Nos Conseils:
– Sur l’absence de délégation de pouvoirs du signataire de la rupture conventionnelle: – Sur le harcèlement moral: – Sur la nullité de la rupture conventionnelle: |
→ Résumé de l’affaireMme [S] [J] a été employée par la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique en tant que technicienne d’ordonnancement et de planification. Après avoir été en arrêt maladie, elle a proposé une rupture conventionnelle à son employeur, qui a été signée mais contestée par la suite. Le Conseil de prud’hommes de Blois a jugé la rupture conventionnelle nulle et a requalifié la fin de contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mme [S] [J] a obtenu des indemnités pour licenciement, préavis, harcèlement moral, non-respect d’obligations de l’employeur, ainsi que des dommages et intérêts. La S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique a fait appel de cette décision, demandant l’annulation de la rupture conventionnelle et le rejet des demandes de Mme [S] [J]. Les parties ont formulé des demandes contradictoires en appel, et l’affaire est en attente de jugement.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp + GROSSES le 19 AVRIL 2024 à
la SELARL KERVERSAU – avocat
Me Marie QUESTE
LD
ARRÊT du : 19 AVRIL 2024
N° : – 24
N° RG 22/01158 – N° Portalis DBVN-V-B7G-GSL6
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BLOIS en date du 26 Avril 2022 – Section : INDUSTRIE
ENTRE
APPELANTE :
S.A.R.L. COFFRELITE PRODUCTION LOGISTIQUE Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me François DE KERVERSAU de la SELARL KERVERSAU – avocat, avocat au barreau de PARIS
ET
INTIMÉE :
Madame [S] [J]
née le 27 Janvier 1974 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Marie QUESTE, avocat au barreau de BLOIS
Ordonnance de clôture : le 18 septembre 2023
A l’audience publique du 12 Octobre 2023
LA COUR COMPOSÉE DE :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 19 AVRIL 2024, Mme Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité, assistée de Jean-Christophe ESTIOT, greffier, a rendu l’arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique est une entreprise appartenant à un groupe de sociétés. Elle a pour activité exclusive la production de coffres de volets roulants commercialisés par l’autre société du groupe, la société Coffrelite qui centralise les services administratifs et financiers. Leur siège sociaux sont situés à [Localité 4] dans des bureaux communs situés rue de l’égalité et l’usine de fabrication est située [Adresse 1], également à [Localité 4].
Le groupe est dirigé par M. [Z] et la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique est dirigé par M. [M], directeur de production.
La S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique emploie une trentaine de salariés.
Selon contrat à durée déterminée du 4 avril 2011, Mme [S] [J] a été engagée par la société S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique, en qualité de technicienne d’ordonnancement et de planification, statut agent de maîtrise, coefficient 185, niveau V, échelon 1. Un contrat à durée indéterminée a ensuite été signé par les parties.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des menuiseries, charpentes et constructions industrialisées et portes planes du 19 janvier 2017.
Le 26 mars 2019, Mme [J] a été en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle.
Le 3 mai 2019, Mme [J] a proposé à son employeur une rupture conventionnelle.
L’entretien préalable a eu lieu le 24 mai 2019 et les parties ont signé la rupture conventionnelle le jour même, le terme de la relation de travail étant fixé au 3 juillet 2019.
Par requête du 23 juin 2020, Mme [S] [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois aux fins d’annulation de la rupture conventionnelle en raison d’un vice du consentement, reconnaître la rupture du contrat de travail comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de reconnaître le harcèlement moral ainsi que le paiement de diverses sommes en conséquence.
Par jugement du 26 avril 2022, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :
Déclaré Mme [S] [J] recevable et bien fondée en ses demandes.
Sur la demande de nullité de rupture conventionnelle, le conseil dit que la rupture conventionnelle est nulle.
