→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre la société ENCHERIMMO SAINT BARTH, son associé unique M. [W] [C], et M. [R] [H]. Les faits principaux sont les suivants : – Création de la société ENCHERIMMO par M. [W] [C] en 2015, avec pour objet social l’activité d’agence immobilière. Les parties ont formulé des demandes contradictoires, notamment concernant la validité des assemblées générales, l’exclusion de M. [H] de la société, et le paiement de dommages et intérêts. L’affaire est actuellement en cours d’examen par la cour d’appel pour décision finale. |
→ L’essentielIrrecevabilité de l’appelEn application de l’article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse à compter de la signification de la décision querellée, outre les délais de distance de l’article 644, soit un mois de plus lorsque la juridiction saisie a son siège en GUADELOUPE et que l’appelant n’y demeure pas. En l’espèce, les deux appelants, ainsi que l’intimé, demeurent à SAINT-BARTHELEMY et bénéficiaient donc d’un délai de 2 mois pour relever appel de la décision critiquée. Il est produit aux débats par l’intimé deux actes de signification du jugement déféré à la personne de M. [W] [C] et à celle de la société ENCHERIMMO, en date du 20 octobre 2021. M. [C] et la société ENCHERIMMO ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe par voie électronique le 13 décembre 2021, soit avant l’expiration du délai de deux mois suivant les actes de signification du 20 octobre 2021. Il y a donc lieu de les déclarer recevables en cet appel. Périmètre de la saisine de la courEn application de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. Aux termes de l’article 562 du même code, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. La déclaration d’appel de l’appelant principal fixe les chefs du jugement critiqué qui sont dévolus à la cour, sous réserve de tout appel incident de la part de l’intimé. Recevabilité des demandes ‘nouvelles’ de l’intiméAux termes des dispositions des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Il est donc nécessaire de rejeter comme infondée la fin de non-recevoir opposée à toutes ces demandes par les appelants et de les déclarer recevables. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRET N° 430 DU 26 JUILLET 2024
N° RG 21/01256 –
N° Portalis DBV7-V-B7F-DMIY
Décision attaquée : jugement du tribunal de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélémy en date du 6 septembre 2021, dans une instance enregistrée sous le n°18/00420
APPELANTS :
Monsieur [W] [C]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
97133 SAINT BARTHELEMY
Représenté par Me Valérie FRUCTUS-BARATHON, de la SELARL FRUCTUS-BARATHON AVOCATS, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART(postulant)
Assisté de Me Stephen MONTRAVERS, de la SELARLU JUDIJURISOL, avocat au barreau de PARIS (plaidant)
S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH
[Adresse 2]
[Adresse 4]
97133 SAINT BARTHELEMY
Représentée par Me Valérie FRUCTUS-BARATHON, de la SELARL FRUCTUS-BARATHON AVOCATS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART(postulant)
Assistée de Me Stephen MONTRAVERS de la SELARLU JUDIJURISOL, avocat au barreau de PARIS (plaidant)
INTIME :
Monsieur [R] [P] [H]
[Adresse 8]
[Adresse 6]
97133 SAINT BARTHELEMY
Représenté par Me Daniel WERTER, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, devant M. Frank ROBAIL, président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposé.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Frank ROBAIL, président de chambre,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
M.Thomas Habu GROUD, conseiller.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 juin 2024. Elles ont ensuite été informées de la prorogation de ce délibéré, in fine, à ce jour, en raison de l’absence d’un greffier et la surcharge des magistrats.
GREFFIER
Lors des débats : Mme Valérie SOURIANT, greffière
Lors du prononcé : Mme Sonia VICINO, greffière
ARRET :
– contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
– signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
La S.A.S. ‘ENCHERIMMO’, et non point ‘ENCHERIMMO SAINT BARTH’, a été créée par acte sous seing privé du 30 novembre 2015, par et avec pour seul associé M. [W] [C], avec pour objet social l’activité d’agence immobilière ‘portant sur la transaction sur immeubles et fonds de commerce, l’expertise immobilière et l’activité de courtage en immobilier’ ; elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BASSE-TERRE le 11 janvier 2016;
Les statuts de cette société, mais cette fois sous la dénomination ‘ENCHERIMMO SAINT BARTH’, ont été mis à jour le 28 janvier 2021, avec, toujours, pour seul associé M. [W] [C], et un objet social devenu ‘ l’activité d’agence immobilière portant sur la transaction sur immeubles et fonds de commerce, l’expertise immobilière, l’activité de courtage en immobilier, Cabinet d’Affaires, Salle de vente, Vente de tous objets mobiliers et matériels, titres et valeurs, objets ordinaires ou oeuvres d’Arts ‘ ; les actions détenues par l’associé unique y sont portées au nombre de 11 200 au prix de 5 euros par action, et ce en conformité avec les résolutions résultant d’un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 29 décembre 2020, aux termes desquelles le capital social, initialement de 5 000 euros, a été augmenté de 51000 euros pour passer à 56 000 euros ;
*
Un acte sous seing privé, dénommé ‘AVANT-CONTRAT D’ENGAGEMENTS RECIPROQUES’ a été conclu et signé le 13 octobre 2015 entre la S.C.I. LE CORSAIRE, en la personne de M. [N] [K], gérant, et M. [R] [H], ‘notaire’, aux termes duquel la première s’est engagée à donner au second ‘à bail à loyer à titre commercial’ un local sis à SAINT-BARTHELEMY, lieudit [Localité 5], portant le [Adresse 7], d’une superficie de 58 m2 et faisant partie d’un ensemble immobilier cadastré sous le n° [Cadastre 1] de la section AL pour 1 a 98 ca, et ce pour une durée de 9 années à effet du 1er novembre 2015 et un loyer de base de 2 500 euros par mois, avec indexation ; dans l’hypothèse, y prévue, d’une substitution de toute société à M. [H], celui-ci s’est engagé à se constituer caution solidaire et personnelle de cette société envers le bailleur pour le paiement des loyers et charges et pour l’exécution du bail ;
Cependant, par acte sous seing privé du 2 février 2016, dénommé ‘BAIL A LOYER A TITRE COMMERCIAL’, la S.C.I. LE CORSAIRE, en la personne de M. [N] [K], a donné ‘à bail à loyer à titre commercial’ à la S.A.S. ENCHERIMMO, en la personne de M. [C], le local commercial désigné ci-avant au titre de l’avant-contrat du 13 octobre 2015, et ce pour une durée de 9 années à compter rétroactivement du 1er novembre 2015 et moyennant un loyer annuel de 30 000 euros payable mensuellement à raison de 2 500 euros par mois, avec indexation;
*
Par acte sous seing privé du 20 mars 2016, M. [C] a cédé à M. [H] 500 des 1000 actions composant le capital social de la société désignée sous la dénomination de ‘ENCHERIMMO SAINT BARTH’ créée ‘aux termes d’un acte sous seing privé en date à SAINT-BARTHELEMY du 30 novembre 2015″, moyennant le prix de 2 500 euros ;
Sur l’action en référé de M. [H] à l’encontre de M. [C] et de la société ENCHERIMMO, suivant assignation du 12 mars 2018, tendant principalement à voir ordonner à cet avant-dernier de lui remettre, sous astreinte, les ordres de mouvement régularisés des actions ainsi cédées, le juge des référés du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE, par ordonnance du 15 janvier 2019 :
– s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes qui lui étaient soumises,
– a débouté M. [C] et la société ENCHERIMMO de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– a condamné M. [H] à payer à M. [C] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– a condamné M. [H] à payer à la société ENCHERIMMO la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– a condamné M. [H] aux dépens de l’instance,
– a rappelé que la décision était exécutoire par provision ;
Par arrêt du 10 février 2020, désormais irrévocable après rejet d’un pourvoi en cassation suivant arrêt du 12 octobre 2022, la cour d’appel de ce siège, sur appel de cette ordonnance par M. [R] [H] :
– a débouté M. [W] [C] de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de M. [R] [H] ainsi que de sa demande de caducité de la déclaration d’appel,
– a infirmé le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté la société ENCHERIMMO et M. [W] [C] de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– a dit n’y avoir lieu à référé en ce qui concernait les demandes de condamnation sous astreinte formées par M. [R] [H] à l’encontre de la SAS Encherimmo Saint-Barth,
