2023 communiqué par la requérante n’établit que la présence de taches d’humidité, présentes plus de quatre ans après l’acquisition de la maison.

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Il suffit qu’un procès futur soit possible, qu’il ait un objet et un fondement suffisamment déterminé, que le demandeur produise des éléments rendant crédibles ses suppositions, sans qu’il n’y ait lieu à exiger un commencement de preuve des faits invoqués, que l’expertise est justement destinée à établir; que sa solution puisse dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, que celle-ci ne soit pas vouée à l’échec en raison d’un obstacle de fait ou de droit et ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.

L’existence de contestations, même sérieuses, ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, l’application de ce texte n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

A l’appui de sa demande, Madame [H] [V] communique :
– un procès-verbal de constat du 29 décembre 2023 par Maître [I] [O], commissaire de justice à [Localité 8] (59) (pièce demandeur n°2) ;
– un listing des travaux réalisés dans la maison du mardi 11 décembre 2011 par Monsieur [R] [U] (pièce demandeur n°3) ;
– un rapport d’expertise du 19 décembre 2022 réalisé par le cabinet SARACTEC dans lequel Monsieur [C], expert, relève que “la création du branchement au réseau d’assainissement en domaine public est pris en charge par la MEL”, que “concernant les traces d’infiltrations en piétement du mur de l’espace salon / cuisine, aucune humidité active n’a été constaté lors de notre expertise” et “que ce constat semble écarter une potentielle fuite de la canalisation d’assainissement en domaine privé” (pièce n°8 demandeur) ;

Pour s’opposer à la demande, Monsieur [R] [U] produit aux débats un rapport d’expertise du 23 décembre 2022 par Monsieur [C] et Madame [B], experts, dans lequel ils exposent qu’”aucun chiffrage n’a été effectué dans le sens où aucun dommage n’a été constaté, hormis un peu de moisissures derrière une plinthe” (pièce n°2 défendeur).

Les pièces produites aux débats rendent vraisemblable l’existence des désordres invoqués notamment concernant l’humidité du logement et la toiture, de sorte que Madame [H] [V] justifie d’un motif légitime pour obtenir la désignation d’un expert en vue d’établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige. Même si le défendeur produit des éléments contraires, l’expertise judiciaire contradictoire permettra de déterminer l’origine des désordres invoqués et au juge du fond postérieurement saisi, de disposer de l’ensemble des faits, pour se prononcer sur les responsabilités éventuelles.

En conséquence, et sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux fautes éventuelles, aux responsabilités encourues, et aux garanties mobilisables, dont l’appréciation relève du fond, il sera fait droit à la demande d’expertise suivant les modalités fixées à la présente ordonnance.

La détermination de la mission de l’expert relève de l’appréciation du juge, conformément aux dispositions de l’article 265 du code de procédure civile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Madame [H] [V] dans l’intérêt et à la demande de laquelle la mesure d’instruction est ordonnée en avancera les frais et supportera les dépens de la présente instance.

A ce stade de la procédure, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais et dépens par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes formulées en ce sens par les parties seront rejetées.

Sur l’exécution provisoire

La présente décision, susceptible d’appel, est exécutoire par provision, en application des dispositions des articles 484, 514 et 514-1, alinéa 3, du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort ;

Renvoyons les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;

Par provision, tous moyens des parties étant réservés ;

Ordonnons une expertise et Désignons en qualité d’expert :

Monsieur [L] [J]
[Adresse 2]
[Localité 7]

expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de DOUAI, lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

avec mission de :
– se rendre sur les lieux dans l’immeuble situé au [Adresse 5] à [Localité 6] (59), après y avoir convoqué les parties,
– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission;
– examiner les défauts, malfaçons, non-façons, non-conformités allégués dans l’assignation; Les décrire en indiquer l’origine, l’étendue, la nature, l’importance, la date d’apparition, selon toute modalité technique que l’expert estimera nécessaire; en rechercher la ou les causes et déterminer à quels intervenants, ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables et dans quelles proportions;
– dire si les travaux contestés ont été réalisés conformément aux documents contractuels et conformément aux règles de l’art;
– Donner les éléments de fait permettant à la juridiction de déterminer si [H] a pu se convaincre elle-même ont, de l’existence des désordres allégués et si les désordres sont de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou à en diminuer le prix en affectant le comportement de l’acquéreur,
– décrire les travaux de reprise et procéder à un chiffrage desdits travaux,
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état;
– dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en découle, soit pour prévenir les dommages à la personne ou aux biens; Dans l’affirmative, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvergarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire, dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible;
– fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;
– donner son avis sur les comptes entre les parties ;

Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :
– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils,
– recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;
– se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
– définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
→ en faisant définir un enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,
→ en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, sur le fondement de l’article 280 du code de procédure civile, et dont l’affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l’article 269 du même code ;
→ en fixant aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées ;
→ en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
– adresser aux parties au terme de ses opérations, un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport) et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable :
→ fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
→ rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au delà de ce délai.

Fixons à la somme de 3000 euros, le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse, à la Régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de LILLE avant le 17 septembre 2024 ;

Disons que faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise, conformément aux dispositions de l’article 271 du code de procédure civile ;

Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport et en copie sous forme d’un fichier PDF, enregistré sur une clef USB, au Greffe du Tribunal Judiciaire de LILLE, Service du Contrôle des expertises, [Adresse 1], dans le délai de six mois, à compter de la consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du Contrôle ;

Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises de ce tribunal, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;

Rejetons la demande de Madame [H] [V] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons la demande de Monsieur [R] [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laissons à la charge de Madame [H] [V] les dépens de la présente instance,

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La présente ordonnance a été signée par la juge et le greffier.

LE GREFFIER LA JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Sarah HOURTOULE


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