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L’employeur peut établir le vol d’un salarié par un système de vidéosurveillance dès lors que la production des données personnelles (images) issues du système de vidéosurveillance est indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi.
Le vol répété du salarié est qualifiable de faute lourde. La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ((Soc., 22 octobre 2015, pourvois n°14-11.291 et n°14-11.801, Bull. V n° 201 ; Soc., 8 février 2017, pourvoi n°15-21.064, Bull. 2017, V, n° 22; Soc., 28 mars 2018, pourvoi n°16-26.013, Bull. 2018, V, n°45 ; Soc., 9 mars 2022, pourvoi n 21-10.173). Le juge, s’il ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur dans la lettre de licenciement, peut disqualifier la faute invoquée par l’employeur en une faute moins grave (Soc. 17 mars 2021 n°19-12.586 : faute lourde requalifiée en faute grave). Par ailleurs, il résulte de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du code de procédure civile que, dans un procès civil, l’illicéité dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Doit en conséquence être approuvé, l’arrêt qui, après avoir constaté qu’il existait des raisons concrètes liées à la disparition de stocks, justifiant le recours à la surveillance du salarié et que cette surveillance, qui ne pouvait être réalisée par d’autres moyens, avait été limitée dans le temps et réalisée par le seul dirigeant de l’entreprise, a pu en déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables. (Soc., 14 février 2024, pourvoi n° 22-23.073, publié). À partir du moment où le procédé ou l’outil de surveillance implique la collecte d’information telle que la collecte d’images résultant d’une vidéosurveillance, l’article L. 1222-4 du code du travail introduit l’obligation d’information préalable du salarié (Soc., 20 novembre 1991, n°88-43120, Soc., 7 juin 2006, n°04-43.866, CEDH, 9 janv. 2018, n°1874/13). Il résulte de l’article L. 1222-4 du code du travail que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n’ont pas été préalablement informés de l’existence. (Soc., 22 septembre 2021, pourvoi n°20-10.843). |
→ Résumé de l’affaireMme [S] a été licenciée pour faute lourde par la société Pharmacie Charras, qui l’accusait de vols d’espèces et de délivrance de médicaments sans ordonnance. Mme [S] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Nanterre, qui a jugé le licenciement fondé pour faute lourde. Mme [S] a interjeté appel de ce jugement, demandant la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses sommes. La société Pharmacie Charras a demandé la confirmation du jugement initial. Les parties ont des prétentions financières et demandent des dommages et intérêts.
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→ Les points essentielsSur le licenciementLa salariée conteste le licenciement pour faute grave, invoquant un manque d’impartialité dans le jugement et la prescription des faits fautifs. L’employeur soutient que les détournements sont établis par des preuves solides et que la salariée a volontairement dévié des fonds. La cour examine les arguments des deux parties pour statuer sur la légitimité du licenciement. Sur la prescription des faits fautifsLa cour analyse la date de connaissance des faits reprochés par l’employeur pour déterminer si la prescription s’applique. Les preuves présentées par l’employeur, telles que le listing des ventes et la lettre du fournisseur du logiciel de ventes, établissent que les faits reprochés ne sont pas prescrits au moment du licenciement. La cour examine les éléments pour conclure sur la validité des accusations. Sur la faute lourdeLa cour évalue si les faits reprochés à la salariée constituent une faute lourde, nécessitant une intention de nuire à l’employeur. Elle examine les preuves présentées par les deux parties pour déterminer si la faute lourde est établie. La cour conclut que les faits ne justifient pas une faute lourde mais justifient un licenciement pour faute grave, en raison de l’ampleur des détournements. Sur les heures supplémentairesLa salariée réclame un rappel de salaire pour des heures supplémentaires non rémunérées, en présentant des éléments précis sur les jours travaillés. L’employeur conteste ces heures supplémentaires en produisant des plannings contradictoires. La cour examine les preuves des deux parties pour décider si les heures supplémentaires sont dues. Elle conclut que les heures supplémentaires réclamées ne sont pas justifiées. Sur les dommages et intérêts pour préjudice issu de la baisse du coefficientLa salariée demande des dommages et intérêts pour la baisse de son coefficient, impactant ses cotisations de retraite. L’employeur conteste cette demande, arguant qu’elle n’a pas été formulée initialement. La cour examine si cette demande est recevable et conclut qu’elle n’est pas suffisamment liée aux prétentions initiales pour être prise en compte. Sur la demande reconventionnelle de l’employeur de dommages-intérêtsL’employeur demande des dommages-intérêts à la salariée, mais la cour rejette cette demande en l’absence de faute lourde établie. La cour examine les arguments des deux parties pour statuer sur cette demande reconventionnelle. Sur les dépens et frais irrépétiblesLa cour confirme les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles. Les dépens d’appel sont laissés à la charge de chaque partie, et aucune indemnité n’est accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire: – La cour alloue à la Selarl Pharmacie Charras le montant des dépens d’appel
