Nos Conseils:
1. Sur le remboursement des frais professionnels: 2. Sur le calcul de l’abattement de 30%: 3. Sur la rupture du contrat de travail: |
→ Résumé de l’affaireM. [X] a été embauché par la société Foncia Transaction France en tant que consultant immobilier senior. Après des absences injustifiées et un refus de se conformer aux directives de sa hiérarchie, il a été licencié pour faute grave. M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, mais sa demande a été rejetée. Il a interjeté appel de cette décision, réclamant le remboursement de frais professionnels et des dommages et intérêts pour un abattement de 30% incorrectement calculé. La société Foncia Transaction France conteste ces allégations et soutient que le licenciement pour faute grave était justifié. L’affaire est en attente de jugement en appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00315 – N° Portalis DBVP-V-B7F-E2YS.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 05 Mai 2021, enregistrée sous le n° 19/00724
ARRÊT DU 18 Avril 2024
APPELANT :
Monsieur [B] [X]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Maître Philippe HEURTON, avocat au barreau d’ANGERS
INTIMEE :
S.A.S. FONCIA TRANSACTION FRANCE Agissant poursuites et diligences de ses représentantslégaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Maître CHALAOUX, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 18 Avril 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Foncia Transaction France a pour activité la transaction immobilière.
M. [B] [X] a été embauché par la société Foncia Transaction Ile et Maine, en qualité de consultant immobilier senior, VRP cadre, par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er mars 2018, avec reprise de son ancienneté au 15 septembre 2017.
Le contrat de travail était régi par la convention collective nationale de l’immobilier. M. [X] était affecté au site de [Localité 6]. Sa rémunération était exclusivement composée de commissions calculées en pourcentage des ventes réalisées par son intermédiaire, intégrant son 13ème mois et ses congés payés et couvrant ses frais professionnels. Il était en outre prévu l’octroi d’une avance mensuelle récupérable sur commissions correspondant à un minimum mensuel garanti de 1 800 euros et une prime annuelle sur objectifs. M. [X] consentait enfin expressément à la déduction spécifique de 30% pour le calcul des droits et des charges sociales.
Le contrat de travail de M. [X] a été transféré dans les mêmes conditions à la société Foncia Transaction France, à compter du 1er juillet 2018.
Par lettre du 20 septembre 2018, il a été affecté au site d'[Localité 5] à compter du 1er octobre 2018.
M. [X] a été placé en arrêt de travail du 1er au 15 octobre 2019, puis du 22 octobre au 6 novembre 2019.
Par lettre du 7 novembre 2019, M. [X] a sollicité la régularisation de ses frais de déplacement en prétendant que la clause contractuelle d’inclusion de ses frais professionnels dans ses commissions était illicite et lui était inopposable.
Le 14 novembre 2019, la société Foncia Transaction France lui a répondu que sa rémunération couvrait l’ensemble de ses frais conformément à son contrat de travail lui-même conforme à la convention collective, et lui a rappelé qu’il bénéficiait d’une déduction spécifique pour frais professionnels.
Par courrier du 18 novembre 2019, la société Foncia Transaction France a mis en demeure M. [X] de reprendre son activité et de justifier des motifs de son absence depuis le 13 novembre 2019. Faute de réponse, elle a réitéré sa mise en demeure le 11 décembre 2019.
Le 13 décembre 2019, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et des incidences pécuniaires qui y sont liées. Il sollicitait en outre un remboursement de frais professionnels et des dommages et intérêts pour calcul erroné de l’abattement de 30%.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 décembre 2019, la société Foncia Transaction France a convoqué M. [X] à un entretien préalable à un licenciement éventuel fixé au 8 janvier 2020, lui notifiant parallèlement une mise à pied à titre conservatoire.
M. [X] ne s’est pas présenté ni fait représenter lors de l’entretien préalable.
Par lettre du 13 janvier 2020, la société Foncia Transaction France a notifié à M. [X] son licenciement pour faute grave motifs pris d’absences injustifiées, de refus d’appliquer les directives de sa hiérarchie et de rendre des comptes, ainsi que d’un abandon de poste.
Par jugement du 5 mai 2021 le conseil de prud’hommes d’Angers a :
– débouté M. [X] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des prétentions financières afférentes ;
– dit que le licenciement pour faute grave de M. [X] est justifié et l’a débouté de ses prétentions financières afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– débouté M. [X] de sa demande de paiement de complément de salaire d’octobre et novembre 2019 ;
– condamné M. [X] à payer à la société Foncia Transaction France la somme de 100 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [X] aux dépens de l’instance.
M. [X] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 2 juin 2021, son appel portant sur l’ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
La société Foncia Transaction France a constitué avocat en qualité de partie intimée le 24 juin 2021.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2023. L’affaire initialement fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 7 novembre 2023 a fait l’objet d’un report à celle du 6 février 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [X], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 26 août 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers ;
– débouter la société Foncia Transaction France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– ordonner la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société ;
– à titre subsidiaire, dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
– condamner la société Foncia Transaction France à lui payer les sommes suivantes :
– 5 400 euros au titre du préavis ;
– 540 euros au titre de l’incidence congés payés ;
– 1 050 euros net de CSG-CRDS au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
– 4 000 euros net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 6 389 euros au titre du remboursement des frais professionnels ;
– 5 000 euros net de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour calcul erroné de l’abattement de 30 % ;
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– intérêts de droit du jour de la demande.
M. [X] expose que ses frais professionnels doivent lui être remboursés dans la mesure où aucune disposition contractuelle ne prévoit de contrepartie financière à ce titre, qu’ils ne peuvent être imputés sur sa rémunération laquelle était inférieure au Smic, et que l’abattement de 30% a été calculé sur une base supérieure. Il prétend que ces manquements l’ont contraint à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Il soutient enfin avoir dû cesser ses fonctions faute de remboursement de ses frais, et qu’à tout le moins, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
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La société Foncia Transaction France, par conclusions régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 19 novembre 2021, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– déclarer M. [X] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel ;
– confirmer purement et simplement le jugement rendu le 5 mai 2021 par le conseil de prud’hommes d’Angers ;
Et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées:
– condamner M. [X] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
La société Foncia Transaction France fait valoir qu’aux termes du contrat de travail, les commissions incluaient le remboursement des frais, et que M. [X] a consenti à l’abattement de 30% pour frais professionnels prévu par l’article 6 de l’avenant du 15 juin 2006 relatif au statut de négociateur immobilier. Elle affirme ensuite que tant en 2018 qu’en 2019, il a été rémunéré au-dessus du salaire minimum brut des négociateurs immobiliers VRP, et que s’agissant du calcul de l’abattement de 30%, la base de cotisations doit être au moins équivalente au Smic, de sorte que la déduction forfaitaire a été correctement appliquée. Elle conteste dès lors tout manquement de sa part, et s’oppose en conséquence à la demande de résiliation judiciaire.
Elle s’attache ensuite à démontrer que les multiples absences injustifiées, le refus systématique de M. [X] d’appliquer les directives de sa hiérarchie et de fournir ses rapports d’activité, et l’abandon de poste sont établis et justifient le licenciement pour faute grave.
A titre liminaire, il convient de relever que M. [X] a interjeté appel de l’ensemble des dispositions du jugement dont celle l’ayant débouté de sa demande de complément de salaire d’octobre et novembre 2019. Pour autant, il ne reprend pas cette demande dans ses dernières conclusions. Il est donc réputé l’avoir abandonnée, et il doit être considéré que les dispositions du jugement l’en ayant débouté sont définitives.
Sur l’exécution du contrat de travail
1. Sur le remboursement des frais professionnels
M. [X] prétend que l’abattement de 30% ne dispense pas l’employeur de lui rembourser les frais professionnels exposés et observe que, contrairement à l’article 6 de l’avenant du 15 juin 2006 relatif au statut de négociateur immobilier, son contrat de travail ne prévoit aucune contrepartie financière à ce titre. Il se prévaut en outre de la règle selon laquelle les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition, d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d’autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au Smic. Il affirme qu’aucune de ces deux conditions qui sont cumulatives n’est remplie en l’espèce.
La société Foncia Transaction France s’oppose à la demande de remboursement de frais. Elle fait valoir que l’article 7 du contrat de travail prévoyant une rémunération incluant les frais professionnels est conforme aux dispositions de la convention collective nationale de l’immobilier, et que l’abattement de 30% prévu par l’article 6 de l’avenant du 15 juin 2006 relatif au statut de négociateur immobilier auquel M. [X] a consenti, en est le corollaire dans la mesure où il permet, avec l’économie réalisée, de ne pas supporter la charge des frais sur la rémunération. Elle affirme ensuite que tant en 2018 qu’en 2019, M. [X] a été rémunéré au-dessus du salaire minimum brut des négociateurs immobiliers VRP, lequel a donc été respecté. Elle souligne enfin que M. [X] ne peut à la fois solliciter le remboursement de frais au réel et reconnaître qu’ils lui ont été réglés par le biais d’un abattement forfaitaire.
L’article 6 intitulé ‘frais professionnels’ de l’avenant 31 du 15 juin 2006 relatif au statut de négociateur immobilier, étendu et attaché à la convention collective de l’immobilier, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit que :
‘Le négociateur immobilier, VRP ou non, est remboursé sur justificatifs des frais professionnels qu’il engage réellement. Le contrat de travail pourra déterminer le montant maximum de ces remboursements de frais professionnels.
Les parties peuvent toutefois prévoir contractuellement que le négociateur, moyennant le versement par l’employeur d’une indemnité fixée de manière forfaitaire à un montant défini au contrat de travail, n’est pas remboursé, mais qu’il conserve au contraire la charge des frais qu’il justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de son employeur.
Ces remboursements ou indemnités forfaitaires ne sauraient en aucune façon être considérés comme un élément de la rémunération.
Conformément à l’arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l’arrêté du 25 juillet 2005, l’employeur peut opter pour l’abattement forfaitaire de 30 % sur l’assiette des cotisations de sécurité sociale des VRP si une convention ou un accord collectif du travail l’y autorise. A défaut, l’employeur ne peut opter pour l’abattement que s’il obtient préalablement l’accord des institutions représentatives du personnel (comité d’entreprise ou délégués du personnel) ou l’accord du salarié, directement, en cas d’absence d’institutions représentatives du personnel.
Dans ce dernier cas, l’accord du négociateur VRP peut être donné dans le contrat de travail ou plus tard, dans le cadre d’un avenant au contrat de travail. (…)
Le négociateur VRP ayant donné son accord sur le droit d’option pour l’abattement de 30 % peut réviser sa décision pour l’année à venir, mais non pour l’année en cours. Il doit alors adresser un courrier à l’employeur avant le 31 décembre de l’année en cours.’
Il en résulte que les frais professionnels du négociateur immobilier VRP, tel M. [X], peuvent être soit remboursés au réel avec fixation d’un montant maximum, soit rester à sa charge en contrepartie d’une indemnité forfaitaire dont le montant est défini au contrat de travail, soit compensés par un abattement de 30% sur l’assiette des cotisations de sécurité sociale.
L’article 7 du contrat de travail liant les parties intitulé ‘rémunération’, réitéré dans les mêmes termes dans un avenant du 20 décembre 2018, prévoit que :
‘La rémunération forfaitaire définie ci-dessous :
– couvre l’ensemble des frais, quels qu’ils soient, que le salarié pourra être conduit à exposer pour les besoins de son activité au service de la société ;
– intègre la gratification de treizième mois telle que définie par la convention collective nationale de l’immobilier ;
– intègre les congés payés.
En rémunération de son activité, le salarié percevra, sur toute affaire réalisée par son intermédiaire et entérinée par la société, un pourcentage des honoraires hors taxes, nets de rétrocessions et de commissions d’indication, effectivement encaissés par la société selon les paliers suivants (suit un tableau avec les différents paliers). (…)
La société versera au salarié une avance récupérable sur commissions transaction et financement, d’un montant mensuel brut de 1 800 euros. Si sa rémunération variable est inférieure mensuellement au montant de l’avance récupérable sur commissions, il lui sera versé la différence entre ces deux montants. (…)
Le salarié reconnaît par ailleurs que, conformément à l’arrêté interministériel du 25 juillet 2005, il consent expressément à la société le droit de pratiquer la déduction forfaitaire spécifique de 30% pour le calcul des droits et des charges sociales’.