– a condamné M. [W] [C] à remettre à M. [R] [H] les ordres de mouvement régularisés des 500 actions de la SAS Encherimmo Saint-Barth qu’il lui avait cédées suivant acte sous sein privé du 20 mars 2016, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 10 jours suivant la signification du présent arrêt,
– a dit que chacune des parties conserverait la charge de ses propres frais et dépens engagés dans le cadre de la première instance et de l’instance d’appel,
– et a débouté chacune d’elles de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel ;
Par acte d’huissier de justice du 21 octobre 2020, M. [H] a fait appeler M. [C] devant le juge de l’exécution du tribunal de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY aux fins de voir liquider l’astreinte fulminée par la cour en cet arrêt du 10 février 2020 et condamner à nouveau M. [C] à lui remettre les ordres de mouvements régularisés des 500 actions de la S.A.S. ENCHERIMMO, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à venir, en suite de quoi, par jugement du 9 février 2021, ce juge a notamment liquidé ladite astreinte pour la période du 11 juillet 2020 au 9 février 2021, constaté que M. [C] n’avait toujours pas exécuté l’arrêt du 10 février 2020 en ce qui concernait la remise des ordres de mouvements des actions cédées à M. [H] et a fixé le montant d’une nouvelle astreinte définitive à la somme de 300 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 10 jours suivant signification de ce jugement, pour une durée de 6 mois ;
La remise de l’ordre de mouvement à M. [H] a été opérée par acte d’huissier de justice du 10 mars 2021 ;
*
Arguant de deux reconnaissances de dettes signées par M. [C] à son profit, respectivement les 15 décembre 2015 et 20 mars 2016, et du non remboursement des dettes y reconnues aux dates prévues, soit le 15 décembre 2016 pour la somme de 260 000 euros et le 31 décembre 2016 pour la somme de 86 000 euros, M. [H], par acte d’huissier de justice du 20 avril 2018, a fait assigner le sus-nommé débiteur devant le tribunal de grande instance de BASSE-TERRE à l’effet, notamment, de le voir condamner, avec exécution provisoire, à lui payer la somme totale de 346 000 euros avec intérêts au taux légal à compter d’une mise en demeure du 16 février 2018 ;
Après que le juge de la mise en état eut constaté l’incompétence de ce tribunal et renvoyé cause et parties devant le tribunal proximité de SAINT-MARTIN/ SAINT-BARTHELEMY, celui-ci, par jugement n° 21/151 du 6 septembre 2021, a :
– dit recevable l’action de M. [H],
– annulé la reconnaissance de dette du 15 décembre 2015,
– condamné M. [C] à payer à M. [H] les sommes suivantes:
** 260 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de ce jugement,
** 86 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 février 2018,
** 16 901 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 avril 2018,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– rejeté les demandes de M. [H] et de M. [C] pour procédure abusive,
– laissé aux parties la charge de leurs frais irrépétibles,
– condamné M. [C] aux entiers dépens, sous distraction ;
***
Parallèlement, par acte d’huissier de justice du 10 avril 2018, M. [W] [C] a fait appeler M. [R] [H] devant le tribunal de grande instance de BASSE-TERRE (devenu ensuite tribunal judiciaire) à l’effet de voir, avec exécution provisoire :
– constater que M. [H] a développé un comportement contraire à toute affectio societatis et qu’il a agi contre les intérêts de la société dont il revendique la qualité d’associé,
– dire qu’il a commis des faits graves qui manifestent non seulement le défaut de qualité d’associé, mais un ‘affectio anti-societatis’ qui rend sa présence au sein de la société impossible,
– dire que M. [C] est bien fondé à demander au tribunal l’application à M. [H] des dispositions de l’article 14 des statuts et ordonner son exclusion judiciaire de la société sans remboursement des 2 500 euros compte tenu de ses fautes,
– condamner M. [H] à lui payer les sommes suivantes :
** 15 000 euros pour violation de son obligation d’agir dans l’intérêt de la société,
** 25 000 euros pour les frais de justice que le comportement anti social de M. [H] a entraîné pour M. [C] (plus de 3 procédures),
** 5 000 euros pour son préjudice matériel,
** 15 000 euros ‘pour son préjudice moral, ayant été trahi par M. [H] ainsi que la confiance qu’il avait dans ce dernier’,
** 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens ;
Par ordonnance de mise en état du 16 août 2018, le dessaisissement du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE a été ordonné d’office au profit de la chambre détachée de SAINT-MARTIN, devenue tribunal de proximité de SAINT-MARTIN/SAINT-BARTHELEMY, avec transfert du dossier par le greffe à cette juridiction et dépens à la charge du Trésor Public ;
Par acte remis au greffe le 12 mai 2021, la société ENCHERIMMO SAINT-BARTH a constitué avocat aux fins d’intervention volontaire en l’instance ainsi engagée, et ce aux côtés de M. [C] et, par de communes conclusions du même jour, M. [C] et la sus-nommée intervenante ont modifié les demandes originelles de ce dernier pour conclure aux fins de voir, toujours avec exécution provisoire :
– dire et juger M. [C] recevable et bien fondé en ses demandes,
– dire et juger la société ENCHERIMMO SAINT-BARTH recevable et bien fondée en son intervention volontaire et faire droit à ses demandes,
– constater que la consultation écrite des actionnaires effectuée en conformité avec les dispositions statutaires de ladite société a conduit à voter l’exclusion de M. [R] [H] du nombre de ses actionnaires,
– SUBSIDIAIREMENT, prononcer l’exclusion judiciaire de Me [R] [H] du nombre de ces actionnaires,
– débouter en tout état de cause Me [R] [H] de toutes ses demandes telles que dirigées contre M. [C] ou à venir contre ENCHERIMMO SAINT-BARTH,
– dire et juger que par ses agissements et procédures judiciaires, Me [R] [H] a porté gravement préjudice à ladite société,
– condamner Me [R] [H] à payer à la société ENCHERIMMO SAINT-BARTH la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– DANS TOUS LES CAS,
– condamner ‘également’ Me [R] [H] à payer à M. [C] et ladite société une somme de 25 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, sous distraction ;
En réponse, M. [H] concluait in fine quant à lui aux fins de voir :
– débouter le requérant de ses demandes,
– prononcer la nullité des procès-verbaux d’assemblées des 31 mars et 19 avril 2021,
– condamner M. [C] à lui verser les sommes suivantes :
**10 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens,
** 30 000 euros en application de l’article 30-2 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire ;
Sur un incident de communication de pièces et conclusions diligenté par M. [H] et l’exception d’incompétence soulevée en réplique par M. [C] au profit de la juridiction commerciale de BASSE-TERRE, le juge de la mise en état, par ordonnance du 24 juin 2019, a rejeté toutes ces demandes incidentes ;
Par jugement contradictoire du 6 septembre 2021, le tribunal de proximité de SAINT-MARTIN/ SAINT-BARTHELEMY :
– a reçu l’intervention volontaire de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– s’est déclaré compétent,
– a annulé le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire sur consultation écrite des actionnaires du 31 mars 2021 de la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– a annulé le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire « réduction du capital par annulation d’actions » du 19 avril 2021 de la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [C],
– a rejeté la demande d’indemnisation pour procédure abusive d'[R] [H],
– a rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les frais irrépétibles à leur charge,
– a condamné [W] [C] aux entiers dépens de l’instance, sous distraction au profit de l’avocat adverse,
– et a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
Ce jugement a été signifié aux défendeurs par acte d’huissier de justice du 20 octobre 2021 ;
Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 13 décembre 2021, M. [C] et de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH ont relevé appel de ce jugement, y intimant M. [H] et y demandant la réformation dudit jugement en ce qu’il a :
– déclaré sans aucune motivation particulière le tribunal de proximité de SAINT-MARTIN compétent pour connaître des divers aspects du litige les opposant à M. [R] [H],
