Irrecevabilité de l’action pour non-respect de la clause de conciliation préalable

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Irrecevabilité de l’action pour non-respect de la clause de conciliation préalable

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne la cession d’un fonds de commerce de centre auto entre la SARL Lux’ Auto et la société M Autos Entretien Services, avec une clause de non-concurrence. La société M Autos Entretien Services a accusé la SARL Lux’ Auto de violer cette clause en exerçant une activité concurrente dans un autre établissement. Le tribunal de commerce de Mont de Marsan a rejeté les demandes de la société M Autos Entretien Services, mais cette dernière a fait appel. La société M Autos Entretien Services demande une indemnisation pour violation de la clause de non-concurrence, tandis que la SARL Lux’ Auto conteste les accusations et demande le rejet des demandes de la société M Autos Entretien Services.

L’essentiel

Irrégularité de la procédure

A titre liminaire, il convient de préciser que la note en délibéré envoyée par le conseil de la SARL Lux’ Auto en date du 3 mai 2024 sans autorisation de la Présidente, après clôture des débats, est déclarée irrecevable.

Fin de non-recevoir soulevée par l’intimée

En l’espèce la SARL Lux’Auto soutient au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile que la société M Autos Entretien Services n’a plus intérêt à agir dès lors qu’elle déjà obtenu l’indemnisation pour la disparition totale de son fonds de commerce pour des faits de décembre 2020 ainsi que cela résulte du jugement rendu par le tribunal de commerce de Mont de Marsan le 17 décembre 2021 entre la société appelante et la société Docauto.

Respect de la clause de conciliation préalable

La société Lux’ Auto soutient également que la société M Autos Entretien Services n’a pas qualité à agir alors qu’elle n’a pas exécuté la clause préalable de conciliation stipulée à l’«article 15- clause attributive de juridiction » de l’acte de vente du 17 juillet 2017 ; elle fait valoir que la mise en demeure du 18 mai 2021 que lui a adressée la société M Autos Entretien Services ne fait pas apparaître la volonté de se concilier et n’invite pas à une réunion de médiation par l’intermédiaire des conseils respectifs.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

2 août 2024
Cour d’appel de Pau
RG
22/02588
LB/CS

Numéro 24/2515

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 2 août 2024

Dossier : N° RG 22/02588 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IKLL

Nature affaire :

Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts

Affaire :

S.A.R.L. M AUTOS ENTRETIEN SERVICES

C/

S.A.R.L. LUX’AUTO

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 2 août 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 29 avril 2024, devant :

Laurence BAYLAUCQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. M AUTOS ENTRETIEN SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 3] / FRANCE

Représentée par Me Denis LEDAIN de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Alan ROY, avocat au barreau de Bordeaux

INTIMEE :

S.A.R.L. LUX’AUTO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Christophe GARCIA, avocat au barreau de Bordeaux

sur appel de la décision

en date du 01 JUILLET 2022

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONT DE MARSAN

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 17 juillet 2017, la SARL Lux’ Auto a cédé à la société M Autos Entretien Services un fonds de commerce de centre auto, mécanique générale et commerce de détail d’accessoires et équipements automobiles, vente et pose de pneumatiques, accessoires et pièces détachées, qu’elle possédait et exploitait à [Localité 3] [Adresse 1], moyennant le prix de 134.000 euros. L’article 10 de l’acte de cession stipulait une clause de non concurrence dont le paragraphe 1er était ainsi rédigé :

« comme condition essentielle et déterminante de la cession, le Vendeur s’interdit de s’intéresser directement ou indirectement soit par création, soit par acquisition, soit même à titre de salarié ou d’associé, par lui-même ou par personne interposée à un fonds de commerce de même nature que le fonds objet des présentes dans la commune de [Localité 3] et dans un rayon de CINQUANTE (50) kilomètres à vol d’oiseau autour de celle-ci pendant une durée de CINQ (5) années à compter de la date d’entrée en jouissance de l’Acquéreur, sous peine de tous dommages-intérêts au profit de l’Acquéreur ou ses ayant-cause, sans préjudice pour l’Acquéreur du droit de faire cesser le trouble. »

Faisant valoir notamment une violation de la clause de non-concurrence par la dissimulation intentionnelle d’une activité concurrente exercée au sein de son établissement de [Localité 4] aux fins de détournement de sa clientèle, la société M Autos Entretien Services a adressé à la SARL Lux’ Auto par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mai 2021 une mise en demeure de faire cesser l’activité violant la clause de non-concurrence et de lui régler des sommes en réparation de préjudices qu’elle invoquait.

Par acte d’huissier du 2 juillet 2021, la SARL M Autos Entretien Services a assigné la SARL Lux’ Auto devant le tribunal de commerce de Mont de Marsan.

Par jugement du 1er juillet 2022, le tribunal de commerce de Mont de Marsan a :

Dit que la lettre de mise en demeure vaut tentative de règlement amiable du litige,

Rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SARL Lux Auto tenant à la qualité et à l’intérêt à agir de la SARL M Autos Entretien Services,

Dit que l’action de la SARL M Autos Entretien Services ne revêt pas de caractère dilatoire justifiant l’octroi d’une quelconque indemnisation à titre de dommages et intérêts au profit de la SARL Lux Auto,

Vu le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle,

Rejeté toute demande de la SARL M Autos Entretien Services fondée sur la responsabilité délictuelle,

Vu la clause de non-concurrence,

Dit que la SARL Lux Auto n’a en aucun cas violé la clause de non-concurrence s’agissant de son établissement de [Localité 4], existant au moment de la signature de l’acte et clairement mentionné audit acte,

Dit qu’il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner une quelconque fermeture de cet établissement sous astreinte,

Vu l’article 1137 du code civil,

Dit que la SARL M Autos Entretien Services ne rapporte aucune preuve de man’uvres dolosives de la part de la SARL Lux Auto,

Débouté dès lors la SARL M Autos Entretien Services de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SARL Lux Auto,

Condamné la SARL M Autos Entretien Services à payer à la SARL Lux Auto la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la même aux entiers dépens, en ce compris les frais de la présente instance liquidés de 60,22 € ttc,

Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement,

Moyennant ce, débouté les parties du surplus de leurs prétentions devenues inutiles ou mal fondées.

Par déclaration en date du 23 septembre 2022, la SARL M Autos Entretien Services a relevé appel de ce jugement.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2023.

***

Vu les dernières conclusions de la SARL M Autos Entretien Services notifiées le 22 juin 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1116 ancien, 1137, 1142 ancien et 1147 ancien, 1231-1 et 1240 du Code civil,

Vu l’article L141-1 du Code de commerce,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN du 1er juillet 2022 en ce qu’il a :

– Rejeté toute demande de la SARL M AUTOS ENTRETIEN SERVICES fondée sur la responsabilité délictuelle ;

– Dit que la SARL LUX AUTO n’a en aucun cas violé la clause de non-concurrence s’agissant de son établissement de [Localité 4] ;

– Dit qu’il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner une quelconque fermeture de cet établissement sous astreinte ;

– Dit que la SARL M AUTO ENTRETIEN SERVICES ne rapporte aucune preuve de man’uvre dolosives de la part de la SARL LUX AUTO ;

– Débouté dès lors la SARL M AUTO ENTRETIEN SERVICES de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la SARL LUX AUTO ;

– Condamné la SARL M AUTO ENTRETIEN SERVICES à payer à la SARL LUX AUTO la somme de 1.500 € sur le fondement de l’art 700 du CPC ;

– Condamné la SARL M AUTO ENTRETIEN SERVICES aux entiers dépens ;

– Débouté dès lors la SARL M AUTO ENTRETIEN SERVICES du surplus de ses prétentions devenues inutiles ou mal fondées.

Statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL

– CONSTATER la recevabilité de ses demandes en cause d’appel ;

– JUGER que la clause de non-concurrence prévue par les sociétés LUX’AUTO et M AUTOS ENTRETIEN SERVICES à l’acte de cession de fonds de commerce du 1 er juillet 2017 tient lieu de loi entre les parties ;

– CONSTATER l’exercice d’une activité de garagiste centre-auto par la société LUX’AUTO dans le périmètre contractuellement protégé ;

– JUGER que la société LUX’AUTO a violé la clause de non-concurrence stipulée au sein de l’acte de cession du 1er juillet 2017 ;

– DEBOUTER la société LUX’AUTO de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

Et, en conséquence :

