→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne la dissolution anticipée de la société Cofical prononcée par le tribunal mixte de commerce de Nouméa, suite à une décision de fusion-absorption avec la société Figesbal. Mme [Y], ancienne gérante de la société Cofical, a proposé d’acquérir des actions de la société Figesbal détenues par Cofical, mais sa demande a été déclarée irrecevable par le tribunal. Mme [Y] a interjeté appel de cette décision et demande à la cour d’autoriser l’acquisition des actions ou de respecter les termes de l’arrêt précédent. Les autres parties, dont la société Etablissements Louis Ballande, la société CBF associés et la société Ficbal, s’opposent à cette demande et demandent le rejet des demandes de Mme [Y]. La procédure est en attente de la décision de la cour d’appel de Nouméa et des conclusions finales des parties. |
→ L’essentielIrrecevabilité des conclusions tardivesLa cour a décidé d’écarter des débats les conclusions des sociétés Etablissements Louis Ballande et Ficbal en raison de leur dépôt tardif. En effet, ces conclusions ont été transmises quelques jours seulement avant l’audience, alors que les parties concernées disposaient de tous les éléments pour conclure utilement antérieurement à ces dates. Cette mesure vise à garantir le respect du contradictoire et l’équité des débats. Rejet de la demande de sursis à statuerMme [Y] a formulé une demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision relative à l’interprétation d’un arrêt antérieur. Cependant, la cour a rejeté cette demande, soulignant que le recours en interprétation ne fait pas obstacle à une interprétation incidente par un tribunal dans une autre instance. Ainsi, la cour est compétente pour interpréter un arrêt précédemment rendu dans le cadre de la présente instance. Conformité de l’opération de fusion-absorptionL’article 1844-4 du code civil et l’article L 236-1 du code du commerce permettent à une société en liquidation de participer à une opération de fusion. Dans le cas présent, l’opération de fusion-absorption de la société Cofical par la société Figesbal a été approuvée par la majorité des associés lors d’une assemblée générale. Par conséquent, l’offre d’acquisition de parts présentée par Mme [Y] a été déclarée irrecevable, étant donné qu’elle n’est pas une associée de la société Cofical. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 25 juillet 2024
Chambre commerciale
N° RG 23/00086 – N° Portalis DBWF-V-B7H-UNW
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 octobre 2023 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 2023/00352)
Saisine de la cour : 19 décembre 2023
APPELANT
Mme [U] [Y]
née le [Date naissance 5] 1959,
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Morgan NEUFFER de la SELARL MORGAN NEUFFER, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
S.C.P. CBF ASSOCIES, prise en la personne de Me [L] [D],
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Laurence PEDAMON de la SELARL ERNST & YOUNG, avocat au barreau de NOUMEA
S.C. ETABLISSEMENTS LOUIS BALLANDE, prise en la personne de son gérant en exercice,
Siège social [Adresse 3]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D’AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA
S.C. FICBAL, prise en la personne de son gérant en exercice,
Siège social : [Adresse 7]
Représentée par Me Stéphane LENTIGNAC de la SELARL SOCIETE D’AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA
25/07/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire – Me PEDAMON ; Me DESCOMBES ; Me LENTIGNAC ;
Expéditions – Me NEUFFER ;
– Copie CA ; Copie TMC
S.C. FIGESPART, prise en la personne de son gérant,
Siège social : [Adresse 2]
S.A.R.L. DOMINIQUE PESTRE-ROIRE EXPERTISE-COMPTABLE en qualité de commissaire aux comptes de la société COFICAL, prise en la personne de son représentant légal,
Siège social : [Adresse 6]
S.A.S. FP INVEST, prise en la personne de son président en exercice, Siège social : [Adresse 4]
Représentée par Me Morgan NEUFFER de la SELARL MORGAN NEUFFER, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 juin 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.
Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
ARRÊT :
– reputé contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
Selon jugement en date du 30 septembre 2019, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, à la requête de la société Etablissements Louis Ballande, a prononcé la dissolution anticipée de la société Cofical et désigné la SCP CBF associés, en la personne de Me [D], en qualité de liquidateur de la société Cofical, « avec mission générale de représenter désormais en toutes circonstances ladite société, et de procéder à la liquidation et à la répartition de l’ensemble de ses actifs après paiement de l’ensemble du passif et des frais de liquidation ».
Les sociétés Cofical, FP invest et Figespart SC ont interjeté appel de cette décision.
Par arrêt en date du 25 octobre 2021, cette cour a confirmé le jugement entrepris, sauf à préciser que les règles sur le partage successoral ont vocation à régir le partage des biens subsistants.
Le pourvoi formé par la société FP invest à l’encontre de cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2023.
Selon lettre datée du 22 mai 2023, Mme [Y], ancienne gérante de la société Cofical et gérante de la société FP invest, a proposé au liquidateur de la société Cofical d’acquérir 11 500 actions de la société Figesbal, détenues par la société Cofical, moyennant un prix de 9 606 201 850 FCFP.
Par lettre du 6 juin 2023, Me [D] a répondu à Mme [Y] qu’il n’entendait « soumettre cette offre aux associés de la société Cofical, ces derniers ayant très clairement exprimé le choix de réaliser une fusion-absorption de la société Cofical avec la société Figesbal ».
Selon assignations à jour fixe, Mme [Y] a saisi, au visa de l’article L 237-6 du code du commerce, le tribunal mixte de commerce de Nouméa d’une demande d’autorisation de rachat des actions détenues par la société Cofical.
La société FP invest a appuyé cette demande à laquelle se sont opposés la SCP CBF associés, ès qualités, la société Etablissements Louis Ballande, la société Ficbal.
Par jugement réputé contradictoire en date du 13 octobre 2023, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, retenant que Mme [Y] n’était pas recevable à remettre en cause la décision du liquidateur de procéder à la liquidation de la société Cofical par voie de fusion-absorption, a :
– déclaré l’action de Mme [Y] irrecevable,
– débouté la société Etablissements Louis Ballande de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– débouté la société SCP CBF associés, ès qualités de liquidateur de la société Cofical, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Etablissements Louis Ballande de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Ficbal de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [Y] aux dépens dont distraction au profit du cabinet Ernst & Young et de la selarl D & S Légal.
Selon requête déposée le 19 décembre 2023, Mme [Y] a interjeté appel de cette décision.
Selon requête déposée le 10 janvier 2024, Mme [Y] a sollicité une fixation à bref délai de l’affaire.
Par ordonnance du 30 janvier 2024, le délégataire du premier président a fixé la clôture de la procédure au 3 juin 2024 et la fixation de l’affaire au 10 juin 2024.
Aux termes de son mémoire ampliatif transmis le 26 décembre 2023, Mme [Y], qui affirme que le liquidateur n’a pas le pouvoir de procéder à la liquidation de la société Cofical par voie de fusion-absorption et soutient que sa proposition est la meilleure alternative envisageable pour le groupe Ballande, demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’action de Mme [Y] irrecevable et condamné celle-ci aux entiers dépens dont distraction au profit de la selas Ernst & Young et de la selarl D & S Légal ;
à titre principal,
– déclarer recevable l’offre d’acquisition présentée par Mme [Y], avec faculté de substitution partielle à toute personne physique ou morale agissant de concert avec elle, des actifs suivants : acquisition des 11.500 actions que la société Cofical détient dans la société Figesbal ;
– autoriser le liquidateur amiable à céder lesdites actions détenues par la société Cofical à Mme [Y] dans le strict respect des termes et conditions de l’offre du 22 mai 2023 ;
à titre subsidiaire,
– dire que le liquidateur devra respecter stricto sensu les termes de l’arrêt du 25 octobre 2021 dans les plus brefs délais, et inviter le liquidateur à notamment organiser le rachat des actifs de la société Cofical.
Dans des conclusions transmises le 28 mai 2024, Mme [Y] demande à la cour de prononcer le sursis à statuer dans I’attente de la décision de la cour d’appel de Nouméa relative à l’interprétation de l’arrêt rendu en date du 25 octobre 2021.
Dans des conclusions déposées le 11 mars 2024, la société CBF associés, ès qualités, qui rétorque que la fusion est un mode de liquidation et que l’offre de cession est caduque, demande à la cour de :
à titre principal,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action exercée par Mme [Y] et l’a condamnée aux dépens ;
– débouter Mme [Y] de toutes ses demandes ;
à titre subsidiaire,
– déclarer que l’offre d’acquisition de 11 500 actions Figesbal par Mme [Y] n’est pas recevable et la débouter de toutes ses demandes ;
– condamner Mme [Y] au versement d’une somme de 1.000.000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon conclusions transmises le 1er juin 2024, la société Ficbal, qui observe que la fusion constitue une modalité de liquidation et que le liquidateur décide seul des modalités de liquidation, demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
– débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Mme [Y] à payer à la société Ficbal la somme de 1.000.000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans des conclusions transmises le 3 juin 2024, la société Ficbal s’oppose au sursis à statuer sollicité par l’appelante et lui réclame le paiement d’une somme de 200.000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon conclusions transmises le 2 juin 2024, la société Etablissements Louis Ballande, qui développe une argumentation similaire à celle de la société Ficbal, demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’action de Mme [Y] irrecevable ;
– y ajouter, en tant que de besoin, que toutes les demandes formulées par Mme [Y] sont en tous les cas infondées ;
– débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes ;
– infirmer ledit jugement en ce qu’il a débouté la concluante de sa demande de condamnation de Mme [Y] au paiement d’une somme de 1.200.000 FCFP en réparation du préjudice que lui cause cette nouvelle procédure particulièrement téméraire et abusive, et prononcer cette condamnation ;
– condamner Mme [Y] à payer à la société concluante la somme de 1.000.000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et de 800.000 FCFP au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la selarl D & S Légal.
