→ Résumé de l’affaireMadame [G] [P] a saisi le tribunal judiciaire de Lyon pour former opposition à une contrainte établie par l’URSSAF Ile-de-France pour un montant de 4 729,20 € en cotisations et majorations de retard dues au titre de l’exercice 2022. L’URSSAF demande la validation de la contrainte pour un montant actualisé de 2 613,20 € et la condamnation de Madame [P] au paiement de cette somme, des frais de recouvrement et d’une indemnité de 300 €. Madame [P] affirme ne plus relever du régime des travailleurs non salariés depuis la vente du fonds de commerce de sa société en août 2021 et conteste donc sa redevabilité des cotisations. |
→ L’essentielIrrégularité de la procédureLa décision de radiation du gérant de la sécurité sociale pour les indépendants ne peut être fondée que sur des événements spécifiques tels que la démission du gérant, la cession de ses parts sociales, la radiation de la société du registre du commerce, la liquidation amiable ou judiciaire de la société. La simple cessation d’activité de la société sans disparition de la personne morale ne suffit pas à entraîner la radiation du gérant. Ainsi, le maintien de la qualité de gérant majoritaire implique le paiement des cotisations personnelles, même en l’absence de revenus professionnels. Validité de la contrainteLa contrainte établie par l’URSSAF pour le paiement des cotisations dues au titre de l’exercice 2022 est conforme aux dispositions légales en vigueur. En cas de non-paiement des cotisations, l’URSSAF peut décerner une contrainte notifiée au débiteur par acte d’huissier de justice. Le débiteur a la possibilité de former opposition motivée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la contrainte. En l’absence d’opposition fondée, la contrainte est exécutoire de droit à titre provisoire. Répartition des fraisLes frais de signification de la contrainte et des actes de procédure nécessaires à son exécution sont en principe à la charge du débiteur, sauf si l’opposition est jugée fondée. Dans le cas présent, l’opposition de Madame [P] est recevable mais mal fondée, ce qui entraîne la mise à sa charge des frais de signification de la contrainte. Il est équitable de laisser aux parties la charge des frais exposés non compris dans les dépens, et Madame [P] sera donc condamnée au paiement des dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS:
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
30 Juillet 2024
Julien FERRAND, président
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Guy PARISOT, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Maëva GIANNONE, greffière
tenus en audience publique le 04 Avril 2024
jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, dont le délibéré initialement fixé au 06 Juin 2024 a été prorogé au 30 Juillet 2024 par le même magistrat
URSSAF ILE DE FRANCE C/ Madame [G] [P]
N° RG 23/01632 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YJRM
DEMANDERESSE
L’URSSAF ILE DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocats au barreau de LYON
DÉFENDERESSE
Madame [G] [P], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
URSSAF ILE DE FRANCE
[G] [P]
SELAS EPILOGUE AVOCATS
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
SELAS EPILOGUE AVOCATS
Une copie certifiée conforme au dossier
Par courrier recommandé du 24 mai 2023, Madame [G] [P] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de former opposition à la contrainte établie le 11 avril 2023 par le Directeur de l’URSSAF Ile-de-France et signifiée le 11 mai 2023 pour un montant de 4 729,20 € en cotisations et majorations de retard dues au titre de l’exercice 2022.
Aux termes de ses conclusions et de ses observations orales à l’audience du 4 avril 2024, l’Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales (URSSAF) Ile-de-France sollicite la validation de la contrainte pour une somme actualisée à 2 613,20 € et la condamnation de Madame [P] au paiement de cette somme, des frais de recouvrement, et d’une indemnité de 300 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que Madame [P] exerce une activité de conseil pour laquelle elle est affiliée à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des architectes, ingénieurs, techniciens et experts (CIPAV) depuis le 1er janvier 2010, le recouvrement des cotisations étant exercé par l’URSSAF.
Elle ajoute qu’aucune cessation d’activité de la société [4] dont Madame [P] est gérante majoritaire n’a été enregistrée.
Elle rappelle les dispositions applicables aux trois régimes obligatoires dont elle est en charge à savoir : le régime obligatoire de retraite de base, le régime obligatoire de retraite complémentaire et le régime prévoyance de certains professionnels libéraux, conformément aux articles L. 642-1, L. 642-2, D. 642-6 et L. 644-1 du code de la sécurité sociale.
Elle fait valoir que Madame [P] est tenue, compte tenu de son activité libérale, au paiement des cotisations obligatoires pour ses droits à la retraite et pour sa couverture invalidité-décès au titre de l’exercice 2022, et produit un tableau récapitulatif des sommes initialement dues et des sommes restant dues au titre de l’ensemble des cotisations réclamées.
Elle expose :
– que la cotisation 2022 au titre du régime de base a été initialement appelée à titre provisionnel sur la base d’une taxation d’office en l’absence de déclaration des revenus 2021, puis régularisée à 481 € sur la base des revenus 2022 d’un montant nul ;
– que la cotisation au titre du régime de retraite complémentaire a été appelée en classe A et qu’une régularisation prenant en compte les revenus 2022 n’aurait pas d’incidence sur le montant des cotisations dues ;
– que la cotisation invalidité décès a également été appelée en classe minimale A.
Aux termes de ses conclusions en réplique reprises à l’audience du 4 avril 2024, Madame [G] [P] indique que le fonds de commerce de la société [3] a été vendu le 1er août 2021 à la société de droit irlandais [4], qu’elle ne relève plus du régime des travailleurs non salariés depuis le 31 juillet 2021 et qu’elle n’est dès lors plus redevable de cotisations.
Elle conclut au rejet des demandes de l’URSSAF, à l’annulation de la mise en demeure, et sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 300 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur le bien-fondé de l’affiliation :
« L’article 1844-7 du code civil dispose que la société prend fin :
1° Par l’expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l’article 1844-6 ;
2° Par la réalisation ou l’extinction de son objet ;
3° Par l’annulation du contrat de société ;
4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l’article 1844-5 ;
7° Par l’effet d’un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ;
8° Pour toute autre cause prévue par les statuts. »
L’activité de gérant est assimilée à l’exercice d’une activité professionnelle, peu importe que la société ait eu une activité effective du moment qu’elle n’a pas cessé d’exister, et que ses fonctions n’aient procuré au gérant aucun revenu.
L’affiliation n’étant pas subordonnée à la perception d’une rémunération, même en l’absence de revenus professionnels, le gérant majoritaire est tenu au paiement de cotisations calculées sur des bases forfaitaires minimales.
Le gérant majoritaire exerce une activité de contrôle et de surveillance de la société indépendamment de l’exercice d’une activité par la société.
De ce fait, la seule cessation d’activité d’une société, sans disparition de la personne morale, n’est pas de nature à entraîner la radiation de son gérant de la sécurité sociale pour les indépendants.
Les seuls événements susceptibles d’entraîner la radiation du régime sont : la démission du gérant, la cession de ses parts sociales, la radiation de la société du registre du commerce, la liquidation amiable ou judiciaire de la société.
Si Madame [P] verse aux débats l’annonce légale de la cession par la société [3] de son fonds de commerce de conseil aux entreprises à la société de droit irlandais [4] avec date d’entrée en jouissance fixée au 1er août 2021, elle ne conteste pas la poursuite de l’existence de la société [4], qui n’aurait plus d’activité.
Madame [P] reste en conséquence tenue au paiement des cotisations personnelles en qualité de gérante majoritaire.
Sur le bien-fondé de la contrainte :
Aux termes de l’article R.133-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-864 du 9 mai 2017 (dont les dispositions sont entrées en vigueur à compter du 11 mai 2017), “ si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L.161-1-5 ou L.244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d’huissier de justice.
La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
L’huissier de justice avise dans les huit jours l’organisme créancier de la date de signification.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L’opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe.
Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les huit jours de la réception de l’opposition.
La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire.”
L’URSSAF a détaillé les modalités de calcul des cotisations définitives à devoir au titre de l’exercice 2022, qui ne sont pas discutées par Madame [P].
Ces cotisations ont en tout état de cause été appelées sur les bases minimales applicables.
Les majorations de retard sont dues en application des dispositions de l’article R. 243-16 du code de la sécurité sociale.
Dès lors, il ressort de la situation de compte de Madame [P] qu’elle reste en l’état redevable d’une somme de 2 613,20 € en cotisations et majorations de retard dues pour l’exercice 2022.
La créance est fondée dans son principe et justifiée dans son montant par les pièces produites aux débats et les explications données.
Il convient par conséquent, de valider la contrainte établie le 11 avril 2023 et signifiée le 11 mai 2023 pour un montant total de 2 613,20 € au titre de l’exercice 2022.
Sur les autres demandes :
Aux termes de l’article R. 133-6 du code de la sécurité sociale : » les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions de l’article R. 133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l’opposition a été jugée fondée. »
L’opposition étant recevable mais mal fondée, les frais de signification de la contrainte dont il est justifié pour un montant de 73,04 € seront mis à la charge de Madame [P].
Il apparaît conforme à l’équité de laisser aux parties la charge des frais exposés non compris dans les dépens.
Madame [P] sera condamnée au paiement des dépens.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort,
Valide la contrainte émise le 11 avril 2023 et signifiée le 11 mai 2023 pour une somme totale actualisée à 2 613,20 € en cotisations et majorations de retard dues au titre de l’exercice 2022 ;
Condamne Madame [G] [P] à payer à l’URSSAF Ile-de-France la somme de 2 613,20 € ;
Condamne Madame [G] [P] à verser à l’URSSAF Ile-de-France la somme de 73,04 € au titre des frais de signification ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Rappelle que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire et que tous les actes de procédure nécessaires à l’exécution de la contrainte, sont à la charge du débiteur ;
Condamne Madame [G] [P] au paiement des entiers dépens.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal, le 30 juillet 2024, et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT