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Nos Conseils:
– Il est important de documenter et de conserver toutes les preuves de harcèlement moral, y compris les témoignages, les certificats médicaux, les arrêts de travail et les prescriptions médicamenteuses, pour étayer une éventuelle plainte ou action en justice. |
→ Résumé de l’affaireM. [WO] a été embauché par La Poste en 1985 en tant qu’agent contractuel, puis en 1997 en tant qu’agent des services de tri et manutentionnaire. Après une série de procédures judiciaires, son contrat de travail a été résilié aux torts de l’employeur en 2011, et il a obtenu plusieurs sommes au titre de rappel de salaires, indemnités de licenciement, etc. En 2020, une rupture conventionnelle a été signée entre les parties, mais M. [WO] a contesté sa validité et a saisi le conseil de prud’hommes pour demander l’annulation de la rupture conventionnelle et des indemnités supplémentaires. Le conseil de prud’hommes a initialement rejeté ses demandes, mais une erreur matérielle a été rectifiée par la suite. M. [WO] a fait appel de la décision initiale et demande à la cour de reconnaître le harcèlement moral dont il a été victime, d’annuler la rupture conventionnelle et d’obtenir diverses sommes au titre de préavis, indemnités, dommages et intérêts. La Poste conteste ces demandes et soutient que la rupture conventionnelle était valide et que le harcèlement moral n’a pas été prouvé. L’affaire est en attente d’audience devant la cour.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N°141 DU DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE
AFFAIRE N° : N° RG 23/00178 – N° Portalis DBV7-V-B7H-DRGK
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de Basse-Terre – section commerce- du 8 Décembre 2022.
APPELANT
Monsieur [R] [WO]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Miguélita GASPARDO (SELAS G2M AVOCATS), avocat au barreau de la MARTINIQUE
INTIMÉE
S.A. LA POSTE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me André LETIN, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Avril 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 juin 2024, date à laquelle la mise à dispisition de l’arrêt a été prorogée au 17 Juin 2024.
GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.
Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [WO] a été embauché par La Poste de [Localité 3] en qualité d’agent contractuel de droit privé à compter du 1er avril 1985 en qualité d’agent des services de tri et manutentionnaire.
Il a ensuite été embauché par La Poste de [Localité 3] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 1997 pour exercer des fonctions rattachées au groupe fonctionnel B.
Par arrêt en date du 11 décembre 2007, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté, pour incompétence, la requête de M. [WO] tendant à l’annulation du jugement du 10 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre avait notamment rejeté sa demande de condamnation de La Poste à lui verser la somme de 22867,35 euros à titre de provision sur salaires.
A la suite de la saisine par M. [WO] du conseil de prud’hommes de Basse-Terre et de l’appel interjeté par La Poste le 21 juin 2010, la cour d’appel de céans a notamment, par arrêt du 12 décembre 2011 :
– confirmé le jugement rendu le 20 mai 2010 par le conseil de prud’hommes de Basse-Terre en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [WO] à La Poste,
– dit que la résiliation judiciaire est aux torts de l’employeur,
Avant dire droit sur la reconstitution de carrière de M. [WO] [R],
– ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [H] [K],
– fixé à la somme de 1300 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, à la charge de M. [WO] [R],
– réservé les autres demandes ainsi que les dépens.
Par arrêt du 26 juin 2017, la cour d’appel de céans a :
– réformé le jugement prud’homal du 20 mai 2010 et statuant à nouveau,
– dit que le contrat de travail de M. [WO] a été résilié le 12 décembre 2011,
– condamné La Poste à payer à M. [WO] les sommes suivantes :
* 23405,63 euros de rappel de salaires sur la période du 1er janvier 1998 au 12 décembre 2011, sous déduction d’un montant de 20813,76 euros versé en novembre 2010 au titre de l’exécution provisoire du jugement prud’homal du 20 mai 2010,
* 5000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices financier, matériel et moral subis par M. [WO] et résultant de la réduction de sa rémunération pendant plusieurs années, en conséquence du refus de l’employeur de prendre en compte son ancienneté,
* 23515,66 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 6481,89 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 648,19 euros de congés payés sur préavis,
* 11902,54 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 332,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
* 4000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à La Poste de délivrer à M. [WO], dans le délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt :
* un bulletin de paie complémentaire concernant le rappel de salaire octroyé pour la période de janvier 1998 à décembre 2011,
* une attestation de salaire récapitulant les rappels de salaires annuels auxquels M. [WO] a droit depuis janvier 1998 et dont les montants ont été fixés par l’expert,
* un certificat de travail pour la période d’avril 1985 à décembre 2011,
Le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai imparti,
– dit que les dépens sont à la charge de La Poste,
– débouté les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
La relation de travail s’est ensuite poursuivie et les parties signaient le 29 octobre 2020 une rupture conventionnelle avec une date d’effet fixée au 31 décembre 2020. La rupture conventionnelle a été reçue par la Dieccte de la Guadeloupe pour homologation le 1er décembre 2020.
