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Des photographies détournées de leur contexte de captation, utilisées afin d’illustrer des articles attentatoires à la vie privée de comédiens, constituent une atteinte au droit dont ils disposent sur leur image.
Par ailleurs, un article de presse destiné à révéler les sentiments que des personnalités publiques éprouveraient l’une à l’égard de l’autre, constitue une violation de la vie privée des intéressés qui peut être sanctionnée par un référé provision. L’article 835 du code de procédure civile dispose que : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». En outre et surtout, les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image, et l’article 10 de ladite convention garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers. Les droits ainsi énoncés ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre eux et de privilégier, le cas échéant, la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Pour procéder à leur mise en balance, il y a lieu, suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi, le cas échéant, que les circonstances de la prise des photographies. La combinaison de ces deux principes à valeur normative conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir. Concernant le préjudice, la forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge qui tient, tant de l’article 835 du code de procédure civile que de l’article 9 alinéa 2 du code civil, le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et accorder une provision au titre de ses conséquences dommageables, l’évaluation du préjudice étant appréciée au jour où il statue. En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans la mesure du caractère non sérieusement contestable de l’obligation. La seule constatation de l’atteinte au droit à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation du préjudice inhérent à ces atteintes, étant précisé à ce titre que l’allocation de dommages-intérêts en réparation d’une atteinte au droit à l’image et à la vie privée n’a pas pour objet de sanctionner un comportement ou d’avoir un effet dissuasif mais de réparer le préjudice subi par la victime. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une atteinte présumée au respect de la vie privée et au droit à l’image de M. [P] [D] causée par la publication d’un article dans le magazine Voici, ainsi que sur le site internet et le compte Instagram de la société Prisma Media. M. [P] [D] demande des réparations financières pour le préjudice subi, tandis que la société Prisma Media conteste les accusations et demande le rejet de la demande de réparations. Le litige est en cours devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RÉFÉRÉS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 19 JUILLET 2024
N° RG 24/00531 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZIHY
N° : 24/1312
Monsieur [P] [D]
c/
S.A.S. PRISMA MEDIA
DEMANDEUR
Monsieur [P] [D]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Maître Emilie SUDRE de la SELARL CABINET NOUVELLES, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : P0012
DEFENDERESSE
S.A.S. PRISMA MEDIA
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Olivier D’ANTIN de la SCP S.C.P d’ANTIN – BROSSOLLET – BAILLY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0336
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidente : Alix FLEURIET, Vice-présidente, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,
Greffière : Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière,
Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 14 mars 2024, avons mis l’affaire en délibéré au 16 mai 2024, et prorogé à ce jour.
Estimant avoir subi une atteinte au respect dû à sa vie privée et à son droit à l’image causé par la publication d’un article paru dans le numéro 1889, édition du 16 au 22 février 2024, du magazine Voici, ainsi que par la publication, sur le site , de deux articles des 15 et 16 février 2024 intitulés respectivement « Cette semaine dans Voici : [P] [D] en couple avec [M] [I] » et « INFO VOICI – [P] [D] en couple avec [M] [I] : ce qui les a fait craquer l’un pour l’autre », et sur le compte Instagram de Voici, d’un post du 16 février 2024, [P] [D] a, par acte d’huissier du 27 février 2024, fait assigner la société Prisma Media, société éditrice, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre.
Dans ses écritures soutenues oralement à l’audience du 14 mars 2024, [P] [D] demande au juge des référés de :
– constater que l’article publié dans le magazine Closer n°967 cause à M. [P] [D] une atteinte non contestable à sa vie privée et à son droit à l’image,
En conséquence,
– condamner la société Prisma Media à lui verser, à titre de provision, les sommes de 10 000 euros en réparation de l’atteinte portée à sa vie privée et 6 000 euros en réparation de l’atteinte portée à son droit à l’image,
– constater que les articles mis en ligne sur le site internet ont causé à M. [P] [D] une atteinte non contestable à sa vie privée et à son droit à l’image,
En conséquence,
– condamner la société Prisma Media à lui verser, à titre de provision, les sommes de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait de la mise en ligne sur le site de l’article en date du 15 février 2024 intitulé « Cette semaine dans Voici : [P] [D] en couple avec [M] [I] », et 5 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait de la mise en ligne sur le site de l’article en date du 16 février 2024, intitulé « INFO VOICI – [P] [D] en couple avec [M] [I] : ce qui les a fait craquer l’un pour l’autre »,
– condamner la société Prisma Media à payer à M. [P] [D] à titre de provision la somme
de 5 000 euros du fait de la mise en ligne d’un post en date du 16 février 2024 sur le compte Instagram de Voici,
En tout état de cause :
– condamner la société Prisma Media aux dépens,
– condamner la société Prisma Media à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– constater l’exécution provisoire de la décision.
