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Enregistrer les conversations téléphoniques échangées avec son employeur sans l’accord de ce dernier est illicite.
Si le droit à la preuve peut justifier la production d’un moyen de preuve illicite, c’est à la seule condition que cette preuve soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En la cause, la salariée n’explique pas en quoi cette retranscription de conversation téléphonique, dont quelques échanges sont soulignés, est indispensable pour démontrer qu’elle a été dépossédée de ses fonctions, dès lors qu’elle produit d’autres éléments dont des courriers et des courriels ainsi que des listings des appels communiqués par la société dont elle indique qu’ils démontrent la faute de l’employeur. |
→ Résumé de l’affaireMme [H] [K] a été engagée par la SAS Interveille global en tant qu’opératrice de télésurveillance. Suite au rachat de l’entreprise par la société Telesure, un litige a éclaté concernant la mutation de Mme [H] [K] à un nouveau lieu de travail. Mme [H] [K] a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, qui a été accordée. La société Telesure a interjeté appel de cette décision. Les parties ont des positions divergentes sur les motifs du licenciement de Mme [H] [K] et les conséquences de la résiliation judiciaire. La cour devra trancher sur ces points lors de l’audience prévue en janvier 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03677 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IGS3
CRL/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES
14 septembre 2021
RG :
S.A.S. TELESURE
C/
[K]
Grosse délivrée le 12 MARS 2024 à :
– Me BELLICHACH
– Me SOULIER
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 12 MARS 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 14 Septembre 2021, N°
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Janvier 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Mars 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.S. TELESURE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Karine ASSANT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [H] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D’AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Décembre 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 12 Mars 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
Mme [H] [K] a été engagée à compter du 1er octobre 2015, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité d’opératrice de télésurveillance par la SAS Interveille global [Localité 4], société opératrice de télésurveillance.
Le contrat de travail de Mme [H] [K] comprend une clause de mobilité.
Par avenant du 11 décembre 2017, le contrat de travail de Mme [H] [K] a inclus la possibilité d’astreintes en contrepartie d’un forfait de 150 euros.
Le 1er juillet 2018, la société Telesure a racheté le fonds de commerce de la SAS Interveille global [Localité 4].
Par courrier du 3 juillet 2018, la SAS Telesure a informé Mme [H] [K] du transfert du siège social de la société de [Localité 4] à [Localité 5] et de sa mutation effective à compter du 7 septembre 2018, en application de la clause de mobilité de son contrat de travail, à [Localité 5].
Par courrier du 18 juillet 2018, Mme [H] [K] informait son employeur de son état de grossesse et qu’elle refusait la modification de son contrat de travail.
Par courrier en réponse du 28 septembre 2018, l’employeur formalisait une proposition de modification de contrat de travail pour motif économique, correspondant au déplacement du poste de travail de [Localité 4] à [Localité 5] que Mme [H] [K] refusait le 22 octobre 2018.
Par requête du 9 octobre 2018, Mme [H] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux torts de son employeur, la SAS Telesure. ( recours RG n° F 18/00571 )
Par courrier du 26 novembre 2018, Mme [H] [K] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique par la SAS Telesure.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 décembre 2018, suite à la proposition de contrat de sécurisation professionnelle, Mme [H] [K] a été licenciée pour motif économique.
Par requête du 10 avril 2019, Mme [H] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes en contestation de son licenciement économique et en condamnation de la SAS Telesure au paiement de diverses sommes indemnitaires. ( recours RG n° F 19/00199 )
Par jugement du 14 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
– ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG n° F 18/00571 et RG n° F 19/00199,
– rejeté la demande faite par le défenseur in limine litis d’écarter des débats la pièce n°39 produite par la demanderesse,
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] [K] à effet au 17 décembre 2018,
Par conséquent,
– dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAS Telesure à payer à Mme [H] [K] la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté la salariée de sa demande de paiement de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents,
– condamné l’employeur à la remise de l’attestation Pole Emploi mentionnant la résiliation judiciaire sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour après notification du présent jugement,
– condamné la SAS Telesure à payer à Mme [H] [K] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le demandeur de ses plus amples demandes,
– débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,
– rappelé que l’exécution provisoire de plein droit d’applique aux mesures visées par l’article R1454-28 du code du travail,
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’établit à la somme de 2.065, 79 euros bruts,
– ordonné le remboursement par l’employeur, la SAS Telesure de la somme correspondant à trois mois d’indemnités chômage versées à la salariée licenciée en application de l’article L 1235-4 du code du travail,
– dit en conséquence qu’une copie du présent jugement sera transmise par le greffe de Pole Emploi conformément à l’article R1235-4 du code du travail,
– condamné la SAS Telesure à supporter la charge des entiers dépens.