Sur la rupture de fin de contrat, le conseil qualifie la fin de contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamné en conséquence la SARL Coffrelite Production Logistique à payer à Mme [S] [J] les sommes suivantes :
82,48 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement (5 031,73euros – 4 949,25 euros déjà versée = 82,48euros) montant en accord avec les deux parties.
4 687,26 euros au titre de l’indemnité de préavis suite à la requalification de la rupture de fin de contrat.
28 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (correspondant à 10 mois de salaire).
Condamné la SARL Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [S] [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Condamné la SARL Coffrelite Production Logistique à verser à Madame [S] [J] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de son obligation de prévention,
Condamné la SARL Coffrelite Production Logistique à verser à Madame [S] [J] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de son obligation de formation et d’organisation d’entretien professionnel,
Condamné la SARL Coffrelite Production Logistique au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes aujugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement,
Ordonné l’exécution provisoire du jugement,
Dit que la décision produira des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la présente juridiction,
Condamné la SARL Coffrelite Production Logistique aux entiers dépens,
Débouté la SARL Coffrelite Production Logistique de l`ensemble de ses demandes.
Le 12 mai 2022, la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 2 août 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique demande à la cour de :
Déclarer la société Coffrelite Production Logistique recevable et bien fondée en son
appel et ses demandes ;
y faisant droit,
Déclarer que Mme [S] [J] ne rapporte pas la preuve des faits de harcèlement dont elle fait grief à son employeur qui seraient notamment à l’origine du vice de consentement qu’elle allègue à l’occasion de la signature de la rupture conventionnelle qu’elle a demandée par courrier du 3 mai 2019,
En conséquence,
Réformer le jugement rendu le 26 avril 2022 par le Conseil de Prud’hommes de Blois en toutes ses dispositions, en ce qu’il a condamné la société COFFRELITE PRODUCTION LOGISTIQUE à payer à Mme [S] [J] les sommes suivantes :
– indemnité de licenciement (5.031,73 euros) sous déduction de l’indemnité de rupture conventionnelle (4.949.25 euros) :……………………………………………………..82,48 euros
– indemnité compensatrice de préavis: ………………………………………….4.687,26 euros
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: ………… 28.500,00 euros
– dommages-intérêts pour harcèlement moral :……………………………..10.000,00 euros
– dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention de l’employeur ………………………………………………………………………………………………..5.000,00 euros
– dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de formation et d’organisation d’entretien professionnel :………………………………………………………….. 1.000,00 euros
– indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile :………2.000,00 euros
Puis ordonné :
– la communication des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document et de se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte, et dit que le jugement produira intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction.
Statuant à nouveau,
Débouter Mme [S] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Mme [S] [J] à payer à la société Coffrelite Production Logistique la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d’appel,
***
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 28 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [S] [J] demande à la cour de :
Déclarer Mme [S] [J] recevable et bien fondée en ses demandes,
Déclarer la société Coffrelite Production Logistique irrecevable et mal fondée en son appel et en toutes ses demandes, et l’en débouter ;
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Blois en ce qu’il a :
Déclaré Mme [S] [J] recevable et bien fondée en ses demandes ;
Sur la demande de nullité de rupture conventionnelle, a dit que la rupture est nulle.
Sur la rupture de fin de contrat, a qualifié la fin de contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamné en conséquence la société Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [S] [J], les sommes suivantes :
82,48 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement (5 031,73 euros -4 949,25 euros déjà versée = 82,48 euros) montant en accord avec les deux parties.
4 687,26 euros au titre de l’indemnité de préavis suite à la requalification de la rupture de fin de contrat.
28 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (correspondant à 10 mois de salaire).
Condamné la société Coffrelite Production Logistique à verser à Madame [S] [J] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour
harcèlement moral ;
Condamné la société Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [S] [J] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de son obligation de prévention,
Condamné la société Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [S] [J] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de son obligation de formation et d’organisation d’entretien professionnel,
Condamné la société Coffrelite Production Logistique au paiement de la somme 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Ordonné la remise des documents de fin de contrat conforme au jugement, sous astreinte de 50 euros par jour à compter du 15 ème jour suivant la notification du présent jugement ;
Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement ;
Dit que la décision produira des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes,
Condamné la société Coffrelite Production Logistique aux entiers dépens.
Débouté la société Coffrelite Production Logistique de l’ensemble de ses demandes.
Et statuant de nouveau
Déclarer Mme [S] [J] recevable et bien fondé en ses demandes,
Annuler la rupture conventionnelle ayant été signée par Mme [S] [J] en raison du vice du consentement dont elle a fait l’objet,
Ordonner en conséquence que la rupture du contrat de travail de Mme [S] [J] soit considérée comme sans cause réelle et sérieuse,
Condamner en conséquence la SARL Coffrelite Production Logistique au paiement des sommes suivantes :
– 82,48 euros à titre de solde d’indemnité de licenciement,
– 4 687,26 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 28 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la SARL Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [J] une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Condamner la SARL Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [J] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de son
obligation de prévention,
Condamner la SARL Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [J] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le non-respect de son obligation de formation et d’organisation d’entretien professionnel,
Condamner la SARL Coffrelite Production Logistique à verser à Madame [S] [J] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure
civile de première instance,
Ordonner la communication des documents de fin de contrat conformes à l’arrêt à intervenir, et notamment l’attestation Pôle-Emploi, le certificat de travail, le bulletin de salaire et le solde de tout compte, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
Dire que la décision produira intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction de première instance,
Condamner la société Coffrelite Production Logistique à verser à Mme [S] [J] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile de seconde instance,
Condamnerla société Coffrelite Production Logistique aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2023.
Mme [J] sollicite la nullité de la rupture conventionnelle et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif d’une absence de délégation de pouvoirs de la directrice des ressources humaines, d’un vice du consentement résultant d’agissements de la direction à son endroit et de son état de santé fragilisée, invoquant un harcèlement moral et un manquement à l’obligation de prévention dont elle demande également indemnisation.
– Sur l’absence de délégation de pouvoirs du signataire de la rupture conventionnelle
Mme [J] soutient que Mme [C], directrice des ressources humaines de la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique, n’avait pas de délégation de pouvoirs pour signer les documents et notamment le formulaire d’homologation de la rupture conventionnelle.
Elle produit une attestation de la directrice des ressources humaines en ce sens. Ce document, dont la valeur probante est sujette à caution au regard du litige prud’homal en cours la concernant, est en tout état de cause contredit par la production par la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique d’une délégation de pouvoirs consentie par M. [Z], gérant, le 18 février 2019, à la directrice des ressources humaines, laquelle se voit confier «tous pouvoirs de façon effective et permanente afin qu’elle soit en mesure d’assurer l’entière responsabilité de la gestion du personnel de l’entreprise». Il n’est requis que la directrice des ressources humaines l’ait signée. Cette délégation a la nature juridique d’un mandat et l’employeur exerce sous la forme juridique d’une société. L’acte ainsi accompli a été ratifié par la direction qui en soutient la validité.
Le moyen de Mme [J] sera écarté.
– Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au cas particulier, Mme [J] fait valoir différents faits au soutien de son allégation de harcèlement moral :
– une surcharge de travail dès 2011 en lien avec les carences d’un responsable de production, prise en charge de la gestion de la production et l’absence de réponse du directeur du groupe à ses demandes d’aide,
– accomplissement de la facturation d’un client Bubendorff,
– le non paiment d’heures supplémentaires,
– des brimades et humiliations de la part de la direction, allant jusqu’aux insultes,
– l’absence de formations sur la gestion des stocks, d’un atelier ou sur le management, tâches nouvellement attribuées,
– le fait d’assumer des tâches subalternes telle que du nettoyage ou de travailler dans l’usine (coupe , encollage, tri …),
– isolement dans un bureau après un retour de congé maladie,
– retrait de certaines tâches telle que la planification de l’atelier moule à coffre,
– suppression des heures supplémentaires et retour à 35h/semaine.