Il en résulte que, parmi les trois possibilités précitées prévues par l’article 6 de l’avenant du 15 juin 2006, M. [X] a expressément donné son accord sur l’abattement forfaitaire de 30%, lequel a trait, conformément à l’intitulé de cet article 6, à ses frais professionnels.
S’agissant de la proportionnalité du forfait aux frais engagés, et le fait qu’en supportant ces frais sa rémunération serait inférieure au Smic, il sera relevé d’abord que la jurisprudence à laquelle M. [X] se réfère concerne non l’abattement de 30% pour frais professionnels mais l’indemnité fixée de manière forfaitaire à un montant défini au contrat de travail. Elle n’est donc pas transposable au cas de l’espèce.
Il sera relevé en outre que le salarié ne justifie pas avoir engagé des frais professionnels disproportionnés à l’économie réalisée du fait de l’abattement de 30%, dans la mesure où il ne réclame que des indemnités kilométriques, qu’il ne détaille pas son calcul et ne donne pas la base sur laquelle il se fonde, et que les pièces qu’il communique sont insuffisantes à justifier des frais engagés. En effet, celles-ci consistent en deux tableaux réalisés par ses soins, le premier manuscrit (pièce 20) ne comportant que des dates, un kilométrage total de 4 431 kilomètres en 2018 pour un montant de 2 639 euros et de 4 598 kilomètres en 2019 pour un montant de 2 737 euros, et le second sur ordinateur (pièce 21 à 21/8) ne comportant que des kilométrages mentionnant qu’il aurait effectué un total de 4 081 kilomètres en 2018 et un total de 4 775 kilomètres en 2019, soit des kilométrages différents du tableau précédent, étant précisé de surcroît que le total des sommes figurant sur son premier tableau ne correspond pas à la somme de 6 389 euros qu’il réclame et sur laquelle il ne s’explique pas dans ses écritures.
Enfin, l’article 4 de l’avenant précité dans sa version en vigueur du 15 mai 2008 au 1er juin 2020 prévoit que ‘les négociateurs immobiliers VRP perçoivent un salaire minimum brut mensuel ne pouvant être inférieur à 1300 €’. Il ressort des bulletins de salaire de M. [X] qu’il a perçu chaque mois à tout le moins le minimum garanti au contrat de travail soit 1 800 euros, et en réalité une moyenne de 1 888,37 euros par mois en 2018 et de 1 831,72 euros en 2019. Au vu de ce qui précède, il n’est pas établi que la charge des frais engagés aurait eu pour effet de lui laisser une rémunération inférieure au minimum conventionnel ni même au Smic.
Par conséquent, M. [X] doit être débouté de sa demande de remboursement de ses frais professionnels, et le jugement confirmé de ce chef.
2. Sur le calcul de l’abattement de 30%
M. [X] rappelle que le remboursement de frais ou l’indemnité forfaitaire ne sont pas considérés comme une rémunération. Il affirme à cet égard que son salaire de 1800 euros qui intégrait les frais professionnels supportait cependant la totalité des charges sociales. Il relève que les cotisations auraient dû être calculées sur 30% x1 800 euros, soit sur 1 260 euros, et que ses bulletins de salaire montrent qu’elles l’ont été sur 1 498,50 euros. Il demande réparation de son préjudice à ce titre.
La société Foncia Transaction France prétend que la base de cotisations sur laquelle est pratiqué l’abattement de 30% doit être au moins équivalente au Smic, de sorte que la déduction forfaitaire a été correctement appliquée.
L’article R.242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause prévoit que :
‘Les cotisations de sécurité sociale sont calculées, pour chaque période de travail, sur l’ensemble des revenus d’activité tels qu’ils sont pris en compte pour la détermination de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1, dans les conditions prévues au II.
(…)
Le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des cotisations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, en aucun cas, au montant cumulé, d’une part, du salaire minimum de croissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de la loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et, d’autre part, des indemnités, primes ou majorations s’ajoutant audit salaire minimum en vertu d’une disposition législative ou d’une disposition réglementaire.’
Il s’en déduit que l’application de l’abattement de 30% ne peut avoir pour résultat de ramener la base de cotisations en deçà de l’assiette minimum de cotisations c’est-à-dire du Smic correspondant à l’horaire travaillé, augmenté des majorations et autres éléments de salaire légalement obligatoires.
Le Smic mensuel brut était de 1 498,47 euros en 2018 et de 1 521,22 euros en 2019.
Les bulletins de salaire de M. [X] montrent que l’assiette de ses cotisations de sécurité sociale correspond au Smic, et qu’un abattement de 30% sur sa rémunération réelle aurait eu pour effet de ramener la base de cotisations en deçà du Smic.
Par conséquent, l’employeur n’a commis aucun manquement à ce titre et M. [X] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts subséquente.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Le juge peut, à la demande du salarié, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur lorsqu’il est établi que celui-ci a commis des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et ce n’est que s’il estime cette demande non fondée qu’il doit alors se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Lorsqu’en cours d’instance de résiliation judiciaire le contrat de travail a été rompu, notamment par l’effet d’un licenciement, la date d’effet de la résiliation doit être fixée à la date de rupture effective du contrat, c’est à dire dans l’hypothèse considérée à la date du licenciement.
En l’espèce, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail a été présentée le 13 décembre 2019, jour de la saisine du conseil de prud’hommes, et donc avant le licenciement pour faute grave notifié le 13 janvier 2020. Elle doit par conséquent faire l’objet d’un examen préalable.
1. Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
M. [X] allègue du non remboursement de ses frais professionnels et d’un calcul erroné de l’abattement de 30% sur l’assiette des cotisations de sécurité sociale.
Il a été jugé précédemment que la société Foncia Transaction France n’avait commis aucun manquement sur ces deux points.
Par conséquent, M. [X] doit être débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, et le jugement confirmé de ce chef.
2. Sur le licenciement
La lettre de licenciement du 13 janvier 2020 rédigée sur quatre pages et qui fixe les limites du litige met en avant trois griefs essentiels illustrés par des exemples concrets:
– son refus systématique d’appliquer les directives de la hiérarchie et de fournir des rapports d’activité caractérisant une attitude d’insubordination généralisée ;
– le fait de ne plus assurer son activité de prospection et de suivi des clients ;
– ses absences injustifiées et un abandon de poste depuis le 4 décembre 2019 ayant obligé l’employeur à s’organiser en urgence afin d’assurer ses missions envers la clientèle.
M. [X] soutient avoir dû cesser ses fonctions du fait de l’absence de remboursement de ses frais professionnels. Il affirme à cet égard que suite à la fermeture de l’agence de Chalonnes et son affectation à [Localité 5], il a conservé son portefeuille de Chalonnes, ce qui l’a amené à effectuer de nombreux déplacements, et à travailler 12 heures par jour, 6 jours par semaine.
La société Foncia Transaction France observe que M. [X] ne conteste pas les faits et reconnaît l’abandon de poste. Elle s’attache à démontrer la réalité de chacun des griefs, et estime qu’il a organisé son départ suite au refus qu’elle a opposé à sa demande de rupture conventionnelle formulée le 25 septembre 2019.
La faute grave privative du droit aux indemnités de rupture est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.
La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur. S’il subsiste un doute, celui-ci doit profiter au salarié.
La société Foncia Transaction France verse aux débats :
– un courrier recommandé avec accusé de réception du 18 novembre 2019 constatant son absence depuis le 13 novembre 2019, le fait qu’il n’a pris aucun contact avec l’entreprise, qu’il n’a répondu à aucun message et n’a adressé aucun courrier, et le mettant en demeure de reprendre son activité et de justifier son absence (pièce 5) ;
– un mail adressé le 20 novembre 2019 à M. [X] par Mme [D], directrice des ventes, lui demandant de justifier ses absences des 18 et 21 octobre ainsi que du 13 au 19 novembre, précisant qu’elle n’a reçu aucune explication ni justificatif malgré sa demande orale et ses demandes par mail. Elle lui demande en outre des explications quant à son absence non justifiée à trois rendez-vous fixés les 17 octobre, 8 novembre et 15 novembre, ainsi qu’à sa permanence du 19 novembre (pièce 15) ;
– plusieurs mails adressés à M. [X] entre le 29 novembre et le 11 décembre 2019 émanant de Mme [D] précitée, Mme [F], hôtesse, et Mme [P], assistante de direction, faisant état de son absence à une ‘signature notaire’, de son absence à la permanence du 3 décembre, et contenant de nombreuses relances afin qu’il contacte certains clients en attente de réponse de sa part, Mme [D] lui demandant en outre une réponse sur ces différents sujets ainsi que son bilan hebdomadaire et son planning (pièces 6 à 11, 13) ;
– un courrier recommandé avec accusé de réception du 11 décembre 2019 constatant cette fois, son absence depuis le 4 décembre 2019 et le mettant en demeure de reprendre son travail et de justifier de son absence (pièce 2).