Par acte du 10 octobre 2021, la SAS Telesure a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 12 avril 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 21 août 2023 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 21 décembre 2023, puis au 9 janvier 2024, selon avis de déplacement d’audience du 16 juin 2023.
Par ordonnance du 22 août 2023, le conseiller de la mise en état a révoqué la clôture de la procédure fixée au 21 août 2023 et l’a fixée au 11 décembre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 8 décembre 2023, la SAS Telesure demande à la cour de :
– rejeter, in limine litis, des débats la pièce adverse numérotée 36, portant sur le procès-verbal de constat de l’Etude Baradoux-Peleriaux, Huissier de justice du 24 septembre 2019,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la jonction des instances introduites par Mme [H] [K] sous les numéros de répertoire général 18/00571 et 19/00199,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé, fondée, et a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] [K],
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que la résiliation judiciaire ne devait pas produire les effets d’un licenciement nul,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société SAS Telesure au versement des sommes suivantes :
– 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à payer à Mme [H] [K]
– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à payer à Mme [H] [K]
– entiers dépens
– remboursement à Pôle emploi de la somme correspondant à trois d’indemnités chômage versées à la salariée licenciée en application de l’article L 1235-4 du code du travail
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la production de l’attestation Pôle emploi la remise de l’attestation Pôle Emploi, mentionnant la résiliation judiciaire sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour après notification du présent jugement,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [H] [K] de sa demande de versement d’une indemnité compensatrice de préavis de 4265,35 euros, outre 426,53
euros au titre des congés payés y afférents,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SAS Telesure de l’intégralité de
ses autres demandes
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [H] [K] de ses autres
demandes
Par suite et réexaminant cette affaire en fait et en droit, il est demandé à la Cour de :
A titre principal,
– voir dire et juger que Mme [H] [K] ne justifie d’aucun manquement imputable à la SAS Telesure dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail,
– dire et juger que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] [K] est infondée,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande tenant à voir la rupture de son contrat de travail produire les effets d’un licenciement nul ou à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illicite à hauteur de 12.796,05 euros ou à titre subsidiaire, pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse, à hauteur de 10.000 euros,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande de versement d’une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4265,35 euros, outre 426,53 euros au titre des congés payés y afférents,
– débouter Mme [H] [K] de ses demandes de versement d’un article 700 du CPC
tant au titre de la Première instance qu’en cause d’appel, et de prise en charge des dépens par la société SAS Telesure
– plus globalement dire et juger Mme [H] [K] mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter,
A titre subsidiaire,
– voir dire et juger que le licenciement pour motif économique notifié à Mme [H] [K] en date du 17 décembre 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illicite à hauteur de 12.796,05 euros ou à titre subsidiaire, pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse, à hauteur de 10.000 euros,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande de versement d’une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4265,35 euros, outre 426,53 euros au titre des congés payés y afférents,
– débouter Mme [H] [K] de ses demandes de versement d’un article 700 du CPC
tant au titre de la Première instance qu’en cause d’appel, et de prise en charge des dépens par la société SAS Telesure
– plus globalement dire et juger Mme [H] [K] mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter,
– et, en tout état de cause, faisant droit à la demande reconventionnelle formée par la société SAS Telesure
– condamner Mme [H] [K] à lui régler la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, et le condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel,
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] [K] ou si elle devait, entrer en voie de condamnation, et dire et juger que le licenciement pour motif économique de cette dernière est sans cause réelle et sérieuse, il lui est demandé en tout état de cause de :
– débouter Mme [H] [K] de sa demande de versement d’une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 4265,35 euros, outre 426,53 euros au titre des congés payés y afférents,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande tenant à voir sa demande de résiliation judiciaire produire les effets d’un licenciement nul ou sa demande de licenciement déclaré nul
– limiter l’indemnisation de Mme [H] [K] à la somme de 6.197,37 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du CPC tant au titre de la première instance que de l’appel,
– débouter Mme [H] [K] de sa demande de condamnation aux dépens tant au titre de la première instance que de l’appel.