– refusé de constater que la consultation écrite des actionnaires effectuée en conformité avec les dispositions statutaires de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH avait conduit à voter valablement l’exclusion de M. [H] du nombre des actionnaires,
– accueilli les demandes de M. [H] visant à l’annulation des assemblées générales de ladite société en date des 31 mars 2021 et 19 avril 2021 et refusé sans motivation particulière de se déclarer incompétent pour en connaître au profit du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE,
– annulé le procès-verbal d’assemblée générale de la S.A.S.U. ENCHERIMMO SAINT BARTH dressé sur consultation écrite des actionnaires du 31 mars 2021,
– annulé le procès-verbal d’assemblée générale de la même société de « réduction du capital par annulation d’actions » en date du 19 avril 2021,
– omis de statuer sur les demandes de M. [C] visant subsidiairement à voir prononcer l’exclusion judiciaire de Me [R] [H] du nombre des actionnaires de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– refusé de dire que par ses agissements et procédures judiciaires M. [H] a porté gravement préjudice à ladite société,
– refusé de condamner M. [H] à verser à la même société un montant de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– refusé de condamner M. [H] à verser à M. [C] et à la société ENCHERIMMO SAINT BARTH une somme de 25 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– condamné M. [C] aux entiers dépens de l’instance ;
Cet appel a été orienté à la mise en état et M. [H] a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié à l’avocat des appelants, par RPVA, le 17 janvier 2022 ;
Sur incident de mise en état diligenté par les appelants, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 27 février 2023 :
– s’est déclaré dépourvu du pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par M. [W] [C] et la société ENCHERIMMO SAINT BARTH à l’encontre des demandes de M. [R] [H] en ses écritures au fond des 7 juillet 2022, 31 octobre 2022 et 10 janvier 2023, et dit que ces fins de non-recevoir relevaient de la seule « compétence » de la cour d’appel statuant au fond,
– a débouté chacune des parties du surplus de ses demandes formées dans le cadre de cet incident de mise en état,
– et a condamné M. [W] [C] et la société ENCHERIMMO SAINT BARTH aux dépens dudit incident ;
Les appelants ont conclu au fond à trois reprises, par actes remis au greffe et notifiés par RPVA à l’avocat adverse, respectivement les 8 avril 2022, 28 mars 2023 et 29 août 2023 ;
L’intimé a conclu au fond quant à lui à quatre reprises, par actes remis au greffe et notifiés par même voie au conseil de l’appelant, respectivement les 7 juillet 2022, 31 octobre 2022, 10 janvier 2023 et 31 mai 2023 ;
La mise en état a été clôturée par ordonnance du 2 octobre 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 29 janvier 2024, date à laquelle elle a été renvoyée, d’accord parties, à l’audience du conseiller rapporteur du 26 février 2024 ; à l’issue de cette audience, le délibéré a été annoncé pour le 7 juin 2024 ; les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour, pour raison de surcharge des magistrats et de l’absence d’un greffier ;
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
1°/ Par leurs dernières conclusions, remises au greffe le 29 août 2023, M. [C] et la société ENCHERIMMO, appelants souhaitent voir, au visa notamment des articles 907, 789, 564, 31, 122, 16, 30, 32 et 328 et suivants du code de procédure civile, L 235-9, L 721-3, 235-6 et L 235-9 du code de commerce, 13 2° du décret n0 45-0117 du 19 décembre 1945, 1382 ancien et 1240 nouveau du code civil :
– juger irrecevables les demandes nouvelles présentées par Me [H] dans ses conclusions des 7 juillet 2022, 31 octobre 2022, 10 janvier 2023 et 5 juin 2023 (en réalité, conclusions n° 4 du 31 mai 2023),
– juger irrecevable la demande ‘d’annulation de l’augmentation de capital du 28 janvier 2021″,
– juger irrecevable, pour défaut de qualité pour agir, la demande de Me [H] tendant à l’annulation de l’assemblée générale du 29 décembre 2020, comme celle de l’augmentation de capital, laquelle ne constitue pas en soi un acte juridique susceptible de recours, mais un terme juridique désignant une opération économique,
– A titre subsidiaire, juger prescrite la demande d’annulation de l’assemblée générale du 29 décembre 2020 et la demande ‘d’annulation de l’augmentation de capital du 28 janvier 2021″,
– les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel, et, faisant droit à leurs demandes :
CONFIRMANT LA DECISION ENTREPRISE
– ‘ confirmer la société ENCHERIMMO recevable en son intervention volontaire ‘,
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté les demandes d’indemnisation de Me [R] [H] pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REFORMANT LA DECISION ENTREPRISE
– ‘ dire et juger que le tribunal aurait dû se déclarer incompétent au profit du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE pour connaître des demandes reconventionnelles d’annulation présentées par Me [H] contre les procès-verbaux des 31 mars et 19 avril 2021, et, par voie de conséquence, dire la décision entreprise nulle et non avenue ‘,
– dire et juger que Me [H] n’est devenu, vis à vis de la société ENCHERIMMO SAINT-BARTH, régulièrement actionnaire, qu’une fois transmis par M. [C], le 9 mars 2021, l’ordre de mouvement des 500 actions en permettant son inscription dans les registres des titres,
– dire et juger que la consultation écrite des actionnaires valablement lancée le 10 mars 2021 par la société ENCHERIMMO SAINT BARTH et le dépouillement des votes reçu le 25 mars 2021, ont conduit à constater que Me [H] avait été exclu du nombre des actionnaires d’ENCHERIMMO SAINT BARTH par 10 700 voix pour et 500 voix contre,
– dire et juger valable et pleinement respectueux des dispositions statutaires d’ENCHERIMMO SAINT BARTH le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021 décidant de la réduction du capital par annulation et remboursement des 500 actions précédemment détenues par Me [H],
– dire et juger que la consultation écrite des actionnaires effectuée en conformité avec les dispositions statutaires de ladite société a conduit à voter valablement l’exclusion de Me [R] [H] du nombre de ses actionnaires,
SUBSIDIAIREMENT, prononcer l’exclusion judiciaire de Me [R] [H] du nombre des actionnaires de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH et dire que ses 500 actions lui ont été remboursées par chèque de banque de 2 500 euros par huissier le 12 mai 2021 pour leur valeur nominale de 5 euros chacune,
DANS TOUS LES CAS
– dire et juger que par ses agissements et procédures judiciaires, Me [R] [H] a porté gravement préjudice à la société ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– condamner Me [R] [H] à payer à cette société la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
DANS TOUS LES CAS, condamner également Me [H] à leur verser la somme de 25000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, sous distraction ;
Pour l’exposé des moyens proposés par les appelantes au soutien de ces fins, il est expressément référé à leurs dernières conclusions ;
2°/ Par ses propres dernières écritures, remises au greffe le 31 mai 2023, M. [R] [H], intimé, conclut quant à lui aux fins de voir :
– confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et, en conséquence :
** annuler le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire sur consultation écrite des actionnaires du 31 mars 2021 de la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH,
** annuler le procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire ‘réduction de capital par annulation d’actions’ du 19 avril 2021 de la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH,
** rejeter la demande de dommages et intérêts de M. [C]
ET, Y AJOUTANT
– annuler l’augmentation de capital social de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH intervenue le 28 janvier 2021 à la seule initiative de M. [C] et à l’insu de M. [H],
– prononcer la nullité de l’assemblée du 29 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
– ordonner que l’article 6 des statuts soit modifié comme suit, conformément à l’acte de cession du 20 mars 2016 :
Article 6- capital social – apport – répartition
Le capital social est fixé à 5 000 euros divisé en 1 000 actions de 500 euros chacune intégralement libéré de même catégorie
Par suite d’une cession intervenue le 20 mars 2016, le capital social est réparti de la façon suivante :
– M. [R] [H] : 500 action n° 1 à 500
– M. [W] [C] : 500 actions n° 501 à 1000 >> ,
