Your cart is currently empty!
Avant de proposer une marque ou un signe distinctif à un client, effectuez des vérifications approfondies pour vous assurer de sa disponibilité et de son caractère utilisable.
Une agence de communication en charge de trouver une marque pour son client engage sa responsabilité contractuelle en proposant et en certifiant comme libre, une marque qui n’était pas disponible, ou à tout le moins dont le dépôt et l’exploitation étaient éminemment susceptibles de contestation (marque ‘QUOI DE N’OEUF, POULETTE’ pour la commercialisation d’oeufs) déjà déposée à l’INPI, par un titulaire actif dans la même région. L’agence n’est pas fondée à prétendre s’exonérer de cette responsabilité en objectant n’avoir pas eu de diligences à accomplir au titre de la marque qu’elle avait proposée puisque sa cliente n’avait pas souscrit l’option qui lui aurait confié l’accomplissement des formalités de dépôt, alors que sa faute est d’avoir proposé comme libre et utilisable une marque qui ne l’était pas, et d’avoir manqué à son devoir de compétence en ne s’étant pas assurée préalablement qu’elle l’était, comme lui en faisait au demeurant obligation l’article des conditions particulières du contrat selon lequel ‘L’agence veillera à ce que la réalisation de sa mission n’enfreigne aucun droit d’auteur, aucune marque de commerce et aucun droit, titre ou intérêt de propriété intellectuelle appartenant à toutes tierces personnes physiques ou morales’, cette obligation, d’ailleurs élémentaire, n’étant nullement conditionnée ou accessoire à la souscription par le client de l’option chargeant l’agence des formalités de dépôt, et s’exécutant d’ailleurs en amont d’un dépôt éventuel, au stade de la proposition. |
→ Résumé de l’affaireL’Earl Mériau a fait appel à la société Altitude & Co pour créer une nouvelle identité de marque, mais a découvert que le nom proposé, ‘QUOI DE N’OEUF’, était déjà déposé à l’INPI. Le tribunal de commerce de La Rochelle a condamné Altitude & Co à verser 30.000 euros pour le préjudice financier et 15.000 euros pour le préjudice moral de l’Earl Mériau. Altitude & Co a fait appel, contestant sa responsabilité et le montant des dommages. L’Earl Mériau demande à la cour de confirmer le jugement initial.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/02535
N° Portalis DBV5-V-B7G-GUX7
S.A.R.L. ALTITUDE & CO
C/
E.A.R.L. MERIAU
Loi n° 77 – 1468 du 30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le aux avocats
Copie gratuite délivrée
Le aux avocats
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 25 JUIN 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 octobre 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE
APPELANTE :
S.A.R.L. ALTITUDE & CO
N° SIRET : 531 452 852
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ayant pour avocat Me Eric CIANCIARULLO de la SELARL CIANCIARULLO, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
E.A.R.L. MERIAU
N° SIRET : 379 192 370
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Anne-Laure LE BLOUC’H, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre et par Madame Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
L’Earl Mériau, qui exploite une activité d’élevage des poules pondeuses, a fait appel à la société Altitude & Co, spécialiste dans le conseil en communication et le conseil en stratégie auprès des entreprises, afin de l’aider à créer une nouvelle identité de marque.
Faisant valoir que la société Altitude & Co lui avait soumis la marque ‘QUOI DE N’OEUF’ en l’assurant que le nom était libre, ce qui l’avait séduite et conduite à proposer sa nouvelle gamme sous ce nouveau nom à ses clients, notamment de grandes et moyennes surfaces alimentaires, avant de découvrir fortuitement que le nom ‘QUOI DE N’OEUF, POULETTE’ Mon Bio’ était déjà déposé à l’INPI, ce qui l’avait contrainte à renoncer à sa nouvelle identité dans des conditions commerciales et financières dommageables, la société Mériau a fait assigner la société Altitude & Co devant le tribunal de commerce de La Rochelle pour l’entendre déclarer responsable de son préjudice et condamner à l’en indemniser.
Par jugement du 7 octobre 2022, le tribunal de commerce de La Rochelle a :
* reçu l’Earl Mériau en ses demandes, les a dites bien fondées
* dit que les deux devis signés engageaient les parties
* condamné la société Altitude & Co à payer à la société Mériau
.en réparation de son préjudice financier : 30.000 euros
.en réparation de son préjudice moral : 15.000 euros
* débouté la société Altitude & Co de toutes ses demandes
* condamné la société Altitude & Co aux dépens
*condamné la société Altitude & Co à payer 4.000euros à la société Meriau en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, les juges consulaires ont retenu, en substance :
-que l’acceptation par la société Mériau des deux devis émis par la société Altitude & Co valait commande
-qu’il existait ainsi un contrat synallagmatique entre les deux entreprises
-que le contrat conclu étant un contrat dit ‘de naming’, la société Altitude & Co devait proposer des noms, marques ou produits pour la nouvelle identité recherchée par sa cliente, et qu’il était loisible à celle-ci d’accepter l’une ou l’autre de ces propositions
-que la société Mériau avait accepté la marque ‘QUOI DE N’OEUF’ et réglé plusieurs factures à sa cocontractante
-qu’elle justifiait par une facture de l’INPI de sa démarche pour déposer la marque
-que la société Altitude & Co, qui lui avait assuré que cette marque était libre, et qui en vertu du contrat faisait son affaire personnelle de l’obtention des droits d’utilisation de tous droits de propriété intellectuelle nécessaires à l’exécution des prestations commandées par le client, avait commis une faute, et manqué à ses obligations, en lui proposant une marque qui n’était pas libre et dont les droits ne pouvaient être obtenus
-que la cliente en avait subi un préjudice financier, tenant aux dépenses exposées en vain pour exploiter cette marque avant de découvrir qu’elle ne pouvait l’être, et un préjudice moral, au vu de l’effet péjoratif sur ses partenaires et sa clientèle de son brusque retrait dans l’exploitation sous cette marque.
La SARL Altitude & Co a relevé appel le 13 octobre 2022.
Par ordonnance du 20 juin 2023, le conseiller de la mise en état a dit n’y avoir lieu à prononcer la radiation de l’affaire du rôle de la cour pour non exécution du jugement déféré par l’appelante, en retenant que celle-ci démontrait être dans l’impossibilité financière d’y procéder.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :
* le 23 juin 2023 par la SARL Altitude & Co
* le 7 février 2024 par l’Earl Mériau.
La SARL Altitude & Co demande à la cour d’infirmer le jugement :
-d’ordonner sous astreinte à l’Earl Mériau de verser aux débats les justificatifs de l’intégralité des démarches qu’elle a effectuées auprès de l’INPI, soit au titre du dépôt de la marque, soit au titre d’une recherche d’antériorité ou de tout autre requête, ainsi que le calendrier précis de ses démarches
-de constater que la pièce n°8 de l’intimée intitulée ‘Notice de la marque figurative française ‘Quoi de n’oeuf poulette ‘ Mon Bio’ déposée le 21 novembre 2019 est un document indicatif qui ne peut servir de base à des décisions juridiquement et économiquement déterminantes
-de débouter purement et simplement l’Earl Mériau de toutes ses demandes, fins et conclusions
-de la condamner aux dépens et à lui verser 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que ses courriels des 6 mars et 12 mars 2020 évoquant ‘QUOI DE N’OEUF’ ne constituaient explicitement qu’une ‘proposition’ pour la mise en place d’une nouvelle marque.
Elle soutient que la société Mériau s’est précipitée pour la déposer à titre de marque figurative dès le 13 mars alors qu’il ne s’agissait que d’une piste de réflexion ni validée ni définitive appelant une libre discussion avant de définir précisément le projet.
Elle indique que la société Mériau n’ayant pas choisi la prestation facultative afférente à la propriété intellectuelle de la marque, elle-même n’avait aucune diligence à accomplir, que ce soit au niveau de la recherche ou au titre des formalités de dépôt d’une marque; qu’il incombait au client d’y procéder ; et que la société Mériau devait s’entourer des précautions d’usage élémentaires dans ce cadre, ce qu’elle n’a pas fait puisqu’elle n’a procédé à aucune recherche d’antériorité.
Elle considère que la demanderesse est responsable du préjudice qu’elle allègue, tant pour n’avoir pas fait de recherche d’antériorité avant de déposer la marque qu’en engageant immédiatement des frais d’exploitation d’une marque sans s’être assurée pouvoir l’exploiter.
Elle estime nécessaire à la solution du litige de déterminer la nature de la ‘Notice de la marque figurative française Quoi de n’oeuf poulette ‘ Mon Bio’ produite sous pièce n°8 par l’intimée, affirmant qu’il s’agit d’un document fournissant des données à titre purement indicatif et qui ne peut servir de base à des décisions juridiquement et économiquement déterminantes.
Elle conteste subsidiairement le principe, et plus subsidiairement le quantum, du préjudice invoqué par la société Mériau.
L’Earl Mériau demande à la cour de juger mal fondé l’appel de la société Altitude & Co et l’en débouter, de la recevoir en son propre appel incident, de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a limité à 15.000 euros l’indemnisation de son préjudice moral, et statuant à nouveau, de condamner la SARL Altitude & Co :
-à lui verser 20.000 euros en réparation de son préjudice moral
-à lui payer 9.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
-aux dépens
en la déboutant de toutes ses demandes fins et conclusions.
Elle indique que son acceptation des deux devis que l’appelante lui avait soumis emportait formation du contrat et engagements réciproques des parties.
Elle indique que l’un des deux devis portait sur la création d’une nouvelle identité, et faisait explicitement état de diligences de préconisations et de conseils.
Elle récuse le moyen tiré par l’appelante du terme ‘proposition’ employé, et soutient qu’en matière de ‘naming’, la prestation est exécutée lorsqu’une proposition est formulée.
Elle récuse l’objection de l’appelante tirée de ce qu’elle n’avait pas souscrit la prestation facultative confiant à Altitude & Co les formalités afférentes à la marque, en faisant valoir que les conditions générales de vente qui étaient jointes à ces deux devis régissaient la relation des parties, et qu’elles stipulaient qu’Altitude & Co veillerait à ce que la réalisation de sa mission n’enfreigne aucun droit d’auteur, aucune marque de commerce et aucun autre droit, titre ou intérêt de propriété intellectuelle appartenant à toutes tierces personnes physiques ou morales. Elle indique que précisément, elle reproche à sa cocontractante de lui avoir soumis sans réserve une proposition de marque sans avoir vérifié qu’elle n’enfreignait pas de tels droits, ce qu’une recherche élémentaire aurait permis de constater, ainsi que de l’avoir encouragée à plusieurs reprises à déposer la marque proposée. Elle fait valoir qu’Altitude & Co lui avait présenté sa proposition comme aboutie dès lors qu’il lui était indiqué que les recherches avaient été faites et que le signe annoncé était disponible, et elle conteste avoir commis une faute d’imprudence en ayant déposé en confiance la marque suggérée. Elle soutient qu’il n’importe de savoir dans quel contexte elle a découvert incidemment que la marque était déjà déposée, et elle indique que sa pièce n°8 ne constitue pas une recherche d’antériorités à proprement parler mais un élément de preuve de l’existence de la marque antérieure nom ‘QUOI DE N’OEUF, POULETTE’ Mon Bio’ collecté ici pour les besoins de la présente instance.
Elle détaille le préjudice que lui a causé le manquement de l’appelante, en indiquant avoir fait faire, payé et dû détruire des produits ornés de la marque litigieuse, avoir perdu 61.000 euros de chiffre d’affaires qui lui auraient dégagé 10.000 euros de marge, et avoir pâti d’une atteinte à sa crédibilité et à sa réputation vis-à-vis de ses distributeurs.
L’ordonnance de clôture est en date du 18 mars 2024.
L’existence d’un contrat entre les parties est établie par l’acceptation par l’Earl Mériau des devis de la société Altitude & Co exprimée par son règlement d’un acompte le 31 mars 2020 sur facture n°201111121 du 6 mars, par son paiement -acquitté- le 27 mars de la facture n°201111133 d’honoraires pour création, mise au point et finalisation d’une nouvelle identité du 27 mars, et par l’émission le 27 mars d’une facture n°201111134 du 27 mars 2020 pour la réalisation du packs 6 oeufs avec ‘création du pack’, ‘préparation des fichiers’ et ‘suivi’, cette facture mentionnant une référence de ‘commande’ (cf pièces n°3, 4, 10, 11 et 12 de l’intimée).
La prestation convenue incluait sous le vocable ‘naming’ la recherche d’un signe distinctif susceptible de devenir la marque et le visuel sous laquelle l’entreprise Mériau souhaitait commercialiser ses oeufs dans la région nantaise.
Il ressort des productions qu’après une phase de rendez-vous avec sa cliente, puis d’étude et de recherches, la société Altitude & Co est revenue le 25 février 2020 vers l’Earl Mériau pour lui indiquer avoir ‘trouvé un nom de marque très intéressant et surtout qui n’est pas encore déposé’ et lui proposer un rendez-vous début mars afin de lui présenter cette proposition ; que le nom ‘QUOI DE N’OEUF’ et l’identité visuelle de ce nom ainsi que de l’étiquette du produit ont été soumis par Altitude & Co à sa cliente le 11 mars 2020 lors d’un rendez-vous après lequel elle lui a adressé le lendemain une ‘proposition avec version complémentaire’, constituée d’un dossier ‘proposition pour la mise en place d’une nouvelle marque ‘oeufs’ – Dossier identité et Positionnement’ daté du 12 mars contenant l’énoncé de l’objectif de création d’une marque pour le marché nantais et son agglomération et d’une nouvelle identité, et contenant la proposition de la marque ‘QUOI DE N’OEUF’ assortie de l’affirmation ‘après vérification la marque est libre et pas déposée donc utilisable (INPI et WEB)’, avec des maquettes pour quatre ‘pistes créatives’ déclinant ce nom et la présentation graphique pour des boîtes de 4, 6 et 12 oeufs frais ; et que le lendemain, 13 mars 2020, l’Earl Mériau déposait à l’INPI dans la classe 29 la marque figurative ‘QUOI DE N’OEUF’ avec ce visuel (cf pièces n°5, 6 et 7).
La société Altitude & Co n’est pas fondée à soutenir que sa proposition de la marque et de l’identité visuelle ‘QUOI DE N’OEUF’ émise le 12 mars ne constituait encore qu’une piste de réflexion qui n’était de sa part ni aboutie ni définitive et qui appelait encore à ce stade une libre discussion, alors que rien dans le contrat, dans son dossier ni dans sa transmission ne l’accrédite, et qu’il s’agissait là de la ‘version complémentaire’ de ces marque et identité élaborée après des discussions et rendez-vous qui avaient déjà eu lieu, comme l’attestent ses courriels.
Cette transmission correspondait ainsi, sous le nom ‘proposition’ dont elle le pare, à la prestation de ‘naming’ que sa cliente lui avait commandée.
L’Earl Mériau, qui lui en avait passé commande et trouvait là après des discussions ayant abouti à cette nouvelle ‘version’, le produit qu’elle agréait, était en droit de se l’approprier et, pour sécuriser ses intérêts, de procéder elle-même au dépôt de la marque à l’INPI.
L’appelante, qui écrivait à sa cliente que la marque n’était ‘pas encore déposé’ ce qui impliquait qu’elle pouvait donc l’être à tout moment par un tiers dont les droits auraient alors primé, et qui indique elle-même que l’Earl Mériau n’avait pas souscrit la formule du contrat chargeant Altitude & Co de procéder pour son compte à ce dépôt -ce qu’elle écrit faire rarement au demeurant- n’est pas fondée à soutenir que l’intimée aurait agi précipitamment en procédant le 13 mars 2020 -en l’occurrence juste avant l’entrée en vigueur des mesures de confinement sanitaire- au dépôt à l’INPI de cette marque, ni à prétendre qu’il y aurait eu de l’imprudence à procéder ainsi sans vérifications alors que c’est elle qui était le professionnel de la recherche de marque et qu’elle avait certifié cette marque ‘libre et pas déposée et donc utilisable’ à sa cocontractante, laquelle n’avait nul motif, ni a fortiori obligation, de procéder ou faire procéder néanmoins encore à une vérification de la nouveauté de cette marque.
C’est ainsi à bon droit que la juridiction consulaire a retenu qu’Altitude & Co avait manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité contractuelle en proposant à sa cliente, et en certifiant comme libre, une marque qui n’était pas disponible, ou à tout le moins dont le dépôt et l’exploitation étaient éminemment susceptibles de contestation, du fait de l’existence d’une marque ‘QUOI DE N’OEUF, POULETTE’ Mon Bio’ déjà déposée à l’INPI, par un titulaire actif dans cette même raison nantaise où les oeufs de l’Earl Mériau étaient commercialisés, ainsi que l’établit la pièce n°8 de l’intimée qui, ainsi que celle-ci l’indique, ne constitue pas une recherche d’antériorité mais une preuve de l’existence antérieure au dépôt de la marque ‘QUOI DE N’OEUF’ d’une marque ‘QUOI DE N’OEUF, POULETTE’ Mon Bio’ déposée par un mandataire demeurant en [Localité 3] et enregistrée le 21 novembre 2019.
La SARL Altitude & Co n’est pas fondée à prétendre s’exonérer de cette responsabilité en objectant n’avoir pas eu de diligences à accomplir au titre de la marque qu’elle avait proposée puisque sa cliente n’avait pas souscrit l’option qui lui aurait confié l’accomplissement des formalités de dépôt, alors que sa faute est d’avoir proposé comme libre et utilisable une marque qui ne l’était pas, et d’avoir manqué à son devoir de compétence en ne s’étant pas assurée préalablement qu’elle l’était, comme lui en faisait au demeurant obligation l’article 6 des conditions particulières du contrat selon lequel ‘L’agence Altitude & Co veillera à ce que la réalisation de sa mission n’enfreigne aucun droit d’auteur, aucune marque de commerce et aucun droit, titre ou intérêt de propriété intellectuelle appartenant à toutes tierces personnes physiques ou morales’, cette obligation, d’ailleurs élémentaire, n’étant nullement conditionnée ou accessoire à la souscription par le client de l’option chargeant l’agence des formalités de dépôt, et s’exécutant d’ailleurs en amont d’un dépôt éventuel, au stade de la proposition.
Il est sans incidence sur la responsabilité de la SARL Altitude & Co de déterminer les circonstances dans lesquelles l’Earl Mériau a appris l’existence d’une marque ‘QUOI DE N’OEUF, POULETTE’ Mon Bio’ déposée à l’INPI, étant relevé que l’explication s’en trouve dans les productions, l’agent commercial auquel l’Earl avait confié la prospection de sa clientèle afin de placer ses oeufs sous la marque ‘QUOI DE N’OEUF’ et le visuel proposés par Altitude & Co expliquant dans une attestation du 17 novembre 2021conforme aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile : ‘afin de démarcher un magasin, je me suis aperçu que la marque ‘QUOI DE N’OEUF, MA POULETTE’ était déjà commercialisée…’.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a rejeté la prétention de la société Altitude à voir ordonner sous astreinte à l’Earl Meriau de verser aux débats les justificatifs de l’intégralité des démarches qu’elle a effectuées auprès de l’INPI, soit au titre du dépôt de la marque, soit au titre d’une recherche d’antériorité ou de tout autre requête, ainsi que le calendrier précis de ses démarches, sa prétention reprise à mêmes fins devant la cour étant rejetée.
Le préjudice en lien direct de causalité avec la faute commise par la société Altitude & Co est, ainsi qu’elle en justifie, d’avoir dû interrompre la commercialisation déjà engagée de ses oeufs sous la marque et la présentation ‘QUOI DE N’OEUF’, et il a été pertinemment chiffré par le tribunal à 33.000 euros au vu des explications et des justificatifs fournis :
-sur les frais d’enregistrement de la marque exposés en vain
-sur les factures réglées en vain
.à Altitude & Co, dont la prestation a été entièrement inutilisable, et dommageable
.aux fournisseurs auprès desquels elle avait fait réaliser les emballages à la marque
-sur les frais liés au recrutement spécifique d’une personne dédiée à la commercialisation des oeufs sous cette marque
-sur la perte de chiffre d’affaires liées à l’arrêt de la commercialisation des oeufs en emballage et à leur vente temporaire en vrac chez ses clients -essentiellement la grande distribution alimentaire de la zone nantaise- le temps de refaire faire de nouvelles boîtes et de nouveaux visuels.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné la société Altitude & Co à réparer le préjudice commercial qu’elle a causé par sa faute à l’Earl Mériau, dont l’image et la crédibilité ont souffert auprès de ses partenaires du retrait subit de toute une gamme de produits sous la marque et l’identité visuelle qu’elle leur avait vantées avec promotion, publicité et agent commercial à l’appui, l’évaluation de ce préjudice à 15.000 euros étant pertinente, et l’appel incident formé de ce chef par l’intimé étant donc rejeté.
Les chefs du jugement afférents aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile sont adaptés et seront également confirmés.
La SARL Altitude & Co succombe en son recours et supportera les dépens d’appel.
Elle versera une indemnité à l’Earl Mériau en application de l’article 700 du code de procédure civile.
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions
ajoutant :
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE la SARL Altitude & Co aux dépens d’appel
LA CONDAMNE à payer 3.500 euros à l’Earl Mériau en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,