Dans des conclusions transmises le 2 juin 2024, la société Etablissements Louis Ballande, qui estime qu’il n’y a pas lieu à interprétation de l’arrêt du 25 octobre 2021, prie la cour de :
– débouter Mme [Y] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 250.000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de la selarl D & S Légal, sur offre de droit.
Dans des conclusions déposées le 5 juin 2024, Mme [Y] demande à la cour de :
à titre principal,
– prononcer le rabat de l’ordonnance du 30 janvier 2024 ayant fixé la clôture de la procédure au 3 juin 2024 ;
– fixer l’affaire à une date d’audience ultérieure ;
à titre subsidiaire,
– écarter des débats les conclusions des sociétés Etablissements Louis Ballande et Ficbal en raison de leur dépôt tardif.
La société Figespart SC et la société Dominique Pestre-Roire expertise comptable qui ont été respectivement citées les 1er février 2014 (acte délivré au siège social) et 4 janvier 2014 (acte remis à une personne habilitée à recevoir l’acte) n’ont pas constitué avocat.
Sur ce, la cour,
a) Les conclusions respectivement transmises les 1er et 2 juin 2024 par la société Ficbal et par la société Etablissements Louis Ballande, quelques jours seulement avant l’audience, alors que l’audience est fixée de longue date et que ces parties disposaient de tous les éléments pour conclure utilement antérieurement à ces dates, seront écartées des débats afin d’assurer le respect du contradictoire.
b) A l’appui de sa demande, Mme [Y] conteste en premier lieu le principe de la décision prise par le liquidateur de la société Cofical de procéder à une liquidation par voie de fusion-absorption. Dans ce cadre, elle demande à la cour de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision relative à l’interprétation de l’arrêt rendu en date du 25 octobre 2021.
Cette demande de sursis à statuer, formulée dans des conclusions transmises le 28 mai 2024, sera rejetée dans la mesure où le recours en interprétation ouvert par l’article 461 du code de procédure civile n’exclut pas une interprétation incidente par un tribunal dans une autre instance. Autrement dit, la cour, dans le cadre de la présente instance, est compétente pour interpréter un arrêt précédemment rendu.
c) L’article 1844-4 du code civil dispose :
« Une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d’une société nouvelle, par voie de fusion.
Elle peut aussi transmettre son patrimoine par voie de scission à des sociétés existantes ou à des sociétés nouvelles.
Ces opérations peuvent intervenir entre des sociétés de forme différente.
Elles sont décidées, par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts.
Si l’opération comporte la création de sociétés nouvelles, chacune de celles-ci est constituée selon les règles propres à la forme de société adoptée. »
L’article L 236-1 du code du commerce dispose :
« Une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion, transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent.
Une société peut aussi, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles.
Ces possibilités sont ouvertes aux sociétés en liquidation à condition que la répartition de leurs actifs entre les associés n’ait pas fait l’objet d’un début d’exécution.
Les associés des sociétés qui transmettent leur patrimoine dans le cadre des opérations mentionnées aux trois alinéas précédents reçoivent des parts ou des actions de la ou des sociétés bénéficiaires et, éventuellement, une soulte en espèces dont le montant ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées. »
Ainsi que l’observe la société CBF associés, ès qualités, il résulte des dispositions précitées qu’une société en liquidation peut participer à une opération de fusion. Il importe peu que ni le jugement du 30 septembre 2019, ni l’arrêt du 25 octobre 2021 n’aient expressément autorisé le liquidateur de recourir à une fusion.
L’opération projetée par le liquidateur, à savoir une fusion-absorption de la société Cofical par la société Figesbal, a été approuvée par trois des quatre associés lors d’une assemblée générale ordinaire tenue le 17 octobre 2022, sous l’égide de la société CBF associés : elle est conforme à la majorité des associés de la société Cofical.
Dans ces conditions, le principe de l’opération projetée par la société CBF associés, ès qualités, n’appelle aucune réserve et c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré irrecevable l’offre d’acquisition de parts présentée par Mme [Y], étant au surplus observé que celle-ci n’est pas une associée de la société Cofical.
La cour,
Ecarte les conclusions transmises les 1er et 2 juin 2024 par les sociétés Ficbal et Etablissements Louis Ballande ;
Confirme le jugement entrepris ;
Condamne Mme [Y] à payer à la société CBF associés, ès qualités, une somme de 500.000 FCFP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Ficbal et la société Etablissements Louis Ballande de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [Y] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président.