– ordonner à la société ENCHERIMMO SAINT BARTH de procéder à la rectification des statut à cet effet et d’assurer la formalité de publication de cette rectification au greffe du commerce et au BODACC,
– condamner M. [W] [C] à lui payer les sommes suivantes :
** 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
** 50 000 euros en application de l’article 30-2 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, sous distraction ;
Pour l’exposé des moyens proposés par M. [H] au soutien de ces fins, il est expressément référé à ses dernières conclusions ;
I- Sur la recevabilité de l’appel
Attendu qu’en application de l’article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse à compter de la signification de la décision querellée, outre les délais de distance de l’article 644, soit un mois de plus lorsque la juridiction saisie a son siège en GUADELOUPE et que l’appelant n’y demeure pas ;
Attendu qu’en l’espèce les deux appelants, ainsi que l’intimé, demeurent à SAINT-BARTHELEMY et bénéficiaient donc d’un délai de 2 mois pour relever appel de la décision critiquée;
Attendu qu’il est produit aux débats par l’intimé deux actes de signification du jugement déféré à la personne de M. [W] [C] et à celle de la société ENCHERIMMO, en date du 20 octobre 2021 ;
Attendu que M. [C] et la société ENCHERIMMO ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe par voie électronique le 13 décembre 2021, soit avant l’expiration du délai de deux mois suivant les actes de signification du 20 octobre 2021 ; qu’il y a donc lieu de les déclarer recevables en cet appel ;
II- Sur le périmètre de la saisine de la cour
Attendu qu’en application de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel ; qu’aux termes de l’article 562 du même code, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ; et que l’article 954 dispose enfin, en son alinéa 3, que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ;
Attendu que c’est la déclaration d’appel de l’appelant principal qui fixe les chefs du jugement critiqué qui sont dévolus à la cour , sous réserve de tout appel incident de la part de l’intimé ;
Attendu que par leur appel principal, M. [C] et la société ENCHERIMMO n’ont déféré à la cour que les chefs chefs du jugement par lesquels le tribunal :
– a déclaré le tribunal de proximité de SAINT-MARTIN compétent pour connaître des divers aspects du litige les opposant à M. [R] [H],
– a refusé de constater que la consultation écrite des actionnaires effectuée en conformité avec les dispositions statutaires de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH avait conduit à voter valablement l’exclusion de M. [H] du nombre des actionnaires,
– a accueilli les demandes de M. [H] visant à l’annulation des assemblées générales de ladite société en date des 31 mars 2021 et 19 avril 2021 et refusé sans motivation particulière de se déclarer incompétent pour en connaître au profit du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE,
-a annulé le procès-verbal d’assemblée générale de la S.A.S.U. ENCHERIMMO SAINT BARTH dressé sur consultation écrite des actionnaires du 31 mars 2021,
– a annulé le procès-verbal d’assemblée générale de la même société de « réduction du capital par annulation d’actions » en date du 19 avril 2021,
– a omis de statuer sur les demandes de M. [C] visant subsidiairement à voir prononcer l’exclusion judiciaire de Me [R] [H] du nombre des actionnaires de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– a refusé de dire que par ses agissements et procédures judiciaires M. [H] avait porté gravement préjudice à ladite société,
– a refusé de condamner M. [H] à verser à la même société un montant de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– a refusé de condamner M. [H] à verser à M. [C] et à la société ENCHERIMMO SAINT BARTH une somme de 25 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– a condamné M. [C] aux entiers dépens de l’instance ;
Attendu qu’en ses propres dernières conclusions, M. [H], intimé, ne forme pas le moindre appel incident, puisqu’en leur dispositif, il ne demande d’aucune façon l’infirmation partielle du jugement déféré et se borne :
– à en demander la confirmation en ce qui est de l’annulation des PV des assemblées générales extraordinaires des 31 mars 2021 et 19 avril 2021 et du rejet de la demande de dommages et intérêts de M. [C],
– et à solliciter que soient ajoutées audit jugement les dispositions suivantes :
** l’annulation de l’augmentation de capital social de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH intervenu le 28 janvier 2021 à la seule initiative de M. [C] et à l’insu de M. [H],
** le prononcé de la nullité de l’assemblée du 29 décembre 2020 en toutes ses dispositions,
** la modification de l’article 6 des statuts comme suit, ‘conformément à l’acte de cession du 20 mars 2016 » :
Article 6- capital social – apport – répartition
Le capital social est fixé à 5 000 euros divisé en 1 000 actions de 500 euros chacune intégralement libéré de même catégorie
Par suite d’une cession intervenue le 20 mars 2016, le capital social est réparti de la façon suivante :
– M. [R] [H] : 500 action n° 1 à 500
– M. [W] [C] : 500 actions n° 501 à 1000 >> ,
** la condamnation de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH à procéder à la rectification des statuts à cet effet et à assurer la formalité de publication de cette rectification au greffe du commerce et au BODACC,
** la condamnation de M. [W] [C] à lui payer les sommes suivantes :
** 20 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, sous distraction,
** 50 000 euros en application de l’article 30-2 du code de procédure civile ;
1°/ Attendu que ne sont donc pas déférées à la cour les dispositions par lesquelles le tribunal :
– a reçu l’intervention volontaire de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [H],
– a rejeté la demande de M. [H] au titre de ses frais irrépétibles de première instance,
– et a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ; qu’il n’y a donc pas lieu d’y statuer ;
Attendu que, néanmoins, les appelants, en leurs dernières écritures, demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de ladite société ENCHERIMMO SAINT BARTH et a rejeté les demandes d’indemnisation de Me [H] pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile; que la cour n’a donc pas à y statuer ;
2°/ Attendu qu’en outre, la cour ne peut que constater, au delà du silence de l’intimé à cet égard, que, parmi les demandes formulées par les appelants, il en est une qui, au delà de sa formalisation sibylline, contient une demande de nullité du jugement déféré ; qu’en effet, il est expressément demandé à la cour de ‘dire et juger que le tribunal aurait dû se déclarer incompétent au profit du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE pour connaître des demandes reconventionnelles d’annulation présentées par Me [H] contre les procès-verbaux des 31 mars et 19 avril 2021, et, par voie de conséquence, dire la décision entreprise nulle et non avenue ‘ ;
Or, attendu qu’il est manifeste que la déclaration d’appel de M. [C] et de la société ENCHERIMMO n’a pas déféré à la cour une telle demande de nullité du jugement querellé ; qu’en effet, il y est expressément sollicité la ‘réformation de la décision entreprise en ce qu’elle a (…)’, à l’exclusion de tout appel-annulation ;
Attendu que les parties ont été invitées, en cours de délibéré, en respect du principe du contradictoire, à présenter des observations sur le moyen soulevé d’office aux termes duquel la cour n’est pas valablement saisie de la nullité du jugement critiqué ; que seuls les appelants ont fait choix de présenter des observation sur ce point, et ce par une note remise au greffe et au conseil de l’intimé par RPVA le 17 juillet 2023 ; qu’ils y estiment que la question posée n’a aucune importance puisqu’il appartient à la cour, qui est juridiction d’appel du tribunal de commerce également, de statuer sur le fond en toute hypothèse ; qu’il y a donc lieu de constater que la nullité du jugement n’a pas été déférée à la cour et que celle-ci n’a pas à y statuer au delà de ce seul constat ;
Mais attendu qu’il doit être ajouté que la cour n’est pas davantage saisie, à travers le libellé de la demande des appelants, d’une quelconque exception d’incompétence de la juridiction de première instance ; qu’en effet, loin de demander que celle-ci soit déclarée incompétente à raison de la matière et que l’affaire soit renvoyée devant le tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE, M. [C] et la société ENCHRIMMO SAINT BARTH s’y bornent à demander qu’il soit jugé que le tribunal ‘aurait dû se déclarer incompétent au profit’ de ce tribunal de commerce ; qu’il ne peut donc y être statué par la cour ;
