Licenciement pour absence prolongée : désorganisation justifiant le remplacement

·

·

,
Licenciement pour absence prolongée : désorganisation justifiant le remplacement

Nos Conseils :

1. Il est important de présenter l’ensemble de ses prétentions sur le fond dès les premières conclusions, conformément à l’article 910-4 du code de procédure civile, pour éviter toute irrecevabilité de demande ultérieure.

2. En cas de licenciement motivé par des absences prolongées perturbant l’entreprise, il est nécessaire de démontrer la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié pour justifier la cause réelle et sérieuse du licenciement.

3. En cas de demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail, il est essentiel de fournir des preuves concrètes de déloyauté de la part de l’employeur pour étayer sa demande.

Résumé de l’affaire

Mme [K], salariée de l’employeur CSE CASI Dijon, a été licenciée le 2 mai 2019 pour absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise. Contestant ce licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes qui a rejeté ses demandes. En appel, elle réclame notamment le paiement de diverses sommes, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la délivrance de documents sous astreinte. L’employeur demande la confirmation du jugement et le paiement de frais de procédure. L’affaire a été renvoyée pour permettre aux parties de s’expliquer sur un point soulevé d’office.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 juin 2024
Cour d’appel de Dijon
RG
22/00337
[R] [K] NÉE [J]

C/

C.C.E. CASI DIJON, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/06/24 à :

-Me CLUZEAU

C.C.C délivrées le 20/06/24 à :

-Me DELAVICTOIRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

MINUTE N°

N° RG 22/00337 – N° Portalis DBVF-V-B7G-F6J6

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section AD, décision attaquée en date du 14 Avril 2022, enregistrée sous le n° 19/00751

APPELANTE :

[R] [K] NÉE [J]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle-marie DELAVICTOIRE de la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉE :

C.C.E. CASI DIJON, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Romain CLUZEAU de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON substituée par Maître Martin LOISELET, avocat au barreau de DIJON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mai 2024 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

Olivier MANSION, Président de chambre,

Fabienne RAYON, Présidente de chambre,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Jennifer VAL,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Jennifer VAL, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [K] (la salariée) a été engagée le 1er juin 2005 par contrat à durée indéterminée en qualité de responsable d’activité sociale par le comité d’établissement SNCF Dijon devenu le CSE CASI Dijon (l’employeur).

Elle a été licenciée le 2 mai 2019 pour absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l’entreprise.

Estimant ce licenciement infondé, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 14 avril 2022, a rejeté toutes ses demandes.

La salariée a interjeté appel le 13 mai 2022.

Elle demande l’infirmation du jugement et le paiement des sommes de :

– 5 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice prévue à l’article L. 1226-14 du code du travail,

– 10 587 euros de rappel d’indemnité spéciale de licenciement,

– 30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d’un certificat de travail, de l’attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de paie pour la période de préavis.

L’employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’arrêt du 25 janvier 2024 a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer sur un point soulevé d’office.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 30 avril et 1er mai 2024.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

A titre liminaire, il convient de rappeler que si la salariée n’a pas initialement formé une demande de nullité du licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande tendant à l’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, la demande de nullité du licenciement tend aux mêmes fins que la demande initiale au sens de l’article 565 du code de procédure civile.

Toutefois, comme le rappelle l’employeur, il a été jugé Soc. 28 février 2024, pourvoi n°23-10.295 que, selon l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond et que viole cette disposition la cour d’appel qui accueille une demande de nullité d’un licenciement aux motifs qu’elle tend aux mêmes fins que celle formée au titre d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et que l’obligation faite aux parties de présenter l’ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 de ce code ne s’applique pas aux moyens qu’elles développent à l’appui de leurs prétentions, alors qu’elle constate que cette demande n’était pas présentée dans les premières conclusions du salarié.

Tel est le cas en l’espèce, puisque la salariée n’a pas présentée de demande de nullité du licenciement dans ses premières conclusions mais seulement à la suite de la question posée par la cour dans le cadre de la note en délibéré, ce qui ne constitue pas une des exceptions prévues à l’alinéa 2 de ce texte.

Il en résulte que cette demande est irrecevable et que la discussion des parties sur ce point devient inutile.

Au fond, il est jugé qu’un licenciement motivé, non pas par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié est possible que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif.

En l’espèce, la lettre de licenciement reproche à la salariée une absence prolongée désorganisant l’entreprise, soit une absence de près de 18 mois consécutifs .

Ces absences se sont déroulées du 31 octobre au 10 novembre 2017, du 10 novembre 2017 au 10 décembre 2017, du 10 décembre 2017 au 8 mars 2018, du 8 mars 2018 au 25 juin 2018, du 25 juin 2018 au 2 septembre 2018, du 3 septembre 2018 au 31 octobre 2018, du 21 octobre 2018 au 21 décembre 2018, du 31 décembre 2018 au 2 janvier 2019, puis prolongation ininterrompue jusqu’au 29 juin 2019.

Aucune inaptitude n’a jamais été alléguée et l’employeur justifie avoir financé des formations au profit de la salariée en 2013, 2015 et 2017.

L’employeur rappelle que la salariée occupait un poste essentiel au sein du CE et que les autres salariés du CE ne pouvaient la remplacer faute de compétence nécessaire.

Il est justifié d’un remplacement par le recrutement d’une salariée Mme [M] par contrats à durée déterminée successifs à compter du 29 mars 2018 et pour une durée totale de 11 mois et de ce qu’il a dû demandé à d’autres salariés d’intervenir en modifiant leurs conditions de travail.

Par la suite, Mme [M] a été recrutée par contrat à durée indéterminée à compter du 3 juin 2019, sachant qu’en raison du licenciement prononcé le 2 mai 2019, le contrat de travail de la salarié a pris fin le 3 juillet 2019.

La salariée répond que le remplacement a été effectué, d’abord, de façon précaire, puis, de façon définitive qu’en raison des revendications de la remplaçante et de la difficulté de trouver des candidats pour ce poste et non au regard de la nécessité de recourir à un contrat à durée indéterminée au regard de la situation du CE.

Il sera relevé que la désorganisation du CE est avérée en raison de l’absence de la salariée et de la nécessité de recourir de façon temporaire à des remplacements en interne puis en raison de la prolongation de cette absence, en ayant recours à des contrats à durée déterminée successifs.

Il reste à apprécier si cette désorganisation a entraîné la nécessité pour l’employeur de procéder au remplacement définitif de la salariée.

L’offre d’emploi a été inscrite à Pôle emploi à compter du 20 décembre 2017 pour un poste à pourvoir du 15 janvier au 8 mars 2018.

Si l’absence a débuté le 31 octobre 2017, l’employeur ne pouvait anticiper la durée de celle-ci ab initio et a réagi à compter du troisième arrêt de travail, soit dans un délai raisonnable.

Par ailleurs, il n’est pas démontré que le poste occupé par la salariée corresponde à une activité impliquant un haut niveau de qualification dès lors qu’elle était responsable d’animation socioculturelle ou encore nécessite d’être titulaire d’un DJEPS et donc qu’il était soit impossible ou difficile de la remplacer.

Enfin, Mme [M] a été recrutée dès le fin mars 2018, soit peu de temps après la demande de proposition d’emploi.

Force est de constater, également, qu’après un investissement de 11 mois, Mme [M] a fait état, dès le 15 février 2019, de difficulté dans l’exécution de ces contrats à durée déterminée, de se projeter dans ses missions au regard de missions de trois mois et de sa volonté de pérenniser sa situation professionnelle, d’où son souhait d’être recrutée en contrat à durée indéterminée.

Cette revendication n’est pas la seule raison pour laquelle l’employeur a procédé au remplacement définitif de la salariée à compter du 3 juin 2019, soit à une date où la perturbation se poursuivait, où la caisse primaire d’assurance maladie avait rejeté la demande de prise en charge au titre de la maladie professionnelle, où la prolongation de l’arrêt de travail ne trouvait plus sa cause dans la déclaration de maladie professionnelle et où la nécessité de remplacer la salariée perdurait.

Il en résulte que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la salariée en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes :

1°) La salariée demande des dommages et intérêts pour violation, par l’employeur, de l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail.

Elle précise que le licenciement a été initié après son refus de consentir à une rupture conventionnelle du contrat de travail et pour éviter un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L’employeur répond qu’aucune preuve de déloyauté n’est apportée.

Force est de constater que la salariée procède par affirmation, qu’aucune inaptitude n’a été prononcée ni envisagée par le médecin du travail et que ce n’est qu’à la demande de la salariée qu’à l’issue de l’entretien préalable une nouvelle convocation lui a été adressée en vue d’un entretien de négociation pour une rupture conventionnelle.

La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée et le jugement confirmé.

2°) la demande de remise de documents par l’employeur à la salariée devient sans objet.

3°) Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la salariée et la condamne à payer à l’employeur la somme de 1 500 euros.

La salariée supportera les dépens d’appel.


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x