Licence de marque : privilégier une nouvelle marque ombrelle, une faute ?
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La circonstance que le titulaire d’une marque modifie sa politique marketing pour privilégier une nouvelle marque ombrelle ne caractérise nullement une atteinte à l’obligation d’une jouissance paisible de la marque première telle que concédée au licencié.

En l’espèce, il n’est nullement démontré par la société Les Maulois que la société SEH n’a pas satisfait à son obligation de mise à disposition de la marque « RELAIS DU SILENCE » en vigueur qui est toujours l’objet de promotion et utilisée par des établissements hôteliers de standing (classement de trois à cinq étoiles) bien que désormais présentée sous la marque ombrelle « THE ORIGINALS, HUMAN HOTELS AND RESORTS “.

Résumé de l’affaire

La société Société Européenne d’Hôtellerie a interjeté appel contre un jugement du tribunal de commerce de Paris, avec des conclusions remises par les deux parties et une ordonnance de clôture rendue en novembre 2023.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 mai 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/19384
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 17 MAI 2024

(n°58, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/19384 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CGWSW

Décision déférée à la Cour : jugement du 14 septembre 2022 – Tribunal de commerce de PARIS – 19ème chambre – RG n°2020034016

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

SOCIÉTÉ EUROPEENNE D’HOTELLERIE

Société coopérative de commerçants détaillants à forme anonyme à capital variable, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 3]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 328 179 726

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0020

Assistée de Me Camille GARNIER plaidant pour la SELAS CABINET ESTRAMON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.S. LES MAULOIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Lons-le-Saulnier sous le numéro 440 163 129

Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocate au barreau de PARIS, toque R 231

Assistée de Me Patricia DASSONVILLE plaidant pour la SELARL L. ROBERT & ASSOCIES et substituant Me Luc ROBERT, avocate au barreau de l’AIN, toque 117

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 14 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris.

Vu l’appel interjeté le 17 novembre 2022 par la société Société Européenne d’Hôtellerie.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 août 2023 par la société Société Européenne d’Hôtellerie, appelante et incidemment intimée.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 11 mai 2023 par la société Les Maulois, intimée et appelante incident.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 9 novembre 2023.

SUR CE, LA COUR

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La société Les Maulois exploite un hôtel nommé « [5] » situé dans la commune [Localité 4] (Jura).

La société Société Européenne d’Hôtellerie (SEH) est une société anonyme coopérative qui exploite des marques d’hôtellerie et notamment la marque « RELAIS DU SILENCE ». Elle fournit également à ses adhérents une centrale de réservations et des services marketing.

La société Les Maulois est associée de la société coopérative SEH et en cela liée par les dispositions de son règlement intérieur.

Le 4 octobre 2015, la société Les Maulois et la société SEH ont signé un contrat dénommé « contrat d’enseigne et de collaboration commerciale renforcée ‘ Relais du Silence » par lequel la société Européenne d’Hôtellerie mettait la marque RELAIS DU SILENCE et son logo à disposition de la société Les Maulois.

En novembre 2018, la société SEH décide de repositionner son action marketing sous la marque ombrelle « THE ORIGINALS, HUMAN HOTELS AND RESORTS ».

En désaccord avec ces nouvelles orientations, la société Les Maulois a notifié à la société SEH par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 décembre 2018 son retrait du réseau à compter du 1er janvier 2020. Les cotisations concernant l’exercice 2019 ont été payées.

Considérant qu’elle n’a pas pu en 2019 jouir paisiblement de la marque RELAIS DU SILENCE ni bénéficier des services de réservation contractuellement prévus, la société Les Maulois a fait assigner la société SEH pour obtenir la résolution judiciaire du contrat du 4 octobre 2015 au 1er janvier 2019 et l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis.

C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement dont appel, qui a :

– dit la demande de résolution judiciaire du contrat avec la société Les Maulois à effet du 1 er janvier 2019 et aux torts exclusifs de la société SEH recevable mais mal fondée et en a débouté la société Les Maulois,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de remboursement de 7 282,34 euros au titre de la cotisation annuelle 2019 et de 188,58 euros au titre des points club et cartes accents,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de remboursement de 1 481,04 euros au titre de frais pour l’utilisation du système de réservation Reservit,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,

– condamné la société SEH à payer à la société Les Maulois la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d’image,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamné la société SEH à payer à la société Les Maulois la somme de 1 976 euros en contrepartie des parts de la société SEH détenues par la société Les Maulois avec intérêts au taux légal à compter du 1 er janvier 2020 et anatocisme,

– condamné la société SEH à calculer le montant des remises de fin d’années auxquelles la société Les Maulois a droit pour l’année 2019 et à lui payer cette somme, le tout dans un délai de 60 jours à compter de la mise à disposition de la présente décision,

– débouté la société Les Maulois de ses demandes concernant l’utilisation de la marque ou de l’image de « [5] »,

– débouté la société SEH de sa demande de dommages et intérêts,

– ordonné à la société Les Maulois de retirer toute référence à la marque RELAIS DU SILENCE du site de son hôtel [5] ou de tout autre site de réservation sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard après le 60 ème jour suivant la mise à disposition du présent jugement et pendant une durée de 30 jours, après laquelle il sera à nouveau statué,

– condamné la société SEH à verser la somme de 3 000 euros à la société Les Maulois au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– condamné la société SEH aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.

La société SEH a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SEH :

– à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts au titre d’un prétendu préjudice d’image,

– à calculer le montant des remises de fin d’année 2019 et à les payer,

– à payer la somme de 3 000 euros au titre des frais,

– aux entiers dépens,

– à débouter la société SEH de ses demandes, et limité la condamnation sous astreinte à 100 euros par jour de retard, en l’enfermant dans un délai de 30 jours, (sic)

– confirmer pour le surplus en ce qu’il a :

– débouté la société Les Maulois de sa demande de résolution judiciaire au contrat à effet au 1er janvier 2019 et aux torts exclusifs de la société SEH,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de remboursement de 7 282,34 euros au titre de la cotisation annuelle 2019 et de 188,58 euros au titre des points club et cartes accents,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de remboursement de 1 481,04 euros au titre de frais pour l’utilisation du système de réservation Reservit,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– débouté la société Les Maulois de ses demandes concernant l’utilisation de la marque ou de l’image de « [5] »,

– ordonné à la société Les Maulois de retirer toute référence à la marque RELAIS DU SILENCE du site de son hôtel « [5] » ou de tout autre site de réservation sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard après le 60ème jour suivant la mise à disposition du présent jugement et pendant une durée de 30 jours après laquelle il sera à nouveau statué,

Statuant à nouveau :

– condamner la société Les Maulois à payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts,

– condamner la société Les Maulois sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à retirer de tout site de réservation toutes références aux marques mises à disposition par la société coopérative SEH, et notamment la marque RELAIS DU SILENCE en lien avec son hôtel [5],

– déclarer la société Les Maulois irrecevable sinon mal fondée en ses demandes, fins et conclusions, l’en débouter purement et simplement,

– condamner la société Les Maulois à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Les Maulois aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société Les Maulois demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 septembre 2022 en ce qu’il a :

– dit recevable la demande de résolution judiciaire du contrat,

– condamné la société SEH à payer à la société Les Maulois la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d’image,

– condamné la société SEH à payer à la société Les Maulois la somme de 1 976 euros en contrepartie des parts de la société SEH détenues par la société Les Maulois avec intérêts au taux légal à compter du 1 er janvier 2020 et anatocisme,

– condamné la société SEH à calculer le montant des remises de fin d’années auxquelles la société Les Maulois a droit pour l’année 2019 et à lui payer cette somme, le tout dans un délai de 60 jours à compter de la mise à disposition de la présente décision,

– débouté la société SEH de sa demande de dommages et intérêts ;

– condamné la société SEH à verser la somme de 3 000 euros à la société Les Maulois au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société SEH aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 septembre 2022 en ce qu’il a :

– débouté la société Les Maulois de sa demande de résolution judiciaire au contrat à effet au 1 er janvier 2019 et aux torts exclusifs de la société SEH,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de remboursement de 7 282,34 euros au titre de la cotisation annuelle 2019 et de 188,58 euros au titre des points club et cartes accents,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de remboursement de 1 481,04 euros au titre de frais pour l’utilisation du système de réservation Reservit,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,

– débouté la société Les Maulois de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– débouté la société Les Maulois de ses demandes concernant l’utilisation de la marque ou de l’image de « [5] »,

– ordonné à la société Les Maulois de retirer toute référence à la marque RELAIS DU SILENCE du site de son hôtel « [5] » ou de tout autre site de réservation sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard après le 60 ème jour suivant la mise à disposition du présent jugement et pendant une durée de 30 jours après laquelle il sera à nouveau statué,

– prononcer la résolution judiciaire du contrat d’enseigne et de collaboration commerciale renforcée RELAIS DU SILENCE liant les parties à effet du 1 er janvier 2019 aux torts exclusifs de la société SEH,

– condamner la société SEH à lui payer les sommes suivantes :

– 7 282,34 euros en remboursement de sa cotisation annuelle 2019,

– 188,58 euros en remboursement des points club et cartes accents,

– 1 481,04 euros pour l’utilisation du channel manager Reservit,

– 50 000.00 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de réaliser une marge brute sur le chiffre d’affaires HT annuel de 2019,

– 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamner la société SEH à cesser d’utiliser, reproduire, communiquer et à retirer toutes les photographies de l’hôtel « [5] » de son site internet ainsi que de tout site partenaire, sans délai à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, pendant 3 mois,

– condamner la société SEH à cesser d’utiliser de quelque manière que ce soit la marque « [5] » sans délai à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, pendant 3 mois,

– se réserver la liquidation de l’astreinte,

– débouter la société SEH de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner la société SEH à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même aux entiers dépens de l’instance.

Il sera tout d’abord constaté que la société SEH n’a pas relevé appel du chef du jugement qu’il l’a condamnée à payer à la société Les Maulois la somme de 1 976 euros en contrepartie des parts de la société SEH détenues par la société Les Maulois avec intérêts au taux légal à compter du 1 er janvier 2020 et anatocisme. La société Les Maulois sollicite quant à elle la confirmation du jugement à ce titre. Ce chef du jugement n’étant pas critiqué par les parties, il est irrévocable.

– Sur la demande de résolution judiciaire du contrat

Sur la recevabilité de l’action résolutoire

La société SEH critique le jugement entrepris qui a considéré recevable l’action résolutoire de la société Les Maulois considérant que cette dernière n’avait pas qualité ni intérêt à agir, la relation contractuelle entre les parties ayant définitivement pris fin au 31 décembre 2019 par suite du retrait de la société Les Maulois de la coopérative à l’issue du préavis contractuel. Elle considère que l’action en résolution judiciaire mise en oeuvre postérieurement est nécessairement irrecevable.

Le contrat d’enseigne et de collaboration commerciale renforcée en date du 4 octobre 2015 prévoit qu’il est conclu pour un « minimum de deux ans » et que « A l’expiration de ce délai, et à défaut de résiliation il se reconduira tacitement pour une durée indéterminée » (article 21).

En conséquence, le contrat ayant été tacitement reconduit le 4 octobre 2017, les dispositions du code civil issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 sont applicables à la présente espèce.

L’article 1224 du code civil prévoit que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

Selon l’article 1227 du code civil, la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

Il n’est pas discuté que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 décembre 2018, la société Les Maulois a notifié à la société SEH qu’elle ne ferait plus partie du réseau à compter du 1er janvier 2020 (pièce 3 intimée), ce conformément au premier paragraphe de l’article 22 du contrat qui prévoit : « La résiliation peut être effectuée, par les parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée en respectant un préavis de 12 mois et avec effet à la fin de l’exercice social en cours à l’expiration du délai de préavis de 12 mois ».

Puis, la société Les Maulois a fait assigner la société SEH en résolution judiciaire du contrat au 1er janvier 2019 pour manquement grave en application des articles 1224 et 1227 du code civil.

Ainsi que le soutient à juste titre la société Les Maulois, suivie en cela par le tribunal, la résolution judiciaire d’un contrat peut être demandée pour inexécution même s’il est arrivé à son terme au moment où il est statué sur la demande, de même que la résiliation du contrat par le créancier ne le prive pas de sa qualité et de son intérêt d’en demander la résolution en justice à une date antérieure à celle de la résiliation contractuelle.

La demande de résolution judiciaire du contrat par la société Les Maulois est donc recevable et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la résolution judiciaire du contrat

La société Les Maulois fait valoir à l’appui de sa demande de résolution judiciaire du contrat du 4 octobre 2015 la violation par la société SEH de ses obligations contractuelles par modification unilatérale de l’élément substantiel du contrat relativement à la marque RELAIS DU SILENCE et la non-exécution en 2019 de ses obligations s’agissant du système de réservation.

La société Les Maulois ne peut toutefois soutenir que la société SEH a failli dans son obligation de lui assurer une jouissance paisible de la marque RELAIS DU SILENCE qu’elle a pu utiliser tout au long de l’année 2019 sans revendication de droit d’un tiers. Il n’est pas non plus établi que le titulaire de la marque s’est abstenu de faire respecter ses droits à l’égard de contrefacteurs éventuels.

La circonstance que la coopérative SEH dont elle était l’adhérente a modifié sa politique marketing pour privilégier la marque ombrelle THE ORIGINAL’S ne caractérise nullement une atteinte à l’obligation d’une jouissance paisible de la marque RELAIS DU SILENCE.

En effet, il n’est nullement démontré par la société Les Maulois que la société SEH n’a pas satisfait à son obligation de mise à disposition de cette marque en vigueur qui est toujours l’objet de promotion de la part de la coopérative et utilisée par des établissements hôteliers de standing (classement de trois à cinq étoiles) bien que désormais présentée sous la marque ombrelle précitée concomitamment à d’autres marques de la coopérative dont certaines désignent des établissements de gamme moindre.

En outre, il ressort des éléments versés au débat et notamment du règlement intérieur mis à jour par décision du directoire en date du 11 décembre 2018 (article 3-1) que « les marques actuelles resteront toutefois attachées à chacun des hôtels ayant adhéré avant 2019, sur le site internet et sur chaque établissement, et ce pendant une période de trois ans maximum permettant une transition souple vers la nouvelle marque «  The Originals, Human hotels & Resorts ». Les procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice les 7 novembre 2019 et 8 juillet 2021 sur le site internet theoriginalshotels.com (pièces 6 et 22 appelante) confirment que la marque RELAIS DU SILENCE, qualifiée de « marque historique », est toujours présente en regard des établissements hôteliers qui l’utilisent.

Les divergences sur les choix marketing de la coopérative dont elle est associée ne constituent pas un manquement grave justifiant la résolution du contrat ainsi que le rappelle le préambule du contrat du 4 octobre 2015 selon lequel « L’adhérent se doit particulièrement de mettre en application et de respecter les règles de réussites édictées par la société européenne d’hôtellerie et d’en accepter le fonctionnement : … adhérer à la stratégie commerciale et de distribution sur Internet, menée pat la société européenne d’hôtellerie. L’adhérent devra au cours de son année d’adhésion s’équiper de la solution de réservation propre à la société européenne d’hôtellerie».

La société Les Maulois reproche également à son co-contractant le non-respect de son obligation concernant le système de réservation.

La société Les Maulois a, en effet, et ainsi qu’il ressort de sa correspondance adressée le 23 juillet 2019 à la coopérative (pièce 5 intimée) décidé de conserver l’ancien logiciel de système de réservation et l’ancien Channel (PMS CudBe – Reservit) et n’a pas utilisé le nouveau système « Business Box – Travelclick » choisi par la coopérative en 2018. Elle soutient avoir perdu de ce fait de nombreuses réservations, son établissement étant devenu indisponible à la réservation.

Il sera néanmoins rappelé les dispositions précitées du préambule du contrat du 4 octobre 2015, « L’adhérent devra au cours de son année d’adhésion s’équiper de la solution de réservation propre à la société européenne d’hôtellerie ». En outre, le règlement intérieur de la coopérative qui est opposable à chaque associé tenu de le respecter (article 1 des statuts) prévoit à son article 3.5.3.1 que : « Chaque Coopérateur doit souscrire à la solution de réservation Business Box créée spécifiquement pour les coopérateurs par SEH et comprenant : un moteur de réservations, une plateforme fidélité, un channel manager et un outil de suivi de la relation client.

A cet effet, le Coopérateur s’engage :

A utiliser la Business Box comme outil central et unique pour les réservations,

A équiper son site Internet de la nouvelle solution de réservation en ligne,

A réserver la distribution digitale de son Etablissement intégralement à la solution Business Box, (‘) ».

En conséquence, la société Les Maulois ne peut reprocher à la société SEH un manquement à une obligation née du contrat en raison du changement de la centrale de réservation qu’elle a décidé de ne pas utiliser.

De même, les difficultés économiques rencontrées par le réseau depuis le changement de marque qui a été révélé plusieurs mois après aux adhérents et les nombreux départs d’associés au cours des années 2018 et 2019, s’ils témoignent éventuellement de mauvais choix stratégiques, ne caractérisent pas plus un manquement contractuel de la coopérative à l’égard de la société Les Maulois.

La société Les Maulois échoue donc à justifier de manquements suffisamment graves de la société SEH à son égard et sera déboutée de sa demande de résolution judiciaire du contrat aux torts de la société SEH comme de ses demandes indemnitaires (remboursement de la cotisation annuelle 2019, des points club et cartes accents, des frais de réservation via le channel manager Reservit et un préjudice de perte de chance) liées aux inexécutions contractuelles prétendues.

Le jugement entrepris mérite également confirmation de ces chefs.

La société Les Maulois réclame également l’allocation de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice d’image lié à l’association contre son gré à des chaînes d’hôtel de gamme économique alors qu’elle exploite un chalet quatre étoiles.

Pour autant, la société Les maulois ne démontre aucune faute contractuelle ou délictuelle de la société SEH, cette faute ne pouvant être déduite de la seule présence d’hôtels de gammes différentes sous la marque ombrelle THE ORIGINAL’S. La société Les Maulois sera déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de remboursement des remises de fin d’année 2019

C’est à raison que le tribunal a enjoint à la société SEH de calculer les remises de fin d’année dues à la société Les Maulois pour l’année 2019, la société SEH ne faisant pas utilement valoir les dispositions du règlement intérieur qui prévoient que la société SEH se réserve le droit de suspendre le paiement des réservations et le remboursement des primes cartes de fidélité aux adhérents qui ne sont pas à jour du règlement de leurs cotisations et de l’ensemble de leurs obligations financières. L’appelante ne démontre en effet nullement un manquement de la société Les Maulois à cet égard.

La circonstance que la société SEH reproche à la société Les Maulois des agissements déloyaux ne justifient pas le non règlement des primes de fin d’année.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La société Les Maulois critique le jugement entrepris qui l’a déboutée de sa demande estimant que la société SEH a acté de son retrait de la coopérative au 1er janvier 2020 mais s’est abstenue de lui payer ses parts et ses remises de fin d’année alors qu’elle a recherché une issue amiable au litige.

Toutefois, les dommages et intérêts dus à raison du retard du paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure, et la société Les Maulois ne justifie pas d’un préjudice indépendant causé par la mauvaise foi de la société SEH, mauvaise foi qui n’est pas caractérisée par la vaine recherche de la société les Maulois d’une issue amiable au conflit.

Elle sera déboutée de sa demande et le jugement confirmé à ce titre.

– Sur la demande de cessation sous astreinte de l’utilisation de l’image et de la marque [5]

La société Les Maulois fait valoir que le 29 janvier 2020, alors qu’elle a définitivement quitté le réseau, son établissement « [5] », qui est également une marque déposée, demeure présent sur le site Expédia et sollicite une mesure d’interdiction sous astreinte.

A l’appui de cette demande elle fournit (pièce 11) 9 pages consistant en des copies d’écran du site expédia.fr, ces pages étant datées du 29 janvier 2020. Sur la première page figure la mention « Chalet-Hôtel des Montagnes (Relais du Silence) ».

La valeur probante de ces pages est utilement contestée par la société SEH, la cour ne pouvant déterminer avec certitude la date et la provenance exacte de celles-ci. En outre, aucun élément ne vient démontrer que cette annonce sur le site Expedia.fr est le fait de la société SEH.

La société Les Maulois sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre et le jugement confirmé de ce chef.

– Sur l’utilisation de la dénomination RELAIS DU SILENCE

La société SEH reproche à la société Les Maulois d’avoir continué à utiliser la mention RELAIS DU SILENCE après son retrait de la coopérative le 1er janvier 2020.

Selon le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 8 juillet 2021 (pièce 22 appelante), l’huissier instrumentaire constate que sur la page d’accueil du site [5].com figure en-dessous d’une photographie de l’établissement et de la phrase en gros caractère « Hôtel de charme dans le Jura [Localité 4] un écrin de verdure », une mention en petits caractères Vitre Hôtel , restaurant [5], membre des Relais du Silence.

La société Les Maulois a fait le choix de quitter la coopérative SEH et savait que ce retrait à compter du 1er janvier 2020 ne l’autorisait plus à utiliser son appartenance au réseau exploité par la société coopérative SEH et notamment à se présenter comme membre des « Relais du Silence », le contrat du 4 octobre 2015 qui lui conférait ce droit étant rompu et aucune redevance n’étant réglée depuis le 1er janvier 2020.

La poursuite de l’utilisation de cette mention en connaissance de cause caractérise un comportement déloyal de la société Les Maulois qui laisse croire au public qu’elle fait toujours partie d’un réseau qu’elle a choisi de quitter depuis plus d’un an, celle-ci ne pouvant arguer du défaut de remboursement de ses parts par la coopérative, ne revendiquant pas son appartenance à la société coopérative SEH mais au réseau « Relais du Silence ».

Il s’infère nécessairement, d’un acte de concurrence déloyale constaté, un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral.

Au vu des éléments fournis par la société SEH, il lui sera alloué la somme de 10 000 euros en réparation de son entier préjudice en lien avec les actes déloyaux dont elle a été victime de la part de la société Les Maulois.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la société SEH de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera en revanche confirmé en ce qu’il a ordonné à la société Les Maulois de retirer toute référence à la marque RELAIS DU SILENCE ce, sans qu’il soit besoin d’augmenter le montant de l’astreinte.

– Sur les autres demandes

Le sens de l’arrêt conduit à infirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

L’équité commande de condamner la société Les Maulois qui succombe à payer une indemnité de 4 000 euros à la société SEH au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Succombant à la procédure, la société Les Maulois en supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, dans les limites de l’appel,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Société Européenne d’Hôtellerie à payer à la société Les Maulois la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d’image, débouté la société Société Européenne d’Hôtellerie de sa demande de dommages et intérêts, condamné la société Société Européenne d’Hôtellerie à verser la somme de 3 000 euros à la société Les Maulois au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute la société Les Maulois de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image,

Condamne la société Les Maulois à payer à la société Société Européenne d’Hôtellerie la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en lien avec les actes de concurrence déloyale,

Condamne la société Les Maulois à payer à la société Société Européenne d’Hôtellerie la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne la société Les Maulois aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente


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