→ Résumé de l’affaireMonsieur [T] et Madame [M] ont assigné la SARL SUD TERRAINS devant le Juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de désigner un expert pour une expertise judiciaire concernant la construction de leur maison d’habitation. Ils ont également demandé le paiement d’une somme provisionnelle et d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. La SARL SUD TERRAINS a accepté l’expertise mais a contesté les autres demandes, notamment les pénalités de retard dues par le constructeur. Les demandeurs ont également souligné que le constructeur n’a pas signé le formulaire d’accord de blocage des fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations, les empêchant ainsi de consigner le solde du marché. |
→ L’essentielIrrecevabilité de la demande d’expertise judiciaireEn vertu de l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner toute mesure d’instruction dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Cependant, cette disposition n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien-fondé des demandes formées ultérieurement. Il est nécessaire de constater qu’un procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, et qu’il est justifié d’un motif légitime. Dans le cas présent, les demandeurs ont justifié d’un intérêt légitime à faire établir par expertise la preuve des faits et des responsabilités. Par conséquent, la demande d’expertise est recevable et justifiée. Rejet de la demande de provisionSelon l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Dans cette affaire, les demandeurs sollicitent une provision au titre des pénalités de retard prévues dans le contrat de construction de maison individuelle. Étant donné que le constructeur n’a pas justifié de motifs de prorogation du délai de livraison, son obligation de payer une indemnité de retard apparaît dépourvue de contestation sérieuse. Par conséquent, la demande de provision est justifiée et doit être accordée. Condamnation de la société SUD TERRAINSEn conclusion, la société SUD TERRAINS est condamnée à payer une somme provisionnelle au titre des pénalités de retard et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle supportera également les entiers dépens de l’instance. Il est important de souligner que les demandeurs ont agi de manière diligente et qu’ils ont respecté leurs obligations contractuelles. La décision rendue par le juge des référés garantit ainsi la protection des droits des parties et assure une juste réparation des préjudices subis. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
54G
Minute n° 24/
N° RG 24/00400 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YZC2
5 copies
EXPERTISE
GROSSE délivrée
le 29/07/2024
à la SELARL CABINET FERRANT
la SELARL WATERLOT-BRUNIER
COPIE délivrée
le 29/07/2024
à
2 copies au service expertise
Rendue le VINGT NEUF JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 01 juillet 2024,
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Céline GABORIAU, Greffière lors des débats et de Charlène PALISSE, Greffière lors du prononcé.
DEMANDEURS
Madame [U] [M]
née le 26 Juin 1984 à [Localité 9] (87)
[Adresse 8]
[Localité 6]
Monsieur [Z] [T]
né le 06 Janvier 1980 à [Localité 7] (24)
[Adresse 8]
[Localité 6]
Tous deux représentés par Maître Maxence WATERLOT de la SELARL WATERLOT-BRUNIER, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSE
S.A.R.L SUD TERRAINS
dont le siège social est :
[Adresse 10]
[Localité 5]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège
Représentée par Maître Thomas FERRANT de la SELARL CABINET FERRANT, avocat au barreau de BORDEAUX
Par acte de commissaire de justice délivré le 15 février 2024, Monsieur [T] et Madame [M] ont fait assigner la SARL SUD TERRAINS devant le Juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir désigner un expert au visa de l’article 145 du code de procédure civile, et de la voir condamnée à leur payer la somme provisionnelle de 4 696,14 euros, outre une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures, Monsieur [T] et Madame [M] ont maintenu leurs demandes, et ont sollicité qu’il leur soit donné acte de leur accord pour consigner le solde du marché entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Ils exposent avoir confié à la société SUD TERRAINS, suivant contrat de construction de maison individuelle du 7 mai 2021, l’édification d’une maison d’habitation sur un terrain situé [Adresse 2] à [Localité 6], et font valoir que l’ouvrage, qui aurait dû être achevé au plus tard le 12 mai 2023 suivant les termes du contrat, n’a finalement été réceptionné que le 20 juillet 2023, réception assortie de plusieurs réserves, qui n’ont été que partiellement levées, d’autres étant apparues, situation justifiant l’organisation d’une expertise judiciaire. Ils sollicitent par ailleurs l’allocation d’une somme provisionnelle à valoir sur les pénalités de retard dues par le constructeur, la réception étant intervenue avec 69 jours de retard, ce retard n’étant justifié par aucun motif légitime. Ils font enfin valoir que s’ils n’ont pu consigner le solde du marché correspondant aux 5 %, c’est du seul fait du constructeur qui n’a pas signé le formulaire d’accord de blocage des fonds à la Caisse des Dépôts et Consignations.
La SAS SUD TERRAINS a indiqué par conclusions écrites ne pas s’opposer à l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire, sous toutes protestations et réserves d’usage quant à sa responsabilité, et sollicité qu’il soit confié à l’expert mission de proposer un apurement des comptes entre les parties.
Elle a conclu au rejet du surplus des demandes formées par les Consorts [M]/[T], faisant valoir que son obligation d’avoir à s’acquitter d’indemnités de retard ne peut en l’état être considérée comme dépourvue de contestations sérieuses, ce d’autant que les demandeurs ont quant à eux manqué à leur obligation de consigner le solde des 5 % du prix du marché, et que des pénalités de retard sont dues à raison de ce retard de paiement.
Sur la demande d’expertise judiciaire
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner toute mesure d’instruction dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
L’application de ce texte n’implique aucun préjugé sur la recevabilité et le bien fondé des demandes formées ultérieurement ou sur la responsabilité ou la garantie des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances du procès susceptible d’être engagé. Il suffit de constater qu’un procès est possible, qu’il a un objet et un fondement suffisamment déterminés, qu’il est justifié d’un motif légitime.
En l’espèce, au vu des pièces versées aux débats, et notamment des procès-verbaux de constat dressés les 16 juin et 29 juin 2023, du courrier recommandé adressé le 24 juillet 2023 signalant de nouvelles réserves, Madame [M] et Monsieur [T] justifient d’un intérêt légitime à faire établir par expertise la preuve des faits, leur cause, les responsabilités encourues et les éléments constitutifs de leur éventuel préjudice.
Sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux responsabilités et garanties encourues, il convient de faire droit à la demande d’expertise, la mission de l’expert étant précisée au dispositif de la présente décision, à l’exclusion de tout autre chef de mission.
Sur la demande de provision
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019, le juge des référés peut, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.
La demande ne doit donc se heurter à aucune contestation sérieuse, ce qui suppose la certitude des faits de la cause et du droit applicable.
Madame [M] et Monsieur [T] sollicitent en l’espèce une provision au titre des pénalités de retard, en application de l’article 2-6 du contrat de construction de maison individuelle signé avec la société SUD TERRAINS, lequel dispose qu’en cas de retard dans la livraison, le constructeur devra au maître de l’ouvrage une indemnité égale à 1/3000 ème du prix convenu fixé au contrat par jour de retard.
Le contrat conclu entre les parties le 7 mai 2021 avait fixé une durée d’exécution de dix-huit mois à compter de l’ouverture du chantier.
La déclaration d’ouverture du chantier est intervenue le 12 novembre 2021, de sorte que les travaux auraient dû être exécutés au plus tard le 12 mai 2023.
La réception n’est finalement intervenue que le 20 juillet 2023.
En considération de ces éléments, et faute pour le constructeur de justifier d’un des motifs de prorogation de la date du délai de fin de construction limitativement fixés par l’article 2-6 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelle, son obligation d’avoir à s’acquitter d’une indemnité de retard de livraison apparaît dépourvue de contestation sérieuse. Il convient au surplus d’observer qu’il résulte des pièces produites par les demandeurs que la société SUD TERRAINS leur avait proposé la signature d’un protocole d’accord transactionnel, aux termes elle s’engageait à leur verser la somme de 4 696,14 euros au titre des indemnités de retard.
