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Des anciens salariés qui fondent leur société et utilisent les outils de calcul de leur ancien employeur (tableur Excel pour calculer le coût des travaux dans le cadre des contrats de construction de Maisons individuelles) s’exposent à une condamnation pour concurrence déloyale.
Un tableur peut également être qualifié de base de données et bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, en application de l’article L.l12-3 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que par les choix du créateur dans la construction de la base et l’organisation des données, il constitue une création intellectuelle. La preuve de l’atteinte peut être établie par voie d’ordonnance sur requête mais cette dernière doit être circonscrite. Aux termes de l’article 493 du code de procédure civile, ‘L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse’. L’article 145 du code de procédure civile dispose que « S’il existe un motif légitime de conserver oud’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Nos conseils : 1. Attention à bien établir un motif légitime pour demander une mesure d’instruction, en prouvant l’existence d’un litige potentiel et le besoin d’éléments de preuve pour une éventuelle procédure judiciaire. 2. Il est recommandé de limiter la mesure d’instruction dans le temps et dans son objet, afin de garantir sa proportionnalité et de préserver le secret des affaires. 3. Veillez à ce que la mesure ordonnée soit suffisamment circonscrite pour éviter une atteinte aux droits des parties et respecter les dispositions légales en vigueur. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre la SAS Maisons MCA et son président M. [S] [C] d’une part, et la Sarl Aquitaine Habitat d’autre part. Les premiers ont accusé la Sarl Aquitaine Habitat d’avoir utilisé un fichier de base de données créé par M. [C] de manière illégale, constituant ainsi une concurrence déloyale et un acte de parasitisme. Suite à une ordonnance autorisant un constat, la Sarl Aquitaine Habitat a demandé en référé la rétractation de cette ordonnance, demande qui a été rejetée par le juge des référés. La Sarl Aquitaine Habitat a fait appel de cette décision. L’affaire a été fixée pour être plaidée à une audience ultérieure, mais les conclusions tardives de la Sarl Aquitaine Habitat ont été déclarées irrecevables. La Sarl Aquitaine Habitat a ensuite formulé de nouvelles demandes, notamment la restitution des documents et données informatiques copiés lors du constat, sous astreinte.
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→ Les points essentielsMOTIFS DE LA DÉCISIONIl sera donné acte à la Selarl Philae et à la Selarl Ajilink [X] de leur intervention volontaire à l’instance en qualités de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de la Sarl AquitaineHabitat. Rejet de la demande de rétractationAux termes de l’ordonnance entreprise, la demande de rétractation de l’ordonnance ayant autorisé sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile la SAS Maisons MCA et M. [C] à faire rechercher, depuis le 20 mai 2010, tous dossiers, fichiers informatiques, documents, correspondances, y compris électroniques, en procédant à la recherche par mots-clés, prendre copie et dresser constat a été rejetée. Conditions de l’article 145 du code de procédure civileAux termes de l’article 493 du code de procédure civile, ‘L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse’. Existence d’un motif légitimePour qu’un motif soit légitime, le demandeur doit établir qu’un litige potentiel existe et qu’il a besoin, à ce titre, pour l’engagement éventuel d’une procédure judiciaire, d’éléments de preuve qui lui font défaut, l’article 145 du code de procédure civile n’exigeant pas que le demandeur établissent le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée. Caractère proportionné de la mesure ordonnéeEn conséquence, la mesure d’instruction ordonnée n’est pas suffisamment circonscrite ni dans le temps ni quant à son objet et s’apparente à une mesure générale d’investigation pouvant entraîner une atteinte aux secret des affaires par la communication de documents protégés à ce titre par l’article L151-1 du code de commerce, excédant ainsi les prévisions de l’article 145 du code de procédure civile en sorte qu’elle n’est pas admissible. Mesures accessoiresPartie perdante, la SAS MCA et M. [C] seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel. L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a condamné la SAS Aquitaine Habitat au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La SAS Maisons MCA et M. [C] seront condamnés au paiement d’une somme de 1500 euros à intimé sur ce fondement. Les montants alloués dans cette affaire: – 1500 euros alloués à la Sarl Aquitaine Habitat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– 500 euros par jour de retard sous astreinte à la SAS Maisons MCA et à M. [S] [C] pour la restitution des documents et données informatiques – Frais de dépens de première instance et d’appel à la charge de la SAS Maisons MCA et de M. [S] [C] |
→ Réglementation applicable– Article 493 du code de procédure civile
– Article 145 du code de procédure civile – Article 954 du code de procédure civile – Article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle – Article L151-1 du code de commerce – Article 700 du code de procédure civile Texte de l’article 493 du code de procédure civile: Texte de l’article 145 du code de procédure civile: Texte de l’article 954 du code de procédure civile: Texte de l’article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle: Texte de l’article L151-1 du code de commerce: Texte de l’article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Henri ARAN de la SELARL FLORENCE DASSONNEVILLE – HENRI ARAN
– Me Anthony BABILLON de la SELARL ANTHONY BABILLON AVOCAT – Me [I] [L] de la SELARL PHILAE – M. [O] [X] de la SELARL AJILINK [X] |
→ Mots clefs associés & définitions– Motifs de la décision
– Ordonnance sur requête – Article 145 du code de procédure civile – Mesures d’instruction – Intérêt légitime – Protection des droits d’auteur – Base de données – Concurrence déloyale – Parasitisme – Mesure de constat – Secret des affaires – Mots-clés génériques – Circonscription dans le temps – Circonscription dans l’objet – Atteinte au secret des affaires – Rétractation de l’ordonnance – Restitution des documents – Astreinte – Dépens – Indemnité de l’article 700 du code de procédure civile – Motifs de la décision: Raisons ou justifications sur lesquelles une décision judiciaire est fondée
– Ordonnance sur requête: Décision rendue par un juge à la demande d’une partie sans audience contradictoire – Article 145 du code de procédure civile: Disposition légale permettant à une partie de demander des mesures d’instruction avant tout procès – Mesures d’instruction: Mesures prises par un juge pour permettre la recherche de preuves avant un procès – Intérêt légitime: Intérêt légitime d’une partie à agir en justice pour protéger ses droits – Protection des droits d’auteur: Ensemble des mesures juridiques visant à protéger les créations intellectuelles – Base de données: Ensemble structuré de données protégé par le droit d’auteur ou le droit sui generis – Concurrence déloyale: Pratiques commerciales trompeuses ou déloyales visant à nuire à la concurrence – Parasitisme: Pratique consistant à profiter indûment de l’investissement d’un concurrent sans effort propre – Mesure de constat: Mesure judiciaire permettant de constater un fait ou une situation – Secret des affaires: Ensemble des informations confidentielles et stratégiques d’une entreprise protégées par la loi – Mots-clés génériques: Termes utilisés pour décrire un produit ou un service de manière générale – Circonscription dans le temps: Limitation temporelle d’une décision judiciaire ou d’une mesure – Circonscription dans l’objet: Limitation de l’objet d’une décision judiciaire ou d’une mesure – Atteinte au secret des affaires: Violation du secret des affaires protégé par la loi – Rétractation de l’ordonnance: Annulation d’une ordonnance par le juge qui l’a rendue – Restitution des documents: Obligation de restituer des documents saisis ou obtenus de manière illicite – Astreinte: Sanction financière imposée par le juge en cas de non-respect d’une décision judiciaire – Dépens: Frais de justice engagés par les parties dans le cadre d’une procédure judiciaire – Indemnité de l’article 700 du code de procédure civile: Indemnité versée par la partie perdante à la partie gagnante pour compenser ses frais de justice |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
1ère CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 22 MAI 2024
N° RG 23/04832 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NPMO
S.A.R.L. AQUITAINE HABITAT
c/
[S] [C]
SAS MAISONS DE LA COTE ATLANTIQUE – MCA
SELARL PHILAE
SELARL AJILINK [X]
Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 09 octobre 2023 par le tribunal judiciaire de BORDEAUX (RG : 23/00433) suivant déclaration d’appel du 27 octobre 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. AQUITAINE HABITAT agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 10] – [Localité 7]
Représentée par Me Henri ARAN de la SELARL FLORENCE DASSONNEVILLE – HENRI ARAN, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[S] [C]
né le 05 Février 1956 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 4] – [Localité 9]
SAS MAISONS DE LA COTE ATLANTIQUE – MCA- prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2] – [Localité 8]
Représentés par Me Anthony BABILLON de la SELARL ANTHONY BABILLON AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTES :
SELARL PHILAE, représentée par Me [I] [L], es qualité de mandataire judiciaire de la société AQUITAINE HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 6]
SELARL AJILINK [X], représentée par M. [O] [X], es qualité d’administrateur judiciaire de la société AQUITAINE HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 5]
Représentées par Me Henri ARAN de la SELARL FLORENCE DASSONNEVILLE – HENRI ARAN, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LOUWERSE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Paule POIREL
Conseiller : Mme Bérengère VALLEE
Conseiller : Mme Isabelle LOUWERSE magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier lors des débats : Mme Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
* * *
La SAS Maisons MCA est spécialisée dans la construction de maisons individuelles, son président étant M. [S] [C].
Par requête en date du 30 novembre 2022, exposant que M. [C] a créé un fichier de base de données à disposition de ses seuls collaborateurs afin de constituer les notices descriptives très formalistes des contrats de construction de maisons individuelles et avoir découvert que la Sarl Aquitaine Habitat, concurrente directe, utilisait le fichier de base de données créé par M. [C], ce qui constitue une atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle ainsi qu’un acte de concurrence déloyale et de parasitisme, M. [C] et la SAS Maisons MCA ont sollicité du président du tribunal judiciaire de Bordeaux l’autorisation de faire procéder à un constat, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Ils indiquent justifier d’un motif légitime à démontrer l’étendue de cette concurrence déloyale et conserver tous éléments de preuve pour l’action en justice à venir.
Par ordonnance rendue le 1er décembre 2022, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a désigné un huissier pour se rendre dans les locaux de la Sarl Aquitaine Habitat afin de rechercher, depuis le 20 mai 2010, tous dossiers, fichiers informatiques, documents, correspondances, y compris électroniques, en procédant à la recherche par mots-clés, prendre copie et dresser constat.
II a été procédé à cette mesure de constat le 10 janvier 2023.
Par actes du 23 février 2023, la Sarl Aquitaine Habitat a assigné M. [S] [C] et la S.A.S. Maisons MCA en référé devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux afin d’obtenir la rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 1er décembre 2022.
Par ordonnance du 9 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– rejeté les demandes de la Sarl Aquitaine Habitat,
– l’a condamnée à payer à M. [C] et la S.A.S. Maisons MCA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 27 octobre 2023, la Sarl Aquitaine Habitat a relevé appel de cette ordonnance.
Par ordonnance du 17 novembre 2023, l’affaire relevant de l’article 905 du code de procédure civile a été fixée pour être plaidée à l’audience de plaidoiries du 27 mars 2024, avec clôture de la procédure au 13 mars 2024.
Le 5 mars 2024, la Selarl Philae et la Selarl Ajilink-[X] sont intervenues volontairement à l’instance en qualités respectivement de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de la Sarl Aquitaine Habitat.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2023, la Sarl Aquitaine Habitat demande à la cour, sur le fondement des articles 145 et 700 du code de procédure civile, de :
– infirmer l’ordonnance de référé en date du 9 octobre 2023 rendue par M. le président du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu’elle a :
– rejeté les demandes de la société Aquitaine Habitat,
– condamné la société Aquitaine Habitat à payer à M. [C] et la SAS Maison MCA la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Aquitaine Habitat aux dépens.
En conséquence et statuant à nouveau,
A titre principal :
– rétracter l’ordonnance du 1er décembre 2022 rendue à la requête de la société LES Maisons MCA et de M. [S] [C] (n° RG : 22/1289) ;
– ordonner à la société LES Maisons MCA et à M. [S] [C] la restitution à la société Aquitaine Habitat de l’ensemble des documents et données informatiques ayant été copiées lors du constat de Me [F] [V] le 10 janvier 2023 et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, et se réserver la liquidation de ladite astreinte,
A titre subsidiaire :
– ordonner que l’ensemble des documents et données informatiques ayant été copiées lors du constat de Me [F] [V] le 10 janvier 2023 soient séquestrés entre ses mains,
– ordonner à la société Les Maisons MCA et à M. [S] [C] la restitution à la société Habitat Aquitaine de l’ensemble des documents et données informatiques ayant été copiés lors du constat de Me [F] [V] le 10 janvier 2023 et ce sous astreinte de 1.500,00 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, et se réserver la liquidation de ladite astreinte
En tout état de cause :
– condamner in solidum la SAS Les Maisons MCA et M. [S] [C] à verser à Aquitaine Habitat la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum la société Les Maisons MCA et M. [S] [C] aux dépens de l’instance.
Par ordonnance du 6 mars 2024, la présidente de la première chambre civile de la cour d’appel de Bordeaux a déclaré irrecevables en raison de leur tardiveté les conclusions d’intimés remises au greffe le 27 février 2024.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il est expréssément fait référence aux conclusions susvisées pour un exposé complet des prétentions et des moyens en fait et en droit développés par chacune des parties.
La Sarl Aquitaine Habitat a sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries auquel ne s’est pas opposé la SAS MCA et M. [C].
Il sera donné acte à la Selarl Philae et à la Selarl Ajilink [X] de leur intervention volontaire à l’instance en qualités de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de la Sarl AquitaineHabitat.
Aux termes de l’ordonnance entreprise, la demande de rétractation de l’ordonnance ayant autorisé sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile la SAS Maisons MCA et M. [C] à faire rechercher, depuis le 20 mai 2010, tous dossiers, fichiers informatiques, documents, correspondances, y compris électroniques, en procédant à la recherche par mots-clés, prendre copie et dresser constat a été rejetée.
Aux termes de l’article 493 du code de procédure civile, ‘L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse’.
L’article 145 du code de procédure civile dispose que « S’il existe un motif légitime de conserver oud’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
La Sarl Aquitaine Habitat estime que les conditions de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas réunies en l’absence d’intérêt légitime justifiant la mesure sollicitée, faisant valoir que le fichier litigieux, simple tableur Excel qui ne constitue pas un atout stratégique majeur, est une simple compilation de données et constitue un simple paramétrage d’un outil de calcul déjà existant à savoir le logiciel Excel et non une création originale propre à son auteur qui n’est pas protégé au titre des droits d’auteur et de la protection des bases de données.
La Sarl Aquitaine Habitat soutient ensuite que la demande n’est circonscrite ni dans le temps ni dans son objet, la requête visant une période de quasiment 13 années correspondant à l’intégralité de sa période d’activité, ayant été créée en 2010, et fait mention de termes qui sont génériques dans le secteur du bâtiment lui permettant d’accéder à l’ensemble des informations commerciales de la SAS Aquitaine Habitat. Elle considère donc que la demande de mesure d’instruction formée par la société Maisons MCA était parfaitement disproportionnée, la requérante disposant désormais de l’intégralité des données stratégiques de la société Aquitaine Habitat.
Les conclusions de la SAS Maisons MCA et M. [C] ayant été déclarées irrecevables, ceux-ci sont réputés, en application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, s’approprier les motifs de l’ordonnance entreprise.
Sur l’existence d’un motif légitime.
Pour qu’un motif soit légitime, le demandeur doit établir qu’un litige potentiel existe et qu’il a besoin, à ce titre, pour l’engagement éventuel d’une procédure judiciaire, d’éléments de preuve qui lui font défaut, l’article 145 du code de procédure civile n’exigeant pas que le demandeur établissent le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée. Le demandeur à la mesure d’instruction in futurum doit ainsi faire la preuve d’indices suffisamment objectifs ou sérieux, laissant présumer l’existence d’actes portant atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou d’actes de concurrence déloyale tels qu’invoqués dans la requête.
Il est exposé dans la requête que M. [C] a développé un fichier de base de données en vue de l’établissement de notices descriptives de CCMI et l’a régulièrement enrichi, que ce fichier est une oeuvre de l’esprit par son agencement original et le nombre de lignes conséquent et qu’elle a découvert en mars 2022, à la faveur d’une mise en concurrence avec celle-ci, que la SAS Aquitaine Habitat utilisait son fichier et que la notice descriptive de la Sarl Aquitaine Habitat était identique à la sienne, la requête contenant une analyse comparative des deux notices descriptives.
Le juge des référés, saisi de la demande de rétractation, a jugé qu’une base de données peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, en application de l’article L.l12-3 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que par les choix du créateur dans la construction de la base et l’organisation des données, elle constitue une création intellectuelle. La Sarl Aquitaine Habitat ne conteste pas utiliser cette base de données mais valoir que la base de données litigieuse ne peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, étant en réalité un simple fichier Excell créée et développé par Microsoft et non par M. [C] qui a réalisé un simple paramétrage du fichier permettant de calculer le coût total d’une construction, un tel fichier n’étant protégé ni au titre du droit d’auteur ni au titre de la protection d’une base de données.
Il ressort des pièces jointes à la requête et notamment des attestations de salariés de la SAS Maisons MCA ou de ses filiales qu’ils utilisent le tableur Excel créé par M. [C] pour calculer le coût des travaux dans le cadre des contrats de construction de Maisons individuelles, ce tableur, accessible aux seuls salariés et mis à jour chaque année, permettant un chiffrage rapide, lequel est décrit comme un outil performant et constituant un atout pour le travail quotidien.
Les motifs contenus dans la requête font également état d’actes de concurrence déloyale en soutenant que les fondateurs de la Sarl Aquitaine Habitat étaient salariés de la SAS Maisons MCA jusqu’à leur départ en 2008, ceux-ci ayant conservé et utilisé depuis lors le fichier de base de données ce qui est constitutif de concurrence déloyale et de parasitisme par le détournement du savoir faire de la SAS Maisons MCA, sans autorisation et sans bourse délier. La Sarl Aquitaine Habitat ne conteste pas ces éléments de fait, celle-ci soutenant que la base de données est obsolète et que ses fonctionnalités, à savoir un outil de calcul du coût total d’une construction en fonction des matériaux et de leur coût, se retrouvent dans d’autres fichiers, certains accessibles gratuitement sur Internet voire avec un simple tableur Excell, soutenant qu’aucun agissement constitutif de concurrence déloyale ne pouvant lui être reproché.
Il n’appartient pas à la cour statuant sur appel d’une ordonnance de référé de se prononcer sur le caractère protégeable au titre des droits d’auteur ou au titre de la protection d’une base de données, pas davantage que de rechercher si des actes de concurrence déloyale ont effectivement été commis par la Sarl Aquitaine Habitat. L’utilisation de la base de données mise en oeuvre par la SAS Maisons MCA non contestée par la SAS Aquitaine Habitat alors qu’une base de données est protégeable en application de l’article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle suffit, ainsi que l’a rappelé à juste titre le juge des référés, dès lors que par le choix ou la disposition des matières elle constitue une création intellectuelle, et l’acte de parasitisme allégué, à savoir l’utilisation par la SAS Aquitaine Habitat du savoir-faire de la SAS Maisons MCA sans son autorisation et sans bourse délier alors qu’elle est en concurrence directe sur le même secteur géographique ainsi que les pièces annexées à la requête, constituent des indices sérieux de l’existence d’actes de concurrence déloyale, étant justifié de la réalité d’un potentiel litige entre les deux sociétés. La mesure de constat sollicitée étant nécessaire pour établir les caractéristiques des outils de travail utilisés par la Sarl Aquitaine Habitat et l’utilisation éventuelle d’un tableur créé par M. [C] ainsi que le caractère protégeable de celui-ci, l’existence d’un motif légitime à la mesure sollicitée est ainsi établie.
Sur le caractère proportionné de la mesure ordonnée.
Il est reproché par la Sarl Aquitaine Habitat à l’ordonnance critiquée de ne pas être limitée dans le temps, la mesure couvrant toute la durée de vie de la société créée en 2010 ni dans son objet, étant fait mention de termes génériques dans le secteur du bâtiment permettant d’accéder à l’ensemble des informations commerciales de la société Aquitaine Habitat, ni proportionnée quant à la préservation du secret des affaires.
En l’espèce l’ordonnance autorise la SAS Maisons MCA à pratiquer à des recherches sur tous dossiers, éléments, documents, fichiers informatiques et correspondances y compris électroniques situés dans ou accessibles depuis lesdits locaux , établissements …
La recherche autorisée à compter du 20 mai 2010, date mentionnée dans la requête comme la date présumée à laquelle auraient débuté les actes de concurrence déloyale et dans l’ordonnance entreprise comme celle à laquelle des salariés auraient quitté la SAS Maisons MCA pour rejoindre la Sarl Aquitaine Habitat, jusqu’au jour du constat, porte en toute hypothèse sur toute la durée de vie de la SAS Aquitaine Habitat immatriculée le 20 mai 2010, ce qui équivaut à une absence de circonscription dans le temps.
Par ailleurs, la recherche est autorisée sur la base de mots-clés génériques dans le secteur du bâtiment tels que ‘travaux à réaliser selon normes DTU”récapitulatif’, ‘descriptif’… Ces mots-clés nécessairement présents dans tous les contrats de construction de maison individuelle ne peuvent que conduire à accéder à l’ensemble des documents préparatoires des contrats de construction de Maisons individuelles réalisés par la SAS Maisons MCA avec chacun de ses clients et à la totalité des notices descriptives, ce dont il s’ensuit que la mesure n’est pas limitée quant à son objet, la présence des noms de certains clients ne permettant pas de limiter l’impact de la mesure, la présence d’un seul mot-clé permettant la copie du fichier et de la notice descriptive et ce, d’autant plus que la recherche porte sur tous documents et notamment l’ensemble des fichiers informatiques et correspondances y compris électroniques et non sur les seules notices descriptives dont il est soutenu par les requérants qu’elles sont établies au moyen du tableur créé par M. [C].
En conséquence, la mesure d’instruction ordonnée n’est pas suffisamment circonscrite ni dans le temps ni quant à son objet et s’apparente à une mesure générale d’investigation pouvant entraîner une atteinte aux secret des affaires par la communication de documents protégés à ce titre par l’article L151-1 du code de commerce, excédant ainsi les prévisions de l’article 145 du code de procédure civile en sorte qu’elle n’est pas admissible. La demande de rétractation est donc bien fondée. L’ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance.
Il sera statué à nouveau, l’ordonnance devant être rétractée. Il sera en conséquence fait droit à la demande de la Sarl Aquitaine Habitat tendant à voir ordonnée la restitution des documents et données informatiques copiés lors du constat sous astreinte tel qu’il sera précisé au dispositif suivant.
Sur les mesures accessoires.
Partie perdante, la SAS MCA et M. [C] seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel. L’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a condamné la SAS Aquitaine Habitat au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La SAS Maisons MCA et M. [C] seront condamnés au paiement d’une somme de 1500 euros à intimé sur ce fondement.
La Cour,
Ordonne le rabat de l’ordonnance de clôture au jour de l’audience de plaidoiries,
Donne acte à la Selarl Philae et à la Selarl Ajilink [X] de leur intervention volontaire à l’instance en qualités de mandataire judiciaire et d’administrateur judiciaire de la Sarl Aquitaine Habitat,
Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ordonne la rétractation de l’ordonnance rendue le 1er décembre 2022 à la requête de la SAS Maisons MCA et de M. [S] [C],
Ordonne à la SAS Maisons MCA et à M. [C] de restituer à la Sarl Aquitaine Habitat l’ensemble des documents et données informatiques copiés lors du constat de Me [F] [V] le 10 janvier 2023 et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant un mois,
Condamne la SAS Maisons MCA et M. [S] [C] à payer à la Sarl Aquitaine Habitat une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Maisons MCA et M. [S] [C] aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Mme Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,