– Mme [F] [S] est déboutée de sa demande de condamnation de la Selarl Pharmacie Charras au paiement de dommages-intérêts – Aucune somme n’est allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Code du travail
– Code de procédure civile Article L. 1332-4 du code du travail: Article L. 1222-4 du code du travail: Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales: Article 70 du code de procédure civile: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Khadija BENBANI
– Me François-Xavier EMMANUELLI |
→ Mots clefs associés & définitions– Licenciement
– Droit d’être entendu – Prescription des faits fautifs – Faute lourde – Preuve – Vidéosurveillance – Heures supplémentaires – Coefficient – Dommages et intérêts – Dépens et frais irrépétibles – Licenciement: rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur
– Droit d’être entendu: droit pour une personne de s’exprimer et de se défendre lors d’une procédure – Prescription des faits fautifs: délai au-delà duquel un employeur ne peut plus sanctionner un salarié pour des faits fautifs – Faute lourde: faute grave commise intentionnellement par un salarié – Preuve: élément permettant d’établir la véracité d’un fait – Vidéosurveillance: système de surveillance visuelle à l’aide de caméras – Heures supplémentaires: heures de travail effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle – Coefficient: chiffre multiplicateur permettant de calculer la rémunération d’un salarié – Dommages et intérêts: somme d’argent versée en réparation d’un préjudice subi – Dépens et frais irrépétibles: frais engagés lors d’une procédure judiciaire et non remboursables |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-4
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 MARS 2024
N° RG 22/00966
N° Portalis DBV3-V-B7G-VCYN
AFFAIRE :
[F] [Z] épouse [S]
C/
Société PHARMACIE CHARRAS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes formation paritaire de NANTERRE
Section : C
N° RG : F 18/00247
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Khadija BENBANI
Me François-Xavier EMMANUELLI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT-SEPT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dont la mise a disposition a été fixée au 21 février 2024 puis prorogée au 20 mars 2024, puis prorogé au 27 mars 2024, dans l’affaire entre :
Madame [F] [Z] épouse [S]
née le 27 juillet 1966 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Khadija BENBANI, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 307
APPELANTE
****************
Société PHARMACIE CHARRAS
N° SIRET : 828 025 395
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me François-Xavier EMMANUELLI de la SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R105
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 décembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Mme [S] a été engagée par la société Pharmacie Charras, en qualité de préparatrice en pharmacie, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2001.
Cette société est spécialisée dans la vente de produits médicamenteux et de produits de parapharmacie. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale de la pharmacie d’officine.
En dernier lieu, elle percevait une rémunération moyenne (3 derniers mois) brute mensuelle de base de 3 279, 99 euros (selon la salariée), outre une rémunération variable.
Par lettre du 24 novembre 2017, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 5 décembre 2017.
Mme [S] a été licenciée par lettre du 8 décembre 2017 pour faute lourde dans les termes suivants:
« (…) D’une part, après avoir consulté les enregistrements du système de vidéosurveillance de la Pharmacie ainsi que les listings de ventes, j’ai pu constater que vous avez commis de nombreux vols d’espèces dans la caisse qui vous est attitrée.
Il ressort des listings de ventes que vous avez élaboré, depuis le 6 octobre 2017, une stratégie qui vous permet d’effacer la vente des bandes de caisse en saisissant le produit en « saisie avance produit », c’est à dire de le délivrer au client et en attente d’une facturation prochaine, cela sans identifier le client, alors que celui-ci vous remet des espèces en échange.
Ce qui permet d’avoir un stock final juste puisque le produit est déstocké informatiquement et physiquement et d’avoir, pour vous, une caisse « faussement juste ».
Je vous indique que vous êtes la seule salariée à avoir des dizaines d’opérations « saisie avance produit » quotidiennement depuis le 6 octobre 2017 et ce sans identification du client pour qui le produit est avancé, il donc impossible d’en réclamer le règlement par la suite.
Je vous informe que depuis le 6 octobre 2017 et à chacune de vos présences à l’officine, ces agissements ont été constatés.
A titre d’exemples :
– Le 3 novembre 2017, au départ d’une cliente qui a réglé ses achats en espèces, vous n’avez pas validé la vente.
Vous avez encaissé l’argent liquide et avez attendu la fin de votre journée de travail pour récupérer la somme d’argent correspondante dans la caisse, en prenant le soin de sortir du champ de la caméra.
En effet, lors du visionnage de la vente, j’ai pu constater que le produit « SLOW AGE » de la marque VICHY avait été vendu alors qu’il n’apparaît pas dans le listing des ventes de ce jour.
Qui plus est, la dernière vente enregistrée de ce produit remonte au 14 septembre 2017.
– Le 21 novembre 2017, vous avez utilisé le même procédé et plusieurs ventes apparaissent, une fois de plus, comme ayant été validées en “saisie avance produit”, toujours sans identification du client, il est donc impossible d’en réclamer le règlement à qui que ce soit, alors que la transaction apparaît bien sur les enregistrements de vidéosurveillance.
Notamment, le produit « SCRUB AND MASK » de la marque FILORGA, particulièrement onéreux, a été délivré ce jour-là.
Or, en vérifiant la liste des stocks de la Pharmacie, j’ai pu constater que la dernière vente régulière de ce produit remonte au 4 novembre 2017.
Lors de l’entretien préalable, je vous ai interrogée sur ces différents faits.
Vous vous êtes contentée de les nier sans fournir la moindre explication au nombre important de ventes en « avance produit » et à votre habitude de fermer votre caisse hors du champ des caméras.
Vous comprendrez aisément que je ne peux me satisfaire de telles explications et tolérer de telles pratiques au sein de l’officine qui sont constitutives d’une intention de nuire et mettent en péril la viabilité financière de l’officine.
Je vous précise que ces faits sont constitutifs d’une infraction pénale et qu’une plainte a été déposée.
D’autre part, il ressort également de l’analyse des listings et enregistrements de vidéosurveillance que vous avez délivré à plusieurs reprises des médicaments sans que les clients ne vous présentent l’ordonnance correspondante.
Le 6 octobre 2017, vous avez notamment délivré du CIFLOX et de nouveau inscrit cette transaction en « avance produit » sans que l’ordonnance n’ait été enregistrée pour ce produit (…) ».
Le 5 février 2018, Mme [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 15 mars 2022, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section commerce) a :
– rejeté la demande de sursis à statuer formulée par M. [C],
– dit et jugé fondé le licenciement de Mme [F] [S] pour faute lourde,
– débouté Mme [F] [S] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté la Pharmacie Charras de ses demandes de dommages et intérêts et du bénéfice de l’article 700,
– pris acte que la Pharmacie Charras reconnaît devoir la somme de 179,41 € (congés payés inclus), au titre de sept heures supplémentaires,
– ordonné la remise d’un bulletin de paie, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un certificat de travail pour ces sept heures supplémentaires,
– condamné Mme [S] aux entiers dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 24 mars 2022, Mme [S] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [S] demande à la cour de :
– La DECLARER recevable et bien fondée en son appel et y faire droit
– INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Nanterre ‘ Formation paritaire ‘ Section Commerce, le 15 mars 2022 l’ayant déboutée de l’intégralité de ses demandes
ET, STATUANT A NOUVEAU
– DIRE et JUGER que la moyenne des salaires de Madame [S] s’élève à la somme de 3.272,99 €
– JUGER son licenciement par la Selarl Pharmacie Charras sans cause réelle et sérieuse
EN CONSEQUENCE
– CONDAMNER la Selarl Pharmacie Charras à lui verser :
– Une indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 45.821,90 € (14 mois de salaire)
– Salaire pendant la période de mise à pied : 1.527,39 €
– Congés payés afférents : 286,31 €
– Indemnité légale de licenciement : 15.616,36 €
– Indemnité compensatrice de préavis : 6 545,98 € (2 mois de salaires)
– Congés payés afférents : 654,59 €
– Heures supplémentaires : 15.028.40 €
– Congés payés y afférents :1502.84 €
– Indemnité de travail dissimulé : 25.260,27 € (6 mois de salaire, incluant les heures supplémentaires effectuées sur les 6 derniers mois)
– Dommages et intérêts pour préjudice issu de la baisse du coefficient : 9000 €
– CONDAMNER la Selarl Pharmacie Charras à lui remettre les documents sociaux modifiés, sous astreinte de 400 € par document et par jour de retard, à savoir :
– Les bulletins de salaires des années 2015/2016 et 2017
– Une attestation Pôle Emploi
– Certificat de travail
– Solde de tout compte
– CONDAMNER la Selarl Pharmacie Charras au paiement d’une somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Pharmacie Charras demande à la cour de :
– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :
– Dit et jugé fondé le licenciement de madame [F] [S] pour faute lourde ;
– Débouté madame [F] [S] de l’intégralité de ses demandes ;
– Condamné madame [F] [S] aux entiers dépens.
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :
– Débouté la Pharmacie Charras de sa demande de dommages et intérêts ;
– Débouté la Pharmacie Charras de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau :
– Débouter madame [S] de l’intégralité de ses demandes ;
– Condamner madame [S] à verser à la Selarl Pharmacie Charras la somme de 10.000 euros au titre de dommage et intérêts ;
– Condamner madame [S] à verser à la Selarl Pharmacie Charras la somme de 3.000 euros au titre de la procédure de première instance sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner madame [S] à verser à la Selarl Pharmacie Charras la somme de 3.000 euros au titre de la procédure d’appel, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner madame [S] aux entiers dépens.
Sur le licenciement
La salariée invoque la violation du droit d’être entendue dans un délai raisonnable, et un manque d’impartialité dans le jugement qui ne développe que la position de l’employeur, dont la plainte a été classée sans suite bien avant le jugement. Elle invoque la prescription des faits fautifs, l’employeur ayant eu connaissance des faits dès le 6 octobre 2017 selon les termes mêmes de la lettre de licenciement. Elle rappelle que M. [C] était présent « 24 heures sur 24 » dans l’officine, son poste de travail étant situé à côté du sien, qu’il contrôlait quotidiennement les caisses, tout l’espace étant placé sous vidéosurveillance, mise en place de façon illicite, sans information des salariés auprès de la Cnil, que l’employeur n’apporte aucune autre preuve des faits reprochés, l’intention de nuire n’étant pas établie.
L’employeur objecte qu’il a fait le constat d’anomalies à compter d’octobre 2017, les faits, dont il a eu connaissance complète par la lettre de M. [E] du 20 novembre 2017, n’étant pas prescrits dès lors que la convocation à l’entretien préalable au licenciement date du 24 novembre 2017, que les détournements sont établis par les pièces qu’il produit, faisant état de vols quotidiens sur deux mois, la salariée étant la seule à utiliser la fonction « avance sur produit », et ayant choisi volontairement de détourner les sommes payées en espèces par le client, pour un montant total de 5 700 euros, outre les nombreuses ventes réalisées pour des produits sur prescription médicale sans que les clients ne produisent d’ordonnance.
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A titre liminaire, la cour relève que la salariée ne sollicite pas l’annulation du jugement et reproche en réalité, au regard des explications formées par son conseil à l’audience, de ne pas avoir été entendue suffisamment longtemps par le conseil de prud’hommes, qui a été saisi quatre ans avant de rendre son jugement, ce qui, au regard des délais de traitement des affaires prud’homales examinées au cours de la crise sanitaire, n’est pas déraisonnable, les parties pouvant profiter de ce délai pour mettre en oeuvre le règlement amiable du litige, tel que la cour leur a de nouveau proposé à l’issue de l’audience de plaidoiries.
Sur la prescription des faits fautifs
Selon l’article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Ce n’est pas la date des faits qui constitue le point de départ du délai de prescription mais celle de la connaissance par l’employeur des faits reprochés, cette connaissance s’entendant d’une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits (Soc., 17 février 1993 pourvoi n°88-45.539 Bull V n°55 ; Soc., 28 septembre 2011 pourvoi n°10-17.343).
En l’espèce, la lettre de licenciement du 8 décembre 2017, qui fixe les limites du litige, reproche à la salariée d’avoir mis en place depuis le 6 octobre 2017 une stratégie d’effacement des bandes de caisse de la vente de dizaine de produits, permettant la délivrance au client du produit mis en attente de facturation, et la remise d’espèces par le client à la salariée.
L’employeur établit que le listing de suivi des actes de vente réalisés par la salariée, sous son code opérateur 17, pour la période du 1er juin 2017 au 31 novembre 2017 (pièce 3 de l’employeur) fait apparaître à partir du 6 octobre 2017 des ‘saisie avance produits’ (code AV) notamment pour un montant de 306,59 euros à la date du 6 octobre 2017, le listing relatif à la période antérieure (pièce 10E) ne comportant pas l’utilisation d’un tel code par Mme [K] ou d’autres salariés.
Il produit également une lettre du 20 novembre 2017 du président directeur général de la société LGPI, fournisseur du logiciel de ventes de la pharmacie, lui confirmant avoir constaté lors de son appel auprès de son Centre d’assistance téléphonique national le 8 novembre 2017 les manipulations suivantes :
« Il a été observé que l’opératrice effectuait des avances produits sur des fiches clients occasionnels (non enregistrés d’une façon définitive) et une fois la vente validée, plus de fiche client et aucune avance produit dans le fichier. On a pu les retrouver uniquement au niveau du fichier de traçabilité des opérations modifiées ou supprimées.
De nombreuses lignes d’avance produits sans nom de clients avec le même numéro d’opérateur 17 sont retrouvés dans ce module à partir du 6 octobre 2017, chaque jour
Cette fonctionnalité est utilisée pour des clients enregistrés, et peut être soumise à habilitation». (Pièce n°4 de l’employeur)
En conséquence, les faits reprochés à la salariée, dont l’employeur établit avoir eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur, le 8 novembre 2017 ne sont pas prescrits à la date de sa convocation à l’entretien préalable au licenciement le 24 novembre 2017.
Sur la faute lourde
La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ((Soc., 22 octobre 2015, pourvois n°14-11.291 et n°14-11.801, Bull. V n° 201 ; Soc., 8 février 2017, pourvoi n°15-21.064, Bull. 2017, V, n° 22; Soc., 28 mars 2018, pourvoi n°16-26.013, Bull. 2018, V, n°45 ; Soc., 9 mars 2022, pourvoi n 21-10.173).
Le juge, s’il ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur dans la lettre de licenciement, peut disqualifier la faute invoquée par l’employeur en une faute moins grave (Soc. 17 mars 2021 n°19-12.586 : faute lourde requalifiée en faute grave).
Par ailleurs, il résulte de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 9 du code de procédure civile que, dans un procès civil, l’illicéité dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Doit en conséquence être approuvé, l’arrêt qui, après avoir constaté qu’il existait des raisons concrètes liées à la disparition de stocks, justifiant le recours à la surveillance du salarié et que cette surveillance, qui ne pouvait être réalisée par d’autres moyens, avait été limitée dans le temps et réalisée par le seul dirigeant de l’entreprise, a pu en déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables. (Soc., 14 février 2024, pourvoi n° 22-23.073, publié).
À partir du moment où le procédé ou l’outil de surveillance implique la collecte d’information telle que la collecte d’images résultant d’une vidéosurveillance, l’article L. 1222-4 du code du travail introduit l’obligation d’information préalable du salarié (Soc., 20 novembre 1991, n°88-43120, Soc., 7 juin 2006, n°04-43.866, CEDH, 9 janv. 2018, n°1874/13).
Il résulte de l’article L. 1222-4 du code du travail que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n’ont pas été préalablement informés de l’existence. (Soc., 22 septembre 2021, pourvoi n°20-10.843).
A titre liminaire, la cour relève que l’employeur ne produit pas la preuve issue du système de vidéo-surveillance, et ne soutient d’ailleurs pas que cette preuve serait nécessaire pour établir la preuve des faits reprochés à la salariée, de sorte que le moyen tiré de l’absence de déclaration de ce système à la Cnil est inopérant, peu important que l’employeur y ait fait référence dans la lettre de licenciement.
L’employeur établit en outre que la salariée ainsi que les six autres salariés de la pharmacie, ont été informés le 15 décembre 2014 de la mise en place d’un système de vidéoprotection sur son lieu de travail, destiné à assurer la sécurité des salariés et lutter contre les vols (pièce 1 de l’employeur).
S’agissant des détournements reprochés à la salariée pour un montant de 5 700 euros, l’employeur, pour les établir, produit le listing et la lettre de M. [E], précédemments cités, mais également la notice de facturation comptoir éditée par la société LGPI qui, à la rubrique ‘avance produit’ précise que cette fonctionnalité est possible en cas de dépannage d’un client en lui avançant un produit, le client revenant ultérieurement avec une ordonnance, deux cas étant à envisager selon que le client paye ou pas le produit lors de l’avance, le mode opératoire précisant que, dans ce dernier cas, il faut saisir les coordonnées du client.
Or le listing produit établit que la salariée a utilisé cette fonctionnalité plusieurs fois par jour du 6 octobre 2017 jusqu’au 27 novembre 2017, jusqu’à 13 fois par jour le 17 novembre 2017, pour un total de 500 ventes en ‘avance produit’ sans renseigner les coordonnées des clients
(indication : ‘non identifié’ dans la colonne ‘client’).
Le listing des ventes pour la période du 1er octobre au 31 octobre 2017 établit qu’aucun autre salarié que Mme [K] (opérateur ’17’) n’utilisait le code ‘avance produits’ (AV), seul
M. [C] l’ayant utilisé les 9, 10 et 14 novembre 2017, soit après son appel au Centre d’assistance de la société fournisseur du logiciel de ventes, dans le cadre de ses recherches pour comprendre le mécanisme des détournements constatés depuis le 6 octobre 2017. Les autres salariés ont attesté ne jamais avoir utilisé cette fonctionnalité, ce qui est corroboré par le listing précité.
Par ailleurs, l’employeur établit avoir déposé plainte auprès du commissariat de [Localité 3], qui lui a indiqué le 19 novembre 2019 que l’enquête était toujours en cours, l’audition de la mise en cause étant prévue.
Toutefois, l’absence de poursuites pénales à ce jour est sans incidence sur la matérialité des faits reprochés à la salariée et établis par les différentes pièces précitées de l’employeur.
De plus, le fait que les opérations litigieuses figurent dans le listing sous le code opérateur de Mme [K], qui lui est personnel, à des jours et heures où il n’est pas soutenu qu’elle ne travaillait pas, exclut que M. [C] ait mis en place ‘un stratagèmé pour la piéger, alors qu’il résulte des pièces qu’elle-même produit qu’elle donnait toute satisfaction à ses précédents employeurs et aux clients qu’elle servait dans cette pharmacie depuis plus de seize ans, sans antécédent disciplinaire.
Enfin, l’allégation de la salariée selon laquelle l’employeur lui a demandé ainsi qu’aux autres salariés, en raison d’un contrôle fiscal, de ne plus utiliser les fonctions de suppression et d’annulation des ventes est dépourvue d’offre de preuve.
Il résulte de l’ensemble de ces constatations que les faits de détournements du montant de la vente de produits vendus en ‘avance produits’ reprochés sont établis.
Par voie d’infirmation, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second grief, tiré de la délivrance de médicaments sans ordonnance, lequel n’est en tout état de cause pas davantage de nature à caractériser l’existence d’une faute lourde, il convient donc de dire le licenciement de la salariée fondée sur une faute grave.
En effet, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, l’intention de nuire n’est pas établie et ne saurait résulter de la nature des faits reprochés, motivés par des considérations financières, dont le caractère pénal n’a au surplus pas été reconnu judiciairement.
Les faits ne sont donc pas constitutifs d’une faute lourde mais, en ce qu’ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise au regard de l’ampleur et de la fréquence des détournements opérés, justifiaient son licenciement pour faute grave.
En conséquence, le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaire pendant la période de mise à pied, congés payés afférents, indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, ainsi qu’en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de l’employeur à lui remettre sous astreinte les documents sociaux rectifiés.
Sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, publié au rapport ; 27 janvier 2021 (pourvoi n 17-31.046, publié).
Sous réserve de respecter la règle de preuve, le juge apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis par le salarié et l’employeur. Il détermine souverainement si le salarié a effectivement accompli des heures supplémentaires. Il évalue, tout aussi souverainement, l’importance de celles-ci, sans avoir à préciser le détail de son calcul et fixe ensuite le montant de la créance qui en résulte (Soc., 4 décembre 2013, pourvoi n°11-28.314, Bull. 2013, V, n° 298)
Au cas présent, la salariée produit à l’appui de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires les éléments suivants :
– un tableau (pièce 5b) des heures supplémentaires qu’elle soutient avoir réalisées de février 2015 à décembre 2015, précisant les dix-neuf jours où elle a travaillé alors que ces jour n’étaient pas prévus à son planning (essentiellement des mercredis, jeudis ou samedis), de sorte que son temps de travail a excédé certaines semaines la durée légale du travail, pour un total de 180 heures supplémentaires réalisées et non rémunérées,
– un tableau (pièce 6b) des heures supplémentaires qu’elle soutient avoir réalisées de février 2016 à décembre 2016, précisant les seize jours où elle a travaillé alors que ces jour n’étaient pas prévus à son planning, de sorte que son temps de travail a excédé certaines semaines la durée légale du travail, pour un total de 155 heures supplémentaires réalisées et non rémunérées,
– un tableau (pièce 7b) des heures supplémentaires qu’elle soutient avoir réalisées de février 2017 à novembre 2017, précisant les vingt et un jours où elle a travaillé alors que ces jour n’étaient pas prévus à son planning, de sorte que son temps de travail a excédé certaines semaines la durée légale du travail, pour un total de 205 heures supplémentaires réalisées et non rémunérées.
Elle produit également des attestations de clients indiquant l’avoir vue travailler des mercredis ou jeudis, (pièces n°19 à 25 de la salariée).
Ces éléments, qui précisent les jours supplémentaires travaillés selon les horaires habituels de la salariée (9h/20h) correspondant aux heures d’ouverture de l’officine, sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre.
Or, l’employeur objecte qu’en l’absence de décompte effectué personnellement par la salariée, aucun commencement de preuve n’est apporté, et il produit les plannings concernant la période litigieuse (Pièce 13 de l’employeur), dont l’analyse permet de retenir qu’il ne s’agit pas de planning prévisionnels ou de planning retranscrivant a posteriori les heures effectivement réalisées par les salariés, dans la mesure où les heures d’arrivée et sortie des salariés, qui sont retranscrites, contrairement à ce que soutient la salariée, ne mentionnent pas systématiquement les mêmes heures selon les jours travaillés, mais indiquent des horaires variant d’une semaine et d’un jour à l’autre, et dans la mesure où sont barrés les jours où les salariés sont en congés payés.
Il ressort des ces planning que les jours où la salariée soutient avoir travaillé ne portent pas l’indication que la salariée était présente dans l’officine et ait travaillé, les seules attestations de clients produites, indiquant avoir constaté la présence de la salariée certains mercredis n’étant pas suffisamment circonstanciées quant aux dates concernées, pour permettre d’apporter une contradiction probante aux relevés de temps produits par l’employeur.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la salariée, les planning indiquent bien qu’elle a travaillé les 9 septembre et 23 septembre 2017, seule la journée du jeudi 9 novembre 2017 ne figurant pas dans le planning, alors qu’il apparaît à la lecture du listing de suivi des ventes (pièce 10.3 de l’employeur) que son code opérateur (op 17) a été utilisé pour effectuer des ventes :
‘ jeudi 09/11/2017 : de 9 h 19 à 18 h 43 (ex : une vente directe (VD) à 19h31 réalisée par
‘op 17′)
Cependant, l’employeur établit, sans être contredit, avoir réglé les heures supplémentaires réalisées par la salariée le 9 novembre 2017 (cf bulletin de paie de novembre 2017, pièce 16 de l’employeur).
Enfin, contrairement à ce que soutient la salariée, le listing n’indique aucune vente avec son code opérateur pour les journées des mercredis 6 septembre 2017 et 25 octobre 2017 pour lesquelles le planning indique qu’elle n’est pas présente.