III- Sur la recevabilité des demandes ‘nouvelles’ de l’intimé
Attendu qu’aux termes des dispositions des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile:
– à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait,
– les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent,
– les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ;
Attendu que la question centrale dont était saisi le premier juge et dont est par suite saisie la cour, a trait à l’exclusion de M. [H] du rang des associés de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH, soit, à titre principal, par l’effet d’une décision d’assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2021, soit, à titre subsidiaire, par l’effet d’une décision d’exclusion judiciaire pour faute de l’associé ;
Or, attendu que la résolution prononçant l’exclusion de M. [H] de ladite société et résultant du procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2021, est tout entière fondée sur le nombre des parts sociales dont disposait M. [C], co-associé, et qui, selon lui, lui aurait permis d’emporter la majorité des 2/3 exigée par les statuts sociaux ; que cette majorité qualifiée résulterait donc pour lui de l’augmentation de capital votée, hors présence de M. [H], suivant procès-verbal d’assemblée générale du 29 décembre 2020 et incluse aux statuts modifiés le 28 janvier 2021 ; que, dès lors, la demande de nullité de ce procès-verbal opposée par voie d’exception par M. [H] à la demande tendant à la validation de son exclusion par l’assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2021, apparaît bel et bien, à la fois, comme tendant aux mêmes fins, ‘ celle de la nullité et du rejet de son exclusion–, que celles soumises au premier juge, d’une part, et, d’autre part, comme destinées à faire écarter les prétentions adverses, au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile ;
Attendu qu’enfin, les demandes de M. [H], en ce qu’elles tendent à faire modifier l’article 6 des statuts de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH dont il a été exclu lors de la modification par M. [C], seul, le 28 janvier 2021, sur la base du PV d’AGE du 29 décembre 2020, apparaissent manifestement comme ‘ la conséquence ou le complément nécessaire ‘ des ‘ prétentions soumises au premier juge ‘, au sens de l’article 566 du même code, ;
Attendu qu’il échet en conséquence de rejeter comme infondée la fin de non-recevoir opposée à toutes ces demandes par les appelants et de les dire recevables ;
IV- Sur le fond des demandes de M. [C] et de la société ENCHERIMMO
IV-1- Sur la demande d’exclusion de M. [H] des associés de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH fondée sur la décision de l’assemblée générale extraordinaire (AGE) des actionnaires du 31 mars 2021
Attendu que le premier juge a annulé le procès-verbal d’AGE de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH du 31 mars 2021, qui a notamment exclu de M. [H] du rang des associés, au constat que, lors de cette assemblée, ‘[R] [H] était absent et non représenté’ et que ‘ de ce fait, la majorité requise par l’article 22 des statuts de la SAS n’était pas acquise, rendant l’ensemble des délibérations nulles ‘ ; que, pour parvenir devant cette cour à cette même nullité, M. [H] invoque pour la première fois en appel celle d’une AGE du 29 décembre 2020 qui a préalablement augmenté le capital social de la société et dilué par suite, dans le nouveau capital social revalorisé de 51 000 euros pour 11200 actions, alors qu’il n’était que de 5 000 euros pour 1 000 actions, ses propres actions au nombre de 500 ; qu’il invoque également, mais cette fois tout comme devant le premier juge, la nullité de l’AGE de réduction du capital social du 19 avril 2021 en ce qu’elle a été réunie dans les mêmes conditions d’absence de quorum que celle du 29 décembre 2020 ;
1°/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par les appelants à l’exception de nullité relative à l’AGE du 29 décembre 2020
– Attendu que les appelants entendent voir opposer à la demande de nullité de l’AGE du 29 décembre 2020 portant augmentation de capital, la prescription de 3 mois résultant de l’article L 235-9 du code de commerce, aux termes duquel, en son alinéa 3 invoqué par M. [C] et la société ENCHERIMMO, l’action en nullité fondée sur l’article L. 225-149-3 se prescrit par trois mois à compter de la date de l’assemblée générale suivant la décision d’augmentation de capital;
Mais attendu, en premier lieu, que la nullité en cause, comme les deux autres d’ailleurs, n’est soulevée par M. [H] qu’en sa qualité de défendeur aux demandes principales de M. [C] et de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH et relèvent par suite des dispositions de l’article 1185 du code civil qui établissent un principe de perpétuité de l’exception de nullité d’un acte lorsque celui-ci, comme en l’espèce, n’a reçu aucune exécution de la part de celui qui l’oppose ;
Attendu, en second lieu, que force est de constater que la courte prescription de l’article L 235-9 ne s’applique pas à la cause de nullité de l’AGE du 29 décembre 2020 invoquée par M. [H] ; qu’en effet, cette nullité n’est pas fondée sur l’article L 225-149-3 du code de commerce, aux termes duquel :
Les rapports et les formalités mentionnés à l’article L. 225-129-2, au second alinéa de l’article L. 225-131, au 1° de l’article L. 225-136, aux articles L. 225-138, L. 225-142 et L. 225-143, au dernier alinéa de l’article L. 225-144, aux articles L. 225-145 à L. 225-147, à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 225-149 et à l’article L. 225-149-2 peuvent donner lieu à une injonction de faire suivant les modalités définies aux articles L. 238-1 et L. 238-6.
Sont nulles les décisions prises en violation du premier alinéa des articles L. 225-129 et L. 225-129-1, des deux premiers alinéas de l’article L. 225-129-2, du premier alinéa de l’article L. 225-129-6, de la première phrase du premier alinéa et du second alinéa de l’article L. 225-130 du premier alinéa de l’article L. 225-131, et du deuxième alinéa de l’article L. 225-132.
Peuvent être annulées les décisions prises en violation de l’article L. 233-32 ainsi que les décisions prises en violation des dispositions de la présente sous-section 1 autres que celles mentionnées au deuxième alinéa du présent article.
Les articles L. 225-127 et L. 225-128, le premier alinéa des articles L. 225-132 et L. 225-135 et l’article L. 225-140 ne sont pas soumis au présent article.>> ;
Attendu que si nombre de ces dispositions ont trait aux augmentations de capital, elles ne visent que les modalités de telles augmentation et non point les conditions de majorité des associés dans lesquelles la décision d’augmenter le capital est prise, alors même que M. [H] n’invoque en l’espèce que la fraude à ses droits de cessionnaire d’actions de la société concernée, 4 ans avant l’AGE litigieuse, en vue de son éviction ultérieure ; que, dès lors, la prescription de 3 mois n’est pas applicable sa demande ;
Attendu qu’il échet par suite de rejeter comme infondée la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à l’exception de nullité de l’AGE du 29 décembre 2020 ;
2°/ Sur la nullité des AGE des 29 décembre 2020, 31 mars 2021 et 17 avril 2021
Attendu que c’est à juste titre que les appelants estiment que le motif d’annulation de l’AGE sur consultation écrite du 31 mars 2021 retenu par le premier juge est erroné et dépourvu de tout fondement ; qu’en effet, ledit procès-verbal mentionne expressément qu’il a été dressé d’une assemblée générale extraordinaire ‘SUR CONSULTATION ECRITE DES ACTIONNAIRES conformément à l’article 22 des statuts’ ;
Or, attendu qu’aux termes de cet article 22, ‘ au choix du président, les décisions collectives des actionnaires sont prises en assemblée réunie au besoin par vidéoconférence ou conférence par téléphone, ou par correspondance’ et ‘peuvent s’exprimer dans un acte signé par tous les actionnaires ou par consultation écrite’ ;
