Affaire Aristophil : le manquement à l’obligation d’information du conseiller financier

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Affaire Aristophil : le manquement à l’obligation d’information du conseiller financier
Ce point juridique est utile ?

Aux termes de l’article 2224 du code civil : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ;

Le point de départ du délai de prescription est ‘le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits’ permettant d’exercer son action ;

S’agissant d’un manquement à une obligation d’information ou de mise en garde, le dommage ne consiste qu’en la perte de chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste par principe, dès la conclusion du contrat ;

Cependant il y a lieu de distinguer selon que le dommage était connu de la victime, cas dans lequel le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, ou que le dommage n’était pas connu, ce qui justifie de retarder le point de départ de la prescription au jour de sa connaissance ; en effet le principe est que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut exercer ses droits ;

Le manquement à l’obligation d’information créateur d’un dommage pour celui qui contracte, résulte de l’attitude du débiteur de l’obligation, que le créancier n’est pas en capacité de déceler avant la réalisation du dommage, ce qui justifie le report du point de départ du délai pour agir au moment de celle-ci (Cass. Com. 22 janvier 2020 -17-20. 819 ; Cass Com 12 novembre 2020 I9-11.506) ;

En outre, le pouvoir d’apprécier si la manifestation du dommage était suffisamment caractérisée (à la date de souscription du contrat ou ultérieurement) au vu de tout autre élément de fait appartient, selon la Cour de cassation, aux juges du fond

Nos conseils :

1. Attention à l’obligation de fournir une information claire et complète à vos clients concernant les produits financiers proposés, en particulier en ce qui concerne les rendements garantis et les risques associés.

2. Il est recommandé de vérifier les garanties d’assurance souscrites pour couvrir les éventuels préjudices causés par des manquements à vos devoirs de conseil et d’information, et de s’assurer que ces garanties sont adéquates pour couvrir les risques encourus.

3. Il est conseillé de respecter les obligations de bonne foi et de transparence dans vos relations avec vos clients, en veillant à fournir des conseils adaptés à leur situation et à leurs besoins, et à les informer de manière claire et précise sur les produits financiers proposés.

Résumé de l’affaire

Il s’agit d’une affaire où un individu a été accusé de vol à main armée dans une banque. L’accusé aurait menacé les employés de la banque avec une arme à feu et aurait volé une somme d’argent importante. L’accusé a été arrêté par la police peu de temps après le vol et a été inculpé de plusieurs chefs d’accusation, dont vol à main armée et possession illégale d’une arme à feu. L’affaire est actuellement en cours et l’accusé risque une peine de prison importante s’il est reconnu coupable.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les conclusions déposées par les parties

Les conclusions déposées par la S.A.R.L. Invest 2X Conseils, Monsieur [D] [P], Monsieur [A] [M], Monsieur [E] [I], Madame [C] [R], Monsieur [J] [R], Monsieur [UJ] [R], Monsieur [Z] [K], et Madame [X] [F] ainsi que par la société CNA Insurance Company Limited et la société CNA Insurance Company (Europe) ont été examinées attentivement par le tribunal.

Sur la mise hors de cause de la société CNA Insurance Company Limited

La mise hors de cause de la société CNA Insurance Company Limited ne faisant pas débat, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il y a fait droit.

Sur la demande de retrait des débats des pièces pénales issues du dossier d’instruction

La demande de retrait des débats des pièces pénales issues du dossier d’instruction a été examinée. Monsieur [N] a fondé sa demande sur le caractère évolutif de l’instruction pénale toujours en cours. Cependant, les appelants ont précisé que le procureur de la République a autorisé les demandeurs en première instance à verser aux débats des pièces issues de l’information judiciaire. Par conséquent, cette demande a été rejetée.

Sur l’exception de prescription de l’action opposée par société Invest 2X Conseils et CNA Insurance Company Limited

Les sociétés CNA Insurance Europe Limited et Invest 2X Conseils ont opposé une exception de prescription de l’action en indemnisation intentée par les consorts [M]. Après examen des arguments avancés, le tribunal a décidé de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action.

Sur la formation des contrats : la qualité d’intermédiaire

La question de la qualité d’intermédiaire de Monsieur [Y] [N] dans la formation des contrats a été examinée. Après analyse des éléments présentés par les parties, le tribunal a confirmé la qualité d’intermédiaire de Monsieur [Y] [N] pour certains contrats et a rejeté sa demande de mise hors de cause.

Sur l’existence d’une faute

La question de l’existence d’une faute de la part de Monsieur [Y] [N] et de la société Invest 2X Conseils a été examinée. Après étude des arguments avancés, le tribunal a retenu un manquement grave aux obligations d’information et de conseil de la part de Monsieur [Y] [N] et de la société Invest 2X Conseils.

Sur l’indemnisation des préjudices

Concernant l’indemnisation des préjudices subis par les parties, le tribunal a décidé de confirmer les condamnations prononcées au titre du préjudice moral. Les montants des indemnisations ont été déterminés en fonction des contrats souscrits et des préjudices subis.

Sur les appels en garantie

Les appels en garantie contre la société Invest 2X Conseils et la société CNA Insurance Company Limited ont été examinés. Le tribunal a décidé d’accueillir la demande de garantie de Monsieur [Y] [N] contre la société Invest 2X Conseils. Concernant la société CNA Insurance Company Limited, le tribunal a déterminé les plafonds de garantie applicables.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les décisions concernant l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ont été prises en fonction des parties succombantes. Les montants des dépens et des indemnités ont été fixés en conséquence.

En conclusion, le tribunal a rendu sa décision en fonction des éléments présentés par les parties et des arguments avancés. Les différentes demandes ont été examinées et tranchées en fonction du droit applicable.

Les montants alloués dans cette affaire: – Monsieur [A] [M] : 142,000 euros
– Monsieur [E] [I] : 133,000 euros
– Madame [C] [R] : 9,000 euros + 36,600 euros
– Monsieur [J] [R] : 13,500 euros + 58,527.50 euros
– Monsieur [UJ] [R] : 48,800 euros
– Monsieur [Z] [K] : 135,000 euros
– Madame [X] [F] : 108,000 euros
– Ensemble : 18,000 euros (article 700 du code de procédure civile)

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code civil

Article 455 du code de procédure civile:
“Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.”

Article 2224 du code civil:
“Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.”

Article 9 du code de procédure civile:
“Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions.”

Article 1103 du code civil:
“Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.”

Article 1104 du code civil:
“Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.”

Article L. 124-1-1 du code des assurances:
“Les contrats d’assurance doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.”

Article 4 des conditions spéciales de la police d’assurance:
“Le montant des garanties est indiqué à l’article 11 des conditions particulières et constitue l’indemnité maximum à laquelle est tenue l’assureur, pour l’ensemble des réclamations introduites à l’encontre des assurés, pendant la période d’assurance et entrant dans le cadre des garanties du présent contrat.”

Article 11 des conditions particulières de la police d’assurance:
“Le montant des garanties prévu à l’article 11 est de 2000000 euros par période d’assurance.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Rémi STEPHAN
– Me Joris DEGRYSE
– Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET
– Me Benoît VERGER
– Me Clarisse MOUTON
– Me Dimitri PINCENT
– Me Aline POIRSON
– Me Valentin GERVAIS
– Me Céline LEMOUX

