Your cart is currently empty!
Nos Conseils:
1. Sur l’exécution du contrat de travail: 2. Sur la rupture du contrat de travail: 3. Sur les manquements retenus: En suivant ces conseils juridiques, vous pourrez éviter les litiges et assurer une bonne gestion des contrats de travail au sein de votre entreprise. |
→ Résumé de l’affaireM. [X] a été engagé par la société MEDASYS puis DEDALUS FRANCE en tant qu’ingénieur technico-commercial. Suite à des désaccords, il a été licencié pour inaptitude. Il a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail et des indemnités. Le Conseil de prud’hommes a partiellement rejeté ses demandes. M. [X] fait appel pour obtenir une requalification de son licenciement et des dommages-intérêts supplémentaires. La société DEDALUS FRANCE conteste ces demandes et demande le rejet de toutes les demandes de M. [X].
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°82
N° RG 21/01340 –
N° Portalis DBVL-V-B7F-RMVD
M. [J] [X]
C/
S.A. DEDALUS FRANCE
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-Me Cédric ROBERT
-Me Jean-David CHAUDET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 MARS 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Janvier 2024
devant Mesdames Nadège BOSSARD et Anne-Cécile MERIC, magistrats tenant l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [S] [U], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Mars 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
APPELANT et intimé à titre incident :
Monsieur [J] [X]
né le 15 Mars 1959 à [Localité 9] (75)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant Me Cédric ROBERT de la SELEURL CEDRIC ROBERT, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et Me Jérémie AHARFI, Avocat au Barreau de TOULOUSE, pour conseil
INTIMÉE et appelante à titre incident :
La S.A. DEDALUS FRANCE anciennement MEDASSYS prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée par Me Marine GARDIC substituant à l’audience Me Thierry CHEYMOL, Avocats plaidants du Barreau de PARIS
Monsieur [J] [X] a été engagé au sein de la Société MEXYS, en qualité d’ingénieur technico-commercial, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 24 avril 2007.
Le 22 mai 2008, la Société MEXYS est devenue une filiale de la Société MEDASYS.
Le 15 octobre 2010, les sociétés MEXYS, MEDASYS et M. [X] ont signé une convention de transfert.
Le jour même, un contrat de travail a été conclu entre Medasys et M. [X] stipulant une clause de forfait heures de 1737 heures annuelles avec 12 jours de RTT.
Le 2 novembre 2011, conformément à cette convention, M. [X] a été engagé au sein de la Société MEDASYS avec une reprise de son ancienneté en date du 24 avril 2007.
En dernier lieu de la relation contractuelle, M. [X] occupait le poste de consultant expert, statut cadre, position 2 indice 114, de la classification inscrite dans la Convention Collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le 19 décembre 2017, un entretien a eu lieu entre M. [X] et son employeur sur une possible rupture conventionnelle. Aucune convention ne sera finalement signée.
Le 21 février 2018, par l’intermédiaire de son conseil, M. [X] a adressé un courrier à son employeur afin de dénoncer les manquements de ce dernier à ses obligations.
Le 27 février 2018, la société MEDASYS (désormais dénommée DEDALUS FRANCE) a contesté les manquements allégués.
Le 13 mars 2018, M. [X] a été placé en arrêt de travail.
Le 13 décembre 2018, à l’occasion d’une visite de reprise, M. [X] a été déclaré inapte, le médecin du travail mentionnant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement.
Le 21 décembre, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 3 janvier 2019.
Le 7 janvier 2019, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 29 mai 2018, M. [X] a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :
‘ Constater la demande fondée de résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[X] aux torts de la société au vu de l’existence d’un manquement grave de l’employeur à ses obligations contractuelles et de l’impossibilité manifeste de la poursuite du contrat de travail,
‘ Condamner la SA DEDALUS FRANCE à lui verser :
A titre principal,
– 46.357 € de dommages et intérêts du fait de la requalification de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et produisant les effets d`un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 26.490 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.649 € bruts de congés payés sur préavis,
A titre subsidiaire,
– 46.357 € de dommages et intérêts du fait de la requalification du licenciement pour inaptitude physique au poste de travail et impossibilité de reclassement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et non consultation du CSE,
– 26.490 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.649 € bruts de congés payés afférents,
En tout état de cause,
– 15.597 € bruts de rappel d’heures supplémentaires sur 36 mois précédent la date de saisine,
– 1.559 € bruts de congés payés afférents,
– 9.000 € bruts, à titre principal, de rappel de primes sur objectifs 2015/2016 et 2017,
– 7.000 € bruts, à titre subsidiaire, de rappel de primes sur objectifs 2015/2016 et 2017,
– 25.000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Remise d’un bulletin de paie rectificatif conforme au jugement à intervenir,
‘ Condamner aux dépens.
La cour est saisie de l’appel interjeté par M.[X] le 26 février 2021 contre le jugement du 12 février 2021, par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ Débouté M. [X] de sa demande :
– de résiliation judiciaire du contrat de travail,
– de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
– au titre des heures supplémentaires,
‘ Donné acte à la SA DEDALUS FRANCE de ce qu’elle s’est engagée à payer à M. [X] la somme de 1.500 € bruts au titre la rémunération variable 2017,
‘ Condamné la SA DEDALUS FRANCE à payer à M. [X] les sommes suivantes :
– 6.000 € bruts à titre de rappel de primes sur objectif pour les années 2015, 2016 et 2017,
– 1.500 € nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Les dites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil de prud`hommes de Nantes, soit le 29 mai 2018,
‘ Ordonné à la SA DEDALUS FRANCE de remettre à M. [X] un bulletin de salaire conforme a la présente décision,
‘ Ordonné l’exécution provisoire de droit et fixe à cet effet à 3.791,66 € bruts le salaire mensuel de référence de M. [X],
‘ Débouté M. [X] du surplus de ses demandes,
‘ Reçu la SA DEDALUS FRANCE en ses demandes reconventionnelles et l’en a débouté,
‘ Condamné la SA DEDALUS FRANCE aux dépens éventuels.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 janvier 2024 suivant lesquelles M. [X] demande à la cour de :
‘ Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nantes en ce qu’il a débouté M. [X] de :
– sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail alors même que M. [X] prouvait les manquements graves de l’employeur à ses obligations contractuelles et l’impossibilité manifeste de poursuivre le contrat de travail,
– ses demandes indemnitaires liées à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, savoir :
– 46.357 € à titre de dommages et intérêts du fait de la requalification de la rupture du contrat de travail de M. [X] aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 26.490 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.649 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– sa demande de requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– ses demandes indemnitaires liées à la requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse, savoir :
– 46.357 € à titre de dommages et intérêts du fait de la requalification de la rupture du contrat de travail de M. [X] aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 26.490 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.649 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– sa demande de condamnation de la société DEDALUS à lui verser la somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– sa demande au titre des heures supplémentaires,
– ses demandes de rappels d’heures supplémentaires sur la période de 36 mois précédent la saisine du Conseil de prud’hommes de Nantes, soit la somme brute de 15.597 € outre la somme brute de 1.559 € au titre des congés payés y afférents,
Statuant à nouveau,
‘ Juger comme fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [X] aux torts de la société MEDASYS (devenue depuis DEDALUS) au vu de l’existence d’un manquement grave de l’employeur à ses obligations contractuelles et de l’impossibilité manifeste de la poursuite du contrat de travail,
‘ Condamner la SA DEDALUS FRANCE à verser à M. [X] :
– 46.357 € de dommages et intérêts du fait de la requalification de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et produisant les effets d`un licenciement sans cause réelle et sérieuse ( 10,5 mois de salaire de référence ),
– 26.490 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.649 € bruts de congés payés sur préavis,
– 14.933 € bruts de rappel d’heures supplémentaires sur la période de 36 mois précédant la date de saisine du Conseil de prud’hommes en tenant compte de la dernière période de 3 mois sans travail,
– 1.493 € bruts de congés payés afférents,
– intérêts au taux légal à compter de la première citation devant le CO du Conseil de prud’hommes, pour les sommes précitées,
– 9.000 € bruts, à titre principal, de rappel de primes sur objectifs 2015/2016 et 2017, (uniquement si la SAS DEDALUS FRANCE présentait des demandes à ce titre dans ses conclusions d’intimé en contestation du jugement de première instance),
– 7.000 € bruts, à titre subsidiaire, de rappel de primes sur objectifs 2015/2016 et 2017, (uniquement si la SAS DEDALUS FRANCE présentait des demandes à ce titre dans ses conclusions d’intimé en contestation du jugement de première instance),
– 25.000 € de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 4.000 € au titre de l’article 700-1 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance,
‘ Ordonner la remise d’un bulletin de paie rectificatif conforme au regard des demandes accueillies devant la cour d’appel,
‘ Rejeter l’ensemble des demandes formulées par la SAS DEDALUS FRANCE devant la cour.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 4 janvier 2024, suivant lesquelles la SAS DEDALUS FRANCE demande à la cour de :
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
A titre principal,
– rejeté l’intégralité des griefs invoqués par M. [X] à l’encontre de la SAS DEDALUS FRANCE,
– dit que les griefs de M. [X] ne justifiaient pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
– dit que la SAS DEDALUS FRANCE n’avait pas commis de manquement dans l’exécution du contrat de travail,
– dit qu’il n’y avait pas lieu au paiement d’heures supplémentaires au-delà du forfait auquel M. [X] était rattaché,
– débouté M. [X] de ses demandes indemnitaires, à savoir :
– 46.357 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail,
– 26.490 € bruts à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 26.490 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.649 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 25.000 € bruts à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 15.597 € bruts à titre d’heures supplémentaires.
A titre subsidiaire,
– dit que le licenciement pour inaptitude de M. [X] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse,
– débouté M. [X] de l’ensemble de ses demandes,
‘ Infirmer le jugement entrepris pour le surplus, en ce qu’il a condamné la SAS DEDALUS FRANCE au paiement de la somme de :
– 6.000 € au titre de rappels de primes pour les années 2015, 2016 et 2017,
– 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
‘ Déclarer M. [X] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions,
‘ Débouter M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
‘ Juger que M. [X] a été rempli de ses droits au titre de rappels de primes pour les années 2015, 2016 et 2017,
‘ Condamner M. [X] au paiement à la SAS DEDALUS FRANCE de la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner M. [X] aux dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2024.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
1/ Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les heures supplémentaires
Pour infirmation du jugement, M. [X] expose que le contrat signé avec la société Dedalus France en novembre 2010 est inopposable et précise que sa rémunération aurait dû être fonction de 35 heures hebdomadaires et non 39 heures et sollicite dès lors le paiement de 4 heures supplémentaires hebdomadaires (soit 17,33 heures mensuelles) sur 36 mois.
Pour confirmation du jugement, l’employeur expose que le contrat conclu avec Dedalus France était régulier et qu’il devait produire effet en toutes ses dispositions, en ce comprises celles fixant sa durée de travail (conformément à l’accord d’entreprise du 29 juillet 2003) et sa rémunération.
L’article L.3171-4 du code du travail dispose : ‘En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’.
La mise en place du forfait annuel en heures est subordonnée à la conclusion d’une convention individuelle de forfait avec chaque salarié concerné.
En l’espèce, le contrat conclu avec la société Dedalus France était régulier et devait produire effet en toutes ses dispositions, en ce comprises celles fixant sa durée de travail (conformément à l’accord d’entreprise du 29 juillet 2003 produit par l’employeur) et sa rémunération. Il ressort du contrat de travail de M. [X] qu’une convention individuelle de forfait a été conclue avec M. [X], et que les dispositions de la convention collective autorisent de telles conventions.
M. [X] n’est dès lors pas en droit de solliciter un rappel d’heures supplémentaires.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les rappels de primes sur objectifs 2015, 2016 et 2017
Il est précisé à titre liminaire que la société Dedalus France a accepté de régler à M. [X] la somme de 1.500 euros bruts à titre de prime sur objectifs au titre de l’année 2017, reconnaissant n’avoir pas fixé d’objectifs à son ancien salarié. Si la société affirme que cette somme a déjà été réglée en application de l’exécution provisoire, le salarié, dans le dernier état de ses conclusions précisait qu’une discussion était en cours sur l’exécution amiable des sommes au titre de l’exécution provisoire.
Pour infirmation, l’employeur expose que dans le cadre de son transfert du service avant-vente au service consulting, la société Dedalus France a proposé à M. [X] un avenant à son contrat modifiant certaines des conditions d’exercice de la relation contractuelle et proposant une rémunération variable différente de celle prévue dans son contrat de travail en date du 2 novembre 2010.
Pour confirmation, le salarié réclame le paiement d’une somme de 9.000 euros bruts à titre de rappel de prime sur objectifs pour les années 2015, 2016 et 2017. Il affirme que les objectifs n’ont pas été fixés par la société Dedalus France pour les années 2011, 2013, 2015 et 2017.
En l’espèce, en application de l’avenant au contrat de travail du mois de mai 2015, est stipulé ‘ une rémunération variable de 3. 000 euros bruts annuel si 100% des objectifs sont atteints. Les objectifs sont définis par lettre de mission ou à défaut lors de l’entretien annuel (..)’.
Pour l’année 2015, le formulaire de l’entretien annuel du 26 mai 2016 atteste que les objectifs fixés en 2015 ont été atteints. M. [X] aurait donc dû percevoir l’intégralité de sa rémunération variable, soit la somme de 3.000 euros. Or, il a perçu la somme de 1.500 euros.
Pour l’année 2016, M. [X] n’a perçu aucune prime. La société, faisant état de difficultés économiques, a subordonné le versement d’une prime à un résultat net positif de l’entreprise. Il ressort de la note d’information remise au Comité d’entreprise le 17 février 2016 qu’au titre de l’année 2016, si M. [X] n’a perçu aucune prime, il en est de même pour l’ensemble de ses collègues en raison de difficultés économiques de l’entreprise. Cet assujettissement n’est toutefois pas prévu par le contrat de travail et n’a fait 1’objet d’aucun avenant. La Société n’ayant dès lors pas fixé d’objectif au salarié, M. [X] aurait dû percevoir l’intégralité de sa rémunération variable, soit la somme de 3.000 euros.
Pour l’année 2017, la Société reconnaît n’avoir pas fixé d’objectif au salarié. En l’absence d’objectifs fixés, il convient de considérer que le salarié a atteint ses objectifs en 2017. Il aurait dû percevoir l`intégralité de sa rémunération variable soit la somme de 3.000 euros en 2018, au titre de l’année 2017.
La Cour fait droit à la demande de rappel de salaires de M. [X] en rappel de sa rémunération variable pour les années 2015, 2016 et 2017 pour une somme totale de 7.500 euros bruts, M. [X] ayant déjà perçu la somme de 1.500 euros au titre de l’année 2015.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur l’exécution déloyale
Pour infirmation, le salarié fait valoir que l’exécution déloyale ressort des comportements fautifs et en violation de la réglementation du Travail | RH de la part de la société MEDASYS sur une période de plusieurs mois et années causant un préjudice à M. [X] lié à la fatigue psychologique du fait de son isolement par :
– l’absence de missions fournies pendant plus de trois mois,
– sa dévalorisation (absence de formation informatique à son poste et absence de missions sur les nouveaux modules),
– la modification frauduleuse des éléments liés à sa rémunération et à son temps de travail causant une absence totale d’évolution salariale pendant plusieurs années notamment à l’occasion d’un transfert conventionnel de son contrat de travail entre la société MEXYS et la société MEDASYS.
L’article 1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l’espèce, si M. [X] produit l’attestation de son médecin traitant ainsi que ses arrêts de travail de prolongation, il ne ressort pas des pièces médicales ni des autres pièces produites que M. [X] se serait vu priver de missions pendant plusieurs mois ni de formations. S’agissant du non respect des obligations de l’employeur en matière de rémunération variable, il n’est pas démontré de préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires.
Par conséquent, la demande en paiement de dommages et intérêts n’est étayée ni dans son principe ni dans son quantum si bien que la Cour déboute M. [X] à ce titre, en confirmation du jugement entrepris.
2/ Sur le rupture du contrat de travail :
Sur la résiliation judiciaire :
Pour infirmation du jugement, M. [X] expose que plusieurs manquements persistants empêchaient la poursuite du contrat de travail. Il invoque à ce titre :
– une modification d’éléments essentiels du contrat de travail à l’occasion du transfert conventionnel ; le salarié estime que son contrat avec MEDASYS n’a pas été rompu comme il se devait ; qu’il y a eu collusion frauduleuse entre les employeurs ; qu’il aurait dû signer un avenant distinct,
– une modulation du temps de travail,
– une modification des fonctions effectives,
– une absence de fixation des objectifs, entraînant l’absence de prime sur objectifs,
– une non-fourniture de travail et de missions chez les clients à compter du 8 décembre 2017,
– un non-respect de l’obligation d’adaptation et de formation notamment (formation en informatique sollicitée lors de l’entretien annuel de 2016),
– un non-respect des repos compensateurs prévus par la convention collective.
Pour confirmation, sur le premier grief, l’employeur fait valoir que la modification du contrat de travail dont M. [X] conteste la régularité est intervenue le 1er novembre 2010 et qu’entre cette date et le courrier de son Conseil au mois de février 2018, soit près de 7 années plus tard, le salarié n’a formulé ni remarque, ni plainte. Il expose que ces griefs sont trop anciens pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail. Sur le fond, il ajoute que la convention de transfert de salarié d’une entreprise à l’autre au sein d’un même groupe échappe aux dispositions légales régissant la rupture conventionnelle homologuée. Il précise que le transfert peut donner lieu à la conclusion d’un nouveau contrat entre le salarié et son nouvel employeur, qui disposent alors de toute liberté pour le contenu de ce nouveau contrat. Sur le second et le troisième griefs, l’employeur expose que l’attribution des nouvelles tâches à M. [X] correspondait non pas à une modification unilatérale de son contrat de travail mais à la seule modification de ses conditions de travail, découlant uniquement du pouvoir de direction de l’employeur et ne requérant pas l’accord du salarié. Sur le quatrième grief, la société conteste l’absence de fixation d’objectifs et verse en procédure les trois formulaires d’entretien individuel des 28 avril 2015, 20 mai 2016 et 16 mai 2017. Pour l’année 2017, il a été convenu lors de l’entretien que les objectifs étaient ‘définis au travers d’une lettre de mission’. La société Dedalus France n’a pas retrouvé cette lettre de mission et n’est pas en mesure de la verser aux débats. Sur le cinquième grief, la société conteste et précise que la charge de la preuve incombe au salarié, en désaccord avec M. [X], qui précise que la charge de la preuve pèse sur la société Dedalus France. Sur le sixième grief, la société mentionne que l’employeur n’a que l’obligation ‘d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail ainsi que de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations’. Sur le septième grief, la société expose que le salarié a bénéficié de périodes de repos chez lui, en inter-contrat, et qu’il ne rapporte pas la preuve d’un manquement de Dedalus France qui aurait rendu impossible la poursuite de son contrat de travail.
L’article 1224 du code civil permet au salarié de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en cas de manquement par ce dernier à ses obligations. Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante.
Et suivant l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Sur la modification d’éléments essentiels du contrat de travail à l’occasion du transfert conventionnel
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1 et L.1237-11 du code du travail que sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par les articles L.1237-11 et suivants du code du travail, relatifs à la rupture conventionnelle. Il en résulte que toute rupture amiable du contrat de travail ne survenant pas dans les formes prescrites par ces dispositions, serait nulle et constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, ces dispositions n’interdisent pas les conventions tripartites conclues entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture du contrat, mais sa poursuite.
Il ressort de la convention de transfert tripartite du 15 octobre 2010, signée par M. [X], que son contrat de travail avec la société Mexys a pris fin à compter du 1er novembre 2010, date à laquelle le nouveau contrat établi avec la société MEDASYS, et signé par M. [X], est également entré en vigueur.
Il n’est pas établi que la convention tripartite ressort d’une collusion entre les employeurs de M. [X], qui ne démontre pas plus en quoi ladite convention serait irrégulière.
M. [X] ne démontre pas plus qu’il y aurait eu, dans le cadre de la cession de la société MEXYS à la société DEDALUS, un transfert de moyens d’exploitations et de moyens matériels et humains constituant une entité économique autonome. Dès lors, il n’est pas établi que les dispositions d’ordre public de l’article L. 1224-1 du code du travail étaient applicables.
Sur la modulation du temps de travail et la rémunération
En l’espèce, il apparaît que les modifications du contrat de travail dont M. [X] conteste la régularité sont intervenues le 1er novembre 2010. M. [X] n’a formulé ni remarque, ni plainte au sujet de sa rémunération fixe ou variable, ou de sa durée du travail, ou de sa fonction avant le mois de février 2018.
La poursuite du contrat de travail s’étant exécutée pendant plus de huit ans sur les bases contractuelles critiquées seulement courant 2018, il n’est pas établi par le salarié que la poursuite du contrat de travail était impossible du fait du passage de la durée légale du travail soit 151, 67 heures par mois à un forfait annuel de 1737 heures et correspondant à une durée mensuelle de 169 heures. En effet, cette mention du forfait annuel de 1737 heures ressort de l’article 6 du contrat de travail qu’il a signé le 1er novembre 2010.
M. [X] a consenti à ladite modification de son contrat de travail.
Enfin, les modifications relatives à sa rémunération sont issues de l’article 4 du contrat de travail de M. [X], qu’il a signé et pour lesquelles il n’a formulé aucune remarque avant l’année 2018.
Ces modifications de la rémunération et de la modulation du temps de travail ne seront dès lors pas retenues au titre des manquements.
Sur la modification des fonctions
Pour infirmation, M. [X] expose que ses nouvelles fonctions, de par les besoins de la société Medasys, de son offre commerciale, ne constituaient en aucun cas l’application de tâches connexes ou complémentaires de sorte qu’il ne pouvait jamais s’agir d’un simple changement de conditions de travail.
Pour confirmation, l’employeur fait valoir que le fait que M. [X] se soit progressivement vu confier une intervention sur d’autres applications, faisant partie d’un même ensemble d’application aux objectifs différents mais de nature similaire, ne relève pas d’une modification des fonctions, mais bien d’un changement de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur.
La modification des fonctions du salarié entraînant une modification du contrat de travail est subordonnée à l’accord exprès du salarié.
Toutefois, la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement, dès l’instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail.
En l’espèce, il ressort de l’avenant au contrat de travail à durée indéterminée de M. [X], en date du 3 mai 2015, que ce dernier a accepté d’exercer à compter du 1er mai 2015 les fonctions de consultant au coefficient 114 position II statut cadre au sein de la BU santé sous la responsabilité de la Responsable marketing.
Contrairement à ce qu’affirme le salarié, il ne s’agit nullement d’une simple fiche de poste qui lui aurait été soumise mais bien d’un avenant audit contrat de travail, qu’il a signé.
Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces versées en procédure que les différentes fonctions qui lui ont été confiées au fil du temps ne relevaient pas de ses qualifications.
C’est ainsi à bon droit que le conseil de prud’hommes a jugé que M. [X] ne démontrait pas ‘qu ‘il ait eu à souffrir d’un déficit de connaissance pour assumer ses fonctions ou se voir confier des missions’.
Il ne démontre pas plus que sa qualification professionnelle ne le rendait pas en capacité d’intervenir sur d’autres applications de la même suite que l’application EXACTO, comme DXSMA, DXBLOC, DXREA, de la même façon qu’il le faisait pour EXACTO.
Dès lors, cette évolution des fonctions exercées ne relève pas d’une modification des fonctions, mais bien d’un changement de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur.
M. [X] est ainsi mal fondé à invoquer une modification unilatérale d’éléments essentiels de son contrat de travail en justifiant la résiliation.
Sur l’absence de fixation des objectifs
Pour infirmation, le salarié expose que la société MEDASYS n’a pas fixé habituellement et de manière sérieuse les objectifs et a méconnu les dispositions de son contrat de travail.
Il produit :
– l’avenant au contrat de travail du 13 mai 2015 ;
– un formulaire d’entretien individuel à la date du 28 avril 2015 et vierge de toute fixation d’objectifs ;
– un formulaire d’entretien individuel en date du 20 mai 2016 dans lequel les objectifs de l’année à venir sont mentionnés mais qui ne comporte pas les signatures du ‘responsable’ et du ‘collaborateur’ ;
– un formulaire d’entretien individuel non signé en date du 16 mai 2017 dans lequel est mentionné que les objectifs de l’année à venir seront définis par lettre de mission.
Pour confirmation, la société fait valoir que M. [X] n’aurait pas réclamé cette lettre de mission et qu’aucune régularisation n’aurait pu être opérée du fait de l’arrêt de travail depuis le 13 mars 2018 puisqu’en toutes hypothèses le versement de la partie de la rémunération variable afférente n’aurait pu s’opérer qu’au 30 juin 2018.
L’employeur produit :
– un compte-rendu d’entretien s’étant tenu le 28 avril 2015 non signé par le ‘responsable’ et par le ‘collaborateur’ dans lequel sont précisés les objectifs à venir pour l’année 2016 ;
– un formulaire d’entretien individuel en date du 20 mai 2016, signé par les deux parties, et dans lequel sont mentionnés les objectifs à venir pour l’année 2017 ;
– un formulaire d’entretien individuel signé par les deux parties en date du 16 mai 2017 dans lequel est mentionné que les objectifs de l’année à venir seront définis par lettre de mission.
En l’espèce, est établi par l’avenant au contrat de travail du 13 mai 2015, en son article 2, qu’était prévue contractuellement une définition des objectifs par lettre de mission ou à défaut lors de l’entretien annuel tous les ans et une rémunération variable de 3000 euros brute mensuelle si 100% des objectifs étaient atteints.
Il ressort des pièces versées en procédure que les objectifs ont bien été assignés pour les années 2016 et 2017, même si l’employeur n’est pas en mesure de fournir un formulaire d’entretien individuel dûment signé par les parties pour les objectifs de l’année 2016.
Si pour l’année 2015, n’est produit aucun formulaire d’entretien individuel établi en 2014, il ressort du bulletin de salaire de juillet 2016 que M. [X] a bien reçu une prime sur objectifs d’un montant de 1.500 euros. Il ressort également du formulaire d’entretien individuel du 20 mai 2016 que les objectifs de l’année 2015 ont été évalués a posteriori, au titre du bilan des objectifs de l’année écoulée, toutefois, l’employeur n’étant pas en mesure de produire le formulaire d’entretien individuel de l’année 2014 ni tout autre document qui permettrait d’établir que les objectifs pour l’année 2015 ont été fixés préalablement, il n’apporte pas la preuve que les objectifs ont bien été fixés par l’employeur et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.
Concernant les objectifs de l’année 2018, l’employeur n’était pas en mesure de produire la lettre de mission mentionnée dans le formulaire d’entretien individuel daté du 16 mai 2017, il est établi qu’aucun objectif n’a été présenté au salarié en début d’exercice de l’année 2018, peu important que M. [X] ait été placé en arrêt de maladie ordinaire à compter du 13 mars 2018. C’est enfin à tort que la société fait valoir qu’il n’aurait pu lui être versé une prime sur objectifs au titre de l’année 2018 en ce qu’il était absent à la date du 30 juin 2018. En effet, l’absence du salarié pour congé de maladie au jour du versement de la prime sur objectifs est sans incidence sur le versement de ladite prime. Au surplus, la Cour relève qu’au 30 juin 2018, seul le versement de la prime au titre de l’année 2017 était prévisible et non le versement de la prime au titre des objectifs de l’année 2018.
Dès lors que le contrat de travail stipule que la rémunération variable dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur, le défaut de fixation des objectifs justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.
Les objectifs déterminés unilatéralement par l’employeur doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice.
Le fait pour l’employeur de ne pas fixer les objectifs du salarié permettant de déterminer sa rémunération variable permet au salarié de demander la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.
Toutefois le défaut de fixation des objectifs constitue un manquement grave empêchant la poursuite du contrat lorsque la rémunération variable liée à l’atteinte des objectifs est importante.
Outre l’absence de fixation d’objectifs pour les années 2015 et 2018, il ressort des pièces du dossier qu’une seule prime a été versée sur la période, pour un montant de 1.500 euros (au titre de l’année 2015). Dès lors qu’il a été jugé que l’employeur devait 7.500 euros de rappels de salaires pour une période de trois années, la Cour a acquis la conviction que le grief tenant au défaut de fixation d’objectifs, qui est établi pour les objectifs des années 2015 et 2018, et le défaut de paiement des primes afférentes, qui est établi en partie pour l’année 2015 et en totalité pour les années 2016 et 2017, caractérise, au regard des circonstances de l’espèce, un manquement grave qui empêchait la poursuite du contrat de travail.
Sur la non-fourniture de travail et de missions chez les clients à compter du mois de décembre 2017
Pour infirmation, M. [X] expose que la demande de rupture conventionnelle était à l’initiative de l’employeur parce qu’il n’avait plus de travail à lui confier, et que cette non-fourniture de travail a duré plus de 3 mois. Il affirme que c’est à l’employeur de démontrer qu’il a fourni du travail à son salarié.
Pour confirmation, l’employeur précise que la charge de la preuve revient au salarié. Sur le fond, il expose que le poste de consultant expert de la BU Santé auquel était affecté M. [X] à compter du 1er mai 2015 supposait son affectation sur des projets clients spécifiques, par hypothèse temporaires et donc nécessairement séparés de périodes d’inter-contrats de durée variable. Il ajoute que M. [X] s’est vu confier une mission d’avant-vente à [Localité 7] le 25 janvier 2018. Il précise que le fait que cette mission était de courte durée n`est pas pertinent dans le débat et ne remet pas en question le fait qu’elle consiste en une fourniture de travail par l’employeur. Il fait également valoir que, entre chacune de ses missions, M. [X] restait à son domicile, libre de vaquer à ses occupations personnelles malgré le maintien de sa rémunération, de sorte que ces périodes intermédiaires n’étaient source d’aucun préjudice. Enfin, l’employeur expose qu’au début du mois de décembre 2017, des discussions se sont engagées entre les parties en vue de la conclusion éventuelle d’une rupture conventionnelle et ce à l’initiative de M. [X], perspective qui rendait en pratique plus délicate l’affectation du salarié sur une nouvelle mission, sa disponibilité sur les mois à venir pour mener à terme la mission qui lui serait confiée n’étant plus assurée.
Il appartient au salarié d’établir les manquements invoqués à l’appui de sa demande aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.
La conclusion d’un contrat de travail emporte pour l’employeur obligation de fourniture du travail à son salarié.
L’employeur qui refuse de fournir du travail au salarié commet un grave manquement qui justifie, outre le paiement du salaire, la rupture du contrat de travail à ses torts.
En l’espèce, si la charge de la preuve incombe bien au salarié, l’absence de missions confiées n’est pas contestée. C’est dès lors à tort que l’employeur entend justifier l’arrêt de fourniture de travail motif pris de négociations en cours relatives à une éventuelle rupture conventionnelle. En effet, il est constant que dès le 27 février 2018, les négociations relatives à la rupture conventionnelle avaient pris fin, la société y mettant un terme. A compter de cette date, l’employeur était en mesure de confier des missions au salarié sans crainte de les voir compromises par son départ. Cependant, il est établi qu’entre cette date et le 13 mars 2018, date de l’arrêt maladie du salarié, aucune mission n’a été confiée à M. [X].
C’est également à tort que l’employeur expose que son salarié pouvait avoir des périodes d’inter-contrat en ce qu’il est uniquement stipulé dans son contrat de travail que M. [X] avait la possibilité de travailler à domicile. De même, après l’avenant à son contrat de travail en date du 13 mai 2015, faisant passer M. [X] aux fonctions de consultant expert, ce dernier n’était pas plus soumis à une charte prévoyant des périodes d’inter-contrat. Enfin, même dans le cas de l’application d’une charte inter-contrat, l’employeur est tenu de proposer des ordres de missions aux salariés ou de former ces derniers, qui restent à la disposition de l’employeur.
Il ressort des extraits du logiciel TIMESHEET fournies par le salarié, et non contestées par l’employeur, que du 8 décembre 2017 au 31 janvier 2018, M. [X] a effectué des tâches au service de son employeur. La preuve de ce que ces renseignements, rentrés par le salarié lui-même dans ledit logiciel à la demande de son employeur, ne reflétaient pas la réalité de l’absence de travail de M. [X] n’est pas rapportée par le salarié.
La seule mission non contestée est celle d’avant-vente à [Localité 7], et ne concerne qu’une seule journée, le 25 janvier 2018.
Toutefois, entre le 1er février 2018 et le 13 mars 2018, il ne ressort d’aucune pièce versée en procédure que M. [X] se serait vu confier des missions par son employeur.
Aussi, au regard de ces circonstances, l’absence de mission confiée au salarié par l’employeur entre le 1er février 2018 et le 13 mars 2018 caractérise un manquement de l’employeur, d’autant que les négociations relatives à la rupture ayant échouées le 27 février 2018, l’employeur était assuré du maintien de son salarié dans l’entreprise dès cette date.
Sur le non-respect de l’obligation d’adaptation et de formation notamment (formation en informatique sollicitée lors de l’entretien annuel de 2016),
Pour infirmation, M. [X] explique que les missions qui lui étaient confiées nécessitaient une formation de base sur la programmation informatique et l’utilisation des langages informatiques.
Pour confirmation, l’employeur expose qu’au cours de sa formation et de son expérience professionnelle M. [X], ne s’est jamais limité au seul champ de l’anesthésie, comme le démontre la lecture de son Curriculum Vitae. A titre d’exemple, il ajoute que ce dernier possède un diplôme de technicien en exploration fonctionnelle neurologique. De plus, au cours de ses 8 années au CHRU de [Localité 5], l’employeur mentionne que M. [X] était notamment responsable de la réalisation d’examens neurologiques en réanimation pédiatrique et qu’il a réalisé une application de traitement et de présentation des données issues des polysomnographies. L’employeur affirme que la réalisation d’une telle application n’est possible que pour une personne ayant déjà de solides compétences en informatique. Dans la mesure où les compétences requises n’excédaient pas celles qu’il possède, l’employeur estime qu’il était parfaitement possible de faire intervenir M. [X] sur d’autres applications, comme DxREA par exemple, application relative à la réanimation.
Aux termes de l’article L.6321-1 du code du travail et en vertu du principe d’exécution de bonne foi du contrat de travail, l’employeur a l’obligation d’assurer non seulement l’adaptation des salariés à leur poste de travail mais aussi de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
En l’espèce, il est établi par la fiche d’entretien individuel du 16 mai 2017, sous l’intitulé ‘proposition du salarié’ une demande claire de formation de M. [X] ‘sur les bases de données informatiques et les architectures réseaux’ pour ‘mieux comprendre les applications que je suis amené à manipuler et à paramétrer’. Cette demande est également réitérée au sein de ladite fiche sous l’onglet ‘besoins éventuels en formation’ ainsi complété par le salarié : ‘Disposer d’une vraie formation en plus des bribes dispensées par [I] par-ci par-là et de l’auto-formation’.
Il est aussi établi par la fiche individuelle de formation de M. [X] actualisée au 31 décembre 2017 qu’il a bénéficié de 77 heures de formation pour les années 2015 à 2017, dont une partie consacrée à l’utilisation de DxPlanning + paramétrage et l’autre à la formation DxRéa.
Il ne ressort pas des éléments versés en procédure que l’employeur ne respectait pas les obligations d’adaptation et de formation de M. [X] à l’égard de son poste de travail et de l’évolution de celui-ci.
C’est ainsi à raison que le Conseil de prud’hommes a considéré qu’il ne démontrait pas que ‘son emploi ait fait l’objet d’une transformation telle que ses savoirs faire et son expérience professionnelle ne lui permettraient plus d’assumer ses fonctions’.
Sur le non-respect des repos compensateurs
Pour infirmation, M. [X] expose que son employeur n’a pas respecté les repos compensateurs à la suite de voyages récurrents en avion (seconde classe) de M. [X] à l’étranger chez les clients de la société au Maroc, au Liban, au Luxembourg ou encore dans les DOM/TOM (La Réunion). Il précise que les billets d’avions/trains et les voyages étant préparés par la société MEDASYS notamment concernant les voyages vers l’île de la Réunion (plus de 12h de voyage de porte à porte, pour arriver à temps à destination, il est arrivé à M. [X] à plusieurs reprises de partir de son domicile le dimanche car il devait effectuer le trajet [Localité 8]-[Localité 9], puis [Localité 9]-[Localité 10] (La Réunion), puis [Localité 10]-[Localité 11] (lieu de travail effectif) en voiture. Il affirme également avoir subi des arrivées tardives de retour en France après une journée de travail comme au Maroc.
Le salarié produit les justificatifs de quatre déplacements d’une durée maximale de 5 jours, effectués entre les mois d’avril 2016 et de novembre 2017 pour le plus récent, à destination de la Réunion, du Liban ou de [Localité 6] au Maroc.
Selon l’article 11 de la Convention Collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie applicable en l’espèce, un repos compensateur doit être accordé lors de certains déplacements professionnels. Est notamment stipulé à cet article que ‘ Lorsque, pour des raisons de service, l’employeur fixe un transport comportant un temps de voyage allongeant de plus de 4 heures l’amplitude de la journée de travail de l’ingénieur ou cadre, celui-ci a droit à un repos compensateur d’une demi-journée prise à une date fixée de gré à gré, si le transport utilisé n’a pas permis à l’intéressé de bénéficier d’un confort suffisant pour se reposer (voyage en avion dans une classe autre que la 1ère ou une classe analogue à cette dernière ; voyage en train de nuit sans couchette de 1ère classe ni wagon-lit).’
Il ressort des ordres de mission délivrés à M. [X] et des échanges de mails relatifs aux réservations des avions et des hôtels que M. [X] a été amené à effectuer des déplacements longs et récurrents en classe économique allongeant de plus de 4 heures l’amplitude de sa journée de travail, et ayant lieu à plusieurs reprises des dimanches.
Dès lors, M. [X] pouvait prétendre à un repos compensateur conformément à l’article 11 de la convention collective applicable.
M. [X] ne produit toutefois aucun élément permettant de retenir qu’il n’a pas bénéficié de tels repos compensateurs.
Sur les manquements retenus
Les manquements retenus relatifs à l’absence de fourniture de travail et au non paiement de l’entière rémunération sont suffisamment graves en ce qu’ils portent atteinte au principe fondamental de bonne foi dans l’exécution du contrat pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier le prononcé de la résiliation du contrat de travail de M. [X] aux torts de l’employeur.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef et la résiliation judiciaire produira ses effets à compter de la date de licenciement fixée le 7 janvier 2019.
Sur les demandes indemnitaires consécutives à la résiliation judiciaire
Le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La résiliation judiciaire ouvre donc droit pour le salarié à l’indemnité de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis et à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A titre liminaire, il est rappelé que M. [X] a déjà bénéficié d’une indemnité de licenciement dont le montant n’est pas contesté dans le dispositif de ses dernières conclusions.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d’emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l’ancienneté du salarié.
M. [X] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 10,5 mois de salaire brut.
Le salaire moyen à retenir étant contesté, la Cour le calcule comme suit, et comme comprenant le salaire fixe, les primes sur objectifs et le 13ème mois : 3500 + (3.500/12) + (3.000/12) = 4292 euros.
Au regard de l’ancienneté de 11 ans et 7 mois, de son âge lors de la rupture (59 ans), de sa situation personnelle postérieure à la rupture (M. [X] ne pouvant faire valoir ses droits à la retraite à taux minoré qu’à compter de ses 62 ans, soit le 1er avril 2021) ainsi que du montant mensuel de son salaire brut, il y a lieu de lui allouer la somme de 45.000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est dès lors infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
Du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et de la privation injustifiée de son droit au préavis, M. [X] est en droit de solliciter une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 6 mois de salaire en application des dispositions prévues à l’article 27 de la Convention Collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, soit la somme brute de 25.752 euros, ainsi que 2.575 euros bruts de congés payés afférents.
Le jugement entrepris est dès lors infirmé de ce chef.
Sur le remboursement des indemnités Pôle Emploi
Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, est ordonné le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d’office en ce que les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il sera ajouté au jugement de ce chef.
Sur la remise des documents sociaux
Il convient d’ordonner à l’employeur de délivrer à M. [X] l’attestation Pôle Emploi et le solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sans qu’il y ait lieu de l’assortir d’une astreinte.
Il sera ajouté au jugement de ce chef.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la S.A. DEDALUS FRANCE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande en revanche de la condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [X] une indemnité d’un montant de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris sauf :
– sur le rappel de primes sur objectif pour les années 2015, 2016 et 2017,
– sur les heures supplémentaires.
LE CONFIRME de ces chefs,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail liant la SA DEDALUS FRANCE à M. [X], laquelle prend effet à la date du licenciement notifié,
CONDAMNE la SA DEDALUS FRANCE à verser à M. [X] les sommes de :
– 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 25.752 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 2.575 euros bruts de congés payés afférents.
RAPPELLE qu’en application de l’article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l’article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SA DEDALUS FRANCE à rembourser aux organismes concernés les éventuelles indemnités de chômage payées à M. [X] dans la limite de six mois d’indemnités ;
CONDAMNE la SA DEDALUS FRANCE à remettre à M. [X] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée aux organismes sociaux conformes à la présente décision ;
CONDAMNE la SA DEDALUS FRANCE à verser à M. [X] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;
DÉBOUTE la SA DEDALUS FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA DEDALUS FRANCE aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.