A l’audience, [P] [D] a également demandé au juge des référés de rejeter la demande de jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 24/00530 et RG 24/00531 et d’ordonner la suppression des deux articles litigieux publiés les 15 et 16 février 2024 sur le site internet accessible à l’adresse , ainsi que sur tout support dont la société défenderesse a la maîtrise.
Dans ses écritures soutenues oralement à l’audience du 14 mars 2024, la société Prisma Media demande au juge des référés de :
– joindre la présente instance à l’instance engagée par Mme [M] [I], enregistrée sous le numéro RG 24/00530,
– n’allouer à M. [P] [D] d’autre réparation que de principe,
– condamner M. [P] [D] aux dépens.
Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
La demande de jonction
Aux termes de l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Les droits de la personnalité revendiqués par [P] [D] et [M] [I] revêtent un caractère strictement personnel, de sorte qu’il n’est pas de l’intérêt d’une bonne administration de la justice de les juger ensemble.
La demande de jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 24/00530 et 24/00531, présentée par la société Prisma Media, sera par conséquent rejetée.
Les publications litigieuses
Mme [M] [I] et M. [P] [D] sont deux comédiens français.
L’hebdomadaire Voici n° 1889 du 16 au 22 février 2024 consacre à [M] [I] et à [P] [D] un article annoncé en page de couverture, sous le titre « [P] [D] et [M] [I] Entre eux tout s’accélère » et le texte suivant : « En couple depuis six mois, les deux comédiens se sont offert une escapade amoureuse à [Localité 6]. Et ils ne comptent pas s’arrêter là…», inscrits en surimpression d’un montage de deux photographies les représentant côte à côte et souriants. Ce cliché, agrémenté de la mention « Infos Exclu », occupe les deux tiers de la page de couverture.
Occupant les pages intérieures 10 à 12, l’article est titré : « [P] [D] et [M] [I] Entre eux, c’est pas du cinéma ! ». Son chapô précise : « Longtemps amis, ils sont tombés amoureux sur un plateau de tournage. Désormais, ils savent qu’ils étaient faits l’un pour l’autre ».
Il relate le fait que depuis quelques mois, les deux comédiens “vivent sur un petit nuage et ne se quittent plus. A tel point qu’en ce début de mois de février, ils se sont carrément offert un gros break en amoureux”, précisant que le 7 février, “ils ont mis le cap sur [Localité 6], où la comédienne de 30 ans était invitée au défilé Tommy Hilfiger dans le cadre de la Fashion Week”. Il se poursuit en indiquant que “cette parenthèse dans la Grosse Pomme leur a permis de recharger les batteries après avoir beaucoup tourné ces derniers temps”.
L’article relate également les conditions de leur rencontre en ces termes : “ c’est précisément sur le tournage de L’amour ouf ! (…) que leur amitié s’est muée en un sentiment plus profond. “Ils s’étaient rencontrés sur le tournage de Bac Nord, en 2020, mais à l’époque, ils étaient juste devenus potes”. Sauf que cette fois, ils ont eu dix-huit mois pour jouer un couple qui s’aime à la folie. De quoi prendre le temps de se découvrir plus en profondeur”.
Il expose enfin qu’il s’agit d’une histoire sérieuse, les deux comédiens se comprenant et se soutenant (“ Ils ont tellement de points communs, depuis leurs scolarité compliquée (…) jusqu’à leur métier d’acteur qu’ils ont tous deux commencé très jeunes, qu’ils se comprennent comme personne…. “Depuis ils passent quasiment toutes leurs soirées chez lui. Même le 29 janvier, pour l’anniversaire de [P], ils sont restés tous les deux en amoureux”, poursuit notre source. Une histoire sérieuse, donc, même si [M], maman d’un petit [V] de bientôt 7 ans, fait passer son enfant avant tout (…). A la fois forte et équilibrée, la jeune femme rassure beaucoup [P]. Lui, si anxieux qu’il a une dépigmentation de la peau et une mèche de cheveux blancs depuis l’âge de 15 ans. (…) Heureusement l’amour fait des miracles. Et aujourd’hui, [P] et [M] ont bien l’intention de savourer ce qui leur arrive, à l’écran comme dans la vie. Quitte à faire de leur quotidien la plus jolie des comédies romantiques…”).
