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Aux termes de l’article L. 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Lorsque le système de vidéo-surveillance filme des lieux non ouverts au public, il doit faire l’objet d’une déclaration à la CNIL. Depuis le 25 mai 2018, celui-ci a disparu au profit du système de responsabilisation institué par le Règlement européen no 2016-679 du 27 avril 2016 (RGPD), voir nos 6521 et s. En application de l’article L. 252-5 du code de la sécurité intérieure, la conservation des images recueillies par vidéo-surveillance ne doit pas excéder un mois. La cour retient que le système de vidéosurveillance a été installé pour assurer la sécurité du magasin (pièce employeur n° 14) et n’a pas été utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions comme cela ressort des extraits de vidéosurveillances présents au procès verbal d’huissier qui montrent un large champ de vision sur tout le local et particulièrement sur le côté client étant précisé que pour les dispositifs de contrôle de l’activité des salariés, il faut que les salariés soient individuellement informés, cette obligation d’information individuelle n’existe pas pour les dispositifs de videosurveillance mis en place dans les locaux de travail dans un lieu ouvert au public dans un but unique de sécurité des personnes et des biens, comme c’est le cas dans cette affaire, et qu’il y a un affichage sur la présence de la surveillance vidéo. Les images litigieuses n’ont pas été conservées plus d’un mois. En tout état de cause, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En l’espèce, l’atteinte à la vie personnelle du salarié est proportionnée au but poursuivi et l’exploitation des enregistrements du système de vidéosurveillance installé dans le local litigieux était indispensable à l’exercice par l’employeur de son droit à la preuve. |
→ Résumé de l’affaireM. [Y] a été licencié pour faute grave par M. [W] et a contesté cette décision devant le conseil de prud’hommes. Le conseil de prud’hommes de Toulon a jugé que la faute grave était caractérisée et a débouté M. [Y] de ses demandes. M. [Y] a fait appel de ce jugement et demande à la cour d’invalider le licenciement, de reconnaître son caractère irrégulier et d’obtenir diverses indemnités. De son côté, M. [W] demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de débouter M. [Y] de ses demandes.
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→ Les points essentielsSur le licenciementM. [Y] soulève la prescription des faits reprochés au motif que la procédure de licenciement a été mise en oeuvre le 31 janvier 2017. Il conteste les accusations de vol de jeux de grattage et remet en cause la preuve apportée par la vidéosurveillance. Il soutient avoir été licencié pour d’autres motifs liés au projet de vente du fonds de commerce à son profit. En réplique, M. [W] fait valoir que les faits reprochés ont été révélés au mois de janvier 2017 par le cabinet comptable. Il affirme que les vidéosurveillance a mis en lumière le comportement fautif du salarié et que ce dernier ne conteste pas cette pratique. Réponse de la courLa cour rappelle que la faute grave doit être imputable au salarié et constituer une violation des obligations contractuelles. Elle analyse les éléments de preuve fournis par l’employeur, notamment la lettre de licenciement et les témoignages des clients et employés. La cour estime que les faits reprochés sont établis et justifient le licenciement pour faute grave. Sur la prescription des faits fautifsLa cour examine la prescription des faits reprochés et conclut que les faits n’étaient pas prescrits lors de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Les éléments produits par le salarié sur les pertes financières de l’employeur en 2015 ne sont pas pertinents pour la prescription des faits. Sur la preuveLa cour analyse la légalité de la vidéosurveillance et conclut que l’exploitation des enregistrements était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur. Les faits reprochés sont établis par les éléments de preuve fournis. Sur la procédureLa cour constate une irrégularité dans la procédure de licenciement, notamment le fait que les motifs du licenciement n’ont pas été clairement exposés au salarié lors de l’entretien préalable. M. [Y] est indemnisé pour ce préjudice. En conclusion, la cour confirme le licenciement pour faute grave du salarié, mais condamne l’employeur à verser une somme à M. [Y] pour le préjudice subi lors de la procédure de licenciement. Les montants alloués dans cette affaire: – 1 983,52 euros à titre d’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Code du travail
– Code de la sécurité intérieure – Code de procédure civile Article L.1332-4 du code du travail: Article L.1222-4 du code du travail: Article L.252-5 du code de la sécurité intérieure: Article 700 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Sandrine OTT-RAYNAUD
– Me Frédéric DELCOURT – Me Marion ROURE – Me Hervé LONGEARD |
→ Mots clefs associés & définitions1. Licenciement
2. Moyens des parties 3. Prescription 4. Comptable 5. Française des Jeux 6. Plainte 7. Vidéosurveillance 8. Vente du fonds de commerce 9. Huissier de justice 10. Faute grave – Licenciement: rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur
– Moyens des parties: ressources ou arguments utilisés par les parties dans un litige – Prescription: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable – Comptable: professionnel chargé de la gestion des comptes et de la comptabilité d’une entreprise – Française des Jeux: entreprise publique française de jeux de hasard – Plainte: déclaration écrite d’une personne se plaignant d’un préjudice ou d’une infraction – Vidéosurveillance: système de surveillance utilisant des caméras vidéo – Vente du fonds de commerce: cession de l’ensemble des éléments d’exploitation d’une entreprise – Huissier de justice: officier ministériel chargé de signifier des actes de justice – Faute grave: manquement important aux obligations contractuelles ou légales, pouvant justifier un licenciement immédiat |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 15 MARS 2024
N° 2024/ 090
Rôle N° RG 20/05326 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF4UU
[S] [Y]
C/
[T] [W]
Copie exécutoire délivrée
le : 15/03/2024
à :
Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON
Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 04 Décembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00563.
APPELANT
Monsieur [S] [Y]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002453 du 15/05/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Sandrine OTT-RAYNAUD, avocat au barreau de TOULON substitué pour plaidoirie par Me Marion ROURE, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [T] [W], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Frédéric DELCOURT, avocat au barreau de TOULON substitué pour plaidoirie par Me Hervé LONGEARD, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Estelle de REVEL, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre
Madame Estelle de REVEL, Conseiller
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2024
Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [S] [Y] a été engagé en qualité d’employé polyvalent par M. [T] [W] par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 20 octobre 2012.
Le 31 janvier 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 14 février suivant, reporté au 17 février.
Le 28 février 2017, il a été licencié pour faute grave.
Contestant le bien fondé de la rupture, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes le 3 août 2017 aux fins d’indemnisation.
Par jugement du 4 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulon a dit que la faute grave est caractérisée et le licenciement justifié et a débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes et débouté M. [W] de sa demande reconventionnelle. M. [Y] a été condamné aux dépens.
M. [Y] a fait appel du jugement le 1er juin 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juillet 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [Y] demande à la cour de :
‘INFIRMER LE JUGEMENT DU 4 DECEMBRE 2019, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [W] de ses demandes,
EN CONSEQUENCE,
DIRE ET JUGERque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
DIRE ET JUGER que le licenciement est irrégulier;
CONDAMNER Monsieur [W] en sa qualité de représentant du Bar tabac [3], SIRET [Numéro identifiant 1], à payer à Monsieur [Y]:
– Indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement 1983.51 euros
– Indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse 23901.06 euros
– Indemnités compensatrices de préavis 3967.02 euros
– Indemnités compensatrices de congés payés sur préavis: 396.70 euros
– Salaire mise à pieds conservatoire: 1876.99 euros
– Congés payés y afférents: 187.69 euros
– Indemnité légale de licenciement 1729.62 euros
– Article 700 du CPC: 2500 euros
– Entiers dépens
DEBOUTER Monsieur [W] en sa qualité de représentant du Bar tabac [3], SIRET [Numéro identifiant 1] de l’intégralité de ses demandes’.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens, M. [W] demande à la cour de :
‘Recevoir Monsieur [W] en ses moyens et y faisant droit
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Toulon en date du 04 décembre 2019 (RG N° F 17/00563) en ce qu’il a déclaré fondé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [Y] et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes
Dire et juger que la faute grave est caractérisée et le licenciement parfaitement justifié
Débouter Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes ‘ notamment indemnitaires – moyens, fins et conclusions
Dire et juger qu’en tout état de cause, Monsieur [Y] ne démontre ni le principe ni le quantum des dommages et intérêts qu’il revendique
Débouter Monsieur [Y] de sa demande en condamnation au titre de l’article 700 CPC ainsi qu’aux dépens
Condamner Monsieur [Y] à verser au Monsieur [W] la somme de 3.000,00 Euros sur le fondement de l’article 700 du CPC
Condamner Monsieur [Y] aux frais et dépens
En tout état de cause : sur le fondement de l’article 123 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91 ‘ 647 relative à l’aide juridique : dispenser totalement la concluante de tout remboursement au Trésor des sommes avancées par l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle accordée le cas échéant à Monsieur [Y].’
Sur le licenciement
Moyens des parties
M. [Y] soulève la prescription des faits reprochés au motif que la procédure de licenciement a été mise en oeuvre le 31 janvier 2017 alors que l’employeur avait été informé un an plus tôt d’un déficit de 46 000 euros par sa comptable dont il avait tenté d’imputer la faute à M. [K]; que plusieurs clients attestent que les employés comme l’employeur avaient pour habitude de jouer aux jeux et que l’employeur devait régulièrement rendre compte des jeux auprès de la Française des Jeux (FDJ).
Il soutient par ailleurs que la plainte déposée par M. [W] pour des vols de jeux de grattage a été classée sans suite de sorte que les faits ne peuvent lui être imputés.
Il conteste enfin la preuve rapportée au moyen de la vidéosurveillance dont il n’est pas démontré que l’installation a été portée à la connaissance de la CNIL et soutient, en tout état de cause, que sur les images présentes dans le procès verbal d’huissier, il ne peut être affirmé que l’homme avec la calvitie est bien lui et ne peut être exclu qu’il aurait procédé au paiement des tickets de jeu prélevés après son service.
Il soutient avoir été en réalité licencié pour d’autres motifs liés au projet de vente du fonds de commerce à son profit.
En réplique, M. [W] fait valoir que les faits reprochés ont été révélés au mois de janvier 2017 par le cabinet comptable attirant son attention sur un déficit financier dans les jeux à gratter, qu’il a déposé plainte pour vol le 30 janvier et qu’il n’y a donc pas de prescriptions.
Il soutient que le classement sans suite de la plainte n’a pas d’effet sur l’appréciation des faits; que les extraits des bandes de vidéosurveillance ont mis en exergue le comportement du salarié pendant les heures de travail consistant à ponctionner à longueur de journée des tickets à gratter de la Française des Jeux sans s’acquitter de leur règlement en caisse. Il ajoute que l’intéressé ne conteste pas cette pratique et ne justifie pas avoir régularisé les paiements. Il fait valoir que les caméras étaient régulièrement installées dans le commerce sans besoin de déclaration à la CNIL s’agissant de lieux ouverts au public et que le salarié était informé de leur présence par les affichages obligatoires.
Il reconnaît la cession de son fonds de commerce courant 2017 et une tentative de rupture conventionnelle mais conteste tout projet de vente à M. [Y].
Réponse de la cour
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l’employeur, le salarié n’ayant rien à prouver.
En l’espèce, la lettre de licenciement du 28 février 2017 a été libellée comme suit :
Les motifs sont ceux qui vous ont été exposés au cours de cet entretien et sont pour rappel les suivants:
« 1. Vous avez été recruté au sein de notre entreprise, le 20 octobre 2012, par le biais d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
En votre qualité d’employé polyvalent, vous étiez notamment en charge de la vente de tabac, jeux à gratter de la Française des jeux ‘
2. Malgré la confiance que la Direction vous a témoigné depuis plus 4 ans, celle-ci a été témoin de faits gravement fautifs vous concernant :
Notre cabinet comptable a récemment alerté la Direction, quant à l’existence d’un très important déficit sur les jeux à gratter de la Française des jeux, se chiffrant à – 24.000 € (soit en moyenne -100 € / jour).
C’est dans ces conditions qu’afin de faire la lumière sur cette perte inexpliquée de chiffre d’affaires et compte tenu du fait que vous êtes seul plusieurs matinées par semaine, la Direction a décidé de visionner les bandes vidéo du bar.
Ce visionnage a permis de constater des faits gravement fautifs dont vous vous êtes rendu coupables.
Ainsi, le 24 janvier 2017, une fois la terrasse mise en place, vous commencez à gratter des jeux de grattage. Bien entendu ces jeux de grattage n’ont fait l’objet d’aucun enregistrement sur la caisse ni d’aucun encaissement de votre part ‘
En réalité, il ressort du visionnage des bandes vidéo que vous procédez toujours de la même manière : le matin, vous remplissez le présentoir des jeux de grattage. Vous en conservez quelques-uns de côté. Une fois la mise en place terminée, vous récupérez les jeux à gratter, vous positionnez hors champ de la caméra et grattez les jeux. S’il n’y a pas de gain, vous jetez alors le ticket. S’il y en a un, vous ne l’enregistrez pas et reprenez immédiatement d’autres jeux à gratter.
3. Afin de justifier de l’ensemble de ces constatations et s’appuyant sur les propres dispositions contractuelles, la Direction a mandaté un huissier de justice le 03 février 2017.
Ainsi, au terme de ses investigations, l’huissier de justice a dressé le même jour un procès-verbal de constat qui établit de façon irréfragable les larcins dont vous vous êtes rendu coupable au détriment de votre employeur (pour rappel, grattage de tickets de jeux la Française des Jeux sans les payer) et ce, au travers de séquences vidéo enregistrées sur les dates des 24, 25 et 26 janvier 2017 et de photos conservées à l’appui :
« Au visionnage de ces bandes sur lesquels se trouve Monsieur [Y], reconnaissable à une calvitie, je constate que ce dernier procède régulièrement et à longueur de journée à des ponctions dans les stocks de tickets, type millionnaire ou autres, sans en acquitter le prix et sans verser l’argent dont il est redevable dans la caisse attenante »
En tout état de cause, des clients et employés du bar, attestent avoir été témoins de votre addiction aux jeux « (‘) étant client régulier du bar [3], café tous les matins, j’ai souvent vu M. [Y] jouer à des jeux à gratter. » « Au cours de mes deux années de travail au sein de l’entreprise de M. [W], M. [Y] avait l’habitude d’utiliser nos pourboires en jeux à gratter et utilisait également son argent personnel pour en prendre plus. Les gains étaient également rejoués la plupart du temps. Il apparaît clairement que M. [Y] avait une attirance marquée pour les jeux d’argent ».
4. Nous vous rappelons pourtant que, dans le cadre de votre contrat de travail, vous vous deviez d’adopter une attitude exemplaire à l’égard de votre Direction.
Nous vous rappelons également qu’aux termes de la note de service que vous avez signé le 16 avril 2016, il est strictement interdit de jouer aux jeux (billetterie, grattage ..) pendant les heures de travail.
Il est patent que les faits ainsi révélés et dont vous êtes l’auteur caractérisent de graves manquements à ces obligations.
Nous ne saurions tolérer de tels manquements à vos obligations professionnelles ainsi que la soustraction frauduleuse de marchandises au détriment de notre société dont vous vous êtes rendu coupable.
L’ensemble de ces faits participe d’une faute grave de votre part qui commande la rupture immédiate de votre contrat de travail.’
L’employeur produit :
– l’attestation de la société Procompta du 22 décembre 2017 qui indique avoir alerté M. [W] courant janvier 2017 lors du pointage des comptes de son entreprise, au sujet d’une anomalie constatée dans le stock de jeux à gratter au 31 décembre 2016 et que comptablement, il ressortait à cette date un stock théorique de jeux à gratter de 34 910 euros alors que d’après l’inventaire fourni au client, le stock de jeux à gratter n’était que de 10 910 euros;
– la plainte déposée par M. [W] devant les services de police le 30 janvier 2017dans laquelle il indique avoir été informé par son comptable aux alentours du 25 janvier qu’il y avait un différentiel de l’ordre de 24 000 euros de jeux à gratter;, qu’il a donc visionné les bandes d’enregistrement des vidéosurveillances qu’il conserve une semaine conformément à la loi et qu’il a vu, dans la journée du 24 janvier, M. [Y] remplir le présentoir de jeux de grattage, en mettre quelques-uns sous l’étalage, puis les récupérer, se positionner hors champ de caméra et gratter les jeux;
– la note de service du 14 avril 2016 signée par M. [Y] faisant interdiction au personnel de l’entreprise de jouer aux jeux (billetterie, grattage,…) pendant les heures de travail;
– le procès verbal de constat d’huissier effectué le 3 février 2017 rédigé comme suit : je constate que dans la salle du bar se trouvent deux affiches indiquant que les lieux sont sous surveillance vidéo; je remarque qu’une 3e affiche est visible à l’entrée de la réserve située dans le prolongement. (…) Il est procédé au visionnage de plusieurs bandes vidéo portant sur les dates suivantes 24, 25 et 26 janvier. Au visionnage de ces bandes sur lesquels se trouve M. [Y], reconnaissable à une calvitie, je constate que ce dernier procède irrégulièrement et à longueur de journée à des ponctions dans les stocks de tickets, type millionnaire ou autres sans en acquitter le prix et sans verser l’argent dont il est redevable dans la caisse attenante. Les enregistrements annexés au présent procès verbal démontrent une fréquence des prélèvements de ces tickets tout au long de la demi-journée où M. [Y] se trouve seul dans les lieux pour servir la clientèle (…)’; auquel sont annexées des photographies extraites des vidéo;
-les attestations de clients (M. [O], M. [V]) et d’un ancien salarié (M. [M]) sur le fait que M. [Y] grattait souvent des jeux pendant son temps de travail.
1/ Sur la prescription des faits fautifs:
En application de l’article L.1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ; que sous cette réserve, le licenciement disciplinaire prononcé à raison de faits connus de plus de deux mois par l’employeur est sans cause réelle et sérieuse.
Aux termes de la lettre de licenciement, les faits reprochés consistent pour le salarié à avoir joué à des jeux de grattage sans s’acquitter du paiement du ticket et à s’être adonné à de tels jeux pendant son service alors que cela est interdit. La faute ne concerne donc pas les pertes comptables de l’entreprise qui ne sont que la conséquence des non paiements reprochés. Ainsi, les éléments produits par le salarié sur les pertes financières de l’employeur en 2015 sont sans rapport avec les faits et ne sauraient servir de point de départ au délai de prescription.
Il ressort des éléments susvisés que l’employeur n’a eu connaissance des faits fautifs que par l’information de son comptable et le visionnage des enregistrements des caméras de vidéosurveillance entre le 25 et le 31 janvier. Il en résulte que lors de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement par la convocation du salarié à l’entretien préalable au licenciement, les faits reprochés n’étaient pas prescrits.
2/ Sur la preuve
Aux termes de l’article L. 1222-4 du code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.
Lorsque le système de vidéo-surveillance filme des lieux non ouverts au public, il doit faire l’objet d’une déclaration à la CNIL. Depuis le 25 mai 2018, celui-ci a disparu au profit du système de responsabilisation institué par le Règlement européen no 2016-679 du 27 avril 2016 (RGPD), voir nos 6521 et s.
En application de l’article L. 252-5 du code de la sécurité intérieure, la conservation des images recueillies par vidéo-surveillance ne doit pas excéder un mois.
La cour retient que le système de vidéosurveillance a été installé pour assurer la sécurité du magasin (pièce employeur n° 14) et n’a pas été utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions comme cela ressort des extraits de vidéosurveillances présents au procès verbal d’huissier qui montrent un large champ de vision sur tout le local et particulièrement sur le côté client étant précisé que pour les dispositifs de contrôle de l’activité des salariés, il faut que les salariés soient individuellement informés, cette obligation d’information individuelle n’existe pas pour les dispositifs de videosurveillance mis en place dans les locaux de travail dans un lieu ouvert au public dans un but unique de sécurité des personnes et des biens, comme c’est le cas dans cette affaire, et qu’il y a un affichage sur la présence de la surveillance vidéo.
Les images litigieuses n’ont pas été conservées plus d’un mois.
En tout état de cause, l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En l’espèce, l’atteinte à la vie personnelle du salarié est proportionnée au but poursuivi et l’exploitation des enregistrements du système de vidéosurveillance installé dans le local litigieux était indispensable à l’exercice par l’employeur de son droit à la preuve.
Il n’est pas contesté, et cela ressort des pièces produites par le salarié, que la plainte de M. [W] a été classée sans suite par le procureur de la république de Toulon, ce qui ne peut cependant avoir pour conséquence d’exclure toute possibilité que les agissements dénoncés puissent être établis dans leur matérialité.
La cour, après analyse des pièces produites, estime que le procès verbal d’huissier de justice corroboré par les attestations de clients sur le comportement du salarié sur son lieu de travail pendant ses heures de travail, dans des termes précis et concordants suffisent à établir que M. [Y] jouait aux jeux de grattage sur son lieu de travail les 24, 25 et 26 janvier et qu’il n’est pas vu entrain de procéder au paiement des tickets grattés. Aucune pratique ou habitude de paiement en fin de journée n’est rapportée par le salarié. En tout état de cause, il ne justifie pas avoir payé les tickets de jeu.
Il ressort de ces éléments que les vols allégués sont établis.
Ces faits, par leur nature et leur gravité, rendaient impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise.
C’est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont dit le licenciement pour faute grave du salarié justifié et l’ont débouté de l’ensemble de ses demandes subséquentes.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la procédure
Moyens des parties
M. [Y] sollicite la condamnation de l’employeur au paiement de la somme de 1 983,51 euros faisant valoir que ses droits de la défense ont été violé en ce que lors de l’entretien préalable, M. [W] ne lui a pas fait connaître le motif du licenciement tel que cela ressort du rapport rédigé par son assistant lors de l’entretien.
M. [W] conteste l’absence d’information du salarié sur les faits reprochés lors de l’entretien préalable, rappelant qu’il a accepté le report de celui-ci pour permettre au salarié d’être assisté, et que l’interprétation du rapport par le salarié n’est pas conforme à ce qui y est indiqué.
Réponse de la cour
Selon l’article L.1232-3 du code du travail, au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.
En l’espèce, M. [Y] produit un document manuscrit, non signé par les parties, intitulé Rapport, rédigé par M. [G] [I], qui indique qu’en sa qualité de conseiller du salarié auprès de la DIRECCTE du Var, il a été sollicité par M. [Y] pour l’assister à l’entretien préalable, s’est rendu au Bar [3] à Saint Mandrier, et attendais que M. [W] expose à M. [Y] ‘les éléments qu’il a retenu pour motiver cette procédure; il refuse d’expliquer les faits à M. [Y]; il refuse de lui expliquer la retenue de son salaire sur les motifs. Je me permets de préciser à M. [W] qu’il est tenu lors de cet entretien d’exposer les faits, celui-ci met fin à l’entretien.’
La cour relève que l’employeur ne remet pas en cause l’authenticité de ce rapport qu’il n’a pas signé, mais considère qu’il n’est pas compréhensible pour savoir ce qui s’est passé lors de l’entretien. Selon lui, il en ressort qu’il a refusé d’expliquer la retenue sur salaire mais le motif reproché.
La cour retient cependant que les termes de ce rapport font apparaître de manière suffisamment claire et précise que les griefs invoqués n’ont pas été exposés au salarié et qu’il n’y a pas eu de dialogue instauré au cours de cet entretien.
L’irrégularité est par conséquent caractérisée.
M. [Y] justifie d’un préjudice du fait de n’avoir pu s’expliquer, qui doit être réparé par l’allocation de la somme réclamée, non autrement contestée dans son quantum.
Sur les autres demandes
Il est équitable de condamner M. [W] à payer à M. [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire
CONFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu’il a rejeté la demande de M. [S] [Y] au paiement d’une indemnité de procédure;
STATUANT à nouveau des chefs infirmés et Y AJOUTANT
CONDAMNE M. [T] [W] à payer à M. [S] [Y] les sommes suivantes :
– 1 983,52 euros à titre d’indemnité pour procédure de licenciement irrégulière;
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes
CONDAMNE M. [T] [W] aux dépens.
Le Greffier Le Président