M. [WO] saisissait le conseil de prud’hommes de Basse-Terre le 1er avril 2022, aux fins de voir:
– prononcer la nullité de la rupture conventionnelle,
– juger que cette nullité entraîne les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la Sa La Poste à lui payer les sommes suivantes :
* 4510 euros au titre de l’indemnité de préavis,
* 2480,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
* 45100 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 6000 euros au titre des dommages et intérêts pour remise tardive des documents de rupture,
* 24805 euros à parfaire au titre du rappel de salaire de janvier 2021 à novembre 2021,
* 75000 euros à titre d’indemnité liée au défaut d’aménagement de son poste,
* 120000 euros à titre d’indemnité en réparation de son préjudice moral et physique du fait du harcèlement moral,
* 45734,76 euros au titre de la différence de traitement et de l’absence de formation,
* 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu contradictoirement le 8 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de Basse-Terre a :
– débouté M. [WO] [R] de l’intégralité de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [WO] [R] aux entiers dépens.
Par jugement rendu contradictoirement le 27 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Basse-Terre a :
– reçu la requête en rectification d’erreur matérielle figurant en première page du jugement,
– ordonné la rectification de l’erreur matérielle figurant en première page du jugement, qui indiquait France Telecom,
– dit qu’il convient de lire en page 1 au lieu et place de la mention erronée :
La Poste
Plateforme de distribution du courrier,
[Adresse 1]
[Adresse 1],
– dit que la décision sera mentionnée sur la minute et les expéditions du jugement rectifié et notifié comme lui,
– laissé les dépens de la procédure à la charge du Trésor Public.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 février 2023, M. [WO] formait appel du jugement en date du 8 décembre 2022, qui lui était notifié le 10 février 2023, en ces termes : ‘Appel limité aux chefs de jugement critiqués, à savoir :
– déboute M. [WO] [R] de l’intégralité de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne M. [WO] [R] aux entiers dépens’.
Par ordonnance du 29 février 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et renvoyé la cause à l’audience du lundi 15 avril 2024 à 14h30.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à la Sa La Poste le 6 octobre 2023, M. [WO] demande à la cour de :
In limite litis,
– constater que l’intimé est La Poste et non France Telecom,
– infirmer le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
– juger sa demande recevable et bien fondée,
– juger que le harcèlement moral dont il a été victime est matériellement avéré,
– juger qu’il avait, par le biais de son Conseil, contesté le montant de l’indemnité conventionnelle,
– juger que l’original de la convention de rupture conventionnelle ne lui a pas été remis par La Poste,
– juger que la convention de rupture conventionnelle ne lui a pas été remise en mains propres par La Poste,
– juger que la présente procédure n’est pas abusive,
En conséquence :
– ordonner la nullité de la rupture conventionnelle,
– juger que cette nullité entraîne les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– condamner La Poste à lui payer les sommes suivantes :
* 4510 euros au titre de l’indemnité de préavis,
* 2480,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 20 mois de salaires, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail,
* 6000 euros au titre des dommages et intérêts pour remise tardive des documents de rupture avec exécution provisoire,
* 24805 euros à parfaire au jour de la décision, au titre de rappel de salaires pour la période de janvier 2021 à novembre 2021,
– condamner La Poste à lui verser la somme de 75000 euros au titre de l’indemnité pour les préjudices relatifs au non-aménagement de son poste,
– condamner La Poste à lui verser la somme de 120000 euros au titre de l’indemnité en réparation de son préjudice moral et physique lié au harcèlement moral,
– condamner La Poste à lui verser la somme de 45734,76 euros en réparation des préjudices relatifs à la différence de traitement et l’absence de formation tout au long de sa carrière,
– débouter La Poste de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– débouter La Poste du surplus de ses demandes,
– condamner La Poste à payer a somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner La Poste aux entiers dépens.