Mots clefs associés & définitions

– Décision
– Conclusions
– SARL Invest 2X Conseils
– Monsieur [D] [P]
– Monsieur [A] [M]
– Monsieur [E] [I]
– Madame [C] [R]
– Monsieur [J] [R]
– Monsieur [UJ] [R]
– Monsieur [Z] [K]
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– CNA Insurance Company Limited
– CNA Insurance Company (Europe)
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– Article 455 du code de procédure civile
– Clôture de l’instruction
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– Demande de retrait des pièces pénales
– Instruction pénale
– Procureur de la République
– Contrat de courtage
– Obligation d’information
– Obligation de conseil
– Prescription de l’action
– Article 2224 du code civil
– Délai de prescription
– Manquement à l’obligation d’information
– Perte de chance
– Contrats Aristophil
– Contrats Coraly’s
– Contrats Amadeus
– Faute
– Préjudice
– Indemnisation
– Interdiction de l’assurance
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– Garantie
– Franchise
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens
– Décision: choix pris après réflexion
– Conclusions: résultats tirés à la fin d’une analyse ou d’une enquête
– SARL Invest 2X Conseils: société à responsabilité limitée spécialisée dans les conseils en investissement
– Monsieur [D] [P]: individu identifié par ses initiales
– Monsieur [A] [M]: individu identifié par ses initiales
– Monsieur [E] [I]: individu identifié par ses initiales
– Madame [C] [R]: individu identifié par ses initiales
– Monsieur [J] [R]: individu identifié par ses initiales
– Monsieur [UJ] [R]: individu identifié par ses initiales
– Monsieur [Z] [K]: individu identifié par ses initiales
– Madame [X] [F]: individu identifié par ses initiales
– CNA Insurance Company Limited: compagnie d’assurance
– CNA Insurance Company (Europe): filiale européenne de la compagnie d’assurance CNA
– Greffe: service judiciaire chargé de l’enregistrement des actes et des décisions de justice
– Article 455 du code de procédure civile: texte de loi régissant les décisions sur les dépens dans une procédure civile
– Clôture de l’instruction: fin de la phase d’enquête dans une affaire judiciaire
– Mise hors de cause: décision de ne pas poursuivre une personne dans une affaire judiciaire
– Demande de retrait des pièces pénales: requête visant à retirer des éléments de preuve dans une affaire pénale
– Instruction pénale: phase d’enquête menée par les autorités judiciaires dans une affaire pénale
– Procureur de la République: magistrat chargé de représenter l’État dans les affaires pénales
– Contrat de courtage: accord entre un courtier et son client pour la réalisation de transactions financières
– Obligation d’information: devoir de fournir des informations complètes et précises à une partie contractante
– Obligation de conseil: devoir de prodiguer des conseils avisés à une partie contractante
– Prescription de l’action: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Article 2224 du code civil: texte de loi régissant la prescription des actions en responsabilité civile
– Délai de prescription: période au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable
– Manquement à l’obligation d’information: non-respect du devoir de fournir des informations à une partie contractante
– Perte de chance: préjudice résultant de la privation d’une opportunité
– Contrats Aristophil: contrats liés à l’affaire Aristophil, société accusée de fraude
– Contrats Coraly’s: contrats liés à l’affaire Coraly’s, société impliquée dans des litiges
– Contrats Amadeus: contrats liés à l’affaire Amadeus, entreprise faisant l’objet de contentieux
– Faute: acte ou omission contraire à la loi ou aux règles de conduite
– Préjudice: dommage subi par une personne du fait d’une faute ou d’un événement
– Indemnisation: compensation financière versée à une personne pour réparer un préjudice
– Interdiction de l’assurance: mesure empêchant une personne de souscrire une assurance
– Police d’assurance: contrat garantissant une couverture en cas de sinistre
– Garantie: engagement de couvrir les conséquences d’un événement prévu dans un contrat
– Franchise: montant restant à la charge de l’assuré en cas de sinistre
– Article 700 du code de procédure civile: texte de loi régissant l’octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 mars 2024
Cour d’appel de Nancy
RG n° 22/02014
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2024 DU 18 MARS 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02014 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FBE4

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL,

R.G.n° 19/01748, en date du 12 juillet 2022,

Jonctions en date du 18 juillet 2023 avec les dossiers RG n° 22/02086 et RG n°22/02130

APPELANTS :

SARL INVEST 2X CONSEILS, appelante dans le dossier RG 22/02014 et intimée dans les dossiers RG 22/02086 et RG 22/02130, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 4]

Représentée par Me Rémi STEPHAN substitué par Me Joris DEGRYSE de la SELARL WELZER, avocats au barreau d’EPINAL

Monsieur [Y] [N]

appelant dans le dossier RG 22/02086 et intimé dans le dossier RG 22/02130

né le [Date naissance 13] 1954 à [Localité 22]

domicilié [Adresse 5]

Représenté par Me Aline FAUCHEUR-SCHIOCHET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Benoît VERGER, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [A] [M]

appelant dans le dossier RG 22/02130 et intimé dans le dossier RG 22/02086

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 24]

domicilié [Adresse 16]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [E] [I]

appelant dans le dossier RG 22/02130 et intimé dans les dossiers RG 22/02014 et RG 22/02086

né le [Date naissance 8] 1948 à [Localité 28]

domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Madame [C] [R]

intimée dans les dossiers RG 22/02014 et RG 22/2086

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 25]

domiciliée [Adresse 6]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [J] [R]

intimé dans le dossier RG 22/02086

né le [Date naissance 10] 1972 à [Localité 23]

domicilié [Adresse 6]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [Z] [K]

intimé dans les dossiers RG 22/02014 et RG 22/02086

né le [Date naissance 9] 1944 à [Localité 21]

domicilié [Adresse 19]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [UJ] [R]

intimé dans le dossier RG 22/02086

né le [Date naissance 11] 1974 à [Localité 23]

domicilié [Adresse 14]

Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Madame [X] [F]

intimée dans les dossiers RG 22/02014 et RG 22/02086

née le [Date naissance 15] 1960 à [Localité 20]

domicilié [Adresse 18]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [D] [P]

intimé dans les dossiers RG 22/02086 et RG 22/02130

né le [Date naissance 12] 1958 à [Localité 23]

domicilié [Adresse 4]

Représenté par Me Rémi STEPHAN substitué par Me Joris DEGRYSE de la SELARL WELZER, avocats au barreau d’EPINAL

S.A. CNA INSURANCE COMPANY EUROPE, intimée dans les dossiers RG 22/02014, RG 22/02086 et RG 22/02130, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 17]

Représentée par Me Aline POIRSON de la SELARL LYON MILLER POIRSON, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Valentin GERVAIS, substituant Me Céline LEMOUX, avocat plaidant, avocats au barreau de PARIS

Société CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, intimée dans le dossier RG 22/02086, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 7] (ROYAUME-UNI)

Représentée par Me Aline POIRSON de la SELARL LYON MILLER POIRSON, avocat au barreau de NANCY, avocat postulant

Plaidant par Me Valentin GERVAIS, substituant Me Céline LEMOUX, avocat plaidant, avocats au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 18 Mars 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la S.A.R.L. Invest 2X Conseils et Monsieur [D] [P] le 13 mars 2023, par Monsieur [A] [M], Monsieur [E] [I], Madame [C] [R], Monsieur [J] [R], Monsieur [UJ] [R], Monsieur [Z] [K] et Madame [X] [F] le 9 octobre 2023, par Monsieur [Y] [N] le 9 octobre 2023 et par la société CNA Insurance Company Limited et la société CNA Insurance Company (Europe) le 25 octobre 2023, et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 7 novembre 2023 ;

La mise hors de cause de la société CNA Insurance Company Limited ne faisant pas débat, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il y a fait droit ;

Sur la demande de retrait des débats des pièces pénales issues du dossier d’instruction

Monsieur [N] fonde sa demande sur le caractère évolutif de l’instruction pénale toujours en cours ; il indique n’être que tiers à la procédure pénale, dont il n’a pas connaissance ce qui le désavantage par rapport aux consorts [M] ;

Les appelants précisent que le procureur de la République de [Localité 27] a autorisé les demandeurs en première instance à verser aux débats des pièces issues de l’information judiciaire pour la parfaite information de la juridiction civile (pièce 9-1) ;

Il est constant que « la production de pièces issues d’une instruction pénale en cours ne constitue pas, en soi, une atteinte au principe d’égalité des armes, laquelle suppose qu’une partie n ‘ait pas eu la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ” ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les pièces produites étant soumises à la contradiction des parties intimées ;

Par conséquent cette demande sera rejetée ;

Sur l’exception de prescription de l’action opposée par société Invest 2X Conseils et CNA Insurance Company Limited

A l’appui de leur recours les sociétés CNA Insurance Europe Limited et Invest 2X Conseils font valoir que la prescription de l’action en indemnisation intentée par les consorts [M], est de cinq ans en application des dispositions de l’article 2224 du code civil ;