Le texte est illustré de quatre photographies :
-trois représentent [P] [D] et [M] [I] ensemble à l’aéroport de [Localité 6], tous deux vêtus de tenues décontractées (survêtement pour le premier, legging et veste en sherpa pour la seconde) ;
-l’une représente les deux intéressés sur le tournage du film L’Amour ouf.
Chacun de ces clichés est accompagné d’une légende le commentant.
Cet article est annoncé sur le site Internet , par deux articles publiés les 15 et 16 février 2024. Le premier, intitulé « Cette semaine dans Voici : [P] [D] en couple avec [M] [I] », relate que les deux intéressés sont en couple depuis plusieurs mois et que [P] [D] a accompagné sa compagne “lors d’un récent shooting photo à [Localité 6]”. Il renvoie in fine à la lecture de l’article qui sera publié le lendemain dans le magazine Voici (“Les détails et les photos de ce joli scénario sont à découvrir dans votre magazine Voici en kiosque ce vendredi 16 février 2024”). Quant à l’article publié le 16 février 2024, intitulé « INFO VOICI – [P] [D] en couple avec [M] [I] : ce qui les a fait craquer l’un pour l’autre », il fait également état de cette relation sentimentale et d’une “escapade romantique” qu’ils se seraient offert ensemble, et, comme le précédent, invite à la lecture de l’article par les mentions suivantes : “ Mais comme est en mesure de vous le révéler votre magazine Voici, en kiosque ce vendredi 16 février (…)” et “Comme en attestent des clichés à découvrir sans tarder dans votre magazine Voici, ils se sont même offert une escapade romantique”.
Enfin, il est établi que sur le compte Instagram de Voici, le post suivant a été mis en ligne le 16 février 2024 : “ INFO VOICI : [P] [D] n’est plus un coeur à prendre ! L’acteur des Trois Mousquetaires a trouvé l’amour dans les bras d’[M] [I]. On vous révèle comment leur amitié a évolué en histoire d’amour. Tous les clichés et les informations sur [P] [D] et [M] [I] sont à retrouver dans votre magazine Voici ce vendredi 16 février”. Il est accompagné de plusieurs photographies représentant [M] [I] et [P] [D] prenant la pose côte à côte lors d’une manifestation publique.
Les atteintes à la vie privée et au droit à l’image
L’article 835 du code de procédure civile dispose que :
« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
En outre et surtout, les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image, et l’article 10 de ladite convention garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
Les droits ainsi énoncés ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre eux et de privilégier, le cas échéant, la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.
Pour procéder à leur mise en balance, il y a lieu, suivant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi, le cas échéant, que les circonstances de la prise des photographies.
La combinaison de ces deux principes à valeur normative conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
Les informations diffusées dans l’article paru dans le magazine Voici n° 1889 entrent dans le champ de la protection de la vie privée instituée par les textes précités, pour relater la relation sentimentale qu’entretiennent [P] [D] et [M] [I], faire état de leur intimité, de leurs habitudes de vie, ainsi que plus particulièrement d’un voyage à [Localité 6] effectué ensemble au mois de février 2024 et enfin révéler les sentiments qu’ils éprouveraient l’un à l’égard de l’autre.
La société défenderesse ne conteste pas le caractère attentatoire de cette publication aux droits de la personnalité de [P] [D]. Les atteintes alléguées doivent dès lors être considérées, en leur principe, comme acquises aux débats, étant relevé que la publication des informations et images litigieuses, dont rien n’établit qu’elle aurait été autorisée par la partie demanderesse ou résulterait d’une divulgation antérieure de sa part, ne peut tirer sa justification de la nécessaire information du public sur un fait d’actualité, non plus que d’un quelconque débat d’intérêt général.
Dans ces conditions, l’immixtion opérée par la publication litigieuse dans la vie privée de [P] [D] ne saurait être regardée comme légitime.
L’illustration de l’article litigieux par trois clichés volés représentant [P] [D] dans un lieu dont le caractère public n’autorisait pas la captation, prolonge cette atteinte tout en violant le droit qu’il a sur son image.
Quant aux deux photographies détournées de leur contexte de captation,elles constituent également une atteinte au droit dont il dispose sur son image.
Il en va de même des autres publications litigieuses, qui toutes font l’annonce du couple formé par [P] [D] et [M] [I], étant précisé que, si l’article publié en ligne le 15 février 2024 est illustré par la page de couverture du magazine Voici à paraître le lendemain, l’article publié le 16 février 2024 est illustré par une photographie représentant [P] [D] seul, dans un cadre promotionnel, tandis que le post Instagram du même jour accompagne son propos de quatre clichés représentant [P] [D] et [M] [I] posant pendant le Festival de [Localité 5].
