→ Résumé de l’affaireM. [O] a confié à la société Création Habitat la construction d’une maison individuelle sur un terrain lui appartenant. Suite à des problèmes de conformité avec le permis de construire initial, la société Création Habitat a été placée en liquidation judiciaire. La société CEGC a pris en charge la coordination des travaux pour achever la construction. Des différends sont survenus entre M. [O] et la société CEGC concernant le retard dans l’achèvement des travaux et le paiement des sommes dues. Une expertise a été ordonnée par le tribunal de grande instance de Rennes, puis une nouvelle expertise a été demandée par M. [O]. Ce dernier a également assigné la société CEGC en indemnisation du préjudice subi. Le tribunal judiciaire de Nantes a condamné la société CEGC à verser une somme provisionnelle à M. [O] et a rejeté l’argument de prescription de la demande reconventionnelle de la société CEGC. M. [O] a interjeté appel de cette décision. Les parties ont des prétentions divergentes concernant la prescription de la demande en paiement de la société CEGC. |
→ L’essentielIrrecevabilité des conclusions de l’intiméLorsque les conclusions de l’intimé devant la cour d’appel sont déclarées irrecevables, cette dernière doit statuer dans le cadre de l’article 472 du code de procédure civile qui dispose que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et que « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ». Prescription de l’action des professionnelsAux termes de l’article L 137-2 devenu 218-2 du code de la consommation, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Garantie de livraison et réception des travauxSelon l’article L 231-6, IV., la garantie cesse lorsque la réception des travaux a été constatée par écrit et, le cas échéant, à l’expiration du délai de huit jours prévu pour dénoncer les vices apparents ou, si des réserves ont été formulées, lorsque celles-ci ont été levées. Le solde du prix non réglé au garant de livraison est exigible à la levée des réserves, le solde étant distinct en son montant de la consignation qui ne peut être supérieure à 5% du coût des travaux. En conclusion, il ressort de ces dispositions législatives que la régularité de la procédure, la prescription de l’action des professionnels et les conditions de garantie de livraison sont des éléments essentiels à prendre en compte dans le cadre d’un litige juridique. Il est donc primordial de respecter ces règles pour garantir la sécurité juridique des parties impliquées. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N° 176
N° RG 23/05686
N��Portalis DBVL-V-B7H-UEYG
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 AOUT 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Mai 2024
devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Août 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [K] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Jean-Marc LEON de la SELARL LEON AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS ( CEGC)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Joachim D’AUDIFFRET de la SCP ACTA JURIS SCP D’AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Matthieu MALNOY de la SELAS L ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Suivant contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans en date du 23 novembre 2011, M. [K] [O] a confié à la société Création Habitat la construction d’une maison d’habitation sur un terrain lui appartenant situé [Adresse 1] à [Localité 6], moyennant un prix de 213 000 euros. La durée d’exécution des travaux a été fixée à douze mois à compter de l’ouverture du chantier le 16 mai 2012.
Une garantie de livraison a été souscrite le 19 avril 2012 auprès de la société Compagnie européenne de garanties et de cautions (CEGC).
Par lettre du 22 août 2012, la commune d'[Localité 6] a informé M. [O] que la construction en cours ne respectait pas les prescriptions du permis de construire en matière d’altimétrie. Le maître de l’ouvrage a déposé le 21 septembre 2012 une demande de permis de construire modificatif qui a été refusée.
Suite au placement en liquidation judiciaire de la société Création Habitat, suivant jugement du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon du 7 octobre 2012, la société CEGC a indiqué à M. [O] par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 octobre 2012 qu’elle avait mandaté la société Sescra afin de coordonner sous sa responsabilité les travaux nécessaires à l’achèvement de la construction.
Les sociétés MMA ayant refusé de mobiliser leur garantie suite au défaut d’altimétrie, la société CEGC a, selon acte d’huissier du 22 octobre 2013, fait assigner en référé devant le tribunal de grande instance de Rennes M. [O], les sociétés MMA, la mairie d'[Localité 6] et le mandataire liquidateur à la procédure collective de la société Création Habitat aux fins d’expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 19 décembre 2013.
En l’absence de consignation complémentaire, l’expert M. [T] a déposé son rapport en l’état.
Par courrier du 18 mars 2015, la mairie d'[Localité 6] a informé M. [O] que le permis initial était caduc et l’a invité à déposer une nouvelle demande de permis de construire.
La société CEGC a fait reprendre les travaux à compter du 11 juillet 2016 après démolition de l’existant non-conforme et organisé une réception le 17 juillet 2017. À cette date, un procès-verbal de constat a été rédigé par Me [R], huissier de justice. M. [O] a refusé de signer le procès-verbal de réception et de prendre livraison de la maison.
Par acte d’huissier du 13 février 2018, la société CEGC a fait assigner en référé M. [O], devant le tribunal de grande instance de Nantes afin de voir ordonner une nouvelle expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance de référé en date du 29 mars 2018.
L’expert, M. [Y], a déposé son rapport le 13 juillet 2021.
Par acte d’huissier du 11 août 2020, M. [O] a fait assigner la société CEGC devant le tribunal judiciaire de Nantes en indemnisation du préjudice subi en raison du retard à l’achèvement de la construction.
Par conclusions d’incident du 6 mars 2023, M. [O] a sollicité la condamnation de la société CEGC à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de provision et a soulevé la prescription de la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 170 400 euros formée par conclusions du 18 octobre 2022.
Par ordonnance du 14 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes a :
– condamné la société CEGC à verser la somme provisionnelle de 115 000 euros à M. [O], au titre des pénalités de retard dues en sa qualité de garant de livraison ;
– débouté M. [O] de sa fin de non-recevoir fondée sur prescription des appels de fonds émis par la CEGC ;
– condamné la CEGC aux dépens de l’incident ;
– condamné la CEGC à verser la somme de 1 000 euros à M. [O] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 29 novembre 2023 pour avis avant préfixation.
M. [O] a interjeté appel de cette décision le 3 octobre 2023.
Par ordonnance du 19 mars 2024, le président de la quatrième chambre a déclaré irrecevables les conclusions de la société CEGC déposées le 1er décembre 2023.
L’instruction a été clôturée le 7 mai 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 3 novembre 2023, au visa des articles 789-3 du code de procédure civile, 218-2 du code de la consommation, L231-2, L231-6, R231-7 et R231-14 du code de la construction et de l’habitation, M. [O] demande à la cour de :
– réformer l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes en date du 14 septembre 2023 (RG n° 20/03378) en ce qu’elle a débouté M. [O] de sa fin de non- recevoir fondée sur la prescription de la créance de la société CEGC ;
Statuant de nouveau,
– juger prescrite la demande en paiement formée par la société CEGC à hauteur de la somme de 170 400 euros ;
– condamner la société CEGC à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société CEGC aux dépens.
Il soutient que la demande reconventionnelle de la société CEGC du paiement du solde des travaux est prescrite, qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions, à savoir quand elle devient exigible.
Il fait valoir que la société CEGC ne peut éditer des appels de fonds multiples et incompréhensibles (3 juillet 2017, 13 octobre 2017, 25 octobre 2018, 9 octobre 2018 et 22 octobre 2021) avec des sommes différentes, qu’il est établi que dès les 3 juillet 2017 ou le 13 octobre 2017, la compagnie CEGC considérait que sa créance était exigible à hauteur de 100%, que par application de l’article L 218-2 du code de la consommation il lui appartenait de recouvrer sa créance avant le 3 juillet 2019 ou avant le 13 octobre 2019, que sa demande en paiement formée par conclusion du 18 octobre 2022 est tardive.
Lorsque les conclusions de l’intimé devant la cour d’appel sont déclarées irrecevables, cette dernière doit statuer dans le cadre de l’article 472 du code de procédure civile qui dispose que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et que « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
Aux termes de l’article L 137-2 devenu 218-2 du code de la consommation l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
S’il résulte de la combinaison des articles L 231-2 et L 232-6 du code de la construction et de l’habitation qu’en cas de défaillance du constructeur, le garant est en droit d’exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux qu’il effectue ou fait effectuer selon l’avancement des travaux, les pourcentages prévus à l’article R 231-7 du même code ne constituent que le maximum exigible.
Selon l’article L 231-6, IV., la garantie cesse lorsque la réception des travaux a été constatée par écrit et, le cas échéant, à l’expiration du délai de huit jours prévu à l’article L. 231-8 pour dénoncer les vices apparents ou, si des réserves ont été formulées, lorsque celles-ci ont été levées.
Il s’ensuit que le solde du prix non réglé au garant de livraison est exigible, comme pour le constructeur, à la levée des réserves, le solde étant distinct en son montant de la consignation qui ne peut être supérieure à 5% du coût des travaux.
En l’espèce, M. [O] soutient qu’aucune réception n’a été prononcée. Dans cette hypothèse le délai biennal de prescription de l’action en paiement ne commencera à courir qu’à compter de la réception sans réserve ou de la levée de réserves, ainsi que l’a retenu le juge de la mise en état.
Si le juge du fond prononçait une réception judiciaire, elle ne pourrait l’être avant le 25 juillet 2017, date de la première convocation du CEGC pour réceptionner l’immeuble, et avec réserve au regard des griefs soulevés par le maître de l’ouvrage. Le délai biennal de prescription n’est dans cette hypothèse pas davantage échu.
Par ailleurs, M. [O] invoque des appels de fonds de 2017 alors qu’il a soutenu durant l’expertise n’en avoir reçu aucun avant mai 2019. A cette date, la mesure d’instruction assortie d’une mission d’apurement sollicitée par la société CEGC a suspendu en tout état de cause les délais de prescription à son égard conformément aux dispositions de l’article 2239 du code civil.
Dès lors, aucun des moyens du maître de l’ouvrage ne peut prospérer.
L’ordonnance est confirmée.
M. [O] sera condamné aux dépens d’appel.
La cour
Confirme l’ordonnance entreprise,
Y ajoutant
Condamne M. [O] aux dépens d’appel.
Le Greffier, P/ Le Président régulièrement empêché,
N. Malardel