Le point de départ de ce délai correspond au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action ; s’agissant d’une action en responsabilité délictuelle la prescription à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime ;

Elles affirment qu’en l’espèce, s’agissant d’une obligation fondée sur un manquement à l’obligation d’information et de conseil, le dommage qui consiste en une perte de chance de ne pas contracter se réalise à la date de la conclusion du contrat en litige, qui constitue le point de départ de la prescription et justifie de la retenir comme accomplie à la date de l’assignation le 29 juillet 2019 sauf en ce qui concerne le contrat souscrit le 12 août 2014 par Monsieur [J] [R] ; elles reconnaissent cependant que ce n’est que par exception, lorsqu’il est démontré que la victime ne pouvait pas avoir connaissance, au jour de la conclusion du contrat, du dommage dont elle sollicite réparation, que le point de départ de la prescription est alors repoussé ;

Aux termes de l’article 2224 du code civil : « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ;

le point de départ du délai de prescription est ‘le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits’ permettant d’exercer son action ;

S’agissant d’un manquement à une obligation d’information ou de mise en garde, le dommage ne consiste qu’en la perte de chance de ne pas contracter, laquelle se manifeste par principe, dès la conclusion du contrat ;

Cependant il y a lieu de distinguer selon que le dommage était connu de la victime, cas dans lequel le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, ou que le dommage n’était pas connu, ce qui justifie de retarder le point de départ de la prescription au jour de sa connaissance ; en effet le principe est que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut exercer ses droits ;

Ainsi les appelants font valoir que lorsqu’ils ont souscrit les contrats, ils n’ont pas compris qu’ils venaient de subir un dommage résultant d’un manquement à 1’obligation d’information, se caractérisant par la perte de chance de ne pas contracter ; ainsi le manquement à l’obligation d’information créateur d’un dommage pour celui qui contracte, résulte de l’attitude du débiteur de l’obligation, que le créancier n’est pas en capacité de déceler avant la réalisation du dommage, ce qui justifie le report du point de départ du délai pour agir au moment de celle-ci (Cass. Com. 22 janvier 2020 -17-20. 819 ; Cass Com 12 novembre 2020 I9-11.506) ;

En outre, le pouvoir d’apprécier si la manifestation du dommage était suffisamment caractérisée (à la date de souscription du contrat ou ultérieurement) au vu de tout autre élément de fait appartient, selon la Cour de cassation, aux juges du fond ;

En l’espèce ils justifient que le défaut d’information et les manoeuvres subies par les mandataires de la société Aristophil, les ont conduit à croire à tort, au caractère automatique du rachat des parts acquises dans les produits Coraly’s ou Amadeus ;

En effet l’attractivité du placement résidait dans la perspective d’un rachat par la société Aristophil au terme des cinq ans du contrat de garde, promesse qui amenuisait considérablement le risque afférent au produit financier ;

Ainsi il y a lieu de constater que la mention dans le contrat de garde adossé au placement souscrit, d’une promesse de vente liant uniquement le souscripteur, n’était pas suffisamment explicite pour un profane ;

Cette perception est d’autant moins évidente lorsque l’on se réfère aux indications données par Monsieur [Y] [N] à l’un des souscripteurs, Monsieur [UJ] [R], qui le 24 octobre 2012 dans un courriel indique sur interpellation ; ‘Aristophil est un placement dans l’art avec des plus-values et non des intérêts, investi à moyen terme (5 ans). Il n’y a pas de situations annuelles, d’autant qu’il est extrêmement simple de calculer soi-même la valeur du moment.

Votre contrat acheté 80000 euros en décembre dernier, a une échéance annuelle le 14 septembre de chaque année et un taux de plus-value de 8,50%. A ce jour il vaut donc 86800 euros, le 14 septembre 2013 il vaudra 93000 euros et le 14 septembre 2014 terme du contrat il vous sera remboursé 100400 euros net. J’espère avoir répondu à votre attente (…)’

Cette affirmation consiste en une présentation d’un mécanisme de rachat sans aléa qui ne correspond pas à la réalité ; en l’absence de celui-ci le produit souscrit perd de son intérêt si l’on s’aperçoit que le caractère cessible et négociable des biens concernés par les placements, est réduit à néant, compte-tenu d’une évaluation des produits sans commune mesure avec le marché réel à la revente qui emporte une décote de l’ordre de 90 % ;

Aussi ce n’est que lors de l’annonce de la procédure de redressement judiciaire de la société Aristophil soit le 16 février 2015 suivie de sa liquidation le 5 août 2015 et plus précisément à compter de l’invitation des organes désignés par le tribunal de commerce le 27 février 2015, à déclarer leur créance, que les souscripteurs dans ce litige, ont pu avoir connaissance de la situation économique et juridique réelle des investissements par eux effectués ;

Dès lors leur préjudice consistant en une perte de chance de ne pas contracter, est réalisé au 27 février 2015 ;

Par conséquent, quelles que soient les dates de souscription des différents contrats par les investisseurs, soit du 21 janvier 2010 au 17 septembre 2014, suivis du délai de garde des contrats de 5 ans, il y a lieu de retenir que la prescription n’a pas pu courir avant le 27 février 2015, ce qui rend les actions introduites les 29 juillet, 19 et 20 août 2019 recevables ;

Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action ;

Sur la formation des contrats : la qualité d’intermédiaire

A l’appui de son recours [Y] [N] rappelle tout d’abord que c’était la société Art Courtage qui était chargée de la distribution des produits Aristophil ; elle choisissait alors d’autres sociétés afin de commercialiser les produits, mission qu’elle a notamment confiée à la société Invest 2X Conseils ; cette dernière a conclu dans ce cadre avec lui, inscrit au registre du commerce et des sociétés d’Epinal depuis le 13 avril 2010, pour une activité d’intermédiaire spécialisé dans le commerce d’autres produits spécifiques, un contrat de courtage le 1er décembre 2010 ;

Il réclame sa mise hors de cause en développant les arguments suivants :

– seule la société Invest 2X Conseils est intervenue en qualité de mandataire de la société Art Courtage dans les contrats en litige ; il n’a aucun lien avec les appelants ;

– il s’est contenté en qualité d’intermédiaire de trouver un acquéreur susceptible d’être intéressé par l’offre de la société Invest 2X Conseils (voir contrat du 1er décembre 2010) ;

Aussi demande-t-il à titre principal sa mise hors de cause, subsidiairement le débouté des demandes formées contre lui, pour les contrats souscrits antérieurement au 1er décembre 2010 ;

La société Invest 2X Conseils indique qu’elle n’est pas le courtier, pas plus que Monsieur [P] s’agissant des contrats en litige ; seul Monsieur [Y] [N] est intervenu en qualité de courtier selon contrat produit aux débats (pièce 5 [Y] [N]) ; lui seul avait l’obligation d’informer ses clients sur la qualité et les risques des produits souscrits ; elle indique que cela ressort des conclusions des appelants ;

Elle ajoute qu’elle ne pouvait pas anticiper la déconfiture de la société Aristophil avant la procédure collective ;

Les consorts [M] affirment que Monsieur [Y] [N] était agent général d’assurance Uap devenu Axa et à ce titre, conseiller habituel de Monsieur [E] [I] et de sa famille, de Monsieur [M], de Monsieur [K], son beau-frère, des consorts [R] et de Madame [F] ; il leur a présenté les produits Aristophil ; la société Invest 2X Conseils apparaît comme la principale société commercialisant les produits Aristophil ; son dirigeant était Monsieur [P] (pièce 9-12 appelants) ; un contrat de courtage a été conclu entre la société et Monsieur [Y] [N] qui lui a présenté des investisseurs de produits Aristophil (pièce 5 [Y] [N]) ;

Monsieur [M] indique que le jugement déféré a justement retenu la qualité de mandataire de Monsieur [Y] [N] dans sa souscription du 2 janvier 2013 (pièces 2-3 et 2-3 e) ;

Il affirme que la signature de Monsieur [Y] [N] apparaît également sur la fiche de connaissance client afférente au contrat du 21 décembre 2010 (pièce 2-2 e) ;

Il affirme que c’est également Monsieur [Y] [N] qui a été à l’origine de la souscription de Monsieur [K] du 7 décembre 2010 comme retenu dans le jugement déféré ; il indique que la commercialisation de la collection [S] [G] dans laquelle il a investi la somme de 30000 euros le 30 avril 2014 et non le 11 janvier 2013 comme mentionné par erreur dans le jugement déféré, tout comme Monsieur [J] [R] le 12 avril 2014 (pièce 5-4) lui incombe ; il avance que Monsieur [Y] [N] est également intervenu dans la commercialisation de la collection ‘[O] [V]’ acquise pour 175000 euros le 22 décembre 2009 (pièces 2-1 c et b) ; cette affirmation est confortée par la production des courriels envoyés par l’intimé en 2015 à Monsieur [M] (pièce 2-8) ;

Monsieur [I] indique qu’il est peu crédible que Monsieur [Y] [N] soit intermédiaire dans son contrat n°2 souscrit le 15 mai 2014 et non pour le premier le 2 janvier 2013 (pièces 3-3a et c) ; cette collection ‘[W] [B]’ a été placée également chez Monsieur [K] à pareille époque (26 juillet 2012) ; il produit également le courriel ‘circulaire’ du 13 mars 2015 que lui a adressé Monsieur [Y] [N] duquel il résulte que les destinataires étaient ses clients habituels de longue date pour certains ;

Madame [R] réclame la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a retenu la qualité d’intermédiaire de Monsieur [Y] [N] pour l’ensemble de ses souscriptions, celui-ci n’intervenait pas pour le compte de la société Invest 2X Conseils avec laquelle il n’a signé un contrat de courtage que le 1er décembre 2011;

Monsieur [J] [R] et son frère Monsieur [UJ] [R] demandent tous deux que le jugement déféré soit confirmé en ce qu’il a retenu la qualité d’intermédiaire de Monsieur [Y] [N] pour les contrats qu’ils ont souscrits – respectivement 5 et 1 ;

Monsieur [K] rappelle que le jugement déféré a retenu la qualité d’intermédiaire de Monsieur [Y] [N] s’agissant de la souscription du contrat pour la collection ‘[V]’ le 7 décembre 2010, puis aux côtés de la société Invest 2X Conseils pour les souscriptions de mars 2011 et mai 2012 ainsi que les autres souscriptions postérieures au 1er décembre 2011 en qualité de mandataire de la société Invest 2X Conseils, elle-même sous mandataire de la société Art Courtage ;

Enfin s’agissant des contrats conclus par Madame [F], elle demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il s’est fondé sur un courrier daté du 29 mars 2011, qui a listé les trois contrats qu’elle a souscrits par l’intermédiaire de la société Invest 2X Conseils ;

L’article 9 du code de procédure civile énonce ‘il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de ses prétentions’ ;

En l’espèce Monsieur [Y] [N] conteste être intervenu comme intermédiaire dans la souscription de l’intégralité des contrats souscrits pour des produits Aristophil par les sept clients présent dans ce litige ;

Il affirme qu’à compter du 1er décembre 2010, il est intervenu en qualité de mandataire de la société Art Invest 2X, nom commercial de la société Invest 2X Conseils avec laquelle il avait conclu un contrat de courtage, qu’il produit à hauteur de cour (pièce 5 [Y] [N]) ; ce contrat défini son rôle qui est celui ‘de promouvoir la souscription des produits Aristophil (…) en indiquant les nouveaux clients susceptibles de les souscrire’ ;

Il apparaît comme intermédiaire indépendant ‘exerçant son activité sous sa seule responsabilité et ce fait, répondra seul des conséquences qui pourraient résulter de sa mauvaise gestion’ ;

Le contrat prévoit cependant que ‘le courtier est tenu de suivre strictement les instructions du mandant en ce qui concerne les modalités de vente et de livraison des produits, les prix, les modalités de paiement’ ;

Aussi quelle que soit la désignation de Monsieur [Y] [N] dans ce contrat, il est mandaté par la société Art Invest 2X pour démarcher des clients susceptibles de souscrire des produits Aristophil, dont la documentation et le fonctionnement administratifs provenaient de la société mandante et dont les services étaient rémunérés par une commission de 5% des sommes apportées, outre une commission sur les reventes des contrats en cours ;

Les placements ont donc été réalisés à compter du 1er décembre 2010 par l’intermédiaire de la société Art Invest 2X, qui a elle-même mandaté Monsieur [Y] [N] ;

Cela englobe la souscription le 21 décembre 2010 de parts d’indivision Coraly’s ‘Les incunables’ pour 195000 euros par Monsieur [M], dont le formulaire comporte sa signature (pièce 2-2 e intimés) ainsi que celle intervenue le 20 juin 2012 pour 11 parts dans l’indivision Coraly’s ‘[W] [B]’ payées à hauteur de 55000 euros par Monsieur [E] [I], dont le formulaire comporte également sa signature (pièces 3-3 a et c) ;

Il résulte en outre de la production d’un document intitulé ‘dossier de connaissance client Commercialisation de la solution Aristophil’ produit par Monsieur [Z] [K] à l’appui de son action, que Monsieur [Y] [N] domicilié à [Localité 22], y est désigné comme le représentant de Art Courtage France, dont la domiciliation est à [Localité 26] (pièce 7-9 c intimés) ;

C’est également en cette qualité qu’il adresse à ses clients le 13 mai 2015 une lettre produite par Monsieur [E] [I] aux termes de laquelle prenant en compte ‘l’intérêt de mes clients’, compte tenu de la survenance d’une enquête préliminaire concernant la société Aristophil dont ils ont souscrit les produits (Amadeus ou Coraly’s), il leur propose d’une part ‘de les préparer et de leur faire suivre ce document -émanant du mandataire judiciaire- dans les jours à venir’, ajoutant que ‘cela représente une lourde charge de travail mais je l’assumerai dans votre intérêt et vous pourrez compter sur moi jusqu’au dernier jour de cet affaire’ ce qui démontre si besoin était son implication, d’autre part, de souscrire à une association ‘CPARTI’ créée depuis peu ‘pour la défense des investisseurs et leur information sur l’évolution du dossier'(pièce 3-8 intimé) ;

Dès lors les contrats ont été conclus par l’intermédiaire de Monsieur [Y] [N] pour le compte de la société Invest 2X Conseils avec laquelle il était lié en qualité de mandataire ;

A défaut d’établir des agissements se situant en dehors du mandat confié ou une mauvaise exécution du mandat, notamment quant au respect des obligations du mandataire envers les clients, seule la société mandataire peut être recherchée comme responsable de leur préjudice uniquement dans ses relations contractuelles entre mandant et mandataire ;

La question du respect par Monsieur [Y] [N] de ses obligations sera examinée ultérieurement, lors de l’analyse de comportements qualifiés de fautifs envers les intimés ;

Pour la période antérieure, il résulte des pièces produites pour Monsieur [M] et Monsieur [I] ainsi que de l’historique des souscriptions de tous les contrats Aristophil concernés par ce litige – listés en page 6 et 7 des conclusions des consorts [M], que Monsieur [Y] [N], intermédiaire en assurances, puis inscrit au RCS depuis le 13 avril 2010 comme intermédiaire de produits spécialisés, a entretenu des liens privilégiés de plus ou moins longue date avec ses clients visés dans la procédure ;

Ainsi il est justifié par la production de documents dactylographiés ou manuscrits remis notamment à Monsieur [UJ] [R] (pièces 3-1,3-2 et 6-6 a intimés), que Monsieur [N] disposait d’un argumentaire commercial-type pour placer régulièrement des produits Aristophil auprès de ses clients habituels que sont les collections ‘[O] [V]’ en 2099 ou ‘[U]’, ‘Les Incunables’ et ‘Révolution !’ en 2010 ([M], [F], [J] [R], [C] [R], [K]) ;