– plus globalement, débouter Mme [H] [K] du surplus de ses demandes, fins et prétentions
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné le remboursement à Pôle emploi de la somme correspondant à trois mois d’indemnités chômage versées à la salariée licenciée en application de l’article L 1235-4 du code du travail
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la production de l’attestation Pôle emploi la remise de l’attestation Pôle Emploi, mentionnant la résiliation judiciaire sous
astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour après notification du présent jugement.
La société soutient que :
– la pièce adverse n°36 portant sur un procès-verbal de constat de l’étude Badaroux Peleriaux en date du 24 septembre 2019 concernant des échanges téléphoniques entre M. [S] [U], directeur d’exploitation du site de [Localité 4] et M. [V] [R], son président entre le 6 septembre et le 8 octobre 2018 doit être écartée des débats dès lors qu’il s’agit d’échanges téléphoniques auxquels elle n’a pas assisté, qu’elle ne peut donc se prévaloir d’en avoir eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, et qu’elle ne démontre pas que cet élément est strictement nécessaire à l’exercice de ses droits, ces enregistrements ayant été au surplus obtenus par M. [U] de manière déloyale,
– il est de l’intérêt d’une bonne justice de confirmer la jonction des deux instances initiées par Mme [H] [K],
– la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est intervenue le 9 octobre 2018 alors que les délégués du personnel avaient déjà été consultés en amont le 25 septembre 2018 sur le projet de modification pour motif économique du contrat de travail et avaient émis un avis favorable,
– l’argument selon lequel Mme [H] [K] aurait été dépossédée de ses missions est infondé et correspond à une contre-vérité,
– en cas de transfert du contrat de travail à un nouveau repreneur, celui-ci est légitime à décider ultérieurement, conformément à son pouvoir de direction, de modifier l’organisation de l’activité ou le lieu de travail,
– en cas de refus de cette modification par le salarié, la rupture subséquente du contrat de travail constitue un licenciement pour motif économique,
– le contrat de travail initial de Mme [H] [K] comprenait une clause de mobilité, laquelle est restée en vigueur comme toutes les autres clauses du contrat de travail lors du transfert, clause de mobilité qui permettait d’exiger d’elle d’exercer ses fonctions au siège social de l’entreprise,
– au surplus, antérieurement à la saisine en résiliation judiciaire du contrat de travail, elle avait indiqué à Mme [H] [K] par courrier du 28 septembre 2018 qu’elle renonçait à la mise en oeuvre de cette clause,
– la demande de résiliation judiciaire est donc pour ces deux motifs sans objet,
– elle a procédé à une expertise approfondie des locaux avant de constater la nécessité de procéder à sa réorganisation pour sauver sa compétitivité,
– à aucun moment, M. [U], directeur d’exploitation du site de [Localité 4] ne l’a avisée d’un déficit d’activité sur le site de [Localité 4], puisqu’il a au contraire sollicité de la direction la poursuite d’un cdd, pour accroissement temporaire d’activité,
– la mission principale du site de [Localité 4], la gestion des alarmes, a été maintenue sur le site jusqu’à sa fermeture, Mme [H] [K] était opératrice de télésurveillance et la majeure partie de son temps de travail et de sa mission était de répondre aux besoins des clients par téléphone et de traiter les difficultés et urgences opérationnelles, ses tâches administratives étaient marginales,
– le transfert de l’activité administrative au siège n’a concerné que la période des congés d’été,
Mme [H] [K] n’a connu aucune diminution de son temps de travail, et la comparaison des plannings de juillet et de septembre démontre que l’équipe avait la même charge de travail,
– le motif économique du licenciement est parfaitement établi, il est la conséquence de la non conformité du site de [Localité 4] pour permettre sa certification de niveau APSAD P3, les travaux de mise en conformité présentant un coût colossal sans aucune garantie d’obtenir pour autant la certification, et par ailleurs, ses résultats financiers sur la période concernée démontrent qu’elle était dans une situation fragile et déficitaire,
– elle a donc été contrainte de fermer le site de [Localité 4] et de procéder au licenciement de Mme [H] [K] qui a refusé sa mutation au siège social,
– la proposition de reclassement formulée correspondait au même poste que celui exercé par Mme [H] [K] à [Localité 4] mais avec une localisation à [Localité 5], ainsi qu’à d’autres postes, de catégorie supérieure et inférieure, également à [Localité 5], postes que Mme [H] [K] a refusé par courrier du 2 décembre 2018,
– subsidiairement, sur les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat de travail, Mme [H] [K] a été remplie de ses droits au titre de son préavis, si la résiliation judiciaire du contrat de travail était confirmée, elle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme [H] [K] indemnisée sur cette base, conformément à l’article L 1235-3 du code du travail et en tenant compte de l’ancienneté de Mme [H] [K] qui ne rapporte pas la preuve d’un préjudice justifiant de porter l’indemnisation au-delà du seuil prévu par le texte.