Ces mails et courriers ne sont suivis d’aucune réponse de la part de M. [X], et l’insistance de plus en plus prégnante de l’entreprise pour obtenir une réaction de sa part démontre qu’il n’y en a pas eu, étant précisé que de son côté, M. [X] ne communique aucun élément de nature à les contredire et ne conteste ni la matérialité des griefs formulés dans la lettre de licenciement, ni le fait d’avoir manifesté en septembre puis en octobre 2019 sa volonté de quitter l’entreprise par une rupture conventionnelle de son contrat de travail qui lui a été refusée.
Il se contente de les justifier par sa charge de travail et ses frais de déplacements qui ont augmenté à compter d’octobre 2018 du fait de son rattachement à l’agence d'[Localité 5] lors de la fermeture de l’agence de Chalonnes. Il indique ne pas avoir été déchargé du secteur de Chalonnes et avoir dû faire de nombreux trajets sur ce secteur pour remplir ses fonctions lesquels ont engendré des frais importants. Il communique à cet égard son agenda Outlook attestant de ses rendez-vous de janvier 2018 au 4 octobre 2019 (pièces 13 et 14).
Or, on note d’abord que M. [X] réside à [Localité 5], qu’à l’origine il a été affecté au secteur de Chalonnes, et que dès lors, son affectation au secteur d'[Localité 5] plus proche de son domicile n’a pas pu générer une augmentation de ses frais de route. Surtout, l’attribution de ce nouveau secteur géographique en plus du précédent ne s’est pas accompagnée d’une augmentation de ses objectifs, au contraire, dans la mesure où ceux fixés au contrat de travail sur l’année 2018 étaient de 26 mandats représentants 120 000 euros d’honoraires hors taxes, et ceux de 2019 ont été fixés dans l’avenant du 20 décembre 2018 à hauteur de 24 mandats représentant 90 000 euros d’honoraires hors taxes. Enfin, il ne ressort pas des agendas de M. [X] qu’il ait eu une activité plus intense à partir d’octobre 2018, ce point étant confirmé par ses bulletins de salaire attestant d’une rémunération moyenne quasi-équivalente sur toute la période de travail. Dès lors, les explications de M. [X] ne sont pas de nature à justifier les griefs qui lui sont reprochés.
Il ressort de ce qui précède qu’à compter d’octobre 2019, M. [X] a multiplié les absences injustifiées, qu’il n’a pas assuré les permanences et les rendez-vous qui lui étaient impartis, qu’il a cessé de rendre compte de son activité et qu’il ne s’est plus présenté à compter du 4 décembre 2019, en laissant la société Foncia Transaction France dans l’incertitude la plus totale notamment vis-à-vis de ses clients. Ce comportement délibéré, de nature à causer un préjudice d’image à l’employeur et à altérer la confiance des clients, rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et caractérise une faute grave.
Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement pour faute grave est justifié et en ce qu’il a débouté M. [X] de ses demandes de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit la société Foncia Transaction France en cause d’appel et de condamner M. [X] à lui payer la somme de 1 000 euros à ce titre.
M. [X] qui succombe à l’instance est condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel.
La cour, statuant dans les limites de sa saisine, contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe ,
CONFIRME le jugement rendu le 5 mai 2021 par le conseil de prud’hommes d’Angers en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE M. [B] [X] à payer à la Sas Foncia Transaction France la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;
DEBOUTE M. [B] [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;
CONDAMNE M. [B] [X] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN