Rejet du sursis à statuer et réduction des pénalités de retard : analyse d’une jurisprudence sur les litiges en construction immobilière

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Rejet du sursis à statuer et réduction des pénalités de retard : analyse d’une jurisprudence sur les litiges en construction immobilière

Résumé de l’affaire

M. [O] [T] et Mme [S] [D] ont confié à la société Trecobat la construction de leur maison individuelle pour un prix forfaitaire de 193 746 euros avec un délai de livraison de quatorze mois. La réception a eu lieu le 31 juillet 2020 avec des réserves. Suite à des problèmes non résolus, les maîtres de l’ouvrage ont assigné la société Trecobat en expertise. Une nouvelle expertise a été ordonnée. Le juge de la mise en état a condamné la société Trecobat à payer des provisions aux maîtres de l’ouvrage. La société Trecobat a interjeté appel de cette décision. Les parties ont des prétentions divergentes concernant les sommes à payer et les demandes de provisions.

L’essentiel

Irrégularité de la procédure

La société Trecobat a demandé un sursis à statuer afin que son recours en garantie soit examiné en même temps que les réclamations des demandeurs. Cependant, le juge de la mise en état a estimé que les deux instances étaient indépendantes et qu’il pouvait statuer sur le litige entre les parties sans nécessité de trancher en même temps les recours du constructeur contre ses sous-traitants. De plus, la société Trecobat a attendu le dépôt d’un rapport d’expertise pour solliciter une seconde expertise contradictoire, retardant ainsi l’indemnisation des maîtres de l’ouvrage. L’ordonnance de sursis à statuer a donc été confirmée.

Provisions

Le juge de la mise en état est compétent pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Les demandes de provision au titre des travaux réservés, des frais d’avocat et du préjudice moral ont été rejetées. Les pénalités de retard ont également été réduites en raison de la contestation sérieuse de la société Trecobat concernant les retards liés à la pandémie de covid-19.

Indemnité provisionnelle au titre des travaux de reprise

La société Trecobat conteste l’indemnité provisionnelle allouée aux maîtres de l’ouvrage pour les travaux de reprise, arguant qu’elle dispose de recours en garantie contre ses sous-traitants. Cependant, la responsabilité contractuelle de la société Trecobat est engagée envers les maîtres de l’ouvrage, indépendamment de ses recours contre les sous-traitants. La demande d’indemnisation pécuniaire est fondée sur l’obligation de résultat de l’entrepreneur pour les désordres réservés. La somme provisionnelle allouée aux maîtres de l’ouvrage pour les travaux de reprise a été réduite en raison de la compensation avec le solde dû au constructeur.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1 août 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
23/05713
4ème Chambre

ARRÊT N° 177

N° RG 23/05713

N��Portalis DBVL-V-B7H-UE2Y

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 AOUT 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Mai 2024

devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Août 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. TRECOBAT

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrice HUGEL de la SELARL PATRICE HUGEL AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau d’ANGERS

Représentée par Me Quentin BLANCHET MAGON, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [O] [T]

né le 30 Juillet 1983 à [Localité 6] (17)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Benoît CHIRON de l’AARPI ASSOCIATION CHIRON-RAGUIN-KONNE JURILOIRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Madame [S] [D]

née le 14 Septembre 1986 à [Localité 6] (17)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Benoît CHIRON de l’AARPI ASSOCIATION CHIRON-RAGUIN-KONNE JURILOIRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de construction de maison individuelle en date du 28 février 2018, M. [O] [T] et Mme [S] [D] ont confié à la société Trecobat la réalisation de leur maison d’habitation sur un terrain leur appartenant situé [Adresse 5] à [Localité 7].

Un prix forfaitaire de 193 746 euros dont 36 796 euros à la charge des maîtres de l’ouvrage et un délai de livraison de quatorze mois à compter de l’ouverture du chantier, en date du 7 janvier 2019, ont été convenus entre les parties.

La réception a été prononcée le 31 juillet 2020 avec réserves.

Se plaignant de l’absence de levée des réserves, par acte d’huissier du 25 juin 2021, M. [T] et Mme [D] ont fait assigner la société Trecobat devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes aux fins d’expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 2 septembre 2021.

L’expert, M. [B] [H], a déposé son rapport le 3 juin 2022.

Par acte du 30 août 2022, M. [D] et Mme [T] ont assigné la société Trecobat devant le tribunal judiciaire de Nantes en indemnisation de leurs préjudices.

À la demande de la société Trecobat, une nouvelle expertise confiée à M. [H] a été ordonnée le 1er septembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes au contradictoire des sociétés JLS Alu Plast, Dur et BC 56, ainsi que de M. [P], sous-traitants de la société Trecobat.

Par conclusions d’incident notifiées le 12 décembre 2022, la société Trecobat a saisi le juge de la mise en état d’une demande de sursis à statuer de la procédure au fond dans l’attente du dépôt du second rapport d’expertise. M. [T] et Mme [D] ont reconventionnellement sollicité des provisions.

Par une ordonnance en date du 21 août 2023, le juge de la mise en état a :

– rejeté la demande de sursis à statuer ;

– condamné la société Trecobat à payer par provision aux consorts [T]-[D] les sommes suivantes :

– 7 638,34 euros au titre des pénalités contractuelles de retard de livraison avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2020 jusqu’au complet paiement ;

– 25 570,86 euros au titre des travaux de reprise des désordres non levés ;

– 3 924,15 euros au titre du remboursement des frais d’expertise judiciaire ;

– rejeté la demande de provision formée au titre des travaux réservés par les maîtres de l’ouvrage ;

– rejeté la demande de provision formée au titre des frais d’avocat supportés depuis le 7 mars 2020 ;

– rejeté la demande de provision formée au titre de la réparation du préjudice de jouissance ;

– rejeté la demande de provision formée au titre du préjudice moral ;

– condamné la société Trecobat aux dépens de l’incident ;

– condamné la société Trecobat à payer aux consorts [T]-[D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’incident ;

– rejeté les autres demandes ;

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 13 décembre 2023 pour conclusions au fond des consorts [T]-[D].

La société Trecobat a interjeté appel de cette décision le 4 octobre 2023.

L’instruction a été clôturée le 7 mai 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 15 novembre 2023, au visa des articles 73, 378, 789 du code de procédure civile, la société Trecobat demande à la cour de :

– recevoir la société Trecobat en son appel, ainsi qu’en ses demandes, fins et conclusions, l’en déclarer recevable et bien fondée ;

En conséquence,

– réformer l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 21 août 2023 en ses dispositions faisant grief ;

L’y substituant,

– prononcer un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport de M. [H] à la suite de sa désignation suivant ordonnance présidentielle du 1er septembre 2022 ;

– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 21 août 2023 en ce qu’elle a :

– condamné la société Trecobat à payer par provision aux consorts [T]-[D] les sommes suivantes :

– 7 638,34 euros au titre des pénalités contractuelles de retard de livraison avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2020 jusqu’au complet paiement ;

– 25 570,86 euros au titre des travaux de reprise des désordres non levés ;

– 3 924,15 euros au titre du remboursement des frais d’expertise judiciaire ;

– condamné la société Trecobat aux dépens de l’incident ;

– condamné la société Trecobat à payer aux consorts [T]-[D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

– rejeté la demande de provision formée au titre des travaux réserves par les maîtres de l’ouvrage ;

– rejeté la demande de provision formée au titre des frais d’avocat supportés depuis le 7 mars 2020 ;

– rejeté la demande de provision formée au titre de la réparation du préjudice de jouissance ;

– rejeté la demande de provision formée au titre du préjudice moral ;

– rejeté les autres demandes ;

– condamner M. [T] et Mme [D] à payer à la société Trecobat la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Dans leurs dernières conclusions en date du 15 décembre 2023, M. [T] et Mme [D] demandent à la cour de :

– débouter la société Trecobat de son appel et, plus généralement, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

– confirmer l’ordonnance de mise en état du 21 août 2023 en ce qu’elle a :

– condamné la société Trecobat à payer par provision aux consorts [T]-[D] les sommes suivantes :

– 7 638,34 euros au titre des pénalités contractuelles de retard de livraison avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2020 jusqu’au complet paiement ;

– 25 570,86 euros au titre des travaux de reprise des désordres non levés ;

– 3 924,15 euros au titre du remboursement des frais d’expertise judiciaire ;

– condamné la société Trecobat aux dépens de l’incident ;

– condamné la société Trecobat à payer aux consorts [T]-[D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Trecobat à verser à M. [T] et Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Trecobat en tous les dépens de l’instance.

MOTIFS

Sur le sursis à statuer

La société Trecobat soutient qu’il est d’une bonne administration de la justice que son recours en garantie soit examiné en même temps que les réclamations des demandeurs d’autant que le maître de l’ouvrage dispose d’une action directe contre les sous-traitants.

Mme [D] et M. [T] répliquent que la société Trecobat ne justifie pas d’un intérêt commun qu’auraient les parties pour agir contre les sous-traitants et soutiennent que c’est la société Trecobat par son attitude dilatoire qui est à l’origine de la situation procédurale dont elle se plaint.

Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ».

Cette décision relève du pouvoir d’appréciation du juge chargé de veiller au bon déroulement de l’instance.

En l’espèce, la société Trecobat, seule cocontractante de Mme [D] et M. [T], est responsable à leur égard de la mauvaise exécution de ses sous-traitants. Le constructeur est mal fondé à invoquer l’action directe des maîtres de l’ouvrage qu’ils n’ont pas introduite.

C’est ainsi à juste titre que le juge de la mise en état a relevé que les deux instances étaient indépendantes et qu’il pouvait être statué sur le litige entre Mme [D], M. [T] et le constructeur Trecobat sans nécessité de trancher en même temps les recours du constructeur contre ses sous-traitants.

Par ailleurs, la société Trecobat a attendu le dépôt du rapport de M. [H] pour solliciter une seconde expertise au contradictoire de ses sous-traitants. En cours depuis septembre 2022, la seconde expertise de M. [H] n’est pas achevée.

Or, il est de bonne justice de ne pas différer l’indemnisation des maîtres de l’ouvrage.

L’ordonnance est ainsi confirmée en ce qu’elle a débouté l’appelante de sa demande de sursis à statuer.

Sur les provisions

L’article 789, 3° prévoit que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

M. [T] et Mme [D] ne contestant pas le rejet de leurs demandes de provision au titre des travaux qu’ils se sont réservés, des frais d’avocat, de la réparation de leur préjudice de jouissance et moral, ces chefs de l’ordonnance non critiqués sont confirmés.

Sur les pénalités de retard

Le juge de la mise en état a condamné la société Trecobat à payer à titre provisionnel aux maîtres de l’ouvrage des pénalités d’un montant de 7 638,34 euros correspondant à 146 jours de retard de la construction.

L’appelante fait valoir que la réception des travaux n’a pu intervenir en raison d’un acte de vandalisme survenu le 5 mars 2020, la veille de la date convenue pour la réception puis qu’à la suite de la crise sanitaire, la réception a dû être différée au 31 juillet 2020.

Les intimés répliquent que le vol d’un tableau électrique n’empêchait pas la réception des travaux et que la réception devant intervenir 10 jours avant la crise sanitaire, la société Trecobat ne peut invoquer une suspension de ses obligations, l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 ne pouvant s’appliquer.

Selon l’article L 231-14 du code de la construction et de l’habitation en cas de retard de livraison, les pénalités prévues au i de l’article L. 231-2 ne peuvent être fixées à un montant inférieur à 1/3 00 du prix convenu par jour de retard, dispositions également insérées à l’article 2-6 du contrat de construction.

Il n’est pas contesté que le chantier a débuté le 7 janvier 2019, que le contrat de construction prévoyait l’achèvement des travaux dans un délai de 14 mois, soit avant le 8 mars 2020, et que la réception est intervenue le 31 juillet 2020.

S’agissant de l’incident relatif aux travaux du compteur divisionnaire, la société Trecobat ne produit qu’un courrier du 5 mars 2020 qu’elle a adressé aux maîtres de l’ouvrage, visant l’arrêt du chantier suite à un acte de vandalisme et une photographie des câbles coupés du compteur.

Or, il résulte de l’expertise que la seule dégradation des câbles au niveau du tableau divisionnaire n’était pas de nature à différer la date de la réception et que les travaux de reprise ne nécessitaient pas plus d’une semaine, sans que ce ne soit contesté par la société Trecobat. La réception aurait donc pu intervenir avec une réserve sur les câbles. Cependant, les travaux n’étaient pas achevés ainsi que l’a observé M. [H], ce qui est démontré par la liste de 29 réserves constatées par l’expert quatre mois plus tard. La réception ne pouvait donc intervenir le 5 mars 2020 en raison du retard pris dans l’achèvement de la construction.

S’agissant de la pandémie de covid 19, c’est à juste titre que les intimés relèvent qu’il ne peut y avoir suspension de la clause de pénalité prévue à l’article 2-6 du contrat en application de l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 qui ne s’applique que lorsque le délai a expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.

En revanche, il incombe au seul juge du fond de rechercher si la pandémie a pu constituer un cas de force majeure empêchant la société Trecobat d’achever les travaux dans des délais moindres. La condamnation à des pénalités de retard entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 est sérieusement contestable.

En conséquence, le montant des pénalités provisionnelles alloué sera réduit aux jours de retard antérieurs et postérieurs à la période de la crise sanitaire, soit 42 jours.

La société Trecobat sera condamnée à payer une indemnité provisionnelle à Mme [D] et M. [T] de 2 197,30 euros à (42*(156 950/3 000)) avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2020.

L’ordonnance est infirmée de ce chef.

Sur l’indemnité provisionnelle au titre des travaux de reprise

Le juge de la mise en état a alloué une provision sur les travaux de reprise à Mme [D] et M. [T] de 25 570,86 euros TTC.

La société Trecobat conteste cette décision faisant valoir, d’une part, que les maîtres de l’ouvrage lui doivent encore la somme de 7 923,85 euros consignée entre les mains de leur conseil à titre de retenue de garantie et, d’autre part, qu’elle dispose de recours en garantie contre les sous-traitants.

Les intimés soutiennent que la retenue du solde des travaux reste justifiée tant que les réserves ne sont pas levées et que pour réaliser les travaux ils doivent disposer des fonds nécessaires.

L’article 1792-6 du code civil dispose en ses alinéas 2 et suivants que la garantie de parfait achèvement, à laquelle l’entrepreneur est tenu pendant un délai d’un an, à compter de la réception, s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

Les délais nécessaires à l’exécution des travaux de réparation sont fixés d’un commun accord par le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur concerné.

En l’absence d’un tel accord ou en cas d’inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.

L’exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d’un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

En l’espèce, le visa de ce texte est inapproprié puisqu’il tend uniquement à obtenir la condamnation de l’entrepreneur à exécuter les travaux ayant fait l’objet de réserves.

Dès lors, la demande d’indemnisation pécuniaire ne peut être fondée que sur la responsabilité contractuelle de la société Trecobat, tenue d’une obligation de résultat pour les désordres réservés sur le fondement de l’article 1147 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

La cour constate que la société Trecobat ne conteste par l’existence des désordres réservés constatés par l’expert ni le montant des travaux de reprise.

Il a été vu que la circonstance que le constructeur bénéficie de recours contre ses sous-traitants est indifférente, la société Trecobat étant seule responsable à l’égard des maîtres de l’ouvrage.

L’article R 231-7 II. 2. du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction applicable à l’espèce dispose que dans le cas où des réserves sont formulées, une somme au plus égale à 5% du prix convenu est, jusqu’à la levée des réserves, consignée entre les mains d’un consignataire accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le président du tribunal judiciaire.

Ces dispositions n’ont vocation à s’appliquer que tant que le constructeur doit lui-même lever les réserves. Si comme en l’espèce, les maîtres de l’ouvrage réclament une indemnité pour faire réaliser les travaux, la consignation n’a plus d’objet.

À tout le moins l’existence d’une compensation entre le solde dû au constructeur et le montant des travaux de reprise est un motif de contestation sérieuse.

Il convient en conséquence de soustraire du montant des travaux de reprise le solde des travaux dû (25 570,86-7 923,85=17 647,01).

Dès lors, la somme provisionnelle allouée aux intimés au titre de travaux de reprise sera réduite à 17 647,01 euros TTC. L’ordonnance est infirmée.

Sur les frais d’expertise judiciaire

Le juge de la mise en état a exactement condamné la société Trecobat à payer à Mme [D] et M. [T] la somme provisionnelle de 3 924,15 euros au titre des frais d’expertise judiciaire alors que l’appelante ne peut se prévaloir de l’existence de ses recours en garantie puisqu’ainsi qu’il a été déjà exposé, elle est la seule responsable des malfaçons à l’égard des maîtres de l’ouvrage.

L’ordonnance est confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

Les dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens prononcées par le juge de la mise en état sont confirmées.

Les deux parties succombant partiellement à l’instance, il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront condamnées aux dépens de l’appel à hauteur de 50% chacune.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :

– rejeté la demande de sursis à statuer ;

– condamné la société Trecobat à payer par provision aux consorts [T]-[D] la somme de 3 924,15 euros au titre du remboursement des frais d’expertise judiciaire ;

– rejeté la demande de provision formée au titre des travaux réserves par les maîtres de l’ouvrage ;

– rejeté la demande de provision formée au titre des frais d’avocat supportés depuis le 7 mars 2020 ;

– rejeté la demande de provision formée au titre de la réparation du préjudice de jouissance ;

– rejeté la demande de provision formée au titre du préjudice moral ;

– condamné la société Trecobat aux dépens de l’incident ;

– condamné la société Trecobat à payer aux consorts [T]-[D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour

Statuant à nouveau

Condamne la société Trecobat à payer à Mme [D] et M. [T] les sommes provisionnelles de :

– 2 197,30 euros au titre des pénalités contractuelles de retard de livraison avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2020,

-17 647,01 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres réservés,

Y ajoutant

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Trecobat, d’une part, Mme [D] et M. [T], d’autre part, aux dépens d’appel à hauteur de 50%.

Le Greffier, P/Le Président régulièrement empêché,

N. Malardel


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