Attendu que se trouvent annexées au PV litigieux les actes exigés par le paragraphe de cet article 22 qui a trait aux modalités d’une telle consultation, lesquels démontrent que les délais et diligences imposés au président qui a fait choix d’une consultation écrite ont été respectés et que M. [H] a pu faire signifier son vote à la société par acte du 25 mars 2021, lequel a été pris en compte, ainsi qu’il est dit en ce procès-verbal ; que, dès lors, l’assemblée générale du 31 mars 2021, au cours de laquelle les votes ont été dépouillés et constatés, n’avait pas à se tenir en présence des associés, le texte de la clause 22 sus-visée stipulant que ‘le résultat de la consultation écrite est consigné dans un procès-verbal établi et signé par le président, (qui y) mentionne la réponse de chaque actionnaire’ ; que si M. [H] avait la possibilité d’exiger qu’un huissier de justice y assistât, il ne prétend pas avoir usé de ce droit ; que c’est donc à tort et par des motifs impropres que le premier juge a annulé ce procès-verbal au motif que M. [H] était absent et non représenté à cette assemblée générale et que ‘ de ce fait’ ‘la majorité requise par l’article 22 des statuts de la SAS n’était pas acquise’ ;
Attendu qu’en revanche, la question de la majorité requise et obtenue pour parvenir au vote des résolutions mentionnées audit procès-verbal reste entière ;
Attendu qu’en effet, l’exclusion ainsi votée par l’assemblée du 31 mars 2021 est tout entière fondée sur la possibilité conventionnelle qui en est donnée par l’article 14 des statuts sociaux, lequel, cependant, exige, pour parvenir à une telle décision, une ‘majorité des deux tiers des membres présents ou représentés ‘ ; que l’article 22 contient une même exigence des deux tiers, mais dans une formulation distincte, puisque cette majorité est celle des ‘actionnaires’ et non pas seulement des ‘membres présents ou représentés’ ;
Attendu que ce même article 22 impose également une majorité des deux tiers des actionnaires pour décider d’une cession du fonds de commerce de la nature de celle qui est également prise par la même assemblée générale en sa ‘seconde résolution’ sur consultation écrite des deux actionnaires ;
Attendu que si l’on s’en tient à la lettre de la clause 14, il est manifeste qu’en présence de deux associés seulement, aucune décision d’exclusion n’est permise, puisque l’exigence des deux tiers de deux associés ‘présents ou représentés’, aboutit à une impossibilité à la fois physique et arithmétique ; qu’il s’en déduit qu’en présence, lors de l’assemblée du 31 mars 2021, tenue sur consultation écrite, de deux actionnaires seulement, la résolution ayant trait à l’exclusion de M. [H], y mentionnée comme approuvée, n’a pu l’être valablement et que, dès lors, cette résolution ne peut qu’être annulée sur ce fondement ;
Attendu, par ailleurs, que si l’on se réfère à l’exigence de l’article 22, celle d’une majorité, pour, cette fois, les deux résolutions contenues au PV litigieux, des deux tiers ‘des actionnaires’ et si, comme les parties l’admettent au moins implicitement, cette exigence permet de prendre en considération, non pas les personnes mêmes des actionnaires, mais leur représentation au nombre des actions détenues par chacun, ce procès-verbal d’assemblée générale mérite tout autant la sanction de la nullité ;
Attendu qu’en effet, si M. [C] estime que la votation intervenue, sur consultation écrite, sur les deux résolutions en cause, s’est traduite par leur adoption à la majorité des deux tiers des actions, il excipe pour ce faire d’un capital social de 56 000 euros divisé en 11 200 actions dont il aurait été propriétaire de 10 600 et M. [H] de seulement 500 ;
Or, attendu qu’en suite de la répartition originelle, aux statuts de 2015, du capital social de seulement 5 000 euros sur la base de 1000 actions de 5 euros chacune, et de la cession de 500 actions au profit de M. [H] par acte sous seing privé du 20 mars 2016, chacun des deux associés était égalitaire et, partant, interdit de tout vote déterminant qui exigeait statutairement une majorité des deux tiers ;
Attendu que c’est par une assemblée générale extraordinaire du 29 décembre 2020, dont le procès-verbal a fini par être communiqué aux débats sous la pièce 27 du dossier de M. [H], que M. [C], se considérant comme encore seul associé, et donc hors toute convocation de M. [H], a fait adopter à l’unanimité de ses prétendues 1000 actions, 4 résolutions, dont la deuxième, aux termes de laquelle a été décidée une augmentation de capital de 51 000 euros par émission de 10200 actions nouvelles de 5 euros chacune ;
Attendu que M. [H], au soutien de la nullité de l’AGE du 29 décembre 2020 qui a conduit à la dilution de ses propres actions par l’effet de l’augmentation de capital décidée à son seul profit par M. [C], hors toute convocation de son associé, invoque en tout premier lieu sa qualité d’associé de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH depuis le 20 mars 2016, jour de la signature de l’acte de cession et argue de la signification de cette cession à ladite société par acte d’huissier de justice du 27 décembre 2017 ;
Or, attendu qu’aux termes de la clause du contrat de cession intitulée ‘PROPRIETE-JOUISSANCE TRANSFERT DES TITRES CEDES’, il était clairement convenu que ‘le transfert (des titres cédés) sera(it) réalisé par la remise au cessionnaire de l’ordre de mouvement, dûment signé par le cédant, ainsi qu’il s’y oblige(ait) et par la modification du registre de mouvements de titres et comptes d’actionnaires de la société’ ; qu’il est constant que la remise à M. [H] par M. [C] de cet ordre de mouvement des actions cédées n’est intervenue que par acte d’huissier de justice du 10 mars 2021, et ce sur contrainte réitérée d’un arrêt de cette cour et d’un jugement du juge de l’exécution fulminant deux astreintes successives ; qu’il en résulte que cette cession n’est devenue opposable à la société partiellement cédée et que M. [H] n’a eu la jouissance pleine et entière de ses titres qu’à compter de cette date ;
Mais attendu que, bien que, ainsi qu’il vient d’être constaté, M. [H] n’était pas encore associé de la société à la date du 29 décembre 2020, force est de relever que le contrat de cession de 500 parts sociales à son profit remontait à 2016, soit à plus de quatre années ; que ce contrat faisait pourtant la loi des parties, entre elles deux, si bien que la cession était opposable à M. [C], cédant ; que, surtout, ces deux cocontractants venaient précisément de batailler judiciairement, dans le cadre de la demande, finalement jugée légitime et bien fondée, de M. [H] tendant à voir contraindre M. [C] à lui remettre les ordres de mouvement régularisés des 500 actions cédées près de 4 ans auparavant, laquelle remise déterminait le transfert effectif desdites actions aux termes de la clause de la page 4 de l’acte de cession intitulée ‘PROPRIETE-JOUISSANCE TRANSFERT DES TITRES CEDES’ ; que cette procédure s’était soldée par un arrêt infirmatif de cette cour du 10 février 2020 enjoignant M. [C] à opérer cette remise, à peine d’une astreinte dont, par surcroît, M. [H] avait saisi le juge de l’exécution, de la liquidation, suivant assignation du 21 octobre 2020, soit tout juste avant la convocation, à la demande de M. [C] et par son président, de l’AGE du 29 décembre 2020; et que par jugement du 9 février 2021, le juge de l’exécution a liquidé cette astreinte pour la période du 30 juin au 30 octobre 2020 et fulminé une nouvelle astreinte, cette fois définitive, au constat de l’inexécution de l’injonction de la cour d’appel en son arrêt de février 2020 ;
Attendu qu’il résulte de la chronologie des faits et actes de M. [C] concernant l’augmentation de capital de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH et le retard qu’il a pris sciemment, en violation notamment de l’arrêt de février 2020, dans le transfert effectif et opposable à cette société, des actions acquises par M. [H] dans les termes des prévisions du contrat de cession, qu’il a manifestement agi dans l’unique but frauduleux de faire échec aux droits d’associé égalitaire que ce dernier pouvait espérer tirer de l’acquisition en 2016 de 500 des 1000 actions du capital social de ladite société et que ces manoeuvres frauduleuses se sont concrétisées dans l’AGE sur consultation écrite du 31 mars 2021 par laquelle il a cru pouvoir, sur la base de l’augmentation de capital décidée unilatéralement le 29 décembre 2020, évincer M. [H] de cette société en usant des stipulations de l’article 14 des statuts relatif à l’exclusion d’un associé ; que ce constat est illustré derechef par la circonstance que ce n’est que juste après cette AGE du 29 décembre 2020 et la modification subséquente des statuts du 28 janvier 2021, soit le 10 mars 2021 et donc plus d’un an après l’arrêt du 10 février 2020 qui l’y enjoignait, que M. [C] a fait signifier à M. [H] l’ordre de mouvement opérant transfert de propriété et de jouissance des actions cédées, soit à un moment où, à l’aune de l’augmentation de capital sus-décrite, ces 500 actions étaient à ce point diluées qu’elles n’interdisaient plus, au profit du cédant, le bénéfice d’une majorité des deux tiers pour, notamment, évincer son associé et procéder à la cession du fonds de commerce, ainsi qu’il l’a fait par l’AGE sur consultation écrite du 31 mars 2021 ;
