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Dans les instances civiles en réparation des délits prévus par la loi, constitue un acte de poursuite au sens de l’article 65 de ladite loi tout acte de procédure par lequel le demandeur manifeste de continuer l’action engagée.
L’appel interrompt la prescription quelque soit la partie dont il émane. La notification des conclusions du demandeur à l’action s’il est appelant, interrompt la prescription. Seule l’ordonnance de clôture a pour effet de suspendre la prescription, le demandeur à l’action étant alors dans l’impossibilité d’effectuer un acte de procédure. 1. Attention à respecter le délai de prescription de trois mois prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 pour engager une action en justice, afin d’éviter toute irrecevabilité ultérieure de votre demande. 2. Il est recommandé de veiller à ce que chaque acte de procédure engagé pendant la procédure judiciaire intervienne dans un délai de trois mois pour interrompre la prescription, notamment en cas d’appel ou de notification de conclusions. 3. Il est conseillé de produire des éléments interruptifs de prescription de manière régulière tout au long de la procédure judiciaire, afin de garantir la recevabilité de votre action en justice et d’éviter toute prescription de votre demande. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une cession de fonds de commerce d’un restaurant et bar entre la SAS [P] et la SAS [Z]. Suite à des propos diffamatoires publiés sur Facebook par Mme [Z], les anciens propriétaires, M. [Y] [P] et la SAS [P], ont saisi le tribunal judiciaire de Dax en référé pour obtenir la cessation des agissements de diffamation et une indemnisation. Le juge des référés a débouté les demandeurs et les a condamnés aux dépens. M. [Y] [P] et la SAS [P] ont fait appel de cette décision. La Cour d’appel de Pau a ordonné la réouverture des débats pour discuter de la prescription et les parties ont formulé leurs dernières conclusions. Les demandeurs demandent la condamnation de Mme [Z] pour diffamation et réclament des dommages et intérêts, tandis que Mme [Z] demande le rejet de l’appel et une indemnisation pour les frais engagés. L’affaire est en attente de la décision de la Cour d’appel.
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→ Les points essentielsPrescription de l’action en diffamationL’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la loi se prescrivent après trois mois révolus. Pendant la procédure, il ne doit pas s’écouler plus de trois mois entre les actes interruptifs de prescription. Application des principes de prescriptionLes principes de prescription sont applicables aux procédures civiles et le moyen de prescription est une fin de non-recevoir d’ordre public que le juge doit soulever d’office. La jurisprudence citée par les demandeurs est inopérante car elle se réfère au contentieux de la nullité de mariage, alors que dans cette affaire il s’agit de diffamation sous le régime spécial de la loi du 29 juillet 1881. Interruption de la prescriptionL’appel interrompt la prescription, ainsi que la notification des conclusions du demandeur à l’action s’il est appelant. Seule l’ordonnance de clôture a pour effet de suspendre la prescription, le demandeur étant alors dans l’impossibilité d’effectuer un acte de procédure. Régularité de la procédure en première instanceLa société et Monsieur [P] ont assigné dans les trois mois de la date de publication des faits incriminés, et ont réitéré leur demande lors de l’audience de référé. La déclaration d’appel a fait repartir un délai de trois mois, mais les conclusions postérieures sont intervenues après ce délai, rendant l’action irrecevable. Irrecevabilité de l’appelM. [P] et la société [P] sont irrecevables en leur appel en raison de la prescription de leur action à ce stade de la procédure. L’équité commande cependant d’allouer à Mme [K] [I] épouse [Z] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel. Les montants alloués dans cette affaire: – Mme [K] [I] épouse [Z]: 1 000€
– M. [Y] [P] et la SAS [P]: dépens d’appel |
→ Réglementation applicable– Article 65 de la loi du 29 juillet 1881
Article 65 de la loi du 29 juillet 1881: – Article 700 du code de procédure civile Article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître DE BRISIS de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO
– Maître LACOMME de la SELARL LACOMME AVOCAT |
→ Mots clefs associés & définitions– Prescription
– Loi du 29 juillet 1881 – Action publique – Action civile – Procédure – Juridiction civile – Fin de non-recevoir – Diffamation – Nullité de mariage – Ordonnance de clôture – Assignation – Référé – Déclaration d’appel – Conclusions – Interruption de prescription – Irrecevabilité – Indemnité – Code de procédure civile – Prescription: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Loi du 29 juillet 1881: loi française sur la liberté de la presse – Action publique: action en justice intentée par le ministère public – Action civile: action en justice intentée par une personne lésée – Procédure: ensemble des règles à suivre pour régler un litige devant les tribunaux – Juridiction civile: tribunal compétent pour les litiges entre particuliers – Fin de non-recevoir: moyen de défense visant à faire rejeter une demande en justice – Diffamation: fait de tenir des propos portant atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne – Nullité de mariage: annulation d’un mariage pour cause de vice de consentement – Ordonnance de clôture: décision du juge mettant fin à la phase écrite de la procédure – Assignation: acte par lequel une personne est convoquée à comparaître devant un tribunal – Référé: procédure d’urgence permettant d’obtenir une décision rapide du juge – Déclaration d’appel: acte par lequel une partie fait appel d’une décision de justice – Conclusions: arguments et demandes présentés par les parties lors d’une audience – Interruption de prescription: acte qui empêche la prescription de courir – Irrecevabilité: caractère d’une demande ou d’un recours qui ne peut être examiné par le juge – Indemnité: somme d’argent versée à une personne pour compenser un préjudice – Code de procédure civile: recueil de règles régissant la procédure civile en France |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Numéro 24/01641
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 15/05/2024
Dossier : N° RG 22/03011 –
N° Portalis DBVV-V-B7G-ILSJ
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par d’autres faits personnels
Affaire :
[Y] [P]
S.A.S. [P]
C/
[K] [I] épouse [Z]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 15 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 21 Février 2024, devant :
Madame FAURE, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,
Madame FAURE, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame REHM, Magistrate honoraire
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [Y] [P]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 7])
S.A.S. [P] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés et assistés de Maître DE BRISIS de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
Madame [K] [I] épouse [Z]
née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Maître LACOMME de la SELARL LACOMME AVOCAT, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 18 OCTOBRE 2022
rendue par le PRÉSIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX
RG numéro : 22/00149
Suivant acte authentique en date du 13 mars 2020, la SAS [P] gérée par M. [Y] [P] a cédé à la SAS [Z], gérée par Mme [K] [I] épouse [Z], son fonds de commerce de restaurant et bar, exploité sous l’enseigne “[8]”, à [Localité 9].
Le 24 avril 2022 Mme [Z] a publié sur le compte facebook du restaurant notamment les propos suivants ” J’ai racheté le restaurant le 13 mars 2020, Tout ce qui s’est fait avant cette date ne relève pas de ma responsabilité. Oui la maison du Lac avait très mauvaise réputation en ce qui concerne les équipes salariées. J’ai moi-même été choquée des pratiques que j’ai pu constater. Vol, extorsion, harcèlement sexuel, agression verbale et physique, racisme, sexisme, homophobie avaient libre cours. […] Insultes, brutalités, vexations étaient le quotidien de cette équipe-là, et elle considérait cela comme normal ” ils ont l’habitude”, m’a-t-on dit alors que je réclamais un changement d’habitude de la part de la salariée. Pourquoi rester me direz-vous ‘ Arrosée à coups d’enveloppes de cash, le silence était acheté”
Par acte d’huissier le 7 juin 2022, M. [Y] [P] et la SAS [P] gérée par M. [P], ont fait assigner Mme [K] [I] épouse [Z], devant le président du tribunal judiciaire de Dax statuant en référé, aux fins d’ordonner à Mme [Z] la cessation des agissements de diffamation sous astreinte de 300 euros par manquement, condamner la défenderesse aux dépens ainsi qu’à leur verser une indemnité provisionnelle globale de 6 000 euros en réparation de leur préjudice moral, et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant ordonnance contradictoire en date du 18 octobre 2022 (RG n°22/00149), le juge des référés a, notamment :
– dit n’y avoir lieu à référé,
– débouté M. [Y] [P] ainsi que la SAS [P] de l’ensemble de leurs demandes,
– condamné M. [Y] [P] ainsi que la SAS [P] à verser à Mme [K] [I] épouse [Z] la somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [Y] [P] et la SAS [P] aux dépens.
M. [Y] [P] et la SAS [P] ont relevé appel par déclaration du 7 novembre 2022 (RG n°22/03011), critiquant l’ordonnance dans l’ensemble de ses dispositions.