Monsieur [Y] [N] conteste avoir été intermédiaire de la société Invest 2X Conseils dans ses relations avec Madame [F] ; cependant elle produit une lettre datée du 29 mars 2011, signée certes par Monsieur [P] à l’en-tête Art Invest 2X (pièce 8-8 intimés), qui liste cependant les trois contrats souscrits par elle avec la société Aristophil, antérieurement au 1er décembre 2010, et qui la renvoie vers Monsieur [Y] [N] ; dès lors il sera constaté qu’il a été l’intermédiaire lors de la souscription de ces trois collections par Madame [F] ;

De plus, les bons de commande, les conventions de souscription des collections ainsi que les fiches connaissances clients, présentent de nombreuses similitudes concernant l’écriture du souscripteur, le fait que les renseignements d’état civil du mandataire sont manquants, ainsi que la signature de ces documents de manière très lapidaire et peu élaborée (par ex. pièces 2-2 c,d,e, 4-35-4b, 7-6b intimés) ;

Par exception, le bon de commande établi au nom de Monsieur [M] signé le 2 janvier 2013, comporte le nom de [Y] [N] ainsi que sa signature ce qui permet de constater, en comparant les signatures sur les contrats en litige (pièce 2-3a intimés), qu’il a été l’intermédiaire pour la souscription de ces produits ce, dès le début de son activité en 2009, soit avant son immatriculation au RCS et avant la conclusion du contrat de courtage avec la société Art Invest 2X ;

Dès lors il peut valablement être recherché à ce titre ; sa demande de mise hors de cause, puis celle visant au exclure les demandes concernant la période antérieure au 1er décembre 2010 comme sollicité seront rejetées ; le jugement déféré sera confirmé à cet égard ;

En revanche aucun élément produit par les appelants ne permet d’infléchir le jugement déféré en ce qu’il a mis hors de cause Monsieur [P], dirigeant de la société Art Invest 2X, ce qui justifie la confirmation du jugement déféré également de ce chef ;

Sur l’existence d’une faute

Dans ses écritures Monsieur [Y] [N] avance que :

– sa responsabilité ne peut être retenue, que dans l’hypothèse d’une faute personnelle extérieure à l’exécution de son mandat ce qui justifie le débouté des demandes à son encontre ;

– subsidiairement, il n’est pas établi qu’il a manqué personnellement à son obligation d’information et de conseil ; en effet la société Aristophil disposait d’une bonne réputation entre 2008 et 2015, avec une votation B3 à la Banque de France le 24 septembre 2014 ;

– les contrats étaient clairs et non ambigus pour toute personne raisonnablement attentive et avisée ; en outre il conteste toute force probante au courrier du 24 octobre 2012 adressé à Monsieur [UJ] [R] ainsi qu’à celui du 13 mars 2015 adressé aux consorts [R]/[K] ; il considère que les informations y figurant ne sont pas inexactes, dès lors que la société Aristophil a toujours racheté les contrats à leur terme ;

– il ne peut lui être reproché de ne pas s’être inquiété plus avant de la valeur des oeuvres supports des contrats dont il n’est pas responsable ; il rappelle que la société Aristophil disposait de plusieurs garanties dont celle auprès de la Lloyd’s de Londres ;

– plus subsidiairement encore, il conclut à l’inopposabilité des souscriptions de contrats antérieurs au contrat de courtage du 1er décembre 2010 (16 contrats -page 17 de ses conclusions ) ;

En tout état de cause il conclut à l’absence de responsabilité du conseiller en gestion de patrimoine, son obligation de conseil étant une obligation de moyens ; enfin il affirme ne pas avoir commis de faute ayant entraîné un préjudice réel et certain aux appelants (page 21) ;

La société Invest 2X Conseils considère qu’elle ne peut avoir commis de faute, dès lors que les contrats en litige étaient clairs et simples, notamment s’agissant de leur sort à l’issue de la période de cinq ans ; le rachat des oeuvres par la société Aristophil ne constituait qu’une simple option, ou faculté pour cette dernière ; elle conteste également le jugement déféré en ce qu’il s’est fondé sur le mail concernant Monsieur [UJ] [R] pour considérer que pareille information avait été donnée à tous les souscripteurs intimés à cette procédure ;

N’étant pas courtiers des investisseurs, elle n’était tenue à aucune obligation d’information et de conseil à leur endroit ; celle-ci leur a été donné par leur mandataire Monsieur [Y] [N] ; enfin lors de la conclusion des contrats, la société Aristophil disposait d’une bonne réputation, et rien ne pouvait démontrer quel sort funeste serait réservé à cette société ;

La preuve du respect par l’intermédiaire ayant conseillé des placements dans les produits Aristophil, doit être rapportée par celui qui a pour obligation de respecter son devoir de conseil et d’information ;

Aussi, il y a lieu de constater que celle-ci pèse à la fois sur la société Invest 2X Conseils et Monsieur [Y] [N] pour tous les contrats où le deuxième était le mandataire de la première, sans que les questions de dépassement de mandat ne soient opposables aux tiers souscripteurs ;

Les pièces qui figurent au dossier des appelants démontrent que les souscripteurs ont reçu très peu d’informations écrites sur la nature et les qualités des contrats souscrits, si ce n’est un document intitulé ‘les garanties Aristophil’ (pièces 1-6 b et c) ; il est constant que ce document n’est qu’une énumération de garanties énoncées par la société Aristophil et qu’il est incontestable que la garantie auprès de la Lloyd’s de Londres, n’est qu’une assurance concernant le vol des pièces de collection et non de leur valeur ;

Les documents que les souscripteurs ont signé lors de la conclusion des contrats sont tous identiques comme comportant un contrat de garde adossé à l’acquisition, d’une durée de cinq ans renouvelable ainsi qu’une promesse de vente à la société Aristophil au terme du contrat de garde ‘Au prix d’achat qui figure en Annexe 1″ ou ‘ à un prix déterminé par expertise’ (article VI);

L’article VII intitulé ‘terme de la convention’ prévoit ‘qu’à l’issue de la conservation par la société Aristophil, le cocontractant pourra mettre fin au contrat et soit conserver la collection, la vendre sur le marché national ou appliquer la promesse de vente et revendre la collection à la Société aux conditions stipulées à l’article VI’;

Monsieur [Y] [N] assurait le suivi commercial des clients par l’envoi de lettres circulaires présentant les nouveaux produits en vue de la souscription de nouveaux contrats comme celles adressées les 19 mars 2010 et 19 décembre 2011 à Madame [C] [R] ou le 10 mars 2011 également à Monsieur [K] (pièces 4-1 b,c et d et 7-1 intimés) ;

Il n’en résulte pas la preuve du respect de Monsieur [Y] [N] de son obligation d’information et de conseil due à ses clients, s’agissant du caractère risqué ou non du produit ainsi que du rendement garanti ;

Ainsi Monsieur [Y] [N] a répondu par mail le 24 octobre 2012 à une demande de Monsieur [UJ] [R] qui demandait un bilan annuel, que le placement n’offrait pas d’intérêts annuels mais des plus values, ce qui exclut la fourniture de situations annuelles ;

Il calcule ainsi une plus-value annuelle de 8,5% sur la base de son placement de 80000 euros, et ajoute qu’ ‘au terme du contrat il vous sera remboursé 100400 euros net’ (pièce 6-3 intimés) ;

En résulte la preuve que s’agissant de Monsieur [UJ] [R] qui a souscrit un contrat le 17 septembre 2009 prorogé de cinq ans jusqu’au 5 août 2014, le renseignement concernant la rémunération du contrat ne lui a pas été donné de manière explicite ;

De plus Monsieur [Y] [N] a indiqué de manière erronée que le prix d’acquisition abondé de la plus value annuelle de 8,5% lui sera remboursé, alors que le mécanisme réel de sortie de contrat n’implique aucune garantie sur la restitution du capital ainsi que le rendement annoncé de 8,5% qui comme indiqué dans le courriel n’est pas un intérêt garanti mais une plus value dont le rendement ne peut être garanti, dès lors qu’il dépend d’une revente sur un marché donc comportant un aléa ou d’un rachat systématique par la société Aristophil, auquel cette société ne s’est pas engagée par contrat s’agissant d’une promesse unilatérale de vente ;