L’existence d’une surcharge de travail et particulièrement le fait que Mme [J] ait eu à assumer la gestion de la production aux lieu et place des titulaires qui se sont succédé n’est établie par aucune pièce, l’employeur produisant quant à lui les tableaux de présence des différents responsables recrutés sur la période considérée. Ces faits allégués ne sont pas avérés. Il n’est pas plus établi le fait qu’elle aurait eu à assumer des tâches subalternes de nettoyage ou des fonctions techniques au sein de l’atelier qui lui auraient ensuite été retirées. Il n’est pas justifié qu’elle ait sollicité une aide.
En revanche, la prise en charge de la facturation du client Bubendorff n’est pas contesté par la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique.
Il n’est pas contesté que Mme [J] a réalisé des heures supplémentaires au cours de la relation de travail mais elles ont été payées selon les pièces produites et Mme [J] ne formule aucune demande ni ne présente d’éléments étayés à ce titre, notamment un décompte qui permettrait d’étayer les heures accomplies non réglées et d’y répondre. Ce grief sera écarté.
Il est établi qu’à compter d’une période plus récente, il lui a été demandé de ne plus exécuter d’heures supplémentaires.
Mme [J] ne justifie par aucun élément probant l’existence de brimades ou humiliations, d’insultes ou de comportements inadaptés de la part de la direction. L’attestation produite émanant de la directrice des ressources humaines datée du 30 septembre 2019, soit après le licenciement pour faute grave de cette dernière, sera écartée faute de valeur probante suffisante compte tenu du contexte et du litige prud’homal en cours la concernant. Il en sera de même de celle rédigée par M. [W], datée du 8 décembre 2019, lui même licencié et en litige. Au demeurant, il indique avoir été témoin d’humiliations à l’égard de Mme [J] provenant du directeur et son épouse, sans toutefois apporter de précisions. L’attestation d’un autre salarié, M. [O], qui fait état de reproches sur son travail reste non circonstanciée et imprécise alors que la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique produit divers échanges de courriels ou SMS attestant au contraire de relations cordiales et dénuées de toute animosité ou remarques défavorables. Le compte rendu de la réunion du 25 mars 2019 au cours de laquelle Mme [J] aurait été l’objet de nombreux reproches se limite à acter trois incidents, notamment sur des stocks, qui la concernent avec d’autres salariés. D’autres difficultés sont évoqués mais ne concernent pas la salariée. Il n’est produit aucun document probant sur un comportement inapproprié de la direction à l’égard de Mme [J] lors de cette réunion. Le commentaire du directeur («j’espère qu’elle va pas nous le mettre sur le dos») à la suite de l’information par SMS d’une prolongation d’un arrêt maladie d’un mois pour « dépression réactionnelle» traduit une surprise et au demeurant n’a pas été adressé à Mme [J].
Il est établi en revanche que Mme [J] n’a plus occupé le bureau partagé avec une collègue fin 2016 début 2017.
Mme [J] invoque l’absence de formations adaptées aux nouvelles fonctions exercées qui ne faisaient pas partie de ses attributions. La cour a écarté l’existence de ces nouvelles attributions , faute de preuve. Ne justifiant pas de l’exécution de fonctions de management, l’absence de formation à ce titre ne peut être un grief. Il est produit par la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique, outre des formations en matière de sécurité, des justificiatifs de diverses formations réalisées par Mme [J] entre 2011 et 2019 et se rapportant à ses fonctions. Le grief allégué n’est pas établi.
Mme [J] justifie d’arrêts de travail au printemps 2019 et d’un suivi psychothérapeutique. Le praticien évoque des difficultés relationnelles à son travail.