En l’état de ses dernières écritures en date du 7 décembre 2023, contenant appel incident, Mme [H] [K] a demandé à la cour de :
– recevoir l’appel de la société SAS Telesure,
– le dire mal fondé
En conséquence,
– confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la résiliation judiciaire du contrat de travail devait être prononcée aux torts de l’employeur
– réformer le jugement en ce qu’il considérait que le licenciement n’était pas entaché de nullité et en ce qu’il rejetait les demandes indemnitaires de la salariée,
En tout état de cause et en conséquence faire droit aux demandes en appel de Mme [H] [K] formées dans les termes suivants :
* A titre principal :
– juger que la résiliation judiciaire produira les effets d’un licenciement nul (résiliation arrêtée à la date du licenciement postérieur soit au 17 décembre 2018) car intervenu en période de suspension du contrat de travail pour cause de maternité,
En conséquence,
– condamner la société SAS Telesure au paiement des sommes suivantes :
– 4265.35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 426.53 euros de congés payés y afférents,
– 12796.05 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement illicite
– ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, les documents suivants mentionnant une rupture en raison d’une résiliation judiciaire, à savoir:
– de ses bulletins de paie,
– de l’attestation Pôle emploi,
– du solde de tout compte,
– du certificat de travail
A titre subsidiaire,
– juger que la rupture du contrat de travail doit être prononcée aux torts de la société SAS Telesure et que cette rupture emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
En conséquence,
– condamner la société SAS Telesure au paiement des sommes suivantes :
– 4265.35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 426.53 euros de congés payés y afférents,
– 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, les documents suivants mentionnant une rupture en raison d’une résiliation judiciaire, à savoir:
– de ses bulletins de paie,
– de l’attestation Pôle emploi,
– du solde de tout compte,
– du certificat de travail
* Subsidiairement,
– faire droit aux demandes de Mme [H] [K] relatives au licenciement et à ses conséquences
A titre principal,
– juger que le licenciement pour motif économique notifié à Mme [H] [K] est entaché de nullité pour être intervenu en période de protection de la salariée :
– condamner l’employeur aux sommes suivantes :
– 4265.35 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 426.53 euros de congés payés y afférents,
– 12796.05 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,
– ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, les documents suivants mentionnant une rupture en raison d’une résiliation judiciaire, à savoir:
– des bulletins de paie,
– de l’attestation Pôle emploi,
– du solde de tout compte,
– du certificat de travail
Subsidiairement,
– juger que le licenciement pour motif économique notifié à Mme [H] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse :
– faute de motif économique pertinent,
– de menace pesant sur la sauvegarde de compétitivité de la SAS Telesure justifiant une mesure de réorganisation,
– de recherche loyale et sérieuse de reclassement
En conséquence,
– condamner la société SAS Telesure au paiement des sommes suivantes :
– 4265.35 à titre d’indemnités compensatrices de préavis et 426.53 euros de congés payés y afférents
– 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
– condamner la SAS Telesure au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du CPC et les entiers dépens.
Mme [H] [K] fait valoir que :
– sa pièce 36 est parfaitement recevable, et n’a pas été obtenue déloyalement dès lors qu’elle était employée de la SAS Telesure à la date à laquelle les enregistrements sont intervenus et qu’elle en a été informée à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, cette pièce est nécessaire à l’exercice de sa défense et M. [R] n’a pas été enregistré à son insu puisque tout appel téléphonique est déclaré comme pouvant être enregistré,
– sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail est fondée sur l’exécution déloyale du contrat de travail par la SAS Telesure qui a décidé de la fermeture du site dès qu’elle l’a acquis, et le transfert de l’activité à [Localité 5], ainsi qu’en attestent les courriers adressés dès le 3 juillet 2018,
– aucune démarche, expertise, n’avait été effectuée à cette date pour vérifier si le site pouvait ou non être adapté à la certification,
– actionner la clause de mobilité et délocaliser le site ne se justifiait pas, et la SAS Telesure n’apporte aucune preuve permettant de considérer qu’aucune poursuite d’activité n’était envisageable sur le site de [Localité 4],
– elle s’est vu progressivement dépossédée de ses tâches et de ses missions, la SAS Telesure faisant intervenir ses propres équipes au lieu et place de celles de [Localité 4], vidant le site de [Localité 4] de l’intégralité de sa substance et de son activité, les appels étaient pris à partir du siège et les clients étaient priés de contacter le siège, les lignes téléphoniques ont été déroutées sur le siège social,
– la résiliation judiciaire doit produire les effets d’un licenciement nul puisqu’intervenu à une période où sa grossesse était connue de son employeur, et subsidiairement celui d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ses demandes indemnitaires sont fondées.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.
Sur le rejet de la pièce N° 36 du bordereau de communication de pièces de Mme [H] [K] portant sur le procès-verbal de constat de l’étude Badaroux-Peleriaux du 24 septembre 2019
La SAS Telesure demande à la cour de rejeter un procès-verbal établi par huissier de justice et ayant pour objet de relater les échanges téléphoniques entre M. [S] [U] et M. [V] [R], président de la société, au motif que le premier a enregistré des propos échangés à l’insu de son interlocuteur, les a mis sur un support USB et les a conservés par devers lui, ce qui constitue un procédé déloyal et caractérise un mode de preuve totalement illicite, rendant la pièce concernée irrecevable. Elle précise que les enregistrements usuels pratiqués par le centre de surveillance sont conservés pendant une durée strictement limitée à trois mois alors en outre que la possibilité d’enregistrer des appels téléphoniques, qui n’était qu’une faculté, concernait les échanges entre les collaborateurs de la société et leurs clients mais non pas les échanges internes.
Mme [H] [K] fait valoir qu’au dernier état de sa jurisprudence, la Cour de cassation a jugé notamment que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments pouvant porter atteinte à la vie privée de l’une des parties, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Or, en l’espèce, la production d’un enregistrement téléphonique est utile pour sa défense afin d’établir qu’elle était dépossédée d’une grande partie de ses missions. Elle estime que cette preuve est parfaitement licite, à partir du moment où il s’agit d’un enregistrement de conversations téléphoniques remontant du 6 septembre au 3 octobre 2018 alors qu’elle était toujours salariée, que M. [R] était informé de ces enregistrements puisque toutes les conversations téléphoniques le sont, comme l’indique le disque d’enregistrement en début de conversation qui a été également retranscrit, la production de ces enregistrements étant nécessaire à l’exercice des droits de la défense. En outre, la SAS Telesure utilise dans ses conclusions les extraits de conversations qu’elle demande d’écarter.
Il ressort du procès-verbal de constat du 24 septembre 2019 que M. [S] [U] a remis à l’huissier une clé USB sur laquelle sont retranscrites des conversations téléphoniques qu’il a eues avec M. [V] [R]. L’huissier indique que les conversations téléphoniques débutent par une voie féminine pré-enregistrée en annonce d’accueil qui dit : « Centre de surveillance bonjour nous vous informons que votre appel peut être enregistré ».
Mme [H] [K] ne peut sérieusement prétendre, en raison de la seule présence de ce message habituel, que l’enregistrement effectué par M. [S] [U] sur clé usb de la conversation téléphonique qu’il a eue avec son nouvel employeur n’a pas été fait à l’insu de ce dernier. Ce moyen de preuve est donc illicite.
Par ailleurs, si le droit à la preuve peut justifier la production d’un moyen de preuve illicite, c’est à la seule condition que cette preuve soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Or, Mme [H] [K] n’explique pas en quoi cette retranscription de conversation téléphonique, dont quelques échanges sont soulignés, est indispensable pour démontrer qu’elle a été dépossédée de ses fonctions, dès lors qu’elle produit d’autres éléments dont des courriers et des courriels ainsi que des listings des appels communiqués par la société dont elle indique qu’ils démontrent un affaiblissement organisé des missions du site de [Localité 4].
Il convient donc de déclarer la pièce litigieuse irrecevable, étant relevé par ailleurs que l’appelante ne se fonde sur celle-ci que dans l’hypothèse où la cour ne l’aurait pas rejetée.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par Mme [H] [K]
La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié doit être indemnisé par le versement des indemnités de rupture et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date.
Il appartient aux juges du fond d’apprécier les manquements imputés à l’employeur au jour de leur décision.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.
L’appelante fait valoir que Mme [H] [K] a saisi le conseil de prud’hommes le 9 octobre 2018 alors même que les délégués du personnel avaient déjà été en amont consultés le 25 septembre 2018 sur le projet de modification du contrat pour motif économique, projet sur lequel ils avaient d’ailleurs émis un avis favorable. Ainsi, selon l’employeur, la demande de résiliation judiciaire du contrat, articulée sur la modification du lieu de travail, est sans objet au regard de la procédure de modification pour motif économique qui avait déjà débuté à cette date, non seulement par la consultation des représentants du personnel mais également par l’envoi à Mme [H] [K] d’une proposition de modification de son contrat pour motif économique suivant courrier du 28 septembre 2018.
Toutefois, le licenciement économique n’a été notifié que le 17 décembre 2018, de sorte qu’il convient d’examiner, en premier lieu, la demande de résiliation judiciaire.
Au titre des manquements suffisamment graves commis par l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, Mme [H] [K] fait valoir que :
-la chronologie démontre une volonté de fermeture de l’établissement de [Localité 4] dès sa cession à la SAS Telesure alors que la société Interveille ne rencontrait aucune difficulté et que rien ne permet de conclure que le site ne pouvait être adapté aux activités et à la certification Apsad p3
-il n’est versé aucun document au débat par la SAS Telesure, antérieur au mois de juillet 2018, susceptible de justifier la fermeture de l’établissement de [Localité 4]
-la clause de mobilité souscrite auprès de la société Interveille n’était pas conclue avec la SAS Telesure
– elle a été dépossédée de ses fonctions à compter du 1er juillet 2018 au profit d’autres personnes du siège social à [Localité 5] et l’établissement de [Localité 4] a été vidé de sa substance et de son activité administrative
-il est démontré une exécution déloyale et une atteinte grave au contrat de travail justifiant la résiliation judiciaire.
La SAS Telesure rétorque que :
-le juge n’a pas à s’immiscer dans les décisions de gestion de l’employeur et il n’y a ni fraude, ni déloyauté à proposer une modification de leur lieu de travail aux salariés transférés, d’autant qu’elle ne s’est jamais engagée à maintenir les postes sur le site de [Localité 4]
-en cas de transfert du contrat de travail, dans les conditions de l’article L. 1224-1 du code du travail, le repreneur est légitime à décider ultérieurement, conformément à son pouvoir de direction, de modifier l’organisation de l’activité ou le lieu de travail
-le salarié est en droit de s’opposer à la modification de son contrat de travail et la rupture résultant du refus du salarié constitue un licenciement pour motif économique
-le maintien du contrat de travail implique en l’espèce qu’elle puisse se prévaloir de la clause de mobilité, étant relevé que suite au refus de Mme [H] [K] de rejoindre son nouveau lieu de travail, elle aurait pu se diriger vers un licenciement pour non-respect de son obligation contractuelle, ce qu’elle n’a pas fait
-la décision de muter les salariés du site de [Localité 4] au siège social à [Localité 5] a procédé de critères parfaitement objectifs liés à l’absence de conformité des locaux de [Localité 4] avec les exigences des normes Apsad p3
-elle n’a commis aucun manquement lors de la reprise du site et ce d’autant que Mme [H] [K] a poursuivi sa mission principale d’agent de télésurveillance, n’ayant jamais été dépossédée de ses missions.
L’application de l’article L. 1224-1 du code du travail ne fait pas obstacle aux pouvoirs du nouvel employeur d’organiser ses services, d’affecter le personnel transféré au sein de l’entreprise mais la modification du contrat de travail ne doit pas tendre à éluder les dispositions d’ordre public de l’article précité.
Par ailleurs, si effectivement, comme le soutient l’appelante, le nouvel employeur peut se prévaloir de la clause de mobilité conclue avec le précédent employeur, encore faut-il qu’elle soit mise en oeuvre de bonne foi.
Or tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce, puisque, dès le 3 juillet 2018, soit le surlendemain du rachat du fonds de commerce, la SAS Telesure indiquait à Mme [H] [K]:
« Objet : mutation (..) Nous tenons à vous informer personnellement que l’activité de l’établissement de [Localité 4] dans lequel vous travaillez actuellement sera transférée auprès du siège social de TELESURE situé au [Adresse 1] à [Localité 5] à compter du 3 septembre 2018.
Cette décision se justifie par l’intégration de l’outil de gestion T2I utilisé précédemment par INTERVEILLE sur le logiciel Azursoft. La certification P3 dont bénéficie la société TELESURE impose en effet l’utilisation de ce logiciel au sein de toutes infrastructures APSAD.
Votre mutation sera effective le 03 septembre 2018.