– CONDAMNER la société LUX’AUTO à lui payer la somme de 517.072 euros au titre de l’indemnisation due pour violation de la clause de non-concurrence ; – CONDAMNER la société LUX’AUTO à lui payer la somme de 1.000 euros à titre d’astreinte par jour de retard de cesser l’activité prohibée à compter de la décision à venir;

A TITRE SUBSIDIAIRE

– JUGER que la clause de non-concurrence prévue par les sociétés LUX’AUTO et M AUTOS ENTRETIEN SERVICES à l’acte de cession de fonds de commerce tient lieu de loi entre les parties;

– CONSTATER l’exercice d’une activité de garagiste centre-auto par la société LUX’AUTO dans le périmètre contractuellement protégé ;

– JUGER de la violation de la clause de non-concurrence par la société LUX’AUTO ;

Et, en conséquence :

– CONDAMNER la société LUX’AUTO à lui payer la somme de 129.268 euros au titre de l’indemnisation due pour violation de la clause de non-concurrence ; – CONDAMNER la société LUX’AUTO à lui payer la somme de 1.000 euros à titre d’astreinte par jour de retard de cesser l’activité prohibée à compter de la

décision à venir ;

A TITRE INFINIEMENT SUBSIDIAIRE

– JUGER les man’uvres utilisées par la société LUX’AUTO aux fins de dissimuler un détournement de clientèle du fonds de commerce de BISCAROSSE et la tromper pour

la convaincre d’acquérir le fonds de commerce à des conditions auxquelles cette dernière n’aurait pas consenties sans lesdites man’uvres ;

– JUGER du caractère déterminant de la consistance de la clientèle du fonds de commerce à l’acte de cession ;

– JUGER que les man’uvres dolosives de la société LUX’AUTO à l’acte de cession du fonds de commerce sont venues vicier le consentement de l’acquéreur, à savoir elle-même,

Et, en conséquence :

– CONDAMNER la société LUX’AUTO au paiement de la somme de 44.000 euros au titre d’indemnisation pécuniaire résultant de l’excès de prix qu’elle a payé,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– CONDAMNER la société LUX’AUTO aux entiers dépens de l’instance et à lui payer

la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la SARL Lux’ Auto notifiées le 23 octobre 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1103 et suivants du Code civil,

Les dispositions de l’article 1240 du même code,

Vu les articles 30 à 32-1 du Code de procédure civile,

Ensemble les dispositions de l’article 122 du Code de procédure civile,

Vu l’acte de cession du fonds de commerce du 17 juillet 2017,

Vu le jugement rendu le 17 décembre 2021 par le tribunal de commerce de MONT DE

MARSAN entre DOCKAUTO et M AUTO ENTRETIEN SERVICES,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN le 1er juillet 2022,

‘ Recevoir la société LUX AUTO en son appel incident

A titre principal,

‘ Infirmer ledit jugement sur les moyens d’irrecevabilité

Et Statuant à nouveau,

‘ Prononcer l’irrecevabilité de l’action engagée par la Société M AUTO ENTRETIEN

SERVICES faute d’intérêt et de qualité à agir, au motif que la perte de son fonds de commerce a déjà été indemnisée et à défaut, faute d’avoir engagé une tentative préalable

de médiation contractuellement prévu,

A titre subsidiaire,

‘ Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne

les indemnités de procédure,

Et Statuant à nouveau,

Au fond,

‘ Confirmer le jugement dont appel ayant rejeté les demandes de la société M AUTOS ENTRETIEN SERVICES

‘ Rejeter toutes demandes de la Société M AUTOS ENTRETIEN SERVICES fondée sur

la responsabilité délictuelle

‘ Rejeter les demandes formées par la Société M AUTOS ENTRETIEN SERVICES à son encontre fondées sur la violation de la clause de non concurrence et/ou l’existence d’un dol

‘ Rejeter toutes demandes indemnitaires, faute de démonstration d’une faute et d’un réel

préjudice ;

‘ Rejeter toutes demandes, faute de démonstration d’une perte de chance, d’avoir pu contracter à des conditions différentes

‘ Rejeter toutes les plus amples demandes de la Société M AUTO ENTRETIENSERVICES.

En tout état de cause,

‘ Condamner la Société M AUTO ENTRETIEN SERVICES pour procédure abusive et dilatoire

‘ La condamner en une amende civile ainsi qu’à régler à la Société LUX AUTO la somme

de 10.000€ à titre de dommages et intérêts

‘ Condamner la Société M AUTOS ENTRETIEN SERVICES en 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de préciser que la note en délibéré envoyée par le conseil de la SARL Lux’ Auto en date du 3 mai 2024 sans autorisation de la Présidente, après clôture des débats, est déclarée irrecevable.

Sur les fins de non recevoir soulevées par l’intimée

Sur le défaut d’intérêt à agir

En l’espèce la SARL Lux’Auto soutient au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile que la société M Autos Entretien Services n’a plus intérêt à agir dès lors qu’elle déjà obtenu l’indemnisation pour la disparition totale de son fonds de commerce pour des faits de décembre 2020 ainsi que cela résulte du jugement rendu par le tribunal de commerce de Mont de Marsan le 17 décembre 2021 entre la société appelante et la société Docauto. Elle relève qu’elle a été indemnisée non pas simplement pour un détournement de clientèle de la part de la société Docauto mais pour la perte de valeur de son fonds de commerce à hauteur de 130.000 euros. Elle ajoute que si le fonds de commerce a été perdu par la faute de la société Docauto en décembre 2020, la société M Autos Entretien Services ne pouvait solliciter l’indemnisation d’un détournement de clientèle par la société Lux’Auto le 2 juillet 2021 sans démontrer son action dans la perte de la clientèle cédée, du 17 juillet 2017 au mois de décembre 2020.

La société M Autos Entretien Services conclut au débouté de cette fin de non-recevoir en faisant valoir qu’elle a un intérêt à agir. Elle fait valoir que le fait qu’elle ait été la victime d’un détournement de clientèle commis par la société Docauto, plus de trois années après la cession du fonds de commerce litigieuse est sans lien avec la violation par la société Lux’ Auto de la clause de non-concurrence stipulée au sein de l’acte de cession de fonds de commerce du 17 juillet 2017. Elle explique qu’il ne s’agit ni de la même clientèle, ni de la même temporalité.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.

Il y a lieu de rappeler que la société M Autos Entretien Services a accordé à la société Docauto-MPLTP un contrat de location-gérance du fonds de commerce de [Localité 3] acquis le 17 juillet 2017 par acte du 1er octobre 2020 avec rétroactivité au 15 juillet 2020.

Par jugement du 17 décembre 2021, le tribunal de commerce de Mont de Marsan a notamment condamné la société Docauto à payer à la société M Autos Entretien Services :

la somme de 14.000 euros HT, soit 16.800 euros TTC, au titre des redevances impayées du mois d’avril 2020 au mois de décembre 2020, date à laquelle le contrat de location-gérance a pris fin du fait de la fermeture du fonds de commerce et du détournement consécutif de la clientèle,

la somme de 130.000 euros au titre de la perte de la valeur marchande du fonds de commerce, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2020 date de l’acte d’huissier de justice constatant la disparition du fonds de commerce.

Dans les motifs de sa décision le tribunal de commerce a précisé que le détournement de la clientèle était compris dans la perte du fonds de commerce dès le mois de décembre 2020.

Dans le cadre de la présente instance, la société M. Autos Entretien Services invoque notamment une violation par la société Lux’Auto de la clause de non concurrence incluse dans l’acte de cession du fonds de commerce de [Localité 3] du 17 juillet 2017. Elle fait valoir un détournement par la société Lux’ Auto de la clientèle de ce fonds de commerce au profit de son établissement de [Localité 4] antérieurement puis postérieurement à la vente ayant engendré une baisse de l’activité au sein du garage de [Localité 3] et donc un préjudice financier. Elle chiffre à titre principal le préjudice dont elle demande réparation au regard des bilans comptables de la société Lux’Auto pour les exercices clos les 31 mars 2018, 2019 et 2020.

Indépendamment de la question du bien fondé de sa demande et de son calcul, il convient de relever que le préjudice dont la société M Autos Entretien Services demande réparation dans le cadre de la présente instance au titre d’un prétendu détournement de clientèle par la société Lux’Auto entre juillet 2017 et 2020 n’est pas d’une même nature au moins pour partie que celui réparé par l’allocation de la somme de 130.000 euros correspondant à la perte de la valeur du fonds de commerce au mois de décembre 2020 impliquant le détournement de la clientèle par la société Docauto.

Par conséquent la société M Autos Entretien Services a intérêt à agir dans le cadre de la présente instance.

La fin de non-recevoir soulevée par la société Lux’Auto pour défaut d’intérêt à agir sera donc rejetée.

Sur le respect de la clause de conciliation préalable

La société Lux’ Auto soutient également que la société M Autos Entretien Services n’a pas qualité à agir alors qu’elle n’a pas exécuté la clause préalable de conciliation stipulée à l’«article 15- clause attributive de juridiction » de l’acte de vente du 17 juillet 2017 ; elle fait valoir que la mise en demeure du 18 mai 2021 que lui a adressée la société M Autos Entretien Services ne fait pas apparaître la volonté de se concilier et n’invite pas à une réunion de médiation par l’intermédiaire des conseils respectifs. Elle ajoute que la société M Autos Entretien Services n’a pas non plus effectué de démarche en ce sens postérieurement devant le tribunal. Elle en déduit que la demande de la société M Autos Entretien Services sera en conséquence déclarée irrecevable.

La société M Autos Entretien Services conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a rejeté cette fin de non-recevoir. Elle répond que la mise en demeure qu’elle a adressée à la société Lux’ Auto le 21 mai 2021 constitue une tentative de résolution amiable du litige qui s’est heurtée au mutisme de la société Lux’Auto de sorte qu’elle n’a eu d’autre choix que de saisir le tribunal de commerce de Mont de Marsan.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

La cour de cassation a jugé que le non-respect des clauses contractuelles relatives aux modes de règlement alternatif des litiges constituait une fin de non-recevoir dès lors que le contrat édictait de manière expresse et non équivoque le recours à la conciliation comme un préalable obligatoire à la saisine de la juridiction. (2ème Civ., 30 juin 2022, n°21-12.502).

En l’espèce, l’« article 15 ‘ clause attributive de juridiction » du contrat de vente de fonds de commerce conclu le 17 juillet 2017 entre les parties comporte une clause qui stipule :

 « Pour tous litiges pouvant survenir dans l’interprétation et l’exécution des présentes, les Parties feront leurs meilleurs efforts en vue de trouver une solution amiable, notamment en organisant, si cela peut s’avérer utile, une réunion de médiation entre leurs Conseils respectifs.

En cas d’échec de telles démarches, et en tout état de cause à l’expiration d’un délai de trente (30) jours sous réserve que ce délai ne soit pas incompatible avec la défense de leurs intérêts respectifs, les Parties font d’un commun accord élection de juridiction au Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN nonobstant pluralité de défendeurs. »

Le conseil de la société M Autos Entretien Services a envoyé à la SARL Lux’Auto une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 mai 2021 (pièce numérotée 7 de l’appelante) la mettant en demeure :

De cesser dans les plus brefs délais son activité de garagiste au sein de son établissement situé à [Localité 4], en mentionnant qu’au surplus la somme de 25.000 euros lui était demandée au titre de la violation de la clause de non concurrence,

De lui verser la somme de 40.000 euros au titre de l’indemnisation pécuniaire résultant de l’excès de prix versé payé par elle en raison de man’uvres dolosives.

Cette mise en demeure précisait : « Pour procéder à ce paiement, nous vous remercions de nous adresser directement un chèque de ce montant libellé à l’ordre de la CARPA (Caisse des règlements pécuniaires des avocats), compte par lequel tout versement réalisé par le biais d’un avocat doit transiter.

A défaut de retour ou de réaction de votre part à bref délai, nous serons contraints de saisir l’une des juridictions compétentes pour formuler ces mêmes demandes, réévaluées, outre de nouvelles demandes tenant notamment aux autres postes de préjudices et au paiement des divers frais de procédure.

Vous pouvez nous répondre directement ou par l’intermédiaire de votre ‘ (suivi d’un mot illisible masqué par la photocopie de l’avis de réception, qui est le mot « Conseil » selon l’appelante) habituel ».

Aucune réponse n’a été apportée à ce courrier par la société Lux’Auto ou son conseil.

La société M Autos Entretien Services a assigné la société Lux’Auto devant le tribunal de commerce de Mont de Marsan par acte d’huissier de justice du 2 juillet 2021.

Les termes de ce courrier de mise en demeure expriment les points de litige soulevés par la société M Autos Entretien Services (pièce numérotée 7 de l’appelante) mais ne révèlent aucune démarche susceptible d’aboutir à une solution amiable du litige, telle une proposition de réunion de médiation ou toute autre proposition et ne fait pas apparaître la volonté de tenter de se concilier. Aucune autre démarche n’a été effectuée ensuite en ce sens jusqu’à l’assignation introductive d’instance, alors que strictement aucun échange n’est intervenu entre les parties.

Alors que les stipulations de l’article 15 de l’acte de cession du fonds de commerce susvisées, dont le caractère obligatoire n’est pas contesté, imposent d’établir la réalité d’une recherche préalable par les parties d’une solution amiable à leur désaccord, lequel ne peut résulter seulement de l’envoi de ce courrier de mise en demeure auquel il n’a été apporté aucune réponse et du fait que le délai de 30 jours à compter de ce désaccord a couru, il ne ressort pas des pièces produites que l’une ou l’autre des parties ont entrepris une quelconque démarche susceptible d’aboutir à un règlement amiable de leur désaccord.

Il en résulte que la société M Autos Entretien Services n’a pas respecté la clause de conciliation préalable obligatoire à l’introduction d’une action en justice figurant à l’article 15 de l’acte de cession de fonds de commerce.

En conséquence il convient d’infirmer le jugement déféré et de déclarer irrecevable la société M Autos Entretien Services en son action.

Sur les demandes reconventionnelles de condamnation à une amende civile et à des dommages et intérêts

La société Lux’Auto sollicite la condamnation de l’appelante au paiement d’une amende civile ainsi qu’à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

Elle fait valoir qu’en ne révélant pas qu’elle avait déjà obtenu une indemnisation pour la perte de son fonds de commerce, la société M Autos Entretien Services a instrumentalisé la juridiction pour obtenir une double indemnisation de son préjudice. Elle ajoute que la société M Autos Entretien Services a pu conclure un nouveau contrat de location gérance en décembre 2022, et n’a produit aucun élément chiffré sur son activité. Elle considère que son action confine à la tentative d’escroquerie au jugement, les moyens frauduleux qu’elle a employés étant caractérisés et le moyen matériel étant constitué par l’absence de production à la procédure de la décision de justice qui vide sa demande de toute consistance.

L’article 32-1 du code de procedure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans prejudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus que dans des circonstances particulières le rendant fautif.

En l’espèce, il résulte des développements qui précèdent qu’en dépit de la décision du tribunal de commerce de Mont de Marsan du 17 décembre 2021 qui dans une instance l’opposant à la société Docauto a condamné cette dernière à payer à la société M Autos Entretien Services la somme de 130.000 euros, au titre de la perte de la valeur marchande de son fonds de commerce, la société appelante avait intérêt à agir dans le cadre de la présente instance. Il ne peut donc être soutenu que cette décision vidait sa demande de toute substance. Au regard de ces éléments il n’est pas démontré des circonstances particulières rendant abusif et dilatoire l’exercice de la présente action en justice par la société M Autos Entretien Services à l’encontre de la société Lux’Auto.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Lux’Auto de ses demandes d’amende civile et de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société M Autos Entretien Services aux dépens et au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société M Autos Entretien Services, partie perdante, sera également condamnée aux dépens d’appel, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.

La société appelante sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner la société M Autos Entretien Services à payer à la société Lux’Auto la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevable la note en délibéré envoyée par le conseil de la SARL Lux’ Auto en date du 3 mai 2024 ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Mont de Marsan du 1er juillet 2022 en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Lux’Auto tenant à l’intérêt à agir de la SARL M Autos Entretien Services, débouté la société Lux’Auto de ses demandes d’amende civile et de dommages et intérêts, condamné la société M Autos Entretien Services aux dépens de première instance et au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l’action de la SARL M Autos Entretien Services à l’encontre de la SARL Lux’Auto ;

Condamne la SARL M Autos Entretien Services aux dépens d’appel.

Condamne la SARL M Autos Entretien Services à payer à la SARL Lux’Auto la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame BAYLAUCQ, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


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