Mme [J] justifie ainsi de certains éléments de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement à son encontre ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail et sa santé.
Il appartient à la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique de démontrer que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il entre dans le pouvoir de direction de l’employeur de décider qu’il ne sera plus accompli d’heures supplémentaires. Le changement de pratique dont Mme [J] a été informée dans des termes courtois ainsi que cela ressort des courriels produits, est exclusif de tout harcèlement moral.
S’agissant du changement de bureau, il est établi par une attestation d’une collègue de travail, assistante de production, qui emporte la conviction, de difficultés relationnelles entre les deux femmes. La société a géré cette difficulté en décidant que chacune aurait un bureau. Ce fait ne peut être assimilé à une mesure d’isolement ciblant Mme [J] mais apparaît justifié de manière objective par la nécessité de régler un conflit.
Enfin, le fait de confier à Mme [J], salariée dont les qualités étaient reconnues et qui en avaient les compétences, la facturation d’un client important ne peut être assimilé à du harcèlement moral, pas plus que le fait de formuler, lors d’une réunion, des observations, au demeurant communes avec d’autres salariés chargés des stocks, sur des difficultés intervenues et de redéfinir un process afin d’améliorer la situation.
Les seuls éléments médicaux produits ne peuvent suffire à retenir l’existence d’un harcèlement moral.
Il apparaît ainsi que la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique justifie les faits retenus par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou que les faits sont exclusifs de tout harcèlement moral.
En l’absence de harcèlement moral, il ne peut davantage être retenu un manquement à l’obligation de prévention imputable à la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique.
Par voie d’infirmation du jugement, les demandes tendant à reconnaître l’existence d’un harcèlement moral et manquement à l’obligation de prévention et demandes indemnitaires subséquentes présentées par Mme [J] seront rejetées.
– Sur la nullité de la rupture conventionnelle
En application des dispositions de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
L’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas, par elle-même, la validité de la convention de rupture en application de l’article L. 1237-11 du code du travail.
Ainsi, le salarié qui entend contester la validité d’un acte de rupture conventionnelle doit démontrer l’existence d’un vice du consentement afin d’obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il est constant que Mme [J] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail, qu’elle s’est présentée seule à l’entretien organisé à cet effet après avoir été informée par écrit par la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique qu’elle pouvait se faire assister par un membre du personnel ou une personne extérieure agréée dont la liste était à sa disposition en un lieu désigné dans le courrier, que cet entretien a été tenu par Mme [C], directrice des ressources humaines de la société, que les documents de la rupture ont été signés par chacune d’elle, adressés à la Direccte pour homologation et que Mme [J] n’a pas exercé son droit de rétractation mentionné au document.
Au cas particulier, la cour vient d’écarter le harcèlement moral allégué et l’existence de brimades ou comportements inadaptés de nature à vicier le consentement de Mme [J].
Il est produit un SMS qu’elle a adressé après la signature le jour même à 13h01 au directeur de la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique, le remerciant d’avoir accepté de conclure une rupture conventionnelle et indiquant «bonjour [H], sincères remerciements pour l’acceptation de ma demande. J’ai vu [U] ce matin. Tout s’est bien passé. Elle est très pro. Bonne fin de semaine à vous». Cet écrit spontané et dénué d’ambiguité confirme un consentement libre de Mme [J].
Par ailleurs, il n’est pas exigé l’existence d’un second entretien.
Mme [J] n’a pas exercé son droit de rétractation et n’a manifesté en aucune façon l’existence d’une difficulté sur le déroulement de cette procédure de rupture conventionnelle.
Ce n’est qu’en octobre 2019, soit plus de 4 mois après la signature de la rupture conventionnelle qu’elle a écrit à l’inspection du travail pour se plaindre de ses conditions de travail chez son ex-employeur, son courrier se terminant par une demande d’entretien avec trois autres collègues, dont la directrice des ressources humaines, licenciés pour faute grave entre mars et septembre 2019 et en instance prud’homale avec leur employeur.
Il n’est pas établi de manière probante que Mme [J] était en pleurs à l’issue de l’entretien du 24 mai 2019. L’attestation de Mme [E] qui n’a pas assisté à l’entretien, ne donne aucune indication sur l’origine des pleurs qu’elle évoque indiquant que Mme [J] était venue la voir après l’entretien, qu’elle l’avait raccompagnée au rez de chaussée, discuter avec elle de vacances et d’un mariage et que Mme [J] s’était mise à pleurer au moment de se dire au revoir. Elle ne décrit pas Mme [J] sortant en pleurs de l’entretien ni dans un état perturbé. L’attestation de Mme [C], directrice des ressources humaines,datée du 2 mars 2020, sera écartée faute de valeur probante suffisante compte tenu du litige prud’homal en cours la concernant.
Aucun vice du consentement ne peut être retenu au cas présent.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle signée par Mme [J] et la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique et l’a requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société à payer à Mme [J] les sommes de 4687,26 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 28 500 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [J] sera, par voie d’infirmation du jugement, déboutée de ses demandes à ce titre.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique à payer à Mme [J] la somme de 82,48 euros au titre du solde d’indemnité de rupture, ce point ne faisant pas l’objet de discussion de la part de la société.
– Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour absence de formations et d’entretien professionnel
Mme [J] sollicite la confirmation du jugement et fait valoir l’absence de formations sur de nouvelles attributions, fait écarté par la cour et l’absence d’entretien professionnel au cours de sa carrière, jusqu’en mars 2019.
La S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique ne justifie pas de la réalisation d’entretiens professionnels à l’exception de celui réalisé le 18 mars 2019 alors que Mme [J] avait été engagée en 2011. Cette carence a privé la salariée d’un temps d’échanges spécialement consacré à l’évocation du déroulement de la prestation de travail ; ce qui n’était pas dénué d’intérêts, par principe et compte tenu du fonctionnement de l’entreprise et des mouvements réguliers de personnel au sein du service de production avec lequel travaillait Mme [J].
Le conseil de prud’hommes a justement apprécié le préjudice en résultant pour Mme [J] en lui allouant à ce titre une somme de 1000 euros qui sera confirmée.
– Sur la remise de documents de fin de contrat
Il convient d’ordonner la remise de bulletin de salaire, attestation Pôle emploi et solde de tout compte, conforme à la présente décision dans les 15 jours suivant la signification de la présente décision.
Les circonstances ne justifient pas le prononcé d’une astreinte.
– Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé en ses dispositions.
Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel. Les demandes des parties seront rejetées.
La S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique supportera également la charge des dépens.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu, le 26 avril 2022, entre Mme [S] [J] et la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique par le conseil de prud’hommes de Blois, mais seulement en ce qu’il a :
– prononcé la nullité de la rupture conventionnelle signée entre les parties, l’a qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique à payer à Mme [S] [J] la somme de 28 500 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4687,26 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– condamné la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique à payer à Mme [S] [J] les sommes de 10 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et 5000 euros de dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de prévention
– et en ce qu’il a ordonné la remise de documents de fin de contrat conformes à sa décision sous astreinte ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant des chefs infirmés et ajoutant
Rejette la demande en nullité de la rupture conventionnelle présentée par Mme [S] [J] ;
Rejette les demandes en paiement de sommes au titre d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre du préavis présentées par Mme [S] [J] ;
Rejette les demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l’obligation de prévention présentées par Mme [S] [J];
Ordonne la remise de bulletin de salaire, attestation Pôle emploi et solde de tout compte, conforme à la présente décision dans les 15 jours suivant la signification de la présente décision et dit n’y avoir lieu à astreinte ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Dit que la S.A.R.L. Coffrelite Production Logistique supporte la charge des dépens de première instance et d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Laurence DUVALLET