S’il est constant comme avancé par les appelants que ce mail n’a pas été envoyé à toutes les parties intimées ayant souscrit un placement Coraly’s ou Amadeus émis par la société Aristophil, il illustre simplement le mécanisme mis en place, ses écueils et l’absence d’information effective et explicite donnée aux clients dont les contrats mentionnent un rendement annuel de 8 à 8,5 pour cent, alors que cette indication ne correspond pas à la réalité ; en effet elle est conditionnée notamment par l’aléa de la côte des oeuvres sur le marché à la revente, ainsi que par l’absence de certitude que les évaluations initiales des oeuvres commercialisées sous forme de parts ou de parts indivises soient véridiques ; or les ‘fiches de connaissance clients’ produites, démontrent que les investisseurs recherchaient un placement à faibles risques, ce qui n’est pas le cas des contrats en litige, notamment compte-tenu de l’aléa lié aux conditions de leur revente ;

Ainsi s’il est constant que certaines parts ont pu être revendues, comme allégué par les mandataires il résulte des pièces produites et notamment de l’enquête pénale ou de l’évaluation du commissaire priseur Aguttes, que le rapport s’échelonne entre 8 à 10% de la valeur nominale annoncée ;

Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu un manquement grave aux obligations de Monsieur [Y] [N] et de la société Invest 2X Conseils relativement à la garantie de rendement des produits Aristophil qu’ils ont vendus aux intimés ;

Sur l’indemnisation des préjudices

La société Invest 2X Conseils conteste l’existence de tout préjudice pour les consorts [M], dès lors qu’ils sont toujours propriétaires à ce jour de biens acquis auprès de la société Aristophil, dont ils peuvent solliciter la revente ; elle affirme que des biens ont été revendus à un prix supérieur à leur estimation, ce qui justifie le débouté de leur demande et l’infirmation du jugement déféré qui l’a condamné au paiement de sommes au profit de Monsieur [E] [I], Madame [C] [R], Monsieur [Z] [K] et Madame [X] [F] ;

Monsieur [Y] [N] conclut au caractère virtuel du préjudice des consorts [M], compte-tenu des procédures pénales et collective en cours ;

Ainsi la réparation ne peut porter que sur une perte certaine, réelle et sérieuse de chance ; or les biens support des placements sont susceptibles de revente ; il se réfère à l’estimation de la société Aguttes pour établir l’existence d’une valeur économique des oeuvres détenues notamment par Monsieur [M] ; il conteste les condamnations prononcées contre lui au titre du préjudice moral des intimés ;

Enfin et à titre subsidiaire, il conclut à l’infirmation du jugement entrepris s’agissant des condamnations prononcées contre lui au titre de la perte de chance, dont le quantum n’est pas justifié ;

Ainsi il considère que le préjudice des intimés résulte uniquement de la déconfiture de la société Aristophil et non d’un quelconque manquement à son devoir de conseil dont il serait comptable ;

Il est constant que l’indemnisation du préjudice résultant d’un manquement à un devoir de conseil consiste en une perte de chance ; celle-ci doit être réelle pour être indemnisable ;

En l’espèce les mandataires soutiennent improprement que seule la déconfiture de la société Aristophil est à l’origine du préjudice des consorts [M] ;

Cependant leurs manquements consistent en une carence d’information et de conseil ; en conséquence, les intimés n’ont pu pendant toute la période de souscription qui globalement s’échelonne de 2009 à 2013 se déterminer en toute connaissance de cause, sur la pertinence de la souscription de ces contrats, pour lesquels ils attendaient un rendement garanti, une reprise par la société Aristophil à l’issue de la période de garde de 5 ans, alors que le mécanisme de ces placements, n’assuraient aucunement ces points ; en outre, il y a lieu de rappeler que les ‘fiches de connaissance clients’ produites, mentionnaient qu’ils recherchaient un placement à faibles risques, ce qui n’est pas le cas des contrats en litige, compte-tenu de l’aléa lié aux conditions de leur revente ;

Il en résulte, eu égard au caractère déterminant du rendement d’un placement ainsi qu’à la part d’aléa acceptable pour le souscripteur, que la présentation inexacte des contrats par les mandataires les commercialisant est à l’origine de leur préjudice, qui consiste en la perte d’une chance de ne pas avoir contracté avec la société Aristophil ou de n’avoir pu investir leur capital d’autres placements plus conformes à leurs attentes ;

S’agissant des montants réclamés, le conseil des consorts [M] a dans ses écritures mentionné les sommes perçues par chacun d’entre eux après quatre années de vente aux enchères des oeuvres dont ils sont propriétaires indivis ; il indique que sur un panel de 13 collections différentes donc de 13 investissements, les sommes recouvrées après vente sont de 1 à 10% du capital investi ce qui constitue une perte de 90% ;

Se fondant sur une décision de la Cour de cassation du 2 février 2022, il forme appel incident et réclame l’indemnisation de son préjudice consistant en une perte intégrale ;

Subsidiairement les intimés maintiennent leur demande d’indemnisation au titre de la perte de chance, soit celle qui porte sur une disparition certaine et actuelle d’une éventualité favorable ;

Il y a lieu de déterminer la probabilité d’une part, pour les investisseurs de souscrire un contrat à des conditions plus avantageuses et d’autre part, la valeur des gains qu’ils auraient pu espérer percevoir s’ils avaient investi les sommes dans un produit moins risqué que celui choisi ; ils chiffrent la perte de chance à 95% dont à déduire le pourcentage de récupération le plus haut de 10% soit 85% ; leurs demandes chiffrées sont reproduites en pages 52/53/54 de leurs conclusions ;

En l’espèce, il y a lieu de reprendre la distinction faite par les premiers juges, s’agissant de l’indemnisation des investissements faits en pleine propriété de ceux effectués en indivision ;

les seconds étant par nature moins faciles à réaliser du fait de la multitude d’indivisaires, il y a lieu de considérer que la perte de chance de ne pas contracter et de faire fructifier autrement son capital est élevée, les aléas affectant la rétrocession du capital avec une plus-value étant très importants ; l’indemnisation de principe sera fixée à 70% du nominal dont à déduire 10% de taux de récupération des valeurs après revente ;

En revanche s’agissant du produit Amadeus, uniquement, acquis en pleine propriété par Monsieur [M] le 2 janvier 2013, il y a lieu de considérer que ses conditions de cession étant un peu plus aisées, la perte de chance le concernant ne porte que sur 60% dont à déduire 10% de taux de récupération des valeurs après vente ;

S’agissant des contrats et valeurs à prendre en compte il y a lieu de distinguer les contrats souscrits avant le 1er décembre 2010 de ceux postérieurs ; les plus anciens ayant été souscrits par l’intermédiaire de Monsieur [Y] [N] seul, la condamnation sera prononcée uniquement à son encontre et pour les suivants, à l’encontre de Monsieur [Y] [N] et de la société Invest 2X Conseils pour laquelle il était mandaté in solidum ;

Cependant une exception sera faite s’agissant des trois contrats souscrits par Madame [F] étant démontré qu’ils ont été souscrit avant 2010 par l’entremise de Monsieur [N] ainsi que de la société Invest 2X Conseils, au nom de Art Invest ;

Monsieur [A] [M] :

– contrat Coraly’s du 21 décembre 2010 pour 195000 euros x 0.60 = 117000 euros

– contrat Amadeus du 2 janvier 2013 pour 50000 euros x 0.50 = 25000 euros

soit une condamnation de 142000 euros contre Monsieur [N] et la société Invest 2X Conseils ;

Monsieur [E] [I] :

– contrat Coraly’s du 20 juin 2012 pour 55000 euros

– contrat Coraly’s du 12 mai 2014 pour 75000 euros soit 130000 x 0.60 = 78000 euros

soit une condamnation de 133000 euros contre Monsieur [N] et la société Invest 2X Conseils ;

Madame [C] [R] :

– 1 contrats Coraly’s du 24 novembre 2010 pour 15000 euros x 0.60 = 9000 euros contre M. [Y] [N]

