Nos Conseils:
– Il est important pour le salarié de bien documenter les circonstances de l’accident et de prouver son caractère professionnel, en fournissant des preuves tangibles telles que des témoignages, des certificats médicaux et des photographies. |
→ Résumé de l’affaireMonsieur [I] a été embauché par la société [3] en tant que vendeur, magasinier, livreur. Il a été victime d’un accident du travail le 21 avril 2017, suite auquel il a saisi le tribunal judiciaire de Lyon pour reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Il affirme avoir été contraint de manipuler des palettes de manière dangereuse, sans formation adéquate. La société [3] conteste ces allégations, affirmant que Monsieur [I] avait les équipements nécessaires pour effectuer ces tâches et qu’aucun manquement de sa part n’a été prouvé. La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône demande à être remboursée des sommes avancées si la faute inexcusable de l’employeur est reconnue.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
19 Avril 2024
Julien FERRAND, président
Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Yasmina SEMINARA, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie PONTVIENNE, greffière
tenus en audience publique le 06 Février 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, dont le délibéré initialement fixé au 03 avril 2024 a été prorogé au 19 avril 2024 par le même magistrat
Monsieur [O] [I] C/ S.A.S. [3]
N° RG 21/00045 – N° Portalis DB2H-W-B7F-VQDS
DEMANDEUR
Monsieur [O] [I]
demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro C693832024002002 du 08/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
non comparant représenté par Maître Sarah GHAOUTI, avocate au barreau de LYON, vestiaire : 1841
DÉFENDERESSE
S.A.S. [3]
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Marie-Christine MANTE-SAROLI, avocate au barreau de LYON, vestiaire : 1217,
substituée par Maître Jonathan MARTI-BONVENTRE, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1076
PARTIE INTERVENANTE
CPAM DU RHONE
dont le siège social est [Adresse 4]
représentée par Madame [Z] [N] munie d’un pouvoir
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[O] [I]
S.A.S. [3]
CPAM DU RHONE
Maître Sarah GHAOUTI, vestiaire : 1841
Maître Marie-Christine MANTE-SAROLI, vestiaire : 1217
Une copie certifiée conforme au dossier
Monsieur [O] [I] a été embauché à compter du 27 janvier 2016 par la société [3] en qualité de vendeur, magasinier, livreur.
Le 21 avril 2017, la société [3] a établi une déclaration d’accident du travail subi par Monsieur [I] survenu le même jour pris en charge d’emblée au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône.
Le 8 janvier 2021, Monsieur [I] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ayant concouru à la survenance de cet accident.
Aux termes de ses dernières conclusions reprises à l’audience du 6 février 2024, il indique qu’il devait régulièrement réaliser diverses tâches qui ne relevaient pas de ses fonctions contractuelles. Ainsi, le jour de l’accident, il a effectué un faux mouvement entraînant une cervicalgie aiguë alors qu’il jetait dans le feu des palettes en bois à la demande de son employeur.
Il ajoute qu’il effectuait cette tâche interdite à l’abri des regards de la clientèle sur un parking situé à l’arrière du site auquel il ne pouvait accéder avec le transpalette ou le diable de l’entreprise compte tenu de la taille des palettes, et qu’il était contraint de les transporter manuellement et de les jeter de loin dans le feu de toutes ses forces compte tenu de la chaleur dégagée et du caractère dangereux.
Il soulève l’irrecevabilité de l’attestation établie par Monsieur [H], salarié de la société, sans être accompagnée d’un justificatif d’identité.
Il fait valoir que son employeur a manqué à son obligation de sécurité à son égard en le sollicitant pour une mission spécifique non prévue par son contrat de travail et en s’abstenant de dispenser la formation nécessaire pour accomplir une tâche en lien avec la manipulation du feu.
Il sollicite en conséquence, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, outre la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [3], la majoration au taux maximum de la rente versée par la caisse, l’organisation d’une expertise médicale aux fins d’évaluer ses préjudices, et le paiement d’une indemnité de 2 000 € au bénéfice de son conseil en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La société [3] conclut à titre principal au rejet des demandes de Monsieur [I] et sollicite sa condamnation au paiement d’une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose :
– qu’elle a été contrainte d’adresser un avertissement à Monsieur [I] le 14 avril 2017 pour des manquements en termes de comportement et non-respect des consignes ;
– qu’il s’est rendu seul le 21 avril 2017 derrière le magasin “Extramuros” de la société pour gérer le stockage, puis a signalé en fin d’après-midi avoir mal au cou après avoir manipulé une palette ;
– qu’il a été déclaré apte à la reprise de son poste le 30 juin 2017 ;
– qu’un deuxième avertissement lui a été adressé le 21 juillet 2017 ;
– qu’une rupture conventionnelle du contrat de travail est intervenue le 18 septembre 2017.
Elle fait valoir que les circonstances dans lesquelles l’accident se serait produit demeurent indéterminées et qu’aucun manquement en lien direct et certain avec sa survenance ne peut être retenu.
Elle ajoute qu’aucune faute n’est caractérisée à son encontre dès lors que la manipulation des palettes faisait partie des tâches confiées à Monsieur [I], qu’il disposait pour effectuer ces manipulations d’un transpalette manuel, d’un diable de manutention et de plateaux à roulettes, utilisables pour se rendre à l’arrière du magasin, et qu’il ne lui a jamais été demandé de brûler des palettes.
A titre subsidiaire, elle conclut au rejet des demandes de majoration de rente, l’état de santé de Monsieur [I] ayant été consolidé sans séquelles indemnisables, et d’organisation d’une expertise en l’absence d’éléments probants.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Rhône ne formule pas d’observations sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et demande pour le cas où elle serait retenue qu’il soit jugé qu’elle recouvrera directement l’intégralité des sommes avancées à ce titre auprès de la société [3] en application des dispositions de l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale nonobstant l’inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge.
Sur la matérialité de l’accident et son caractère professionnel :
En application des dispositions de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Sauf preuve qu’il avait une cause totalement étrangère au travail, l’accident subi pendant le temps et sur le lieu du travail de la victime est présumé être un accident du travail.
Il appartient au salarié d’établir les circonstances de l’accident et son caractère professionnel autrement que par ses propres affirmations.
La déclaration d’accident du travail a été établie par la société [3] le 21 avril 2017 en ces termes :
– activité de la victime lors de l’accident : manipulation de palettes ;
– nature de l’accident : s’est fait mal au cou en manipulant des palettes ;
– objet dont le contact a blessé la victime : palette ;
– siège des lésions : cou ;
– nature des lésions : torticolis ;
– accident constaté le 21/04/2017 à 17H30, décrit par la victime ;
– première personne avisée en cas d’absence de témoin : [Y] [D].
Le certificat médical initial établi le jour de l’accident constate une “cervicalgie aiguë sur faux mouvement”.
La date de consolidation des lésions a été fixée par le médecin conseil au 23 juin 2017, sans séquelles indemnisables.
La matérialité de l’accident n’a pas été contestée, et il est constant que Monsieur [I] a présenté une lésion survenue alors qu’il manipulait des palettes.
Il indique que la lésion est survenue alors qu’il était contraint de jeter de toutes ses forces une palette dans le brasier en raison de son importance. Le déplacement des palettes jusqu’au site du brasier n’est dès lors pas en cause.
Au soutien de ses demandes, il verse aux débats des photographies de palettes en cours de combustion à l’extérieur de l’établissement “Extramuros”, et une attestation établie par Madame [M], employée par la société à la boutique [3], établissement principal, du 12 avril au 14 mai 2016, qui déclare avoir constaté un comportement excessif et abusif du responsable à son égard et avoir été témoin du harcèlement subi par Monsieur [I] auquel il était demandé d’effectuer des tâches qui ne lui semblaient pas relever de ses fonctions comme des travaux d’électricité, le nettoyage de baies vitrées voire de la maçonnerie.
La société [3] produit deux courriers d’avertissement adressés à Monsieur [I] datés du 14 avril et du 21 juillet 2017, sans rapport avec l’accident, des photographies d’un diable et d’un transpalette, et une attestation établie par Monsieur [H], salarié de la société, qui déclare avoir été présent le jour de l’accident dans l’établissement “Extramuros” mais ne pas avoir vu quand et comment Monsieur [I] s’est blessé, et qui indique que des instruments pour la manipulation des palettes étaient mis à leurs dispositions, qu’ils ont été formés à leur utilisation, et que les employeurs n’ont jamais demandé aux salariés de brûler des palettes à l’arrière du magasin.
Il n’y a pas lieu d’écarter cette attestation des débats dès lors que la copie de la carte d’identité de son auteur est jointe et que les mentions requises en application des dispositions de l’article 202 du code de procédure civile sont présentes.
Le témoignage de Madame [M] n’apporte aucun élément susceptible d’établir les circonstances dans lesquelles l’accident du 21 avril 2017 est survenu.
Monsieur [I] n’apporte pas la preuve de la consigne donnée par son employeur de brûler des palettes, ni d’une telle pratique antérieure à l’accident, démentie par le témoignage de Monsieur [H].
La société [3] ne pouvait dès lors avoir conscience du risque auquel Monsieur [I] a été exposé.
La faute inexcusable reprochée à la société [3] n’étant pas caractérisée, Monsieur [I] sera débouté de ses demandes.
Il apparaît conforme à l’équité de laisser aux parties la charge des frais exposés non compris dans les dépens.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
Déboute Monsieur [O] [I] de ses demandes ;
Déboutes les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne Monsieur [O] [I] aux dépens.
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 19 avril 2024, et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERELE PRÉSIDENT