Par un arrêt du 27 septembre 2023, la Première chambre civile de la Cour d’appel de Pau a :
– ordonné la réouverture des débats à l’audience du mercredi 21 février 2024 à 14h afin que les parties fassent toutes observations sur la prescription encourue, selon le calendrier suivant :
– production des actes interruptifs de prescription par la société [P] et Monsieur [Y] [P] avant le 20 novembre 2023 avec leurs observations,
– observations de Mme [K] [I] épouse [Z] avant le 10 janvier 2024,
– l’ordonnance de clôture étant fixée à la date du 7 février 2024,
– réservé les dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 15 novembre 2023, M. [Y] [P] et la SAS [P], appelants, entendent voir la cour :
Vu les articles 2247, 2241 et 2242 du Code civil,
Vu l’article 835 du code de procédure civile,
Vu les articles 29 alinéa 1, 23 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats
Sur la réouverture des débats :
– Juger que l’action de M. [P] et de la SAS [P] n’est pas prescrite,
Sur le fond :
– Réformer l’ordonnance du Président du Tribunal judiciaire de Dax en date du 18 octobre 2022 en ce qu’elle a :
– Dit n’y avoir lieu à référé ;
– Débouté M. [P] et la SAS [P] de l’ensemble de leurs demandes ;
– Condamné M. [P] et la SAS [P] à verser à Mme [Z] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens ;
– Débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
– Constater que les propos tenus par Mme [Z] sont constitutifs du délit de diffamation publique envers M. [Y] [P] et la SAS [P] et caractérisent un trouble manifestement illicite ;
– Ordonner à Mme [Z] de cesser tous agissements de diffamation envers M. [Y] [P] et la SAS [P] sous astreinte de 300 euros par manquement constaté ;
– Condamner Mme [Z] à payer à M. [Y] [P] et à la SAS [P] une indemnité provisionnelle globale de 6 000 euros en réparation du préjudice moral causé par ses propos diffamatoires ;
– Condamner Mme [Z] à payer à M. [Y] [P] et à la SAS [P] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner Mme [Z] aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.
Par ses dernières conclusions du 10 janvier 2024, Mme [K] [Z] née [I], intimée, entend voir la cour :
Vu la loi du 29 juillet 1881,
Vu les articles 2247 et 2248 du code civil,
Vu l’article 564 du code de procédure civile
A titre principal :
– Déclarer irrecevable comme prescrite l’action engagée par la SAS [P] et M.[P],
– Débouter en toute hypothèse au fond M. [P] et la SAS [P] de leur appel principal,
– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Tribunal Judiciaire de DAX en date du 18 octobre 2022,
A titre subsidiaire :
Si par impossible, la Cour retenait la qualification de diffamation,
– Exonérer de toute responsabilité Mme [Z] en vertu du fait justificatif de la bonne foi,
En conséquence,
– Débouter purement et simplement M. [P] et la SAS CARIBOU de leurs demandes fins et conclusions,
– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Tribunal Judiciaire de DAX en date du 18 octobre 2022.
En tout état de cause :
– Condamner M. [P] et la SAS [P] in solidum, à verser à Mme [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner M. [P] et la SAS [P] in solidum aux entiers dépens de l’appel.
Vu l’ordonnance de clôture du 7 février 2024.
L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.
Ainsi, pendant toute la durée de la procédure, il ne doit pas s’écouler plus de trois mois entre les actes interruptifs de prescription.
Ces principes sont applicables aux procédures engagées devant la juridiction civile et le moyen de prescription est une fin de non-recevoir d’ordre public que le juge doit soulever d’office (Civ., 1re, 10 septembre 2015, n°14-18262).
La jurisprudence citée par M. [P] et la SAS [P] est inopérante en l’espèce dès lors qu’elle se réfère au contentieux de la nullité de mariage.
Or, dans la présente espèce, il s’agit de diffamation sous le régime spécial de la loi du 29 juillet 1881.
Il résulte de ce texte que dans les instances civiles en réparation des délits prévus par la loi, constitue un acte de poursuite au sens de l’article 65 de ladite loi tout acte de procédure par lequel le demandeur manifeste de continuer l’action engagée.
L’appel interrompt la prescription quelque soit la partie dont il émane. La notification des conclusions du demandeur à l’action s’il est appelant, interrompt la prescription.
Seule l’ordonnance de clôture a pour effet de suspendre la prescription, le demandeur à l’action étant alors dans l’impossibilité d’effectuer un acte de procédure.
En première instance, il convient de relever que la société [P] et Monsieur [P] ont assigné le 7 juin 2022 soit dans les trois mois de la date de publication des faits incriminés du 24 avril 2022. L’audience de référé a eu lieu le 20 septembre 2022, date à laquelle les demandeurs à l’action ont réitéré leur demande. La procédure est donc régulière en première instance.
La déclaration d’appel du 7 novembre 2022 de la société [P] et de Monsieur [P] a fait repartir un délai de trois mois. Leurs conclusions du 22 décembre 2022 sont intervenues dans le délai de trois mois.
Leurs conclusions postérieures sont datées du 19 juin 2023 soit dans un délai supérieur à trois mois. La prescription doit être appliquée dès lors qu’à l’occasion de la réouverture des débats, M. [P] et la société [P] n’ont pas produit d’autres éléments interruptifs de prescription.
M. [P] et la société [P] sont donc irrecevables en leur appel du fait de la prescription de leur action à ce stade de la procédure.
L’équité commande d’allouer à Mme [K] [I] épouse [Z] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable l’appel de M. [Y] [P] et de la SAS [P] comme prescrit,
Condamne in solidum M. [Y] [P] et la SAS [P] à payer à Mme [K] [I] épouse [Z] la somme de 1 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [Y] [P] et la SAS [P] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE