Le seul fait d’immatriculer une société n’est pas un usage de marque
Le seul fait d’immatriculer une société n’est pas un usage de marque
Ce point juridique est utile ?

Le seul fait d’immatriculer une société sous une certaine dénomination n’est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n’est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s’agit d’un acte dont l’effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l’existence d’une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu’une société existe, elle est exploitée.

Aux termes de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.

L’expression “faire usage” d’un signe doit donc être entendue comme désignant l’emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c’est-à-dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34).

Les termes “usage” et “dans la vie des affaires” ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu’il y a usage d’un signe identique à la marque lorsque l’opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir arrêt du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41) ou lorsque son usage se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique (voir TUE, 3 mars 2016, Ugly Inc. c/ OHMI et Group Lottuss Corp., T-778/14, point 28).

Nos conseils :

1. Attention à respecter les dispositions du code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon de marque, notamment en ce qui concerne l’usage d’un signe identique ou similaire à une marque enregistrée.

2. Il est recommandé de prouver un usage effectif d’une dénomination dans le but de distinguer des produits ou des services pour établir une atteinte à une marque, plutôt que de se baser uniquement sur son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

3. Veillez à prendre en compte les dispositions du code de procédure civile concernant les dépens, l’article 700 et l’exécution provisoire des décisions de première instance pour une meilleure compréhension des conséquences financières et juridiques de la procédure en cours.

Résumé de l’affaire

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il est rappelé que selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la contrefaçon de marque

Selon l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Aux termes de l’article L.713-3 du même code, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice. L’expression “faire usage” d’un signe doit donc être entendue comme désignant l’emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c’est-à-dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34).

Sur les dispositions finales

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. La SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I], parties perdantes à l’instance, conserveront la charge des dépens exposés au cours de l’instance.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation. La demande au titre des frais irrépétibles formulée par la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I], parties tenues aux dépens, sera rejetée.

Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

27 mars 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 23/13398
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Maître Melki Caroubi, vestiaire B1131

3ème chambre
3ème section

N° RG 23/13398 –
N° Portalis 352J-W-B7H-C22YN

N° MINUTE :

Assignation du :
27 septembre 2023

JUGEMENT
rendu le 27 mars 2024
DEMANDERESSES

S.A.S.U. MIX
[Adresse 8]
[Localité 7]

SELAS MJS PARTNERS
es qualité de liquidateur judiciaire de la société MIX
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [W] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentés par Maître Sarah MELKI CAROUBI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B1131 et par Maître Aissia SEGHIR de la SELARL VANDELET & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A.S.U. MIX BEAUTY
[Adresse 1]
[Localité 5]

défaillante

Décision du 27 Mars 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 23/13398 – N° Portalis 352J-W-B7H-C22YN

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
AnneBOUTRON, vice-présidente
Elodie GUENNEC, vice-présidente

assistés de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

À l’audience d’orientation du 14 décembre 2023, en accord avec le conseil des demanderesses, il a été procédé à la clôture et à la mise en délibéré sans audience, conformément aux dispositions de l’article 778 dernier alinéa du code de procédure civile. Avis a été donné à l’avocat que la décision serait rendue le 27 mars 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [W] [I] est la dirigeante de la société Mix, qui a pour activité la vente de produits cosmétiques, la coiffure, les soins esthétiques et l’importation.
La société Mix a déposé la marque verbale française “Mix Beauty” n° 4829728 le 10 février 2010, pour désigner des produits et services en classe 3 et 44. Sa dirigeante a fondé des enseignes homonymes “Mix Beauty” à [Localité 11], [Localité 9] et [Localité 10].
La société Mix ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, prononcée le 5 avril 2022 par le tribunal de commerce de Bobigny, la marque a été transférée à Mme [I], qui a renouvelé l’enregistrement le 21 janvier 2020.
La société Mix Beauty a pour activités la vente en ligne de produits de beauté naturels et de produits cosmétiques bio.
Ayant constaté l’existence d’une société homonyme à sa marque, Mme [I] a mis en demeure la société Mix Beauty de cesser les comportements déloyaux, parasitaires et contrefaisants.
Par acte de commissaire de justice du 27 septembre 2023, la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I] ont fait assigner la société Mix Beauty en contrefaçon de marque devant le tribunal judiciaire de Paris.
Bien que régulièrement citée, l’acte ayant été remis à un employé du domiciliataire, la société Nikolsen, qui s’était déclaré habilité à le recevoir conformément à l’article 654 du code de procédure civile, la société Mix Beauty n’a pas constitué avocat et n’a pas comparu.
À l’audience d’orientation du 14 décembre 2023, en accord avec le conseil de la société Mix, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et de Mme [I], il a été procédé conformément aux dispositions de l’article 778 dernier alinéa du code de procédure civile. L’instruction a, en conséquence, été close par ordonnance du 14 décembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS

Aux termes de leur assignation, la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I] demandent au tribunal de : – constater la contrefaçon de la marque “Mix Beauty” par la société Mix Beauty
en conséquence,
– ordonner la cessation immédiate, à la date de l’ordonnance à venir, de l’usage de la marque déposée “Mix Beauty” par la société Mix Beauty litigieuse
– ordonner le changement immédiat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à venir, de la dénomination sociale de la société Mix Beauty litigieuse
– condamner la société Mix Beauty litigieuse à régler à Madame [I] 5000 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de son comportement contrefaisant
– juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Mix et Madame [I] les frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’exposer en justice aux fins de défendre leurs intérêts
– condamner la société Mix Beauty au paiement de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société Mix Beauty aux entiers dépens.

Au soutien de leurs demandes, le liquidateur de la société Mix et Mme [I] font valoir que la marque “Mix Beauty” n° 4829728 a été déposée en classe 3 pour désigner des savons, parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dépilatoires, produits de démaquillage, rouge à lèvres, masques de beauté, produits de rasage, et en classe 44 pour désigner des soins d’hygiène et de beauté pour êtres humains ou animaux, salons de beauté, salons de coiffure. Ils affirment que la société Mix Beauty a pour activité la vente en ligne de produits de beauté naturels et de produits cosmétiques, et soulignent que cette activité est similaire au champ de protection de la marque “Mix Beauty”. Ils demandent réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon, et prétendent que la société Mix Beauty a profité de la réputation de la marque “Mix Beauty” pour obtenir une force d’attraction de clientèle et un potentiel de vente supérieur à celui auquel elle aurait pu prétendre en utilisant une autre dénomination sociale. En outre, ils soutiennent que la marque “Mix Beauty” a subi un préjudice de réputation conséquent, en ce que la société Mix Beauty a créé une confusion dans l’esprit des partenaires commerciaux et de la clientèle des enseignes “Mix Beauty” de Mme [I]. Ils soulignent les multiples erreurs d’adressage de courriers et colis, et produisent des attestations établissant des confusions entre les adresses par les candidats dans le cadre de campagnes de recrutement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il est rappelé que selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

I. Sur la contrefaçon de marque

Selon l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Aux termes de l’article L.713-3 du même code, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice.
L’expression “faire usage” d’un signe doit donc être entendue comme désignant l’emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c’est-à-dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34).
Les termes “usage” et “dans la vie des affaires” ne sauraient être interprétés en ce sens qu’ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu’il y a usage d’un signe identique à la marque lorsque l’opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir arrêt du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41) ou lorsque son usage se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique (voir TUE, 3 mars 2016, Ugly Inc. c/ OHMI et Group Lottuss Corp., T-778/14, point 28).
Au cas présent, le liquidateur de la société Mix et Mme [I] produisent pour seule pièce l’extrait Kbis de la société Mix Beauty établissant son enregistrement sous cette dénomination au registre du commerce et des sociétés de Paris (pièce n° 6).
Toutefois, le seul fait d’immatriculer une société sous une certaine dénomination n’est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n’est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s’agit d’un acte dont l’effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l’existence d’une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu’une société existe, elle est exploitée.
Par conséquent, l’atteinte à la marque verbale française “Mix Beauty” n° 4829728 n’est pas établie.
Les demandes de la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et de Mme [I] sur le fondement de la contrefaçon de la marque précitée seront rejetées.
II. Sur les dispositions finales

III.1 – Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
La SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I], parties perdantes à l’instance, conserveront la charge des dépens exposés au cours de l’instance.
III.2 – Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La demande au titre des frais irrépétibles formulée par la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I], parties tenues aux dépens, sera rejetée.
III.3 – Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déboute la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I] de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de marque ;

Condamne la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I] aux dépens ;

Déboute la SELAS MJS Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mix, et Mme [I] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 27 mars 2024
La greffièreLe président


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