Attendu que c’est à tort et de mauvaise foi manifeste que M. [C] entend s’exonérer de toute responsabilité dans le retard pris dans le transfert des actions cédées, en arguant de ce que pendant 8 mois et 10 jours après l’arrêt du 10 février 2020, M. [H] ne lui avait adressé ‘aucune mise en demeure, rappel ou même commandement’, non plus qu’à la société ‘dans laquelle il cherch(ait) à prendre pied’ ; qu’en effet, l’article 1134 du code civil en vigueur à la date du contrat de cession de mars 2016 (avant la réforme du 10 février 2016 qui en a transféré les termes à l’article 1104 nouveau) impose aux cocontractants d’exécuter leurs conventions de bonne foi et, partant, spontanément, sans avoir à requérir d’un cocontractant une quelconque mise en demeure; et que l’importance du délai imposé par M. [C] à M. [H] (5 ans) pour diligenter les opérations de transfert de propriété des titres dans des conditions opposables à la société cédée, les circonstances dans lesquelles il y a été contraint par voie judiciaire à deux reprises et la chronologie des faits ci-avant relatée pour en inférer la preuve de ce que tout cela a été fait sciemment pour lui permettre de finir par exclure son associé sur la base d’un artifice de maintien de son unique actionnariat jusqu’au 10 mars 2021, contredisent la posture victimaire de M. [C] ;
Attendu que la fraude corrompt tout et, partant :
– confère bel et bien qualité pour agir en nullité à M. [H], nonobstant l’absence, à la date de l’AGE du 29 décembre 2020, de transfert, opposable à la société ENCHERIMMO, des actions par lui acquises en 2016, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par les appelants au titre de l’absence de qualité à agir est infondée,
– surtout, sur le fond, rend nulle et de nul effet l’assemblée générale du 29 décembre 2020, pour M. [H], pourtant bénéficiaire de 500 parts sociales que le cédant avait l’obligation de lui transférer depuis plus de 4 années, en avoir été sciemment écarté au seul bénéfice du détournement d’une stipulation contractuelle ayant permis à M. [C] de se maintenir en qualité de seul associé, à l’encontre de la susdite cession, jusqu’au 10 mars 2021 ; qu’il y a donc lieu, sur la demande nouvelle, mais recevable, de M. [H] à cet égard, de prononcer la nullité de cette AGE du 29 décembre 2020 ;
Attendu qu’il résulte de la nullité de la décision d’augmentation de capital du 29 décembre 2020 qui a seule permis à M. [C] de disposer frauduleusement d’une majorité des deux tiers lors de l’AGE sur consultation écrite du 31 mars 2021, qu’il ne disposait pas de cette majorité ; que les deux associés étaient en effet à cette date égalitaires ; et que, dès lors, face au vote négatif exprimé par écrit par M. [H], la majorité des deux tiers n’a pas été atteinte et les résolutions proposées n’ont pu être adoptées, notamment celle relative à l’exclusion de ce dernier; que c’est donc à juste titre, mais pour les motifs ci-avant qui se substituent aux leurs, que les premiers juges ont annulé le procès-verbal d’AGE du 31 mars 2021 ; qu’il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé de ce chef ;
Attendu que, pour les mêmes motifs tenant à l’absence de convocation de M. [H] et au non-respect des règles de majorité résultant de la seule fraude de M. [C] aux droits de ce dernier dans le capital social de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH, mais aussi au fait que la réduction de capital y adoptée n’a été que la conséquence de l’exclusion du sus-nommé ci-avant annulée, c’est à juste titre, mais par substitution desdits motifs à ceux du jugement déféré, que le premier juge a également prononcé la nullité de l’assemblée générale extraordinaire du 19 avril 2021; que ce jugement sera donc encore confirmé sur ce point ;
IV-2- Sur la demande d’exclusion judiciaire de M. [H] des associés de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH
Attendu que la cour ne peut que constater que si, dans les motifs du jugement déféré, le tribunal judiciaire de BASSE-TERRE motive le rejet de la demande d’exclusion judiciaire par le constat de ce que M. [C] ‘ne rapporte aucun élément de fait ou de droit permettant au tribunal de (…) prononcer (l’exclusion judiciaire de M. [H])’, le dispositif de ce jugement ne contient pas ce rejet ; qu’il y a là une omisison que la cour doit réparer en statuant expressément sur ce chef de demande ;
Attendu que, par principe, un actionnaire, en sa qualité de propriétaire d’une partie du capital de la société et en application de l’inviolabilité de principe du droit de propriété défini par l’article 544 du code civil et consacré par la Constitution de la Vème République, ne peut en être exclu;
Attendu que s’il est fait exception à ce principe, à la fois par la loi dans les cas limitativement énumérés aux articles 1844-12 du code civil et L 235-6 du code de commerce, 1860 du code civil, L631-19-1 du code de commerce relatif aux procédures collectives et L231-6 du code de commerce, et par les statuts sociaux dans les conditions autorisées par l’article L227-16 du même code, force est de constater que les appelants ne fondent leur demande d’exclusion judiciaire de M. [H] de la société ENCHERIMMO, dont ils ont tenté vainement à titre principal de l’exclure sur le fondement de l’article 14 des statuts sociaux, sur aucune disposition légale autre que celle qui valide l’exclusion statutaire ;
Attendu que, par ailleurs, au delà de cette absence de fondement juridique au soutien de cette demande formée à titre subsidiaire, ils se bornent en réalité à invoquer la perte, pour M. [H], de toute affectio societatis, ainsi que de prétendues atteintes ‘graves et répétées’ à l’intérêt social ;
Mais attendu que la charge de la preuve de ces fautes leur incombe ; que, cependant, M. [C] et la société ENCHERIMMO se bornent, après un exposé des motifs généraux qui peuvent selon eux conduire une juridiction à priver un actionnaire de ses droits d’actionnaire et à le forcer à céder ses titres sociaux, à prétendre que ‘Me [H] a démontré ses intentions et ses actions toxiques et destructrices vis-à-vis d’ENCHERIMMO SAINT BARTH’et n’en veulent pour preuve que les procédures qui opposent ladite société à son bailleur en la personne de la société LE CORSAIRE;
Or, attendu que si les appelants prétendent que M. [H] serait à l’origine des procédures de résiliation du bail engagées par ladite société LE CORSAIRE, ils font fi de l’autonomie des personnalités juridiques des intéressés et ne démontrent aucunement que M. [H] serait le gérant de ce bailleur ou que, ne l’étant pas, il y aurait des intérêts tels qu’il serait à l’origine de telles actions ;
Attendu que pour l’ensemble de ces motifs, c’est encore à juste titre qu’en ses propres motifs le premier juge a rejeté la demande d’exclusion judiciaire de M. [H] ; mais que, pour avoir omis de prononcer ce rejet en son dispositif, la cour l’y ajoutera ;
IV-3- Sur la demande en dommages et intérêts de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH
Attendu qu’il sera relevé à titre liminaire que les appelants, confortés sur ce point par M. [H] en page 13 de ses conclusions, indiquent que la somme de 150 000 euros de dommages et intérêts n’avait finalement été demandée au premier juge qu’au profit de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH, et non pas M. [C], et que les énonciations du jugement déféré sur ce point sont sibyllines, qui ne rappellent pas explicitement le nom du bénéficiaire de cette demande, le premier juge a statué, pour la rejeter, sur une demande qu’il a estimée formulée par le seul [W] [C] ; qu’il y a là une erreur matérielle qui ne peut être imputée aux appelantes en ce qu’elles ont déféré à la cour le rejet de la demande de dommages et intérêts de la seule société ENCHERIMMO pourtant non prononcée par le tribunal ;
Attendu que, sur le fond, les appelants reprochent au premier juge d’avoir, expressément cette fois, rejeté leur demande de dommages et intérêts au seul motif qu’ils ne précisaient pas le fondement de cette demande et ne produisaient aucun élément de fait pour établir le préjudice, alors même, selon eux, qu’ils invoquaient expressément la responsabilité délictuelle de l’ancien article 1382 du code civil et du nouvel article 1240 du même code ;
Attendu qu’aux termes de ces articles, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et il incombe par suite à celui qui invoque une telle réparation de faire la preuve d’une faute délictuelle, d’un préjudice et d’un lien de causalité direct et certain entre cette faute et ce préjudice ;