Pour s’opposer à sa condamnation au paiement de la provision réclamée, la société SUD TERRAINS argue de la défaillance des maîtres d’ouvrage dans leur obligation de consignation du solde de 5 % du marché dans l’attente de la levée des réserves, et des intérêts de retard dont ils sont tenus du fait de cette défaillance.
Il convient toutefois de relever que les demandeurs démontrent, au travers des pièces produites, avoir effectué toutes démarches pour consigner le solde des 5 % à la Caisse des Dépôts et Consignations, consignation qui n’a pu intervenir du fait de l’absence d’accord signé par la société SUD TERRAINS.
Il y a lieu au surplus de rappeler que les intérêts dus en cas de retards dans les paiements, fixés à 1 % par mois sur les sommes non réglées en application de l’article 3-5 des conditions générales du contrat de construction de maison individuelles, ne s’appliquent qu’à compter du jour où les sommes deviennent exigibles.
Le solde des 5 % du marché ne devant être payé au constructeur qu’à compter de la levée des réserves, les intérêts de retard ne commenceront à courir qu’à compter de cette date, de sorte que les maîtres d’ouvrage ne sont pour l’heure tenus d’aucune obligation non sérieusement contestable d’avoir à s’acquitter des intérêts de retard sur les 5 % du solde du marché, en l’absence de levée de réserves à ce jour.
L’obligation de la société SUD TERRAINS d’avoir à s’acquitter des pénalités de retard contractuellement fixées étant, en considération de ce qui précède, dépourvue de contestations sérieuses, il y a lieu de la condamner à payer à Monsieur [T] et Madame [M] une somme provisionnelle de 4 696,14 euros à valoir sur ces pénalités.
Sur les autres demandes
Il sera donné acte à Monsieur [T] et Madame [M] de leur accord pour consigner le solde du marché entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations, cette consignation ne pouvant être ordonnée en l’absence de demande formée par la société SUD TERRAINS.
La société SUD TERRAINS supportera la charge des entiers dépens de l’instance.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [T] et Madame [M], tenus d’ester en justice, la part des frais non compris dans les dépens, et il convient en conséquence de condamner la société SUD TERRAINS à leur verser une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
DÉCISION
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant par une ordonnance contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, et susceptible d’appel;
Vu l’article 145 du code de procédure civile, ordonne une mesure d’expertise, tous droits et moyens des parties réservés, et commet pour y procéder :
Madame [G] [L]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Tél : [XXXXXXXX01]
Dit que l’expert répondra à la mission suivante :
– se rendre sur les lieux en présence des parties et de leurs conseils ou après les avoir dûment convoquées ; se faire communiquer, dans le délai qu’il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu’il jugera nécessaires à l’exercice de sa mission, et notamment la citation, ainsi que tous documents contractuels, techniques et administratifs se rapportant aux travaux de construction litigieux ; visiter les lieux et les décrire ;
– déterminer la mission et le rôle effectif de chacun des intervenants à la construction ;
– préciser si un procès-verbal de réception a été établi, et dans la négative fournir à la juridiction les éléments propres à caractériser une réception tacite ;
– vérifier si les désordres allégués dans l’assignation, les conclusions et les pièces auxquelles elles se réfèrent existent ; les décrire, en indiquer la nature, l’importance et la localisation ; lister les travaux contractuellement prévus et ceux qui n’auraient pas été exécutés ou achevés ; les décrire, préciser les ouvrages ou les éléments d’ouvrage sur lesquels ils portent, en préciser l’importance ;
– préciser la date d’apparition des désordres ; dire, pour chacun des désordres allégués, s’ils étaient apparents à la réception pour le maître de l’ouvrage concerné, et en ce cas s’ils ont fait l’objet de réserves ; pour le cas où les désordres ont fait l’objet de réserves, préciser si des reprises ont été effectuées, leur nature, leur date et leur utilité ou leur inefficacité pour remédier aux réserves ;
– pour chaque désordre, dire s’il affecte un élément du gros oeuvre ou un élément d’équipement indissociablement lié au gros oeuvre ; préciser si le désordre est de nature à rendre l’immeuble, actuellement ou à terme certain, impropre à son usage ou à compromettre sa solidité, et préciser en quoi ;
– rechercher la cause des désordres en précisant, pour chacun des désordres, malfaçons ou non conformité, s’il y a eu vice du matériau, malfaçons dans l’exécution, vice de conception, défaut ou insuffisance dans la direction ou le contrôle ou la surveillance du chantier, défaut d’entretien ou de tout autre cause, ou préciser en quoi les travaux réalisés ne sont pas conformes aux prescriptions contractuelles ou aux termes du marché ;
– donner tous éléments techniques et de fait permettant au juge de déterminer les responsabilités éventuelles encourues par les différents intervenants et, le cas échéant, déterminer, en précisant les motifs techniques présidant à son appréciation, qui a eu un rôle prépondérant, secondaire ou mineur ;
– donner son avis sur les travaux propres à remédier aux désordres constatés, en évaluer le coût hors-taxes et TTC, et la durée, désordre par désordre, en communiquant au besoin aux parties en même temps que son pré-rapport, des devis et propositions chiffrées concernant les travaux envisagés, et ce, en enjoignant les parties de formuler leurs observations écrites dans le délai d’un mois suivant la date de cette communication ; préciser leur incidence sur la jouissance de l’immeuble ;
– proposer un apurement des comptes entre les parties en distinguant le cas échéant les moins values résultant de travaux entrant dans le devis et non exécutés, le montant des travaux effectués mais non inclus dans le devis en précisant sur ce point s’ils étaient nécessaires ou non, et plus généralement en distinguant les coûts de reprise nécessaires en fonction de chacune des entreprises intervenantes,
– donner au juge tous éléments techniques et de fait de nature à lui permettre de déterminer la nature et l’importance des préjudices subis par les maîtres de l’ouvrage et proposer une base d’évaluation ;
– constater l’éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d’en aviser le juge chargé du contrôle des expertises ;
– établir un pré-rapport comportant devis et estimations chiffrées et, un mois avant la date prévue pour le dépôt du rapport définitif, le communiquer aux parties en leur enjoignant de formuler, dans le délai d’un mois suivant cette communication, leurs observations et dires récapitulatifs ;
Dit que l’expert ne pourra recueillir l’avis d’un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu’il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s’il y a lieu, leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêt avec elles ;
Fixe à la somme de 4 000 euros la provision que Madame [M] et Monsieur [T] devront consigner au greffe du tribunal judiciaire de Bordeaux, avec la mention du numéro PORTALIS située en haut à gauche sur la première page de l’ordonnance de référé, dans le délai de 2 mois, entre les mains du régisseur, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,
Dit que l’expert doit établir un devis prévisionnel, l’ajuster en tant que de besoin en fonction de l’évolution de l’expertise, et veiller à ce que la somme consignée corresponde toujours aux coûts prévisibles de l’expertise, au besoin en demandant des consignations complémentaires,
Dit que l’expert déposera son rapport dans le délai de 10 mois à compter de la consignation ;
Dit que le magistrat du tribunal judiciaire de Bordeaux chargé du contrôle des expertises assurera le suivi de la mesure conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile ;
Condamne la SAS SUD TERRAINS à payer à Monsieur [T] et Madame [M] une somme provisionnelle de 4 696,14 euros à valoir sur les pénalités de retard,
Condamne la SAS SUD TERRAINS à payer à Monsieur [T] et Madame [M] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Dit que la SAS SUD TERRAINS assumera la charge des entiers dépens de l’instance.
La présente décision a été signée par Sandra HIGELIN, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffière.
Le Greffier, Le Président,