Après examen des pièces produites tant par la salariée que par l’employeur, il ya lieu de considérer que la salariée n’a pas accompli des heures supplémentaires n’ayant pas donné lieu à rémunération ou récupération, les quelques heures supplémentaires réalisées ayant été réglées par l’employeur.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande à ce titre, ainsi que de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qui en est le corollaire, et de sa demande de condamnation de l’employeur à lui remettre sous astreinte les bulletins de paie rectifiés.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice issu de la baisse du coefficient
La salariée expose que lors de la reprise de la pharmacie par M. [C] en mars 2008, son coefficient était de 300 correspondant au 6ème échelon selon la convention collective applicable (pièce n° 11), qu’alors qu’elle se trouvait en congé maternité, il lui a adressé un courrier lui indiquant qu’il avait décidé de baisser le coefficient de 300 (échelon 6 de la convention collective) à 280 correspondant à l’échelon 4 de la même convention. (pièce n° 12), qu’au jour du licenciement, ce coefficient était de 290 au lieu de 310 s’il n’avait pas été revu à la baisse par l’employeur en 2008 (pièces n° 11 à 15), que la baisse du coefficient et donc de l’échelon, si elle n’a donné lieu à une baisse de salaire a, contrairement, aux affirmations du premier jugement, un important impact sur les cotisations aux régimes complémentaires de retraite, outre celui d’être jugé par la section encadrement du conseil de prud’hommes et non par celle du « Commerce », que l’employeur a déployé tous les moyens pour éviter de verser les cotisations sociales adéquates et priver ainsi la salariée de ses droits à la retraite, que la baisse du coefficient a eu pour effet de priver la salariée des cotisations aux caisses de retraite des cadres et un préjudice financier conséquent.
L’employeur objecte que la salariée n’a formé devant le conseil de prud’hommes aucune demande d’indemnisation pour « baisse de coefficient » lors de sa requête, que cette nouvelle demande de pure opportunité ne pourra donc qu’être écartée, puisque n’ayant aucun lien avec les premières demandes de la salariée visant à voir requalifier son licenciement pour faute lourde en licenciement sans cause réelle et sérieuse, se voir régler de prétendues heures supplémentaires et obtenir une indemnité pour travail dissimulé.
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Le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 a supprimé la règle de l’unicité de l’instance pour les instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016, en abrogeant les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail.
L’instance prud’homale a été introduite devant le conseil de prud’hommes le 5 février 2018 et il n’est pas contesté que la salariée n’a pas formulée cette demande dans sa requête déposée devant le conseil de prud’hommes, lequel n’a été saisi d’une telle demande que lors de l’audience du bureau de jugement du 16 décembre 2021 à laquelle l’employeur en a soulevé l’irrecevabilité.
Par application de l’article 70 du code de procédure civile, il est possible de présenter des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, la demande additionnelle tendant à solliciter des « dommages-intérêts pour préjudice issu de la baisse du coefficient », ne se rattache pas par un lien suffisant à la demande originaire tendant à contester le licenciement et solliciter le paiement d’heures supplémentaires et d’une indemnité pour travail dissimulé.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a, dans ses motifs, déclaré irrecevable la demande de la salariée à ce titre. Y ajoutant à son dispositif, il convient de déclarer irrecevable la demande de la salariée de condamnation de l’employeur au paiement dommages-intérêts pour préjudice issu de la baisse du coefficient.
Sur la demande reconventionnelle de l’employeur de dommages-intérêts
La cour ayant précédemment écarté l’existence d’une faute lourde, laquelle seule permet la condamnation du salarié à verser des dommages-intérêts à son employeur, cette demande reconventionnelle sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens d’appel sont laissés à la charge de chacune des parties, l’une et l’autre succombant partiellement en leur appel, principal ou incident.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
INFIRME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il juge fondé le licenciement de Mme [F] [S] pour faute lourde,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,
DIT que le licenciement de Mme [S] est fondé sur une faute grave,
DÉCLARE irrecevable la demande de Mme [S] de condamnation de la Selarl Pharmacie Charras au paiement de dommages-intérêts pour préjudice issu de la baisse du coefficient,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président