M. [WO] soutient que :
– il a été victime d’un harcèlement moral dont il établit la matérialité par les pièces versées aux débats,
– son poste n’a pas été aménagé conformément aux recommandations du médecin du travail,
– il a subi un retard dans l’évolution de sa carrière, lié au défaut de proposition de formation par La Poste,
– la rupture conventionnelle est entachée de nullités, compte tenu du contexte de harcèlement moral et du défaut de remise d’un exemplaire original de celle-ci pour qu’il en prenne connaissance de manière libre et éclairée,
– ses demandes indemnitaires et de nature salariale sont justifiées.
Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à M. [WO] le 19 juillet 2023, La Poste demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– juger valide la rupture conventionnelle en date du 29/10/2020,
– juger que les documents de fin de contrat ont été remis au salarié,
En conséquence :
– débouter M. [WO] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [WO] [R] au paiement de la somme de 5000 euros pour procédure abusive,
– condamner M. [WO] [R] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La Poste expose que :
– la procédure et les formalités afférentes à la rupture conventionnelle ont été respectées,
– aucun vice du consentement n’a affecté la validité de la rupture conventionnelle entre les parties,
– le salarié n’a nullement été victime de faits de harcèlement moral, de précédentes décisions judiciaires, qui ont autorité de la chose jugée, n’ayant pas retenu l’existence de celui-ci.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En outre, aux termes de l’article susvisé et de l’article L 1154-1 du code du travail lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou, suivant la version modifiée par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il convient d’examiner les éléments de fait allégués par M. [WO] à l’appui du harcèlement moral dont il s’estime victime.
Au soutien de ses assertions, M. [WO] verse aux débats :
– une attestation de Mme [WO] [ZH], épouse du salarié, sans profession en date du 30 juin 2020, précisant : ‘Epouse de [WO], affirme et constate que l’état de santé de mon mari s’est gravement détérioré au fil des années. Son état psychologique ainsi que physique sont gravement affectés. Je crains le pire pour mon mari car si malheur arrive je tiendrai La Poste responsable. Chaque matin est une nouvelle bataille, chaque soir un cauchemar. Ayant 2 pathologies, je me trouve dans l’incapacité de travailler et subvenir aux besoins de mon foyer. Depuis une vingtaine d’années nous faisons face aux tentatives d’intimidation ou de provocations et harcèlement de la part de hauts responsables de La Poste. Son état de santé impacte notre relation, dû à un stress’.
– une attestation de Mme [P] [GG], factrice, en date du 29 juillet 2020, indiquant : ‘En tant que factrice à [Localité 3] depuis 4 ans, je constate que Mr [WO] [R] subit des pressions managériales et que très souvent cela joue sur son état de santé. Le stress lui donne des problèmes de dos très handicapants. Je l’ai envoyé voir une sophrologue afin de le soulager, mais nos dirigeants ne changent pas d’attitude, cela ne sert pas à grand chose. Je n’étais pas présente lors de ces gros problèmes, mais chaque fois qu’il m’en parle, je vois bien que cela le stresse énormément’.
– une attestation de M. [D] [Y], agent courrier, en date du 24 juin 2020, suivant laquelle : ‘Moi, [D] [Y], représentant syndical de la CGTG et élu CHSCT au centre de courrier de [Localité 3] et ayant 19 ans d’ancienneté au sein de l’entreprise. Je constate que Mr [WO] [R] subit une pression très subtile de la part de l’entreprise. A plusieurs reprises j’ai dû soutenir mon collègue moralement et même à certains moments financièrement. Cotoyant Mr [WO] depuis 19 ans, je constate que sa santé physique et mentale se sont détériorées ces dernières années. En tant qu’élu du personnel, je peux aussi affirmer qu’à plusieurs reprises des cadres de La Poste son même rentrés avec lui hors du cadre du travail. Il y a quelques années, Mr [WO] faisait la liaison entre le centre courrier et [W]. Alors qu’il devait ramener une nouvelle caissette au centre de courrier, se trouvait à l’intérieur de cette pochette plus de 30000 euros. Comment une telle somme peut se retrouver là ‘ Quelques années plus tard, Mr [WO] et moi-même sommes mis à pied car nous avons été accusés d’avoir frappé et molesté 2 encadrants. Et comme par magie, cette affaire est étouffée et Mr [WO] et moi-même reprenons le travail’.
– une attestation de M. [HR] [A], facteur, datée du 23 juin 2020, mentionnant : ‘A plusieurs reprises, mon collègue [R] [WO] subit des formes de pression de la part du management. J’ai dû à plusieurs fois le soutenir car il menaçait de se suicider. Je l’ai ramassé à plusieurs reprises au centre courrier de Concordia. Malgré les alertes vis-à-vis des responsables, rien n’a bougé’.
– une attestation de M. [BK] [C], facteur, en date du 30 juin 2020, précisant : ‘C’est avec beaucoup de tristesse et de désarroi que je témoigne du mauvais traitement de Mr [WO] par la Direction managériale de La Poste. En effet, depuis des années, La Poste inflige des pressions morales et mentales sur Mr [WO], qui ont abouti à une dépression. J’ai personnellement été témoin de ces pressions par l’intermédiaire de cadres, M. [L] [F] et M. [E] qui sont venus jusqu’à chez lui pour lui notifier une mise à pied. Mr [WO] aujourd’hui est malade et ce conflit incessant avec La Poste en plus du décès de notre collègue lié aux pressions managériales de La Poste ne fait qu’envenimer les choses’.
– une attestation de M. [G] [S], agent de tri, en date du 30 juin 2020, indiquant : ‘Cela fait plusieurs années que je travaille dans la même brigade que Mr [WO]. Je le vois souffrir et même se cacher pour pleurer. Je suis écoeuré de constater la façon dont on traite un être humain. Je ne comprends pas l’état physique de Mr [WO] (problèmes de dos) que, malgré les différentes demandes envers le management, jusqu’à ce jour, aucune prise en compte, aucune aide pour pouvoir le soulager dans son travail. Je suis outré, choqué, de son [illisible] de voir La Poste inactive malgré la détresse de Mr [WO]. C’est une honte pour une grande entreprise comme La Poste d’avoir un agent dans une telle détresse depuis 35 ans. Je refuse de perdre un autre collègue’.
– une attestation de Mme [V] [X], factrice, du 30 juin 2020, mentionnant : ‘Depuis quelques années j’ai pu constater une dégradation de son état de santé (…) Se manifestant par des maux de dos de plus en plus fréquents (…) empêchant la bonne réalisation de ses tâches ainsi que des troubles d’humeur et des états de déprime répétés’.
– une attestation de M. [B] [J], facteur, en date du 29 juin 2020, indiquant : ‘De la pression de l’encadrement tellement forte qu’il a dû aller voir son médecin immédiatement’.
– un courrier du médecin du travail du 15 juin 2020 relatif à un stress post traumatique présenté par M. [WO] lié au harcèlement et au stress du travail. Ce courrier de réorientation vers la médecins de ville évoque une situation conflictuelle avec la hiérarchie.
– une fiche de visite de médecine de prévention du CIMT en date du 14 octobre 2020, mentionnant ‘Pas d’avis d’aptitude délivré. Relève de la médecine de ville. A revoir à la pré-reprise’.
– un bon de visite périodique du CIST en date du 13 février 2012, mentionnant ‘Apte en évitant le port de charges >25 kg’.
– un bon de visite du 4 décembre 2006 du CIMT, précisant : ‘Apte sur son poste avec maintien de l’aménagement (rappel CZ port de charge >25 kg, si + aide d’une 2ème personne)’
– un bon de visite du CIMT du 16 octobre 2006, mentionnant ‘Apte avec aménagement de poste souhaitable. Contre indication au port de charge >25 kg. Pour les ports de charges entre 10 et 25 kg, l’aide d’une seconde personne est souhaitable. A revoir dans 1 mois’.
– un bon de visite du CIMT en date du 17 décembre 2004, précisant : ‘Apte avec restriction. Port de charge limité à 25 kg. A revoir dans deux mois’.
– un bon de visite du CIMT daté du 3 juin 2002, indiquant : ‘Vu le 22 avril 2002. Adressé au médecin traitant. Etude de poste à faire. A revoir dans un mois’.
– un bon de visite du CIMT en date du 22 avril 2002, mentionnant : ‘Vu ce jour. En attente de résultats d’examens complémentaires. A revoir fin mai’.
– un bon de visite du CIMT en date du 24 septembre 1992 portant la mention ‘apte’.
– des prescriptions médicamenteuses en date du 30 mai 2016, du 7 juillet 2016, du 8 novembre 2016, du 21 novembre 2016, du 24 novembre 2016, du 19 novembre 2016, du 29 mars 2017, du 17 janvier 2018, du 29 août 2019, du 3 août 2020.
– les résultats en date du 14 janvier 2020 d’une IRM cervicale mettant en évidence une discopathie C5-C6 et C6-C7
– une prescription du Docteur [Z] du 29 août 2019 relative à une infiltration lombaire.
– une prescription en date du 17 janvier 2018 du Docteur [N] [T] de 15 séances de kinésithérapie du rachis dorso-lombaire.
– une prescription d’Irm de la colonne lombaire du 27 mars 2017.
– des arrêts de travail du 11 avril 2016 au 14 avril 2016, du 30 mai 2016 au 4 juin 2016, du 6 juin 2016 au 18 juin 2016, du 18 juin 2016 au 10 juillet 2016, du 5 octobre 2016 au 5 novembre 2016, du 7 novembre 2016 au 28 novembre 2016, du 20 décembre 2016 au 6 janvier 2017, du 29 mars 2017 (date de fin illisible), du 27 octobre 2019 au 27 novembre 2019, du 26 décembre 2019 au 31 janvier 2020, du 3 août 2020 au 7 septembre 2020. Certains arrêts de travail de 2016 mentionnent un état dépressif.
– un certificat médical du Docteur [PZ], psychiatre, en date du 2 septembre 2020, précisant l’existence d’un suivi de M. [WO] en CMP depuis le 30 juin 2020.
– une attestation du Docteur [PZ], psychiatre, en date du 11 avril 2017, mentionnant : ‘Je soussigné Dr [PZ] M.D, médecin-psychiatre au centre hospitalier ‘LC Fleming’ certifie que le nommé [WO] [R], né le 05 janv. 1965, a un suivi sur le centre médico-psychologique depuis le 10 juin 2016.’
– un bulletin d’hospitalisation de M. [WO] à la clinique des nouvelles eaux vives du 28 novembre 2016 au 21 décembre 2016.
– un courrier de M. [WO] en date du 6 octobre 2020, adressé à l’inspecteur du travail, faisant état d’un harcèlement moral, d’agissements répétés de son employeur l’ayant affecté, à savoir le décès de son collègue M. [I] [U] et le défaut d’aménagement de son poste de travail ainsi que de suivi régulier de la médecine du travail.
– un courrier de l’inspecteur du travail en date du 24 octobre 2015, adressé à la direction de La Poste, relatif à la situation administrative de M. [WO] et les mesures à prendre concernant sa situation de souffrance morale.
– un courrier, non daté, de M. [D] [Y] adressé à la direction de La Poste au sujet d’un incident le concernant avec Mme [SJ], Directrice.
– un courrier de Mme [M] [O], directrice régionale de La Poste, en date du 13 juillet 2016, adressé à M. [D] [Y], précisant qu’à la suite de sa mise à pied conservatoire liée à un incident en date du 9 juin 2016, l’enquête a permis de conclure à sa mise hors de cause.
– un courrier du cabinet d’avocats Thémys en date du 29 juin 2020 adressé à la direction départementale de La Poste faisant état d’une dégradation de l’état de santé du salarié depuis 2016, d’un défaut d’aménagement de son poste de travail, de techniques managériales controversées et d’un climat délétère au sein de l’entreprise, du suicide d’un collègue, M. [I] [U] et du souhait de l’appelant d’entrer dans une démarche de rupture conventionnelle.
– des courriers du 2 septembre 2020, du 10 septembre 2020, du 21 juin 2021, du 5 juillet 2021, du 22 juillet 2021 échangés entre le cabinet Thémys et la direction de La Poste.
– un article de presse du 9 juin 2020 relatif au suicide d’un agent contractuel de La Poste, M. [I] [U], âgé de 34 ans, à son domicile.
En premier lieu, il résulte des pièces du dossier que, par arrêt du 26 juin 2017, la cour d’appel de céans, a statué notamment sur les demandes de M. [WO] tendant au versement de ‘dommages et intérêts pour les modifications substantielles imposées au salarié depuis 1996, outre l’absence d’application cohérente de la convention collective commune’, ainsi que sur celle relative à l’allocation de ‘dommages et intérêts pour préjudice moral subi du fait des manoeuvres dolosives mises en oeuvre par son employeur, pour lui imposer les modifications substantielles de contrat de travail, durant 20 années, altérant gravement son état de santé’, ces derniers ayant été qualifiés par la cour de dommages et intérêts pour préjudice moral et harcèlement moral. Il appert que la cour d’appel a condamné La Poste à verser à M. [WO] la somme de 5000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices financier, matériel et moral subis par M. [WO] et résultant de la réduction de sa rémunération pendant plusieurs années, en conséquence du refus de l’employeur de prendre en compte son ancienneté, qu’elle lui a accordé des sommes au titre de la rupture de son contrat de travail ainsi que la remise de documents et l’a débouté de ses autres conclusions plus amples ou contraires. Dans ces conditions, et dès lors qu’il n’est pas contesté que cet arrêt est devenu définitif, il a autorité de la chose jugée entre les parties, qui sont les mêmes que celles de la présente instance, pour ce qui concerne les dommages et intérêts sollicités pour harcèlement moral, la cause étant identique, étant observé que cette précédente procédure était soumise au principe de l’unicité de l’instance. M. [WO] ne saurait, par conséquent, se prévaloir de faits de harcèlement moral avant la date du 26 juin 2017, suivant de nouveaux arguments, dès lors que cette prétention avait déjà été examinée par la cour de céans.
S’agissant de la période postérieure au 26 juin 2017, M. [WO] se prévaut de pressions managériales et d’un défaut d’aménagement de son poste de travail ayant conduit à une dégradation de ses conditions de travail et à une altération de son état de santé.
Concernant les pressions, il appert que le salarié ne précise pas dans ses écritures les faits qui, selon lui, sont de nature à les caractériser et que l’examen des pièces versées aux débats n’apporte pas davantage d’informations à ce sujet, dès lors qu’elles mentionnent seulement des ‘pressions managériales’ ou ‘un ‘climat délétère’.
Quant au défaut d’aménagement de son poste de travail, si M. [WO] apporte des éléments permettant de justifier qu’il était recommandé par la médecine du travail depuis l’année 2012, un aménagement de poste visant à éviter le port de charges de plus de 25 kg et qu’il résulte des courriers adressés en 2020 à la direction de La Poste et à l’inspecteur du travail, que cette adaptation n’a pas été mise en place, il ne s’explique ni ne justifie des tâches en tant qu’agent courrier qui lui auraient été confiées et qui auraient excédé sa capacité de travail.
Il convient de rappeler que la cour ne peut déduire l’existence d’un harcèlement moral de la seule violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat.
S’il est établi par les pièces du dossier que M. [WO] a connu des difficultés de santé affectant sa colonne vertébrale, ainsi que la persistance de troubles psychologiques après le 27 juin 2017, les éléments médicaux ne permettent pas d’établir un lien avec le défaut d’aménagement de son poste de travail, mais avec un état de stress et de conflit avec sa hiérarchie, alors qu’aucun élément n’objective de faits de harcèlement imputables à l’employeur.
Dans ces conditions, M. [WO] ne produit pas d’éléments qui, pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [WO] de sa demande de versement de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait d’un harcèlement moral.
Sur le défaut d’aménagement du poste de travail :
Il résulte, en outre, de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
M. [WO], qui se prévaut du défaut d’aménagement de son poste de travail, du caractère professionnel de l’affection dont il souffre, de la faute inexcusable de l’employeur en raison de l’absence de prise en compte des restrictions imposées par la médecine du travail et du défaut de mesures visant à le préserver d’un danger, doit être regardé comme alléguant un manquement de celui-ci à l’obligation de sécurité, point également évoqué dans ses écritures.
D’une part, il résulte des pièces du dossier qu’il était recommandé par la médecine du travail depuis l’année 2012, d’éviter au salarié le port de charges de plus de 25 kg.
D’autre part, il ressort de la lettre de M. [WO] adressée à l’inspection du travail en 2020 et de celles du Cabinet Themys de 2020 envoyées à la direction de La Poste, que cette recommandation de la médecine du travail, ainsi que l’alerte de l’inspection du travail en 2015 relative à une situation de souffrance du salarié au travail, n’ont pas été prises en compte par l’employeur, tenu pourtant à une obligation de sécurité.
Celui-ci ne s’explique ni ne verse aux débats aucune pièce sur ce point.
Le salarié justifie d’une dégradation de son état de santé à partir de l’année 2012, caractérisée par des arrêts de travail prolongés, des problèmes lombaires et affectant sa colonne vertébrale, ainsi que la persistance de troubles psychologiques de nature dépressive, qui, s’ils ne peuvent, ainsi qu’il vient d’être analysés ci-dessus, être rattachés au défaut d’aménagement de poste, présentent un lien avec une situation de stress professionnel.
Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. [WO] résultant du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en lui allouant la somme de 20000 euros, en derniers ou en quittance, compte tenu de ce que l’indemnité conventionnelle incluait ce chef de demande.
Le jugement est infirmé sur ce chef de demande.
Sur la différence de traitement et l’absence de formation tout au long de la carrière :
Concernant l’inégalité de traitement , il y a lieu de rappeler que selon l’article L3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Suivant le principe ‘à travail égal, salaire égal’, l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre les salariés d’une même entreprise, effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, pour autant que ceux-ci soient placés dans une situation identique ou similaire.
Ce principe a été étendu aux avantages non financiers, pour viser l’égalité de traitement, entendue au sens large, c’est à dire englobant l’ensemble des droits individuels et collectifs, qu’il s’agisse des conditions de rémunération, d’emploi, de travail, de formation ou des garanties sociales. Le principe d’égalité est ainsi appliqué à la classification et au coefficient.
Pour qu’il y ait rupture de l’égalité de traitement, deux conditions sont nécessaires : une identité de situation entre les salariés concernés et une différence de traitement.
La règle ne prohibe pas toute différence de rémunération ou de traitement entre les salariés occupant un même emploi, mais exige que ces différences soient justifiées par des raisons objectives, ce qui constitue la limite assignée au pouvoir de direction de l’employeur en la matière.
Il appartient au salarié, qui invoque une atteinte au principe d’égalité de rémunération ou de traitement, de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et, pour ce faire, de justifier qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare. S’il effectue cette démonstration, c’est à l’employeur de justifier par des éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables, cette différence constatée.
L’article L 6321-1 du code du travail,’que ce soit dans sa version en vigueur du 09 octobre 2016 au 01 janvier 2019 ou dans celle applicable à compter du 1er janvier 2019 dispose que’l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des’formations’qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de’ formation ‘permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de’ formation ‘mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de’ formation ‘mentionné au 1º de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.’
Il en résulte donc qu’une’ obligation ‘légale de’ formation ‘professionnelle pèse sur l’employeur aux fins d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité.
En dehors de cette double’ obligation ‘générale, l’employeur peut proposer des actions de’ formation ‘liées au développement des compétences des salariés.
L’employeur doit pouvoir démontrer qu’il s’est libéré de son’ obligation ‘d’adaptation à l’égard des salariés.
Il appartient au juge de rechercher si, au regard de la durée d’emploi de chacun des salariés, l’employeur a rempli son’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi.
En cas de non-respect par l’employeur de son obligation de formation , le salarié peut avoir droit à une indemnisation s’il démontre l’existence d’un préjudice.
M. [WO] se prévaut d’une inégalité de traitement, caractérisée par une différence de salaire par comparaison à des collaborateurs disposant d’une ancienneté moindre et occupant le même poste que lui en qualité d’agent de courrier. Toutefois, les pièces versées aux débats, en particulier ses fiches de paie de 2015 à 2020, si elles mettent en évidence un maintien du salarié à son grade ACC 12, ne permettent pas d’établir l’existence d’une telle inégalité de traitement.
M. [WO] invoque également un défaut de formation professionnelle tout au long de sa carrière.
L’employeur ne s’explique pas sur ce point et ne verse pas non plus de pièces permettant d’apprécier la situation du salarié au regard de son droit à la formation ci-dessus rappelé.
Dès lors, la cour constate que l’employeur ne justifie pas avoir satisfait à son devoir d’assurer l’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi.
Concernant le préjudice en rapport avec cette faute de l’employeur, il est réel, et consiste en une perte de chance d’acquérir ou d’actualiser ses connaissances, d’être adapté à son poste de travail et de s’adapter au mieux au marché de l’emploi alors que le salarié était âgé au jour de la rupture de son contrat de travail de’55 ans.
Le préjudice de M. [WO] sera donc intégralement réparé par La Poste, qui devra lui payer une somme de 3 000 euros net à titre de dommages intérêts, en derniers ou en quittance, compte tenu de ce que l’indemnité conventionnelle incluait ce chef de demande, et ce par infirmation du jugement entrepris.
Sur la rupture conventionnelle :
En ce qui concerne la nullité de la rupture conventionnelle :
C’est à l’employeur qui invoque la remise au salarié d’en rapporter la preuve.
Aux termes de l’article 1325 du code civil, les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu’autant qu’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct.
Ainsi, la convention de rupture conventionnelle d’un contrat de travail qui est un acte sous seing privé contenant des conventions synallagmatiques doit être établie en deux exemplaires, chaque partie ayant u intérêt distinct.
D’ailleurs, en stipulant qu’à l’expiration du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse un exemplaire de la convention de rupture, l’article L. 12378-14 du code du travail rappelle implicitement que la convention soit être établie en double exemplaire sans quoi, une des parties serait privée du droit d’exercer son droit de demander l’homologation.
Un exemplaire de la convention signé par les deux parties doit être remis au salarié, sous peine de nullité de la rupture qui produirait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En effet, seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.
En l’espèce, par courriel du 20 novembre 2020, la direction régionale de La Poste a transmis au conseil de M. [WO] l’exemplaire Cerfa de rupture conventionnelle pré-rempli et signé du directeur de La Poste. Par courriel du 1er décembre 220, le conseil de M. [WO] a retourné à la direction de La Poste l’exemplaire signé par le salarié.
Il est ainsi produit par l’employeur une copie d’un exemplaire du formulaire Cerfa de rupture conventionnelle d’un CDI et de demande d’homologation, daté du 29 octobre 2020, comportant la signature de chacune des parties, précédée de la mention ‘lu et approuvé’.
Toutefois, il n’est pas justifié que la convention de rupture conventionnelle ait été établie en double exemplaire et qu’un exemplaire ait été remis à M. [WO], aucune mention ne le précisant explicitement au sein de l’acte. L’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, ne produit aucun élément permettant de démontrer de la réalité d’une telle remise, laquelle est contestée par M. [WO].
La circonstance que le salarié disposait d’un exemplaire signé des deux parties à compter de la date d’apposition de la sienne sur celui-ci, puisque le document transmis par courriel à son avocat comportait déjà la signature de l’employeur est sans incidence, dès lors que ce dernier est tenu de lui remettre un des deux exemplaires originaux de la convention signés par chacune des parties.
Dans ces conditions, infirmant le jugement, la rupture conventionnelle est nulle et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En ce qui concerne les conséquences de la nullité de la rupture conventionnelle :
Quant à l’indemnité compensatrice de préavis :
S’agissant de l’ancienneté de M. [WO], il résulte des pièces du dossier que le contrat de travail à durée indéterminée du salarié date du 28 novembre 1997, pour un engagement à compter du 1er décembre 1997, et que, s’agissant de la période antérieure, il ressort du relevé de retraite de la CGSS qu’il a exercé de manière discontinue ses services en tant que contractuel.
Par lettre du 13 décembre 2001, et faisant suite à une demande du salarié de prise en compte de son ancienneté depuis l’année 1985, La Poste, relevant le défaut d’exercice de fonctions contracuelles de manière régulière et continue par M [WO], lui proposait une reprise d’ancienneté au 1er janvier 1991.
Dès lors qu’il n’est pas établi que le salarié ait accepté cette date de reprise d’ancienneté, il conviendra retenir la date du 1er décembre 1997, soit une ancienneté de 23 années.
En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail, il convient d’accorder à M. [WO], qui comptait une ancienneté de 23 ans, une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire d’un montant de 4510 euros.
Quant à l’indemnité compensatrice de congés payés :
Aux termes de l’article L. 3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
L’indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur.
Le salarié, qui se prévaut d’un droit au versement d’une indemnité de congés payés équivalente à un mois de salaire sur le fondement de l’article L. 3141-28 alinéas 1 et 2 du code du travail, ne justifie pas, par la seule circonstance d’un
défaut de réception d’un exemplaire de la convention de rupture, du bien-fondé de sa demande, observation étant faite qu’il ne sollicite pas cette indemnité sur un autre fondement juridique.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Quant à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, de l’ancienneté du salarié de 23 ans et deux mois, incluant le délai de préavis, de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (55 ans), de son salaire moyen de 2255 euros et de l’absence d’éléments relatifs à sa situation à l’issue de la cessation des relations contractuelles, il convient de condamner La Poste à verser à M. [WO] une somme de 24805 euros correspondant à onze mois de salaire.
Le jugement est infirmé sur ce chef de demande.
Quant au rappel de salaire :
La relation contractuelle ayant pris fin à la suite de la rupture de la relation de travail effective le 31 décembre 2020, M. [WO] n’est pas fondé à solliciter un rappel de salaires du mois de janvier 2021 au mois de novembre 2021.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :
Il résulte des pièces du dossier que les documents de fin de contrat de M. [WO] lui ont été adressés aux mois de janvier et février 2021.
Dans ces conditions, il ne peut être relevé de remise tardive desdits documents.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [WO] de ce chef de demande.
Sur la demande reconventionnelle de La Poste :
Il n’est pas établi de caractère abusif de la présente procédure, certaines demandes du salarié lui ayant été accordées.
Il convient de débouter l’employeur de sa demande reconventionnelle.
Sur les autres demandes :
Compte tenu de l’issue du présent litige, il convient de condamner La Poste à verser à M. [WO] une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Par voie de conséquence, La Poste ne pourra qu’être déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Infirmant le jugement, les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de La Poste.