Le préjudice et les mesures de réparation
La forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge qui tient, tant de l’article 835 du code de procédure civile que de l’article 9 alinéa 2 du code civil, le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et accorder une provision au titre de ses conséquences dommageables, l’évaluation du préjudice étant appréciée au jour où il statue.
En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans la mesure du caractère non sérieusement contestable de l’obligation.
La seule constatation de l’atteinte au droit à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation du préjudice inhérent à ces atteintes, étant précisé à ce titre que l’allocation de dommages-intérêts en réparation d’une atteinte au droit à l’image et à la vie privée n’a pas pour objet de sanctionner un comportement ou d’avoir un effet dissuasif mais de réparer le préjudice subi par la victime.
A titre liminaire, il est observé que les articles mis en ligne sur le site Internet accessible à l’adresse , de même que le post publié sur le compte Instagram de Voici, s’ils ne sont pas identiques à l’article publié dans le magazine Voici n° 1889, lui sont néanmoins concomittants et présentent un même objet, dès lors qu’ils relatent en substance, et sans aucun ajout, l’existence d’une idylle entre [P] [D] et [M] [I].
Il convient en conséquence de considérer que, si chaque publication constitue une atteinte à la vie privée de [P] [D], ce dernier ne peut cependant se prévaloir du fait qu’il aurait souffert de préjudices distincts résultant de la publication d’une même information sur différents supports, les articles en ligne et le post Instagram, qui renvoient en outre à la lecture du magazine, dont il s’agit de faire la promotion, n’ayant vocation qu’à permettre l’amplification de l’information révélée. Son préjudice sera en conséquence indemnisé de façon globale, en tenant compte du fait que les informations litigieuses ont pu, par le procédé employé, toucher un public plus large.
En revanche, il est bien fondé à faire valoir des préjudices distincts, résultant des différentes atteintes subies à son droit à l’image, dès lors que la publication en ligne en date du 16 février 2024 est illustrée par une photographie de l’intéressé, le représentant dans un cadre promotionnel, ne figurant pas dans l’article publié dans le magazine Voici n° 1889 et que, de même, le post publié sur le compte Instagram de Voici est accompagné de plusieurs clichés le représentant au côté d’[M] [I] durant le Festival de [Localité 5], clichés ne figurant pas dans l’article publié dans le magazine Voici n° 1889.
En l’espèce, l’étendue du préjudice moral causé à [P] [D] doit être appréciée en considération de :
-l’objet même des atteintes causées par la publication de l’article litigieux dans le magazine Voici n° 1889, qui portent sur sa relation sentimentale avec [M] [I], le contexte et les conditions de leur rencontre, leurs habitudes de vie, des moments d’intimité, le voyage à New York qu’ils ont effectué ensemble au mois de février 2024, ainsi que sur les sentiments qu’il porterait à sa compagne ;
-l’ampleur donnée à leur exposition du fait de :
*l’annonce tapageuse de l’article en page de couverture du magazine, avec utilisation d’une police de caractère colorée et de la mention « Infos Exclu », destinées à capter l’attention du public ;
*la surface éditoriale consacrée aux atteintes constatées ;
*l’importance, non contestée, de la diffusion du magazine litigieux, qui jouit d’une large visibilité et touche un public nombreux, étant précisé à ce titre que si l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause, l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat d’un magazine sont de nature à accroître le préjudice ;
* la parution de deux articles en ligne sur le site Internet accessible à l’adresse , et d’un post publié sur le compte Instagram de Voici, faisant la promotion de l’article litigieux, publié dans le magazine Voici n° 1889 ;
-l’exclusivité de l’information relative au voyage à [Localité 6] effectué par les deux comédiens au mois de février 2024, revendiquée par la société éditrice, la divulgation première étant celle qui génère le dommage au sommet de son intensité ;
-le recours à un procédé de surveillance pour la captation des clichés photographiques d’illustration, en lui-même générateur d’un trouble par l’intrusion qu’il opère dans des moments de vie privée, le caractère public du lieu de fixation ne pouvant être regardé comme propre à annihiler le préjudice résultant de cette surveillance, étant précisé en l’espèce que les photographies ont manifestement été réalisées dans un même traits de temps, à quelques instants d’intervalle, rien ne démontrant que le cliché figurant en page 12 ait été réalisé devant l’hôtel dans lequel ont résidé les intéressés et non à la sortie de l’aéroport ;
-la discrétion dont fait preuve l’intéressé à l’égard des médias, qui n’est pas remise en cause par la société défenderesse.
En revanche, s’il est exact que [P] [D] apparaît, sur les clichés illustrant l’article paru dans le magazine Voici n° 1889, en survêtement, il n’est pas démontré qu’il se présenterait, dans sa communication personnelle ou à l’occasion de représentations d’ordre professionnel ou public, dans des tenues qui trancheraient avec la décontraction qu’il affiche sur les photographies litigieuses. Cet élément ne saurait par conséquent être pris en considération pour majorer la réparation du préjudice invoqué.
Quelques éléments doivent cependant conduire à minorer l’étendue du préjudice invoqué par le demandeur :
– le caractère non malveillant des propos tenus dans les publications litigieuses,
– l’absence de production d’élément de preuve, notamment d’attestation, sur la répercussion in concreto sur [P] [D] des publications litigieuses.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer à [P] [D], à titre de provision, la somme de 3 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice moral subi à la suite de l’atteinte portée à sa vie privée par la publication d’un article dans le numéro 1889 du magazine Voici, ainsi que de deux articles publiés en ligne sur le site Internet accessible à l’adresse , et d’un post publié sur le compte Instagram de Voici, la somme de 2 000 euros à valoir sur la réparation de l’atteinte de son droit à l’image par la publication de photographies dans le numéro 1889 du magazine Voici, ainsi que dans l’article publié en ligne le 15 février 2024 sur le site Internet accessible à l’adresse , intitulé « Cette semaine dans Voici : [P] [D] en couple avec [M] [I] », la somme de 250 euros à valoir sur la réparation de l’atteinte de son droit à l’image par la publication d’une photographie dans l’article intitulé « INFO VOICI – [P] [D] en couple avec [M] [I] : ce qui les a fait craquer l’un pour l’autre » publié en ligne le 16 février 2024 sur le site Internet accessible à l’adresse , ainsi que la somme de 500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte portée à son droit à l’image, par la publication de photographies publiées le 16 février 2024 sur le compte Instagram de Voici, les obligations de la société défenderesse n’apparaissant pas sérieusement contestables à hauteur de ces montants.
La demande de suppression des deux articles en ligne publiés sur le site Internet
L’atteinte étant entièrement consommée à ce jour et d’ores et d’ores et déjà réparée par l’octroi de dommages et intérêts, la demande de retrait des contenus litigieux des divers supports de diffusion numérique, mesure qui apparaît manifestement disproportionnée au but de protection recherchée, sera rejetée.
Les demandes accessoires
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il y a en conséquence lieu de condamner la société Prisma Media, qui succombe, aux dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
En l’espèce, il convient de condamner la société Prisma Media à verser à [P] [D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera rappelé qu’il résulte des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.
Nous, Alix Fleuriet, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, prononcée par mise à disposition au greffe,
REJETONS la demande de jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 24/00530 et 24/00531, présentée par la société Prisma Media,
CONDAMNONS la société Prisma Media à payer à M. [P] [D] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée dans le numéro 1889 du magazine Voici, ainsi que dans deux articles publiés en ligne sur le site Internet accessible à l’adresse , et dans un post publié sur le compte Instagram de Voici,
CONDAMNONS la société Prisma Media à payer à M. [P] [D] une indemnité provisionnelle de 2 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à son droit à l’image dans le numéro 1889 du magazine Voici, ainsi que dans l’article publié en ligne le 15 février 2024 sur le site Internet accessible à l’adresse , intitulé « Cette semaine dans Voici : [P] [D] en couple avec [M] [I] »,
CONDAMNONS la société Prisma Media à payer à M. [P] [D] une indemnité provisionnelle de 250 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte portée à son droit à l’image par la publication d’une photographie dans l’article publié en ligne le 16 février 2024 sur le site Internet accessible à l’adresse , intitulé « INFO VOICI – [P] [D] en couple avec [M] [I] : ce qui les a fait craquer l’un pour l’autre »,
CONDAMNONS la société Prisma Media à payer à M. [P] [D] une indemnité provisionnelle de 500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte portée à son droit à l’image, par la publication de photographies publiées le 16 février 2024 sur le compte Instagram de Voici,
REJETONS la demande de suppression des articles publiés en ligne les 15 et 16 février 2024 sur le site Internet accessible à l’adresse ,
CONDAMNONS la société Prisma Media aux dépens,
CONDAMNONS la société Prisma Media à verser à M. [P] [D] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTONS les parties du surplus de leurs demandes,
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire par provision.
FAIT À NANTERRE, le 19 juillet 2024.
LA GREFFIÈRE
Divine KAYOULOUD ROSE, Greffière
LA PRÉSIDENTE
Alix FLEURIET, Vice-présidente