Or, attendu que les appelants, en cause d’appel, reprochent à M. [H] d’avoir ‘en toute connaissance de cause créé une situation dans laquelle d’actionnaire fantôme, il a voulu au mépris des obligations et interdictions de sa charge d’officier ministériel, prendre pied dans une société commerciale dédiée notamment à l’intermédiation dans les opérations immobilières’ ; qu’ils invoquent par ailleurs :
– telle une pétition de principe, le fait que ‘l’exclusion de Me [R] [H] statutairement prononcée par les résultats de la consultation écrite aurait dû mettre un terme à sa capacité de nuire aux affaires sociales et à la bonne marche de l’entreprise’,
– les diverses démarches judiciaires entreprises depuis 2016, ‘via l’action du bailleur SC LE CORSAIRE qu’il a fomenté(e) et dirigé(e)(…)’ ;
Or, attendu qu’il a été jugé ci-avant que, loin de démontrer les fautes de M. [H] à l’égard de la société, celui-ci a été exclu de l’actionnariat pendant 5 années après l’acte de cession de 500 parts sociales en 2016, par l’effet des manoeuvres frauduleuses d’un associé décidé à l’en exclure aussitôt après que la cour d’appel de ce siège l’eut contraint sous astreinte, par un arrêt de 2020, à diligenter le transfert de propriété desdites parts, ce qu’il n’a fini par réaliser qu’en mars 2021; qu’il a été observé ci-avant qu’aucune preuve n’était faite du rôle qui lui est imputé dans les actions en résiliation de bail engagées par la seule bailleresse en la personne de la société LE CORSAIRE ; que c’est en outre à tort que les appelants ne cessent d’incriminer une éventuelle irrégularité dans le fait qu’alors encore notaire M. [H] ait acquis des parts dans la société ENCHERIMMO SAINT BARTH, puisque, d’une part, une éventuelle irrégularité à cet égard ne relèverait que des autorités notariales ordinales et, in fine, du garde des sceaux, ministre de la justice, et, d’autre part et surtout, il n’apparaît par que M. [H], notaire, ait jamais été le dirigeant de ladite société, ce qui, en effet, lui eût été interdit ;
Attendu qu’en toute hypothèse, aucune faute n’est démontrée à l’encontre de M. [H] qui aurait causé un quelconque préjudice à la société en cause, si bien qu’il y a lieu de débouter les appelants de leur demande de ce chef ; qu’il sera donc ajouté au jugement déféré en ce sens ;
V- Sur les demandes de M. [H]
V-1- Sur la demande au titre de la modification de l’article 6 des statuts relatif à la réparation du capital social
Attendu qu’en suite de la nullité du procès-verbal d’augmentation de capital du 29 décembre 2020 et du procès-verbal d’exclusion de M. [H] de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH, il y a lieu d’enjoindre à cette dernière de procéder à la modification de ses statuts dans le sens proposé à juste titre par M. [H], celui qui tend à lui restituer sa qualité d’associé égalitaire au titre de ses 500 actions sur les 1000 actions composant la capital social ; qu’il lui sera également enjoint de procéder aux formalités de publicité de ces statuts modifiés au RCS dont elle relève et au BODACC ;
V-2- Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l’article 32-1 du code de procédure civile
Attendu qu’à défaut de tout appel incident de la part de l’intimé, il apparaît que sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive n’a trait qu’à la procédure d’appel, M. [H] n’ayant ainsi pas relevé appel du rejet d’une demande similaire formée devant les premiers juges;
Attendu que c’est manifestement par suite d’une erreur matérielle que M. [H] fonde sa demande de dommages et intérêts sur un article 30-2 qui n’existe pas, alors qu’il a entendu la fonder sur le seul article du titre du code de procédure civile dédié à l’action en justice qui ait trait à de tels dommages et intérêts, savoir l’article 32-1 ;
Attendu qu’aux termes de cet article celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ;
Or, attendu que cet article doit être lu à travers le prisme supra-légal de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence de la cour éponyme, qui font du droit d’agir un droit absolu qui ne peut donner lieu à la sanction d’une amende civile ou de dommages et intérêts que s’il est démontré que le demandeur a agi dans le seul but de nuire à son adversaire ;
Attendu que si en l’espèce il a été ci-avant retenu que les actes et assemblées générales au fondement desquelles M. [C] a entendu d’abord priver M. [H] de ses droits d’actionnaire au sein de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH, puis l’en faire exclure après qu’il eut été contraint de lui transférer la propriété des titres cédés, participaient d’une fraude aux droits de son associé sus-nommé, il n’est nullement établi qu’il ait engagé la présente instance, uniquement destinée à faire valider cette exclusion, dans le but de nuire à ce dernier, indépendamment de l’intérêt qu’il aurait pu tirer de cette exclusion en se retrouvant seul propriétaire de cette société ; qu’ainsi, si le but de la présente instance était de faire valider une fraude aux droits de l’intimé dans le cadre de leurs relations d’affaires, elle ne peut être tenue pour exclusivement destinée à lui nuire, ce d’autant que, par principe, et sauf démonstration contraire non ici proposée par l’intimé, il n’est pas abusif, pour une partie perdante en première instance, de solliciter un second examen de ses demandes ou défenses, au fondement du principe général de droit processuel du double degré de juridiction ; qu’en outre, M [H] ne fait nullement la démonstration d’un préjudice indépendant des frais de procédure qui seront envisagés au chapitre des dépens et frais irrépétibles ; qu’il y a donc lieu de le débouter de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH ;
VI- Sur les dépens et frais irrépétibles
Attendu que, succombant en leur appel, M. [C] et la société ENCHERIMMO en supporteront tous les dépens ;
Attendu que pour le même motif, le jugement déféré sera confirmé en ce que les premiers juges y ont condamné M. [W] [C] aux dépens de première instance et l’ont subséquemment débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;
Attendu que la demande de l’intimé au titre de ses frais irrépétibles n’est dirigée que contre M. [C] ; et que des considérations tenant à l’équité justifient de condamner ce dernier à indemniser M. [H] des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager en cause d’appel, et ce à hauteur de la somme de 5 000 euros ;
La cour,
– Dit recevable l’appel formé par M. [W] [C] et la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH à l’encontre du jugement du tribunal de proximité de SAINT-MARTIN et SAINT-BARTHELEMY en date du 6 septembre 2021,
Dans les limites de l’effet dévolutif de l’appel,
– Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions déférées,
Y ajoutant,
– Dit recevables les demandes de M. [R] [H], tant au titre de la nullité du procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire d’augmentation de capital de l’associé unique de la société ENCHERIMMO SAINT BARTH en date du 29 décembre 2020 qu’au titre de la rectification de l’article 6 des statuts et leur publication,
– Dit nul et de nul effet ledit procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire d’augmentation de capital en date du 29 décembre 2020,
– Déboute M. [W] [C] et la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH de leur demande d’exclusion judiciaire de M. [H] des associés de ladite société,
– Enjoint par suite la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH, en la personne de son mandataire social :
** à rectifier l’article 6 de ses statuts sociaux en sorte qu’y apparaisse que le capital social n’est que de 5 000 euros réparti en 1000 actions et que par suite de la cession de parts du 20 mars 2016 ce capital est désormais réparti comme suit: 500 actions au profit de M. [W] [C] et 500 actions au profit de M. [R] [H],
** et à faire publier ces statuts rectifiés au registre du commerce et des sociétés du tribunal mixte de commerce compétent et au BODACC,
– Déboute M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à l’encontre de la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH,
– Déboute M. [W] [C] et la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH de leurs demandes respectives au titre des dépens et frais irrépétibles d’appel,
– Condamne M. [W] [C] à payer à M. [R] [H] une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
– Condamne M. [W] [C] et la S.A.S. ENCHERIMMO SAINT BARTH aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Me D.WERTER, avocat aux offres de droit.
Et ont signé,
La greffière, Le président