Compte tenu de la nature des fonctions que vous exercez au sein de notre entreprise et conformément aux dispositions de l’article 6.3 de votre contrat de travail, nous vous rappelons que votre mutation devra s’accompagner du changement de votre lieu de résidence au plus tard le 03 septembre.
Nous attirons votre attention sur le fait que votre nouvelle affectation n’entraîne aucune modification de votre contrat de travail dans la mesure où elle est conforme à votre clause de mobilité contractuelle et qu’elle ne s’accompagne pas d’un changement notable de vos fonctions.
Nous vous informons qu’à défaut de vous y conformer, vous vous exposez donc à un licenciement pour faute.
Toutefois si vous estimez que des raisons impérieuses liées à votre vie privée rendent impossibles cette mutation, vous pourrez solliciter dans les trois semaines suivants la réception de la présente lettre un entretien avec la Direction pour les exposer. »
La SAS Telesure ne peut sérieusement soutenir que Mme [H] [K] conservait la possibilité de maintenir son domicile à [Localité 4] dans la mesure où elle imposait dans cette lettre le changement de résidence.
Certes, l’employeur décidait suivant courrier du 28 septembre 2018 de ne pas mettre en oeuvre la clause contractuelle compte tenu des difficultés tenant à la vie privée et familiale de la salariée telles qu’exposées par cette dernière dans sa lettre du 18 juillet 2018 mais de formuler une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique, il n’empêche qu’en imposant, dès le lendemain de l’acquisition du fonds de commerce, une mutation à la salariée, le nouvel employeur n’a pas exécuté de manière loyale le contrat de travail.
En effet, si l’employeur expliquait que sa décision se justifiait par l’incompatibilité du logiciel T2I exploité par la société Interveille sur [Localité 4] avec la certification Apsad p3, force est de constater qu’au 2 juillet 2018, aucune enquête sérieuse n’avait été effectuée par lui confirmant que le site de [Localité 4] ne pouvait être adapté aux activités et à la certification de la SAS Telesure.
L’attestation que produit l’appelante elle-même confirme ces éléments: « Je soussigné [A] [M], directeur général de Interveille jusqu’au 30/03/2018, confirme que le rapport établi par le société STEO Sécurité le 21 juillet 2014 sur l’étude de faisabilité d’une certification APSADP3 du centre opération de [Localité 4] ([Adresse 3]) n’a pas été communiqué à M. [R] [V] dans les éléments d’étude au rachat du fonds de commerce de Interveille et lui a été communiqué par mes soins après la prise effective des locaux au 1er juillet 2018 ».
La SAS Telesure n’a procédé à une expertise approfondie des locaux de [Localité 4] que postérieurement à l’annonce brutale de la mutation le 2 juillet 2018, ainsi qu’il ressort des documents qu’elle produit (un devis du 10 juillet 2018 et pour le reste essentiellement des devis des mois de septembre et octobre 2018).
En outre, on comprend mal comment, si l’utilisation du logiciel T2I était incompatible avec la maintien de la certification APSAD P3, M. [X] [W], directeur d’exploitation du site de [Localité 5] demandait à M. [S] [U] le 21 septembre 2018 : « Merci de me créer un log pour T2I avec les mêmes droits que les votre afin de pouvoir traiter au mieux les demandes des clients ».
Par ailleurs, dans son courrier refusant la proposition de modification de son contrat de travail, adressé à M. [V] [R], président de la SAS Telesure, Mme [H] [K] se plaignait d’une diminution de ses missions « suite à vos choix de transferts de charge de travail vers vos équipes de [Localité 5] depuis votre reprise de la société, j’ai constaté une baisse significative du nombre de traitements d’alarmes en journée, et je m’interroge sur le maintien du volume de clients soumis à notre gestion. En effet, depuis mon intégration dans la société INTERVEILLE, les vacations n’ont jamais été aussi peu chronophages et attrayantes. Pour ce qui est des vacations Admin que j’effectue chaque quinzaine depuis 2017, celles-ci étaient essentielles au bon fonctionnement du Pôle saisie de [Localité 4], jusqu’à ce que vous contestiez la période estivale du planning 2018, où vous nous avez tous finalement destitué de cette mission au profit de vos équipes de [Localité 5]».
Il ressort effectivement d’un courrier du 25 juin 2018 que la SAS Telesure, dès cette date, mentionnait le changement de raccordement pour les nouveaux clients vers le siège et invitait à s’adresser directement aux agents de [Localité 5], ce qui dispensait les salariés de [Localité 4] de cette tâche avant même la reprise effective du 1er juillet 2018.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’appelante, M. [S] [U], directeur d’exploitation du site de [Localité 4], en charge de fixer les différentes tâches de son équipe, a bien alerté M. [R] sur un déficit d’activité du centre de [Localité 4], notamment dans ses courriers du 20 juillet 2018 et du 22 octobre 2018, mais également lors de plusieurs échanges de courriels sur la même période.
L’examen des listings des appels téléphoniques confirme une diminution progressive de l’activité du service administratif du site de [Localité 4] et les documents produits par la SAS Telesure ne contredisent en rien cette sous-activité du pôle administratif puisqu’ils ne concernent que les permanences du pôle de gestion des alarmes ou encore n’attestent que de la présence dans les locaux des salariés du secteur administratif et non de leur charge de travail.
Si effectivement, comme le souligne l’appelante, il est normal que les adresses de messagerie aient été changées suite au rachat, le nouvel employeur ne répondait toutefois en rien à ce que dénonçait M. [S] [U] dans son courrier : « Depuis la création de boites de messagerie TELESURE à notre nom, nos courriels sont intégralement perçus par vos effectifs de [Localité 5]. Tout est fait pour que nous sentions que nous ne vous sommes plus indispensables ».
En outre, il n’est pas contesté que, dès la reprise, il a été demandé à M. [S] [U] de former des équipes de [Localité 5] à l’outil de gestion de [Localité 4] et la SAS Telesure ne conteste pas que les équipes de [Localité 4] n’ont quant à elles pas été formées aux outils du siège.
De plus, si la SAS Telesure indique que M. [S] [U] gérait librement le planning de ses équipes, par courriel du 5 septembre 2018, ce dernier se plaignait au contraire auprès de M. [R] : « tu avais contesté mon planning estival initial et fait en sorte que les équipes de [Localité 4] n’assurent plus de gestion ADMIN, nous demandant même jusqu’à nous déplacer [C] et moi, pour dispenser une formation à nos successeurs ».
Mme [H] [K] justifie donc suffisamment de l’exécution déloyale du contrat de travail par le nouvel employeur qui, dès le lendemain de la cession du fonds de commerce, décidait de fermer l’établissement de [Localité 4] et de muter la salariée sans aucune expertise du site mais également en la dépossédant d’une partie de ses fonctions. Ces manquements graves justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
Il convient donc, par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que la demande de résiliation judiciaire était fondée.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
Par application des dispositions de l’article L 1225-4, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes.
Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.
En l’espèce, le contrat de travail a été rompu le 17 décembre 2018. Mme [H] [K] avait informé son employeur par courrier du 18 juillet 2018 de cet état de grossesse et de ses dates de congés maternité, du 13 janvier 2019 au 5 mai 2019.
Ainsi, la rupture du contrat de travail n’est pas intervenue pendant une des périodes de protection visée à l’article L 1225-4 du code du travail et la résiliation judiciaire du contrat de travail ne produit pas les effets d’un licenciement nul.
Par suite, le conseil de prud’hommes a justement retenu que la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Mme [H] [K] sollicite à ce titre le paiement d’une somme de 4.265,35 euros correspondant à deux mois de salaire outre la somme de 426,53 euros de congés payés y afférents.
Le conseil de prud’hommes a relevé à juste titre qu’il ‘appert de la lettre de licenciement, des fiches de paies et de l’attestation Pôle emploi que le préavis a été payé’, avant de débouter Mme [H] [K] de cette demande.
La décision déférée sera confirmée sur ce point.
– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les dispositions des articles L.1235-3 et L.1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.
En application des dispositions de l’article L.1235-3 telles qu’issues de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de Mme [H] [K] (2.065,79 euros), de son ancienneté en années complètes (trois années, dans une entreprise comptant au moins onze salariés ) et de sa situation personnelle, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [H] [K] doit être évaluée à la somme de 6.197,37 euros correspondant à l’équivalent de trois mois de salaire brut, telle qu’accordée par les premiers juges.
Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.
Sur les demandes accessoires et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné la production des documents de fin de contrat sans astreinte.
Les dépens d’appel seront à la charge de l’appelante qui sera condamnée à payer à Mme [H] [K] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 14 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Nîmes sauf en ce qu’il a condamné la SAS Telesure à payer à Mme [H] [K] la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
et statuant à nouveau sur ce point,
Condamne la SAS Telesure à payer à Mme [H] [K] la somme de 6.197,37 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Telesure à payer à Mme [H] [K] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS Telesure aux dépens de la procédure d’appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,