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Mettre en place des redirections vers de nouveaux noms de domaine pour contourner une précédente mesure de blocage est sanctionné par l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle.
En la cause, les constats produits établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux permettent toujours aux internautes, via les nouveaux chemins d’accès, de télécharger ou d’accéder en continu à des œuvres protégées à partir de liens hypertextes sans avoir l’autorisation des titulaires de droits, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. La mise en œuvre de moyens de contournements de mesures de blocage de sites jugés structurellement contrefaisants peut en outre être regardée comme un trouble manifestement illicite. En la cause, le site « UQLOAD » persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des oeuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire de sociétés de gestion collective pouvant être téléchargés à partir du nom de domaine “ uqload.to”. Pour rappel, il résulte de l’article L. 336-2 du même code qu’”En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée. La mesure de blocage, que seule l’autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins. L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l’article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, aux termes duquel : “Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin”. Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu’elle édicte doivent s’articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite “directive sur le commerce électronique”). La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans l’arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu’ainsi qu’il découle des points 62 à 68 de l’arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d’autres droits fondamentaux : Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu’il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d’auteur, d’assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures. Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d’auteur, et celle de la liberté d’entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l’article 16 de la charte. (…) La réponse à la question de la licéité d’une transmission dépende également de l’application d’exceptions légales au droit d’auteur qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l’objet d’une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés. » Il s’en déduit qu’un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d’accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’autre part. La recherche de cet équilibre implique d’écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la “substance même du droit à la liberté d’entreprendre” des fournisseurs d’accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en œuvre. |
→ Résumé de l’affaireLes Fédération Nationale des Editeurs de Films, le Syndicat de l’Edition Vidéo Numérique, l’Association des Producteurs Indépendants, l’Union des Producteurs de Cinéma et le Syndicat des Producteurs Indépendants ont constaté que certains sites web mettaient à disposition du public de nombreuses œuvres protégées sans autorisation. Ils ont donc assigné les opérateurs de communications électroniques Bouygues Telecom, Free, SFR, Orange et SFR Fibre devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir des mesures de blocage de ces sites. Le tribunal a ordonné ces mesures, mais les plaignants ont constaté que de nouveaux noms de domaine permettaient toujours l’accès aux sites litigieux. Ils ont donc demandé au tribunal d’étendre les mesures de blocage aux nouveaux noms de domaine. Les opérateurs de communications électroniques ont contesté ces demandes, mais le tribunal a finalement décidé de les accorder.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Le :
Expéditions exécutoires délivrées à : Me SOULIE #P267, Me CARON #C500, Me CHARTIER #R139, Me COURSIN #C2186, Me DUPUY #B873
Jugement + annexe
■
3ème chambre
1ère section
N° RG 24/06396
N° Portalis 352J-W-B7I-C44KL
N° MINUTE :
Assignation du :
02 mai 2024
JUGEMENT
SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND
rendu le 27 juin 2024
DEMANDERESSES
FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (FNEF)
[Adresse 9]
[Localité 14]
SYNDICAT DE L’ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE (SEVN)
[Adresse 9]
[Localité 14]
ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (API)
[Adresse 3]
[Localité 11]
UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC)
[Adresse 6]
[Localité 10]
SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI)
[Adresse 8]
[Localité 12]
[19] ([20]) – Intervenant volontaire accessoire
[Adresse 5]
[Localité 15]
représentés par Me Christian SOULIE de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267
Décision du 27 juin 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 24/06396
N° Portalis 352J-W-B7I-C44KL
DÉFENDERESSES
S.A. ORANGE
[Adresse 2]
[Localité 18]
représentée par Me Christophe CARON de l’AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500
S.A. SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE – SFR
[Adresse 4]
[Localité 13]
S.A.S. SFR FIBRE
[Adresse 1]
[Localité 16]
représentées par Me Pierre-Olivier CHARTIER de l’ASSOCIATION CBR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139
S.A.S. FREE
[Adresse 17]
[Localité 11]
représentée par Me Yves COURSIN de l’AARPI COURSIN CHARLIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2186
S.A. BOUYGUES TELECOM
[Adresse 7]
[Localité 14]
représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0873
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe,
assistée de Madame Caroline REBOUL, Greffière,
DÉBATS
En application de l’article L.212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et avec l’accord des parties, la procédure s’est déroulée sans audience.
Avis a été donné aux avocats par bulletin RPVA du 03 juin 2024 que la décision serait rendue le 27 juin 2024 par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
La FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (ci-après « FNEF »), le SYNDICAT DE L’EDITION VIDEO NUMERIQUE (ci-après « SEVN »), L’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « API »), L’UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (ci-après « UPC ») et le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « SPI ») sont des organismes professionnels ayant vocation à défendre les membres de leur secteur professionnel respectif (audiovisuel et cinéma).
Le [19] (ci-après « [20] ») est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture et destiné notamment à contribuer, dans un but d’intérêt général, au financement et au développement du cinéma et de l’industrie de l’image animée ainsi qu’à la lutte contre la contrefaçon des œuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia.
Les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR FIBRE, ORANGE et SFR sont des opérateurs de communications électroniques qui commercialisent notamment des offres de téléphonie et d’accès à internet sur le territoire français.
La FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI exposent avoir constaté que les 4 sites suivants : « UQLOAD (ID P3) », « VUDEO (ID P4) », « DOODSTREAM (ID P6) », « TURBOBIT (IDP13) », qui sont accessibles par différents noms de domaine mettent, sans autorisation, à la disposition du public de très nombreuses oeuvres de leurs répertoires en continu ou au moyen de liens de téléchargement. Elles précisent que ces sites sont des plateformes d’hébergement et de partage de contenus numériques (dites “cyberlockers”) permettant à différents utilisateurs de téléverser et stocker, notamment des vidéos, et de partager les liens d’accès à ces vidéos, en particulier par transclusion de sorte que l’accès à ce lien se réalise depuis un site d’indexation de liens, distinct de la plateforme, sans changement d’interface.
Aux fins de faire cesser les atteintes constatées aux droits de leurs membres, la FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI ont fait assigner les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SFR et SFR FIBRE devant le tribunal judiciaire de Paris en vue d’obtenir la mise en œuvre par ces derniers en leur qualité de principaux fournisseurs d’accès à internet, des mesures propres à empêcher l’accès par leurs abonnés, à ces sites à partir du territoire français.
Par jugements en date des 19 janvier 2023 (RG 22/13473), 6 juillet 2023 (RG 23/069569) et un jugement rectificatif d’erreur matérielle du 20 juillet 2023 (RG 23/09026), 13 juillet 2023 (RG 23/06576), 17 janvier 2024 (RG 23/15325 et RG 23/15329), le tribunal judiciaire de Paris a ainsi ordonné aux sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SFR et SFR FIBRE de mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites et services litigieux énumérés ci-dessus.
Ayant constaté que postérieurement à ces jugements d’autres noms de domaine que ceux visés par ces décisions permettaient l’accès aux sites litigieux, où continuaient à être mis, sans autorisation, à la disposition du public des œuvres audiovisuelles protégées, la FNEF, le SVEN, l’API, l’UPC et le SPI ont, par actes d’huissier des 2, 3 et 6 mai 2024, fait assigner les sociétés ORANGE, FREE, SFR, SFR FIBRE et BOUYGUES TÉLÉCOM, devant le tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond pour l’audience du 3 juin 2024, aux fins qu’il étende les mesures ordonnées aux sociétés défenderesses dans les jugements susmentionnés aux nouveaux noms de domaines permettant l’accès aux mêmes sites.
Le [20] a, le 29 mai 2024, signifié des conclusions d’intervention volontaire accessoire.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 31 mai 2024, la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, la SPI et le [20] demandent, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
1. Dire recevables l’API, la FNEF, le SEVN, le SPI et l’UPC en leur action.
2. Dire recevable le [20] dans son intervention volontaire accessoire.
3. Dire que l’API, la FNEF, le SEVN, le SPI et l’UPC démontrent suffisamment par le faisceau de preuves rapporté par les agents assermentés de l’article L.331-2 du CPI que les mesures précédemment ordonnées par le tribunal sont contournées au moyen d’un changement de leur chemin d’accès permettant ainsi aux mêmes sites ou cyberlockers de continuer leur activité contrefaisante comme suit :
3.1 le cyberlocker «UQLOAD (ID P3))» jugé contrefaisant par le Tribunal de céans le 19 janvier 2023 (RG 22/13473) qui a en conséquence ordonné son blocage par les FAI de la cause est désormais accessible via le nom de domaine « uqload.to ».
3.2 le cyberlocker «VUDEO (ID P4)» jugé contrefaisant par le Tribunal de céans le 19 janvie r 2023 (RG 22/13473) qui a en conséquence ordonné son blocage par les FAI de la cause est désormais accessible via le nom de domaine « vudeo.ws».
3.3 le cyberlocker «DOODSTREAM (ID P6)» jugé contrefaisant par le Tribunal de céans le 6 juillet 2023 (RG 23/06569) modifié par jugemet rectificatif d’erreur matérielle en date du 20 juillet 2023 (RG 23/090269) qui a en conséquence ordonné son blocage par les FAI de la cause est désormais accessible via les noms de domaine « video-delivery.net », « d0000d.com » et « d000d.com » .
3.4 le cyber locker «TURBOBIT (ID P13)» jugé contrefaisant par le Tribunal de céans le 17 janvier 2024 (RG 23/15329) qui a en conséquence ordonné son blocage par les FAI de la cause est désormais accessible via les noms de domaine « turbobita.net», « tbit.to », « turboget.net », « mobile-turbobit.net» et « turbobits.ru ».
EN CONSÉQUENCE :
1. Enjoindre sans délai et au plus tard dans les quinze jours à compter de la signification de la présente décision et jusqu’au 19 juillet 2024 (soit à l’expiration du délai de 18 mois suivant la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Paris le 19 janvier 2023 – RG 22/13473) les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE – SFR et SFR FIBRE SAS de mettre en oeuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites web structurellement contrefaisant « UQLOAD (ID P3) » et « VUDEO (ID P4) » comme nouvellement accessibles via les chemins d’accès listés ci- après, à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, et/ou par leurs abonnés ainsi que par les abonnés des sociétés qui utilisent leur réseau à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen conforme au degré d’efficacité requis par la Directive 2001/29/CE, et notamment par le blocage du nom de domaine et par voie de conséquence de tous les sousdomaines associés :
« uqload.to » ;
« vudeo.ws» ;
2. Enjoindre sans délai et au plus tard dans les quinze jours à compter de la signification de la présente décision et jusqu’au 6 janvier 2025 (soit à l’expiration du délai de 18 mois suivant la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Paris le 6 juillet 2023 – RG 23/06569, modifié par jugement rectificatif d’erreur matérielle en date du 20 juillet 2023 – RG 23/09026) les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE – SFR et SFR FIBRE SAS de mettre en oeuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites web structurellement contrefaisant «DOODSTREAM (ID P6) »,comme nouvellement accessibles via les chemins d’accès listés ci- après, à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, et/ou par leurs abonnés ainsi que par les abonnés des sociétés qui utilisent leur réseau à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen conforme au degré d’efficacité requis par la Directive 2001/29/CE, et notamment par le blocage du nom de domaine et par voie de conséquence de tous les sous-domaines associés :
« video-delivery.net » ;
« d0000d.com » ;
« d000d.com » ;
3. Enjoindre sans délai et au plus tard dans les quinze jours à compter de la signification de la présente décision et jusqu’au 17 juillet 2025 (soit à l’expiration du délai de 18 mois suivant la décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Paris le 17 janvier 2024 – RG 23/15329) les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE – SFR et SFR FIBRE SAS de mettre en oeuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès au site web structurellement contrefaisant « TURBOBIT (ID P13)» comme nouvellement accessibles via les chemins d’accès listés ci-après, à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, et/ou par leurs abonnés ainsi que par les abonnés des sociétés qui utilisent leur réseau à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen conforme au degré d’efficacité requis par la Directive 2001/29/CE, et notamment par le blocage du nom de domaine et par voie de conséquence de tous les sousdomaines associés :
« turbobita.net», « tbit.to », « turboget.net », « turbospace.net », « mobile-turbovit.net » et « turbobits.ru » ;
4. Dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et ses dépens à sa
charge.
5. Écarter toutes les demandes, fins et moyens contraires des conclusions des défenderesses.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 mai 2024, la société FREE demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
-Dire que les éventuelles mesures d’actualisation des blocages de noms de domaine ne pourront être prises que sous le contrôle de l’autorité judiciaire et vis-à-vis des onze (11) noms de domaine litigieux précisement mentionnés par les demandeurs dans leurs écritures et leur tableau Excel constituant leur pièce communiquée n°5 ;
– Dire que, pour l’identifcation des noms de domaine concernés, la décision à intervenir renverra expressément, au fichier Excel communiqué par les demandeurs (leur pièce n°5) ;
– Autoriser, et, en tant que de besoin, dire, que pour l’exécution de la décision, la société FREE pourra utiliser directement le support numérique constitué par le fichier Excel communiqué par les demandeurs (leur pièce n°5) ;
– Dire que d’éventuels blocages de noms de domaine pourront être mis en oeuvre que dans un délai de quinze jours à compter de la signification de votre décision, et selon les modalités que la société FREE estimera les plus adaptées à l’objectif à remplir en fonction, notamment, des contingences de son réseau et des difficultés éventuellement exceptionnelles auxquelles elle pourra être confrontée ;
– Dire que toutes éventuelles mesures d’actualisation des blocages des noms de domaine ne pourront être prises que pour la durée restant à courir, par rapport aux décisions initialement rendues ;
– Dire que la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS (FNEF), le SYNDICAT DE L’ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE (SEVN), L’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS (API), L’UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC), le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI) et le [19] ([20]) devront avertir officiellement la société FREE dans l’hypothèse où le(s) noms de domaine(s) dont elles auraient obtenu le blocage deviendrai(en)t inactif(s) ;
– Statuer ce que de droit quant aux dépens.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 31 mai 2024, les sociétés SFR et SFR FIBRE demandent, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
– APPRECIER si la FNEF et autres ont qualité à agir et si l’atteinte qu’ils invoquent est constituée;
– APPRECIER s’il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause, au regard notamment (i) des risques d’atteinte au principe de la liberté d’expression et de communication (risques d’atteintes à des contenus licites et au bon fonctionnement des réseaux) (ii) de l’importance du dommage allégué, (iii) des risques d’atteinte à la liberté d’entreprendre des FAI, et (iv) du principe d’efficacité, d’ordonner aux FAI, dont SFR et SFR FIBRE, la mise en oeuvre des mesures de blocage sollicitées ;
Si Madame ou Monsieur le Président considère qu’il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause d’ordonner la mise en oeuvre par les FAI, dont SFR et SFR FIBRE, de mesures de blocage des Sites, il lui est demandé de :
– ENJOINDRE à SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision TJ Paris, 19 janvier 2023, RG n°22/13473, soit jusqu’au 19 juillet 2024, des mesures propres à prévenir l’accès de leurs abonnés situés sur le territoire français, aux noms de domaine ci-après listés et repris dans le tableau récapitulatif communiqué par la FNEF au format Excel en Pièce n°5 :
« uqload.to» ;
« video.ws » ;
– ENJOINDRE à SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision TJ Paris, 6 juillet 2023, RG n°23/06569, soit jusqu’au 6 janvier 2025, des mesures propres à prévenir l’accès de leurs abonnés situés sur le territoire français, aux noms de domaine ci-après listés et repris dans le tableau récapitulatif communiqué par la FNEF au format Excel en Pièce n°5 :
« video-delivery.net » ;
« d0000d.com » ;
« d000d.com » ;
– ENJOINDRE à SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision TJ Paris,17 janvier 2024, RG n°23/15329, soit jusqu’au 17 juillet 2026, des mesures propres à prévenir l’accès de leurs abonnés situés sur le territoire français, aux noms de domaine ci-après listés et repris dans le tableau récapitulatif communiqué par la FNEF au format Excel en Pièce n°5 :
« turbobita.net » ;
«tbit.to » ;
« turboget.net » ;
«turbospace.net » ;
«mobile-turbobit.net » ;
« tuebobits.ru » ;
– JUGER que les parties pourront saisir la présente juridiction en cas de difficultés ou d’évolution du litige ;
– JUGER que les dépens seront laissés à la charge de FNEF et autres.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 mai 2024, la société ORANGE demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
– APPRECIER si la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] ont qualité à agir.
– DONNER ACTE que la société ORANGE ne s’oppose pas à la mesure de blocage sollicitée par les demandeurs dès lors qu’elle réunit les conditions cumulatives, exigées par le droit positif, que sont : la preuve de l’atteinte au droit d’auteur, le caractère judiciaire préalable et impératif de la mesure dans son principe, son étendue et ses modalités, y compris pour son actualisation ; la liberté de choix de la technique à utiliser pour réaliser le blocage ; la durée limitée de la mesure.
En tout état de cause, dans l’hypothèse où la demande de blocage serait jugée fondée, de :
– DECLARER que, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, la société ORANGE ne peut être enjointe que de bloquer l’accès aux seuls noms de domaine précisément mentionnés dans le dispositif des conclusions des demandeurs et qui portent atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin.
– DECLARER que la société ORANGE procédera au blocage des noms de domaine et sous-domaines associés associés aux noms de domaine visés si un tel blocage est expressément ordonné dans la décision à venir.
– DECLARER que la société ORANGE procédera au blocage des noms de domain et sous-domains associés en recourant à la liste figurant dans le tableau Excel communiqué par les demandeurs tel qu’annexé au jugement et faisant partie de la minute.
– DECLARER que la société ORANGE pourra, en cas de difficultés, notamment liées à des sur-blocages, en référer au Président du Tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d’être autorisée à lever la mesure de blocage.
– DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société ORANGE si les noms de domaine visés dans la décision ne sont plus actifs, en parallèle de la signification de la décision à venir et par lettre officielle, afin de préciser qu’il n’est plus nécessaire de procéder à leur blocage.
– DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société ORANGE, postérieurement à la décision, toute fermeture du site auquel renvoient les noms de domaine visés par la décision à venir, et dont ils auraient connaissance, afin que les mesures de blocage afférentes puissent être levées.
– DIRE que chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 mai 2024, la société BOUYGUES demande, au visa de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de :
-Apprécier si la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] ont qualité à agir,
-Apprécier l’atteinte aux droits d’auteur et aux droits voisins invoquée par la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20],
-Apprécier si les demandes de la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] respectent le principe de proportionnalité,
En tout état de cause, dans l’hypothèse où les demandes de blocage étaient jugées fondées,
– Enjoindre à la société BOUYGUES TELECOM de mettre en œuvre les mesures propres à empêcher l’accès de ses abonnés ainsi que des abonnés des sociétés qui utilisent son réseau, situés sur le territoire français, aux seuls noms de domaines précisément visés dans la pièce n°6 des demandeurs, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et pour une durée de 18 mois,
– Dire et juger que la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] devront indiquer aux Conseils des fournisseurs d’accès à internet, dont la société BOUYGUES TELECOM, si les noms de domaines visés dans leur pièce 6 ne sont plus actifs afin que les mesures de blocage ordonnées les concernant puissent être levées,
Décision du 27 juin 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 24/06396
N° Portalis 352J-W-B7I-C44KL
– Laisser à la charge de la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] le paiement des entiers dépens de l’instance.
En application de l’article L.212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et avec l’accord des parties, la procédure s’est déroulée sans audience
I – Sur la qualité à agir de la FNEF, du SEVN, de l’API, de l’UPC, du [20] et du SPI
Aux termes de l’article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, “Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.”
L’article L. 122-2 du même code précise que “La représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, et notamment :2° Par télédiffusion.
La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature.” et l’article L.122-3 que “La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte.”
Selon l’article L. 122-4, “Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.”
De la même manière, en application de l’article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle, l’autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme.
Enfin, il résulte de l’article L. 336-2 du même code qu’”En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l’image animée.”
La FNEF, la SEVN, l’API, l’UPC, le [20], le SPI ont, en vertu de leurs statuts, le pouvoir d’agir en justice aux fins de défendre les intérêts professionnels des auteurs, producteurs et distributeurs d’œuvres audiovisuelles/cinématographiques et de vidéogrammes.
La mise en œuvre de moyens de contournements de mesures de blocage de sites jugés structurellement contrefaisants peut en outre être regardée comme un trouble manifestement illicite.
En conséquence, la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] sont recevables en leurs demandes.
II – Sur l’atteinte aux droits d’auteur ou aux droits voisins
La mesure de blocage, que seule l’autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins.
Par jugements en date des 19 janvier 2023 (RG 22/13473), 6 juillet 2023 (RG 23/069569) et un jugement rectificatif d’erreur matérielle du 20 juillet 2023 (RG 23/09026), 13 juillet 2023 (RG 23/06576), 17 janvier 2024 (RG 23/15325 et RG 23/15329), le tribunal judiciaire de Paris a constaté le caractère structurellement contrefaisant des sites internet : « UQLOAD (ID P3) », « VUDEO (ID P4) », « DOODSTREAM (ID P6) », « TURBOBIT (IDP13) , accessibles à cette époque par différents noms de domaine, ceux-ci étant quasiment entièrement dédié à la représentation et la mise à la disposition du public en ligne d’œuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire de la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC , le SPI et le [20] sans le consentement ni des auteurs ni des producteurs.
Les procès-verbaux des agents assermentés de l’ALPA versés aux débats établissent également que ces sites, qui s’adressent à un public francophone, permettent l’accès à des œuvres audiovisuelles/cinématographiques sans autorisation des titulaires de droits :
1. Ainsi, le site « UQLOAD » (ID P3) persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des oeuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire des demandeurs, pouvant être téléchargés à partir du nom de domaine “ uqload.to” et en particulier les oeuvres suivantes : Pauvres créatures, Aquaman et le royaume perdu.
Il est également observé que :
– la saisie de l’ancien nom de domaine dans un navigateur conduisait, au moyen d’une redirection , mis en œuvre par le titulaire de ce nom de domaine, vers le nouveau nom de domaine,
– la page d’accueil du site auquel ce nom de domaine donne accès est identique à celle observée précédemment (même structure, même charte graphique, même intitulé),
2. Le site « VUDEO (ID P4) », persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des œuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire des demandeurs, pouvant être téléchargés à partir du nom de domaine et en particulier les œuvres suivantes : Aquaman et le royaume perdu, Pauvres créatures.
Il est également observé que :
– la saisie de l’ancien nom de domaine dans un navigateur conduisait, au moyen d’une redirection , mis en œuvre par le titulaire de ce nom de domaine, vers le nouveau nom de domaine,
– la page d’accueil du site auquel ce nom de domaine donne accès est identique à celle observée précédemment (même structure, même charte graphique, même intitulé),
3. Le site « DOODSTREAM (ID P6) » persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des œuvres audiovisuelles/cinématographiques, pouvant être téléchargés à partir des noms de domaine et et en particulier les œuvres suivantes : Aquaman et le royaume perdu, Pauvres créatures.
Il est également observé que :
– la saisie de l’ancien nom de domaine dans un navigateur conduit, au moyen d’une redirection, mis en œuvre par le titulaire de ce nom de domaine, vers les nouveaux nom de domaine,
– la page d’accueil du site auquel ce nom de domaine donne accès est identique à celle observée précédemment (même structure, même charte graphique, même intitulé),
4. Le site « TURBOBIT (ID P13) » persiste à mettre à disposition du public sans autorisation des œuvres audiovisuelles/cinématographiques du répertoire des demandeurs, pouvant être téléchargés à partir des noms de domaine , , , , et , en particulier les œuvres suivantes : Tout sauf toi, Mission impossible : dead reckoning.
Il est également observé que :
– la saisie de l’ancien nom de domaine dans un navigateur conduit, au moyen d’une redirection , mis en œuvre par le titulaire de ce nom de domaine, vers le nouveau nom de domaine,
– la page d’accueil du site auquel ce nom de domaine donne accès est identique à celle observée précédemment (même structure, même charte graphique, même intitulé),
***
Il ressort de l’ensemble de ces constatations que la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux permettent toujours aux internautes, via les nouveaux chemins d’accès précités, de télécharger ou d’accéder en continu à des œuvres protégées à partir de liens hypertextes sans avoir l’autorisation des titulaires de droits, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.
La FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] sont donc fondés à solliciter la prescription de mesures propres à faire cesser ce trouble.
III – Sur les mesures sollicitées
L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l’article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, aux termes duquel : “Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin”. Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu’elle édicte doivent s’articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite “directive sur le commerce électronique”).
La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit dans l’arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu’ainsi qu’il découle des points 62 à 68 de l’arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d’autres droits fondamentaux :
« 45 Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu’il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d’auteur, d’assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures.
46 Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d’auteur, et celle de la liberté d’entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l’article 16 de la charte. (…)
52 D’autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d’information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite. En effet, il n’est pas contesté que la réponse à la question de la licéité d’une transmission dépende également de l’application d’exceptions légales au droit d’auteur qui varient d’un État membre à l’autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l’objet d’une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés. »
Il s’en déduit qu’un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d’accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’autre part.
La recherche de cet équilibre implique d’écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la “substance même du droit à la liberté d’entreprendre” des fournisseurs d’accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en œuvre.
Aussi, conformément aux dispositions de l’article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle, il sera enjoint aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre, toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites : « UQLOAD (ID P3) », « VUDEO (ID P4) », « DOODSTREAM (ID P6) », « TURBOBIT (IDP13) », à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés, à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace de leur choix.
Les mesures de blocage concerneront les noms de domaine mentionnés dans la liste annexée à la présente ordonnance, et permettant l’accès aux sites litigieux, dont le caractère entièrement ou essentiellement illicite a été établi. Compte tenu de leur nécessaire subordination à un nom de domaine, les mesures s’étendront à tous les sous domaines associés à un nom de domaine mentionné dans cette liste.
Ces mesures devront être mises en œuvre au plus tard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pour la durée visée au dispositif de la présente décision.
Les fournisseurs d’accès à internet devront informer la FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI et le [20] des mesures mises en œuvre.
Le coût des mesures de blocage sera à la charge des fournisseurs d’accès internet.
Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
Constate que le cyberlocker UQLOAD (ID P3), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 19 janvier 2023 (RG 22/13473) est désormais accessible par le nom de domaine ;
Constate que le cyberlocker VUDEO (ID P4), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 19 janvier 2023 (RG 22/13473), est désormais accessible par le nom de domaine ;
Constate que le cyberlocker DOODSTREAM (ID P6), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 6 juillet 2023 (RG 23/06569), modifié par jugement rectificatif d’erreur matérielle en date du 20 juillet 2023 (RG 23/09026) est désormais accessibles par les noms de domaine , et ;
Constate que le cyberlocker TURBOBIT (ID P13), jugé contrefaisant par le Tribunal judiciaire de Paris le 17 janvier 2024 (RG 23/15329) est désormais accessibles par les noms de domaine , , , , et ;
En conséquence :
Ordonne aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre sans délai, toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites internet à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, par leurs abonnés à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le blocage des noms de domaine et des sous-domaines associés, figurant dans le tableau annexé à la présente ordonnance et faisant partie de la minute, et ce, sans délai, et au plus tard dans un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et jusqu’au :
– 19 juillet 2024 (soit à l’expiration du délai de 18 mois suivant la première signification de la décision rendue par le Tribunal judiciaire de Paris le 19 janvier 20236 (RG2 22/13473)) s’agissant des cyberlockers UQLOAD (ID P3) et VUDEO (ID P4) ;
– 6 janvier 2025 (soit à l’expiration du délai de 18 mois suivant les décisions rendues par le tribunal judiciaire de Paris le 6 juillet 2023 (RG 23/06569 modifié par RG 23/09026)) s’agissant du cyberlocker DOODSTREAM (ID P6);
– 17 juillet 2025 (soit à l’expiration du délai de 18 mois suivant les décisions rendues par le tribunal judiciaire de Paris le 17 janvier 2024 (RG 23/15329)) s’agissant du cyberlocker TURBOBIT (ID P13);
Dit que les fournisseurs d’accès à internet devront informer la FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L’ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l’UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS et le [19] de la réalisation de ces mesures en précisant éventuellement les difficultés qu’ils rencontreraient,
Dit que la FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L’ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l’ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l’UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS et le [19] devront dans ce cadre indiquer aux fournisseurs d’accès à internet, les noms de domaine dont ils auraient appris la fermeture ou la disparition, afin d’éviter des coûts de blocage inutiles,
Dit que le coût de la mise en œuvre des mesures ordonnées restera à la charge des fournisseurs d’accès à internet,
Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Fait et jugé à Paris le 27 juin 2024
La Greffière La Présidente
Caroline REBOULAnne-Claire LE BRAS