→ Résumé de l’affaireMonsieur [D] [R], propriétaire occupant d’un bien immobilier, s’oppose à la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) pour des travaux réalisés sans autorisation d’urbanisme et en violation d’un arrêté interruptif de travaux. La SARL a obtenu une autorisation préfectorale pour la création d’une chambre funéraire, mais Monsieur [D] [R] conteste les travaux effectués. Les deux parties ont des demandes contradictoires devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil. La SARL demande le retrait des affichages de Monsieur [D] [R] et une provision pour préjudice moral, tandis que ce dernier demande l’arrêt des travaux et l’exploitation de la chambre funéraire jusqu’à obtention d’une autorisation d’urbanisme, avec une astreinte en cas d’infraction. La décision du juge est attendue après délibération. |
→ L’essentielIrrecevabilité des demandes de Monsieur [D] [R]A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes de « donner acte », « constater » ou « dire et juger que » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 31 du code de procédure civile, en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, le juge ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions. Aux termes de l’article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. En vertu de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Interruption des travaux sans autorisation d’urbanismeEn vertu de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. L’existence d’une contestation sérieuse est indifférente à l’application de cette disposition. Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. En vertu de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. L’article L. 131-2 poursuit en indiquant que l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts. Il est donc justifié de fixer une astreinte pour contraindre la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) à s’exécuter. Rejet des demandes reconventionnelles et des demandes accessoiresL’article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. En l’espèce, il apparaît qu’il n’existe pas de lien suffisant entre la demande initiale de Monsieur [D] [R] tendant à l’arrêt de travaux effectués sans autorisation d’urbanisme et les demandes reconventionnelles de la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS). Il n’y a donc pas lieu de réserver les dépens : en effet, la juridiction des référés est autonome et la présente ordonnance vide la saisine du juge. Il convient de laisser la charge des dépens à la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS). La SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sera déboutée de sa demande fondée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DU : 1er Août 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/01080 – N° Portalis DB3T-W-B7I-VKJD
CODE NAC : 62B – 9A
AFFAIRE : [D] [R] C/ S.A.R.L. POMPES FUNEBRES PRIVEES AYANT POUR DENOMINATION COMMERCIALE LAMOTTE ET FILS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL
Section des Référés
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
LE JUGE DES REFERES : Madame Elise POURON, Juge
LE GREFFIER : Madame Stéphanie GEULIN, Greffier
PARTIES :
DEMANDEUR
Monsieur [D] [R] né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 7] (92), demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Louis COFFLARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0826
DEFENDERESSE
S.A.R.L. POMPES FUNEBRES PRIVEES AYANT POUR DENOMINATION COMMERCIALE LAMOTTE ET FILS, immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n° b 393 102 249, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Me Clémence TESSIER, avocate au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : 192
Débats tenus à l’audience du : 30 Juillet 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 1er Août 2024
Ordonnance rendue par mise à disposition au greffe le 1er Août 2024
Monsieur [D] [R] est propriétaire occupant d’un bien immobilier situé [Adresse 5].
La SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) a déposé le 31 mai 2022 une demande d’autorisation de création de chambre funéraire auprès de la préfecture du Val de Marne comprenant un projet détaillé concernant les travaux à réaliser au sein des locaux situés [Adresse 3], à savoir :
– la création d’une clôture,
– la création d’un escalier extérieur,
– la création d’une cage d’ascenseur.
Par arrêté du 11 octobre 2022, le Maire de [Localité 8], considérant que l’activité envisagée était de nature à générer des nuisances liées à la circulation et au stationnement due à cette activité et vu l’avis défavorable du conseil municipal au projet de création d’une deuxième chambre funéraire sur la commune, s’est opposé à la déclaration préalable de travaux effectuée le 3 août 2022 et reçue à la mairie le 4 août 2022 pour la création d’une clôture, d’une cage d’ascenseur et d’un escalier extérieur.
Par arrêté préfectoral en date du 2 décembre 2022, la Préfète du Val de Marne a autorisé la création de la chambre funéraire sise [Adresse 3] sur le territoire de la commune de [Localité 8], considérant notamment que le projet ne présentait pas de nuisances particulières pour l’environnement et la population.
Une excavation a été constatée le 1er février 2023 de 3mx3m environ sur la parcelle.
Par arrêté du 23 février 2023, le Maire de [Localité 8], considérant que l’arrêté préfectoral en date du 2 décembre 2022 autorisant la création d’une chambre funéraire n’emportait pas autorisation de réalisation de travaux, considérant que l’excavation constatée, compte tenu de ses dimensions et de sa localisation correspondant à l’emplacement de la cage d’ascenseur prévue dans la demande de déclaration préalable, préfigurait sa création, et considérant que la réalisation des travaux préparatoires indissociables de l’opération, dont la réalisation avait fait l’objet d’un refus d’autorisation d’urbanisme, constituaient une infraction, quand bien même pris isolément ces travaux relevaient du champ d’application d’aucune autorisation d’urbanisme, a mis en demeure la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) d’interrompre immédiatement les travaux entrepris en violation de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme.
Par arrêté préfectoral du 14 juin 2024, la Préfète du Val de Marne a habilité la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) à exercer ses activités funéraires listées sur l’ensemble du territoire national.
Par procès-verbal de constat du 5 juillet 2024, le commissaire de justice a notamment constaté : « Depuis le terrain du requérant [Monsieur [D] [R]], je constate la construction sur la parcelle située au numéro 3 de ladite rue d’une extension sur la façade arrière.
Le ravalement est en cours.
Des échafaudages sont présents le long de cette extension.
Au rez-de-chaussée, je note la présence d’une porte qui est murée par des parpaings et non ravalée.
Depuis la voie publique, je note la présence de deux panneaux d’affichage sur terrain situé au numéro [Adresse 3].
– le premier daté du 25 mars 2024 visant trois déclarations préalables : DP 094 068 24 MO 122 – DP 094 068 24 MO 123 – DP 094 068 24 MO 124 et concerne la pose d’un escalier, d’un auvent et la construction d’un SAS,
– le second daté du 15 février 2024 visant une déclaration préalable : DP 24M0035 pour la modification de la clôture au nom de la SCI LES CHIFFRES.
Monsieur [E] [S], copropriétaire à cette adresse me laisse accéder à la cour intérieure de l’immeuble où je peux également constater la construction d’une extension au bâtiment existant au numéro 3 de la rue.
Je constate également la présence d’une porte au niveau du second niveau, qui donne sur l’extérieur mais sans escalier ».
Par ordonnance du 15 juillet 2024, Monsieur [D] [R] a été autorisé par le juge délégué par le Président du tribunal judiciaire de Créteil à assigner la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) en référé d’heure à heure.
Par acte de commissaire de justice du 19 juillet 2024, Monsieur [D] [R] a fait assigner la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil afin de :
– constater l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de la réalisation de travaux par la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sans autorisation d’urbanisme et de surcroît en violation directe d’un arrêté interruptif de travaux du 23 février 2023 délivré par le Maire de la Ville de [Localité 8],
– ordonner la défense de la réalisation de travaux par la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sur la parcelle cadastrée section CK n°[Cadastre 1] à [Localité 8] ainsi que l’exploitation de la chambre funéraire ainsi envisagée, et ce jusqu’à ce qu’une autorisation d’urbanisme l’y autorisant soit délivrée, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée,
– condamner la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution de l’ordonnance au seul vu de la minute,
– réserver les dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 30 juillet 2024 au cours de laquelle Monsieur [D] [R] et la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) étaient représentés par leur conseil respectif.
Par conclusions visées et soutenues à l’audience, Monsieur [D] [R] sollicite du juge des référés de :
– accueillir sa demande,
– constater l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de la réalisation de travaux par la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sans autorisation d’urbanisme et de surcroît en violation directe d’un arrêté interruptif de travaux du 23 février 2023 délivré par le Maire de la Ville de [Localité 8],
– ordonner la défense de la réalisation de travaux par la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sur la parcelle cadastrée section CK n°[Cadastre 1] à [Localité 8] ainsi que l’exploitation de la chambre funéraire ainsi envisagée, et ce jusqu’à ce qu’une autorisation d’urbanisme l’y autorisant soit délivrée, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée,
– condamner la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution de l’ordonnance au seul vu de la minute,
– réserver les dépens.
Se fondant sur l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme et sur l’article 834 du code de procédure civile, il soutient que les travaux ont repris malgré trois refus d’autorisation, de sorte que la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) poursuit son chantier en toute illégalité. A défaut d’autorisation d’urbanisme, la réalisation des travaux nécessaires à l’exploitation ainsi que le changement de destination constituent selon lui un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser.
A l’audience, il ajoute avoir qualité et intérêt à agir, étant un voisin avec vue directe sur l’ascenseur de la chambre funéraire à construire et ayant un mur mitoyen avec cette dernière, invoquant un trouble de jouissance (privation de lumière, passage des corbillards, vue sur la chambre funéraire). Il indique que les refus de permis n’ont pas été contestés devant le juge administratif et que les panneaux ne sont pas des publicités.
Sur les demandes reconventionnelles, il indique, au visa de l’article 70 du code de procédure civile, qu’elles n’ont pas de lien suffisant avec les demandes initiales et sont donc irrecevables. Il réfute le comportement de harcèlement invoqué en défense et souligne que la création d’une pétition relève de la liberté d’expression.
Par conclusions visées et soutenues à l’audience, la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sollicite du juge des référés de :
– déclarer irrecevable les demandes de Monsieur [D] [R],
– à titre subsidiaire : débouter Monsieur [D] [R] de ses demandes,
– en tout état de cause :
* déclarer la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) recevable en ses demandes,
* ordonner le retrait de l’ensemble des affiches et pancartes visant la personne ou l’activité de la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) visibles de la propriété de Monsieur [D] [R], sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
* condamner Monsieur [D] [R] à payer à la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) la somme provisionnelle de 2.000 euros en réparation du préjudice moral,
* condamner Monsieur [D] [R] à payer à la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au visa des articles 122 et 124 du code de procédure civile, la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) soutient l’absence de qualité à agir de Monsieur [D] [R] pour faire respecter les dispositions du code de l’urbanisme, ce dernier n’ayant jamais contesté l’arrêté préfectoral d’autorisation d’ouverture de la chambre funéraire autorisant les travaux, ainsi que son absence d’intérêt à agir, ne subissant aucun préjudice personnel, aucun trouble n’ayant été causé par les travaux de ravalement et par la pose de la clôture ou la mise en place de la cage d’ascenseur.
Au fond, au visa de l’article R. 2223-74 du code des collectivités territoriales et de l’article 834 du code de procédure civile, elle souligne l’absence d’urgence, aucun ouvrage n’était en cours sur la parcelle, les ouvriers travaillant uniquement sur les finitions du ravalement de la façade. Elle argue de l’existence d’une contestation sérieuse, en présence de deux décisions concordantes l’ayant autorisée à ouvrir la chambre funéraire et ayant autorisé le projet dont les travaux sont partie intégrante, rappelant que la compétence de la Préfecture est exclusive à cet égard et la commune est chargée de l’exécution de cet arrêté préfectoral. Elle soutient que les travaux n’ont causé aucun préjudice à Monsieur [D] [R], de sorte que la demande d’astreinte à hauteur de 10.000 euros est disproportionnée.
Elle sollicite, à titre reconventionnel, au visa de l’article R. 581-22 du code de l’environnement et 1240 du code civil, le retrait des affichages de Monsieur [D] [R] sous astreinte et une provision au titre de son préjudice moral, étant victime selon elle d’actes de malveillance depuis plusieurs mois sur le terrain et de la pose d’affiches par Monsieur [D] [R] portant atteinte à son honneur et à sa réputation, ceci constituant un trouble manifestement illicite.
Il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens qui y sont contenus.
A l’issue des débats, il a été indiqué aux parties que l’affaire était mise en délibéré et que la décision serait rendue ce jour par mise à disposition au greffe.
A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes de « donner acte », « constater » ou « dire et juger que » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 31 du code de procédure civile, en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
En conséquence, le juge ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.
Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [D] [R] :
Aux termes de l’article 122 du même code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En vertu de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’article 32 poursuit en disposant qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
L’intérêt à agir prévu à l’article 31 du code de procédure civile n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.
Pour que ses prétentions soient recevables, le demandeur doit justifier en premier lieu d’un intérêt personnel et direct à leur reconnaissance par le juge.
Monsieur [D] [R] justifie de sa qualité de propriétaire du bien immobilier sis [Adresse 5], soit sur la parcelle située en face de celle sur laquelle les travaux de la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) ont lieu.
En outre, force est de constater que le demandeur agit devant le juge des référés sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile et non en contestation de l’arrêté préfectoral du 2 décembre 2022. Son action vise en effet à solliciter l’arrêt de travaux effectués sans autorisation d’urbanisme.
En sa qualité de voisin direct du projet, subissant de ce fait des nuisances, il dispose de la qualité à agir et d’un intérêt personnel et direct à solliciter l’arrêt des travaux devant le juge des référés, et ce peu important qu’il n’ait effectué aucun recours devant le juge administratif à l’encontre de l’arrêté préfectoral du 2 décembre 2022 autorisant la création de la chambre funéraire.
Sur la demande d’arrêt des travaux :
En vertu de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’existence d’une contestation sérieuse est indifférente à l’application de cette disposition.
Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il appartient au requérant de démontrer l’existence d’une illicéité du trouble et son caractère manifeste. Le juge des référés apprécie l’existence d’un tel trouble au moment où il statue.
En vertu de l’article R. 2223-74 du code des collectivités territoriales, « la création ou l’extension d’une chambre funéraire est autorisée par le préfet.
Le dossier de demande de création ou d’extension d’une chambre funéraire comprend obligatoirement :
– une notice explicative ;
– un plan de situation ;
– un projet d’avis au public détaillant les modalités du projet envisagé. L’avis est ensuite publié, à la charge du demandeur, dans deux journaux régionaux ou locaux.
Le préfet consulte le conseil municipal, qui se prononce dans un délai de deux mois, et recueille l’avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
La décision intervient dans le délai de quatre mois suivant le dépôt de la demande. En l’absence de notification de la décision à l’expiration de ce délai, l’autorisation est considérée comme accordée.
L’autorisation ne peut être refusée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou de danger pour la salubrité publique ».
La déclaration préalable à laquelle sont soumis les constructions ou travaux exemptés de permis de construire vaut autorisation du maire, à défaut d’opposition dans le délai d’un mois.
Au cas présent, par procès-verbal de commissaire de justice du 5 juillet 2024, il a certes été constaté que des travaux de ravalement étaient en cours mais il a également été constaté, depuis l’immeuble du [Adresse 4], la construction d’une extension au bâtiment existant au [Adresse 3], avec la présence d’une porte au niveau du second niveau qui donne sur l’extérieur mais sans escalier.
Il est dès lors démontré que les travaux décrits dans la déclaration préalable déposée le 4 août 2022 à la Mairie de [Localité 8] (i.e. création d’une clôture, création d’un escalier extérieur, création d’une cage d’ascenseur) se poursuivent.
Or, ces derniers n’ont pas été autorisés par le Maire de la commune de [Localité 8], lequel s’est opposé à la déclaration préalable par arrêté du 11 octobre 2022.
Si par arrêté préfectoral du 2 décembre 2022, la création de la chambre funéraire a été autorisée, aucune autorisation d’urbanisme n’a toutefois été accordée à la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) pour procéder auxdits travaux, le Maire s’y étant formellement opposé.
Et, comme l’indique l’arrêté interruptif des travaux du Maire de la commune de [Localité 8] du 23 février 2023, l’arrêté préfectoral du 2 décembre 2022 autorisant la création de la chambre funéraire n’emporte pas autorisation de réalisation des travaux.
En outre, l’arrêté préfectoral du 14 juin 2024 habilitant la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) à exercer ses activités funéraires listées sur l’ensemble du territoire national ne saurait non plus valoir autorisation de réalisation des travaux.
Les autorisations de création et d’exploitation de la chambre funéraire délivrées par l’autorité préfectorale sont en effet indépendantes de l’autorisation d’urbanisme délivré par le Maire.
Ainsi, la réalisation desdits travaux par la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS), malgré l’opposition à la déclaration préalable par le Maire de la commune de [Localité 8] par arrêté du 11 octobre 2022 et malgré l’arrêté interruptif des travaux du 23 février 2023, constitue un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin.
Il convient donc, à titre conservatoire, d’ordonner l’interruption des travaux dans les termes du dispositif.
Sur la demande d’astreinte :
En vertu de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
L’article L. 131-2 poursuit en indiquant que l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
Elle est donc indépendante du préjudice subi par Monsieur [D] [R].
Au vu du dossier et du comportement de la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) qui continue les travaux sans autorisation d’urbanisme et ce malgré un arrêté interruptif du Maire, il est justifié de fixer une astreinte pour la contraindre à s’exécuter.
Cette astreinte sera portée à la somme de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance.
Sur les demandes reconventionnelles de retrait des affiches et pancartes visant la personne ou l’activité de la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) et de provision en réparation du préjudice moral
L’article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, il apparaît qu’il n’existe pas de lien suffisant entre la demande initiale de Monsieur [D] [R] tendant à l’arrêt de travaux effectués sans autorisation d’urbanisme et les demandes reconventionnelles de la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) qui vise à faire constater des actes de malveillance sur son terrain et des propos dénigrants, portant selon elle atteinte à son honneur et à sa réputation.
La SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sera en conséquence déclarée irrecevable en ses demandes reconventionnelles à l’encontre de Monsieur [D] [R].
Sur les demandes accessoires :
L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile précise que la juridiction des référés statue sur les dépens. L’article 696 dudit code dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Il n’y a donc pas lieu de réserver les dépens : en effet, la juridiction des référés est autonome et la présente ordonnance vide la saisine du juge.
Il convient de laisser la charge des dépens à la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS).
La SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) sera déboutée de sa demande fondée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de condamner la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) à payer à Monsieur [D] [R] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, il est justifié d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision au seul vu de la minute.
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire, exécutoire de plein droit par provision, et susceptible d’appel,
REJETONS la fin de non-recevoir invoquée par la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS),
en conséquence, RECEVONS Monsieur [D] [R] en ses demandes,
ORDONNONS à la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) d’interrompre les travaux engagés sur la parcelle cadastrée CK n°[Cadastre 1] sise [Adresse 3] consistant en un changement de destination et en la création d’une clôture, d’une cage d’escalier et d’un ascenseur extérieur, et l’exploitation de la chambre funéraire ainsi envisagée, jusqu’à ce qu’une autorisation d’urbanisme l’y autorisant soit délivrée, et ce sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la présente ordonnance,
DECLARONS la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) irrecevable en ses demandes reconventionnelles à l’encontre de Monsieur [D] [R],
CONDAMNONS la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) à payer à Monsieur [D] [R] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTONS la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS la SARL POMPES FUNEBRES PRIVEES (LAMOTTE ET FILS) aux dépens,
ORDONNONS l’exécution provisoire de la présente décision au seul vu de la minute,
FAIT AU PALAIS DE JUSTICE DE CRETEIL, le 1er août 2024.
LE GREFFIER, LE JUGE DES REFERES