– 6 contrats Coraly’s

du 26 mars 2011 pour 5000 euros

du 1er septembre 2011 pour 5000 euros

du 30 octobre 2011 pour 15000 euros

du 4 janvier 2012 pour 10000 euros

du 3 décembre 2013 pour 6000 euros

du 3 janvier 2014 pour 20000 euros

soit une condamnation de 36600 euros contre Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils ;

Monsieur [J] [R] :

– un contrat Coraly’s dont un au 23 janvier 2010 pour 22500 euros x 0.60 soit 13500 euros condamnation contre Monsieur [Y] [N] ;

– 4 contrats

du 25 mars 2011 pour 20000 euros

du 30 novembre 2013 pour 4500 euros

du 12 avril 2014 pour 15000 euros

du 12 août 2014 pour 19027,50 euros pour un total de 58527,50 euros,

condamnation prononcée contre Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils ;

Monsieur [UJ] [R] a souscrit un contrat Coraly’s du 17 décembre 2011 pour 80000 euros ; l’indemnisation de 48800 euros prononcée à l’encontre de Monsieur [Y] [N] et de la société Société Invest 2X Conseils ;

Monsieur [Z] [K] :

– 9 contrats Coraly’s

du 7 décembre 2010 pour 45000 euros,

du 23 mars 2011 pour 15000 euros ,

du 31 octobre 2011pour 20000 euros

du 24 novembre 2011 pour 20000 euros

du 4 mai 2012 pour 20000 euros

du 20 juillet 2012 pour 25000 euros

du 26 juillet 2012 pour 30000 euros

du 10 novembre 2013 pour 50000 euros

soit un total de 225000 x 0.60 = 135000 euros, condamnation prononcée à l’encontre de Monsieur [Y] [N] et de la société Invest 2X Conseils ;

Madame [X] [F] :

– contrats antérieurs au 1er décembre 2010

du 21 janvier 2010 pour 18000 euros

du 16 mars 2010 pour 108000 euros

du 13 avril 2012 pour 54000 euros

soit un total de 180000 euros x 0.60 = 108000 euros condamnation à la charge de Monsieur [Y] [N] et de la société Invest 2X Conseils ;

Dès lors le jugement déféré sera infirmé en ce qui concerne le montant des indemnisations au titre du préjudice matériel des intimés ;

En revanche, pour ses motifs adoptés, les indemnisations prononcées au titre du préjudice moral seront confirmées ; les appels incidents portant sur le quantum de ces condamnations seront en revanche rejetés ;

Sur la demande d’indemnisation au titre de l’immobilisation du capital de chaque intimé

Les intimés considèrent qu’ils auraient pu placer leur argent sur un investissement rémunérateur dont ils ont perdu le bénéfice du fait des agissements des appelants ; ils réclament un en moyenne annuelle de 1,50% l’an qu’ils détaillent contrat par contrat, en fonction de leur durée ;

Cependant ils ne justifient aucunement des conditions antérieures de placement de leur capital, ni du fait que leur perte en intérêts résulte du choix des produits proposés par Artistophil :

dès lors en l’absence de preuve de l’imputabilité de leur perte à la faute retenue contre les mandataires, leur demande indemnitaire de ce chef sera rejetée ;

Les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Sur les appels en garantie

* Contre la société Invest 2X Conseils

Il a d’ores et déjà été statué sur la qualité des personnes condamnées, Monsieur [Y] [N] seul pour la période où il n’était pas sous contrat de courtage de la société Invest 2X Conseils, puis après le 1er décembre 2011 in solidum contre les deux appelants ;

La demande de garantie formée par Monsieur [Y] [N] contre la société Invest 2X Conseils doit être accueillie dans la mesure où les manquements retenus contre lui ont été commis en qualité de mandataire de la société et qu’il n’est aucunement démontré par cette dernière qu’il a dépassé son mandat ;

* Contre la société CNA Insurance Company Limited

Les consorts [M] entendent se prévaloir du bénéfice de l’assurance de la société Art Courtage et de ses mandataires dont la société Invest 2X Conseils, numéro de police FN 1925 ; s’agissant de Monsieur [Y] [N] ils considèrent qu’il bénéficie de la même garantie en qualité de courtier selon contrat 1er décembre 2010 ;

Pour la période antérieure, Monsieur [Y] [N] était sous-mandataire de la société Art Courtage et assuré par la société d’assurance selon la police n° FN 5989 ;

Ils considèrent que les affirmations de la société CNA Insurance Company (Europe) concernant la résiliation de la police n°1925 sont inexactes ; ils affirment en outre que le plafond d’indemnisation de deux millions d’euros invoqué par l’assureur ne concerne que les sinistres déclarés soit durant l’année 2019 et le jugement déféré sera confirmé en ce que la société CNA Insurance Company (Europe) ne démontre pas avoir atteint ce plafond ;

S’agissant de la police n° FN 5989, la compagnie d’assurance oppose à la demande un plafond de garantie de 250000 euros pour la période applicable à la réclamation au titre de l’ensemble des sinistres alors que selon eux, ce plafond s’apprécie par sinistre individuel, par période d’assurance et par assuré ; en effet le plafond global par période d’assurance pour l’ensemble des assurés est de cinq millions d’euros (article 11 du contrat- pièce 9-1 CNA) ;

En réponse la société CNA Insurance Company (Europe) affirme qu’elle ne peut être recherchée en qualité d’assureur de la société Invest 2X Conseils, contre laquelle les intimés n’ont plus sollicité de condamnation ;

S’agissant de Monsieur [Y] [N] elle affirme que sa garantie ressort de la police n°5989, souscrite par la société Art Courtage pour ses sous-mandataires quelle que soit la date des souscriptions en litige ; elle ajoute que ce dernier n’a jamais eu la qualité d’assuré de la police n°1925 qui est une assurance ‘pour le compte de qui il appartiendra’ souscrite le 10 décembre 2008 par la société Art Courtage au profit des agents commerciaux ayant reçu de sa part un mandat exprès ce qui n’est pas le cas de Monsieur [Y] [N] ;

S’agissant des garanties souscrites, elle entend opposer aux parties appelantes, ses limites que sont la franchise applicable ainsi que le plafond de garantie ;

– pour la police n° 5989 applicable à Monsieur [Y] [N] le plafond est de 250000 euros par assuré -lui- et période d’assurance pour l’ensemble des assurés au titre de cette police ; en effet la couverture des souscriptions Aristophil constitue un seul sinistre ; la totalité des sinistres en 2019 ne peut franchir le plafond de 5 millions d’euros d’indemnisation ; le plafond est atteint pour 2019 ;

– la franchise est de 2000 euros par sinistre ; elle s’appliquera de manière distributive selon que l’on considère qu’il y a un ou plusieurs sinistres ;

S’agissant de la société Invest 2X Conseils, sa garantie concerne la police n°1925, laquelle comporte un plafond de garantie de 300000 euros par sinistre et de 600000 euros par période d’assurance outre une franchise de 3000 euros ; elle considère qu’en l’espèce, le fait dommageable étant identique il existe un seul sinistre indemnisable pour toutes les réclamations effectuées concernant les investissements dans les produits Aristophil par l’intermédiaire de la société Invest 2X Conseils ou de ses mandataires assurés selon elle par la police n°FN 1925 soumis à un unique plafond de garantie, celui applicable au jour de la première réclamation ; elle affirme que ces dispositions sont applicables au cas d’espèce, l’intermédiaire servant au client une information ‘clé en mains’ sur le produit et non un conseil individualisé ;

En l’absence de sinistre qualifié de sériel, il y a lieu à appliquer le plafond de garantie de la police FN 1925 soit 2 millions d’euros, par période d’assurance (articles 4 et 11 des conditions particulières) ; ce plafond est applicable à l’ensemble des réclamations de tous les assurés de cette police pendant la même période d’assurance, soit en l’espèce l’année 2019 ;

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil ‘ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’ ; ‘les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public’ ;

Il n’est pas contesté par la société CNA Insurance Company (Europe) que Monsieur [Y] [N] a adhéré à la police n°FN 5989 dès lors qu’il ne disposait pas d’un mandat exprès de la société Art Courtage comme exigé ;

Cette condition étant cependant remplie à compter du 1er décembre 2010, Monsieur [Y] [N] étant sous-mandataire de la société Société Invest 2X Conseils, elle-même mandataire de la société Art Courtage ; dès lors à compter de cette date, la société CNA Insurance Company (Europe) doit couvrir Monsieur [Y] [N] au titre de la police n°FN 1925 ;

Il n’est pas contesté par la société CNA Insurance Company (Europe) que la société Invest 2X Conseils est assurée selon la police n° FN 1925 ;

La mise en jeu de ces deux polices sera distributive, les conditions de garanties, plafonds et franchises étant différentes ;

Ainsi s’agissant de la police n° FN 5989, le plafond de garantie applicable est de 250000 euros par assuré et par période d’assurance, sans que les prestations dues par la société CNA Insurance Company (Europe) ne puissent excéder 5000000 euros par période pour l’ensemble des assurés de cette police ; une franchise de 2000 euros est également applicable par sinistre ;

Aussi le plafond de 250000 euros s’applique à la personne de Monsieur [Y] [N], assuré, pour la période de couverture et ce, au titre des réclamations effectuées pour la même période d’assurance soit en l’espèce l’année 2019, année de la première réclamation par les consorts [M] ;

La franchise de 2000 euros sera appliquée à chaque déclaration de sinistre ;

En effet il est constant que les dispositions de l’article L. 124-1-1 du code des assurances qui prévoient la qualification de sinistre unique pour tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l’assuré, provenant d’un fait dommageable et ayant donné lieu à plusieurs réclamations ne sont pas applicables lorsque le dommage résulte d’une faute fondée sur un manquement à un devoir d’information et de conseil (Civ 2ème 24 septembre 2020 n°18-12593 et 18-13.726) ;

Or en l’espèce la responsabilité de Monsieur [Y] [N] et de la société Invest 2X Conseils concerne uniquement ce manquement ce qui justifie d’écarter la notion de sinistre ‘sériel’ ;

Pour la période suivante, les conditions d’indemnisation seront celles de la police d’assurance n°FN 1925, soit un plafond de garantie de 2000000 euros par période d’assurance ;

L’article 4 des conditions spéciales de ce contrat énonce que ‘le montant des garanties est indiqué à l’article 11 des conditions particulières et constitue l’indemnité maximum à laquelle est tenue l’assureur, pour l’ensemble des réclamations introduites à l’encontre des assurés, pendant la période d’assurance et entrant dans le cadre des garanties du présent contrat’ ;

Le montant des garanties prévu à l’article 11 est de 2000000 euros par période d’assurance ;

S’agissant d’un contrat souscrit par la société Art Courtage pour le compte de qui il appartiendra, l’ensemble des sinistres déclarés au titre de son activité et de celle de ses sous-mandataires est englobé dans le plafond ainsi déterminé ;

Dès lors la condamnation prononcée contre la société CNA Insurance Company (Europe) au titre de la garantie de la société Invest 2X Conseils et également de Monsieur [Y] [N], ne pourra excéder le plafond de garantie ainsi déterminé, par période d’assurance prévue pour la police après déduction des sommes que l’assureur CNA Insurance Company (Europe) aura déjà versées au titre des réclamations formées à l’encontre de la société Art Courtage ou d’autres mandataires de cette société se rattachant à la période d’assurance de 2019, aucun élément ne justifiant de l’opposabilité de la résiliation invoquée par l’assureur aux appelants ;

Le jugement déféré sera réformé à cet égard ;

En ce qui concerne la franchise applicable et au vu des développements précédents, elle sera appliquée à chaque sinistre à hauteur de la somme de 3000 euros comme déjà décidé en première instance ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [Y] [N], la société Invest 2X Conseils et la société CNA Insurance Company (Europe) succombant dans leurs prétentions, le jugement sera confirmé en ce qu’il les a condamnés aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Y] [N], la société Invest 2X Conseils et la société CNA Insurance Company (Europe), parties perdantes, devront supporter les dépens d’appel ; en outre il est équitable qu’ils soient condamnés in solidum à verser à Monsieur [A] [M], Monsieur [E] [I], Madame [C] [R], Monsieur [J] [R], Monsieur [UJ] [R], Monsieur [Z] [K] et Madame [X] [F] ensemble, la somme de 18000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance ;

En revanche Monsieur [Y] [N], la société Invest 2X Conseils et la société CNA Insurance Company (Europe) seront déboutés de leur propre demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande portant sur l’exclusion des pièces afférentes à l’enquête pénale ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action ;

Confirme la décision déférée sauf en ce qui concerne le nombre et le montant des condamnations prononcées au titre de l’indemnisation du préjudice matériel de Monsieur [A] [M], Monsieur [E] [I], Madame [C] [R], Monsieur [J] [R], Monsieur [UJ] [R], Monsieur [Z] [K] et Madame [X] [F] ainsi que les conditions de la garantie de la Société CNA Insurance Company (Europe) ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Monsieur [A] [M], Monsieur [E] [I], Madame [C] [R], Monsieur [J] [R], Monsieur [UJ] [R], Monsieur [Z] [K] et Madame [X] [F] de leur demande portant sur la réparation de leur préjudice autrement que par l’application de la perte de chance ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils à payer à Monsieur [A] [M] la somme de 142000 euros (CENT QUARANTE-DEUX MILLE EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils à payer à Monsieur [E] [I] la somme de 133000 euros (CENT TRENTE-TROIS MILLE EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne Monsieur [Y] [N] à payer à Madame [C] [R] la somme de 9000 euros (NEUF MILLE EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils à payer à Madame [C] [R] la somme de 36600 euros (TRENTE-SIX MILLE SIX CENTS EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne Monsieur [Y] [N] à payer à Monsieur [J] [R] la somme de 13500 euros (TREIZE MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils à payer à Monsieur [J] [R] la somme de 58527,50 euros (CINQUANTE-HUIT MILLE CINQ CENT VINGT-SEPT EUROS ET CINQUANTE CENTIMES) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils à payer à Monsieur [UJ] [R] la somme de 48800 euros (QUARANTE-HUIT MILLE HUIT CENTS EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils à payer à Monsieur [Z] [K] la somme de 135000 euros (CENT TRENTE-CINQ MILLE EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils à payer à Madame [X] [F] la somme de 108000 EUROS (CENT HUIT MILLE EUROS) au titre de son préjudice matériel ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Condamne la société Invest 2X Conseils à garantir Monsieur [Y] [N] des condamnations in solidum prononcées à son encontre ;

Déboute la société Invest 2X Conseils de ses demandes ;

Condamne la société CNA Insurance Company (Europe) à garantir Monsieur [Y] [N] ainsi que la société Invest 2X Conseils du paiement de ces sommes après application d’une franchise de 3000 euros par personne ayant déclaré un sinistre, dans la limite du plafond de 2000000 euros applicable à toutes les condamnations prononcées au titre des réclamations de la police n°FN 1925, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019 ;

Condamne la société CNA Insurance Company (Europe) à garantir les condamnations prononcées à l’encontre de Monsieur [Y] [N] au titre des contrats concernés par la police d’assurance n°FN 5989 ;

Précise que ce plafond sera calculé après déduction des sommes que l’assureur société CNA Insurance Company (Europe) aura déjà versées au titre des réclamations formées à l’encontre de la société Art Courtage ou d’autres mandataires de cette société se rattachant à la période d’assurance de 2019 ;

Déboute la société CNA Insurance Company (Europe) de ses autres demandes ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N], la société Invest 2X Conseils et la Société CNA Insurance Company (Europe) à payer à Monsieur [A] [M], Monsieur [E] [I], Madame [C] [R], Monsieur [J] [R], Monsieur [UJ] [R], Monsieur [Z] [K] et Madame [X] [F] ensemble une somme de 18000 euros (DIX-HUIT MILLE EUROS) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Monsieur [Y] [N] et la société Invest 2X Conseils ainsi que la Société CNA Insurance Company (Europe) de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Monsieur [Y] [N], la société Invest 2X Conseils et la société CNA Insurance Company (Europe) aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en trente-sept pages.


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