Contrôle du temps de travail par géolocalisation : conformité CNIL validée
Contrôle du temps de travail par géolocalisation : conformité CNIL validée
Ce point juridique est utile ?

La CNIL estime le dispositif DISTRIO conforme aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 à savoir que les données sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, qu’elle ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités, qu’elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs.

En l’absence d’autonomie des salariés dans l’organisation de leur travail (distributeurs de prospectus) qui ne saurait être assimilée à la liberté dont dispose un commercial qui s’organise dans son travail comme il l’entend, le recours à un dispositif de géolocalisation pour contrôler la durée du travail des salariés ne se heurte pas à une illicéité de principe.

L’article L.1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Ainsi, l’utilisation d’un système de géolocalisation n’est pas justifiée lorsque le salarié disposait d’une liberté dans l’organisation de son travail.

La géolocalisation permet le recueil de données à caractère personnel. Ces données faisant l’objet d’un traitement au sens de la loi n 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, l’article 6 de la loi prévoit qu’elles ‘sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. (…). Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs’.

Il appartient à la CNIL, en application de l’article 24 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa rédaction en vigueur à la date de la déclaration, de fixer les conditions auxquelles les traitements automatisés d’informations doivent répondre pour être regardés comme ne comportant manifestement pas d’atteinte à la vie privée et aux libertés.

Il résulte de ces dispositions que, pour être licite, le contrôle de la durée du travail au moyen de la géolocalisation doit donc répondre à trois critères :

– il ne doit pas s’exercer sur des salariés disposant d’une liberté dans l’organisation de leur travail,

– cette finalité doit avoir été déclarée à la CNIL,

– il ne peut être utilisé qu’à titre subsidiaire, en l’absence d’autre moyen permettant d’atteindre un niveau de contrôle satisfaisant de la durée du travail.

– Il est recommandé de respecter les droits des personnes et les libertés individuelles et collectives en justifiant toute restriction par la nature de la tâche à accomplir et en veillant à ce qu’elle soit proportionnée au but recherché.

– Il est recommandé de déclarer à la CNIL tout traitement automatisé d’informations, notamment ceux impliquant la géolocalisation, en précisant les finalités, en garantissant la sécurité des données et en respectant les droits d’accès des salariés.

– Il est recommandé de mettre en place un dispositif de contrôle du temps de travail adapté à la spécificité de l’activité des salariés, garantissant le respect des durées maximales de travail, des temps de repos et du repos dominical, tout en assurant la transparence et la fiabilité des données collectées.

Résumé de l’affaire

La société Mediapost a mis en place un système de géolocalisation appelé DISTRIO pour suivre le temps de travail de ses salariés. Malgré le refus des syndicats de signer un accord collectif, la société a mis en place ce dispositif de manière unilatérale. La Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT a contesté la légalité de ce système devant les tribunaux, mais a été déboutée en première instance et en appel. Cependant, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, estimant que le système de géolocalisation n’était pas le seul moyen de contrôler la durée du travail des salariés. L’affaire a été renvoyée devant une nouvelle cour, où la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT demande à nouveau l’interdiction du système DISTRIO et des dommages et intérêts. La société Mediapost, quant à elle, demande la confirmation du jugement initial et des dommages et intérêts en sa faveur.

Les points essentiels

Sur l’autonomie des distributeurs

Au soutien de l’illégalité du dispositif DISTRIO, le syndicat Sud PTT fait valoir en premier lieu que les distributeurs ont une autonomie et une liberté dans l’organisation de leur travail ; que le dispositif DISTRIO contrevient à leur indépendance organisationnelle, qu’ils ne sont plus libres d’organiser leur journée comme ils le souhaitent puisqu’ils sont contrôlés dans leur parcours exact toutes les dix secondes ; qu’ainsi, cet outil a pour conséquence une perte d’autonomie.

La société fait valoir le recours à un dispositif de géolocalisation est licite dans la mesure où les distributeurs ne disposent pas d’une liberté dans l’organisation de leur temps de travail, les conditions d’exercice de la distribution étant fixées avec précision par le responsable de la plateforme dans la feuille de route, et que ce n’est qu’à l’intérieur de ce cadre que le distributeur peut organiser sa distribution en autonomie.

L’activité du distributeur consiste à déposer des prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres de particuliers sur un secteur donné et selon un circuit déterminé. Il résulte du rapport Technologia que cette activité se décompose en plusieurs phases : ‘picking’, préparation, déplacements, distribution.

Le contrat de travail des salariés de Médiapost prévoit que le distributeur accomplit ses fonctions ‘sous l’autorité du responsable local, ou de toute autre personne qui pourrait lui être substituée, qui lui précise les conditions d’exercice des opérations de distribution, tout en lui laissant une autonomie relative concernant l’organisation de la distribution’.

Il en résulte que les distributeurs n’ont qu’une autonomie d’organisation relative, relevant des chefs de secteur, avec des phases de préparation de distribution qui sont pré quantifiées, avec une feuille de route fixant le trajet de distribution, des poignées d’imprimés prédéterminées qui doivent être remises dans toutes les boîtes aux lettres du parcours avec un délai maximal de distribution fixé par le client pour éviter la péremption.

Ainsi l’autonomie des distributeurs, qui ne porte ni sur les documents remis, ni sur leurs destinataires, ni sur la date de la distribution, se trouve réduite au choix des horaires de travail sur la journée.

Cette autonomie très relative ne saurait être assimilée à la liberté dont dispose un commercial qui s’organise dans son travail comme il l’entend de sorte que le recours à un dispositif de géolocalisation pour contrôler la durée du travail des distributeurs ne se heurte pas à une illicéité de principe.

En outre, le dispositif DISTRIO n’est déclenché que par une action volontaire du salarié pendant ses phases de travail, celui-ci pouvant l’éteindre à tout moment. Il en résulte que le salarié est maître du boîtier et reste toujours libre d’organiser ses heures de tournée comme il le souhaite dans le respect des règles légales et des délais de distribution.

Ainsi, le système DISTRIO, utilisé uniquement dans la phase de distribution, n’emporte aucune restriction à l’autonomie dont disposent les distributeurs dans la définition de leurs horaires de distribution.

Une fois désactivé, le boîtier DISTRIO ne capte ni n’émet aucun signal de sorte qu’il n’enregistre que le temps de travail, qu’il n’y a pas de suivi du salarié pendant ses déplacements personnels, que l’employeur ignore le lieu où se trouve celui-ci pendant son temps de pause.

L’outil DISTRIO assure un suivi ‘longitudinal’ de la distribution en ce qu’il suit le parcours de distribution. En cas de dépassement significatif du temps enregistré par rapport au temps planifié, il permet de comprendre les raisons de cet écart et de déterminer s’il s’agit de temps réellement travaillé. Il constitue donc un élément de discussion transparent et fiable constituant une garantie pour le distributeur.

Les parcours du salarié ne sont pas enregistrés par Mediapost mais par un tiers de confiance et ainsi les distribueurs ne peuvent pas être suivis en direct. La visualisation du temps de parcours n’est pas systématique, mais n’intervient qu’en cas de discussion sur le temps réellement travaillé.

Ce n’est qu’en cas de dépassement supérieur à 5% du temps enregistré par rapport au temps planifié sur l’ensemble des tournées réalisées par le distributeur sur une semaine, qu’une discussion s’instaure sur le temps réellement travaillé de sorte que DISTRIO n’instaure pas une surveillance permanente des distributeurs.

En outre, l’outil DISTRO est programmé pour garantir le respect des durées et amplitudes maximales de travail, des temps de repos et du repos dominical, l’absence de travail de nuit et le respect des temps de pause.

Les salariés sont informés de l’utilisation de ce dispositif et l’outil comporte des garanties de gestion et de conservation des données.

Il n’y a donc pas d’atteinte à la vie privée du salarié ni à sa liberté d’aller et venir.

Enfin le dispositif est proportionné au but recherché en ce qu’il n’est utilisé que pendant la phase de distribution pendant laquelle le temps de travail du salarié échappe à tout suivi hiérarchique. Pendant la phase de chargement et de préparation, aucun déplacement n’est réalisé par le salarié et ces temps sont décomptés et contrôlés directement sans qu’il ne soit besoin de l’utiliser.

Sur la conformité de DISTRIO à la loi du 6 janvier 1978 informatique et libertés

Les données recueillies par DISTRIO font l’objet d’un traitement au sens de la loi n 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, de sorte que la société Mediapost était tenue de formalités déclaratives auprès de la CNIL.

Le syndicat Sud fait valoir :

– que, la finalité principale de l’outil DISTRIO étant le suivi du temps de travail, la société Mediapost ne respecte pas la norme simplifiée n° 51 de la CNIL, qui n’autorise un tel système que lorsqu’il est accessoire,

– qu’aucune déclaration préalable à la période de test, dite “période à blanc” n’a été faite à la CNIL,

– que l’ensemble du personnel qui a fait les tests de DISTRIO n’a pas été informé de l’utilisation de ce dispositif et des finalités poursuivies,

– que la fonction SOS est fausse puisque l’appui sur la touche SOS ne provoque par une alerte mais l’émission d’un courriel adressé aux responsables de la plateforme et au chef d’équipe ainsi qu’aux cadres de production régionaux sans que les secours soient avisés ; qu’en outre, cette fonction n’est opérationnelle que sur des plages horaires réduites,

– que la restitution des données personnelles n’est pas effective, la société s’opposant systématiquement aux demandes de restitutions des données et subordonnant cette restitution au paiement d’une somme d’argent.

La société Mediapost fait valoir :

– que DISTRIO ne sert pas uniquement à décompter le temps de travail mais comprend deux autres finalités, à savoir assurer la sécurité des distributeurs via le dispositif SOS ainsi que mesurer le taux de distribution effective et évaluer la qualité de service ; que ces trois finalités sont licites et ont été chacune déclarées à la CNIL qui les a validées lors de son contrôle,

– que le dispositif SOS contribue à améliorer la sécurité des distributeurs en permettant au responsable hiérarchique d’être informé d’une problématique de santé et de sécurité concernant un distributeur et d’intervenir en temps réel dans de nombreux cas, ainsi que d’améliorer l’analyse des accidents du travail,

– que l’évaluation de la qualité de service valorise l’activité et le travail des distributeurs en permettant de justifier, a posteriori et sans transmission du parcours du salarié au client, de la réalité de la prestation réalisée et d’éviter tout litige commercial,

– qu’elle a respecté les formalités déclaratives en procédant à une déclaration normale, et non à une déclaration simplifiée, auprès de la CNIL, permettant l’examen précis du dispositif ; qu’il n’y a pas lieu d’appliquer à Distrio les restrictions énoncées par la norme simplifiée n° 51 de la CNIL sur la géolocalisation des véhicules en ce qu’elle prévoit que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation pour décompter le temps de travail est possible à titre accessoire,

– que les distributeurs ont été informés dès l’origine du projet et que leur droit d’accès à leurs données personnelles est respecté ;

– qu’elle a également déclaré la période de test, dite ” période à blanc ” auprès de la CNIL,

– que la restitution des données personnelles est effective.

Sur la déclaration de la période à blanc, la société Mediapost justifie qu’elle a réalisé les démarches nécessaires à l’ajustement de sa déclaration pour la période à blanc par déclaration du 23 juin 2016 de sorte qu’à supposer que ce retard ait pu entacher la validité du dispositif, aucune irrégularité ne subsiste de ce chef.

Elle a fait le choix de procéder à une déclaration normale et non à une procédure simplifiée de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas respecter la norme simplifiée n°51 de la CNIL sur la géolocalisation des véhicules en ce qu’elle prévoit que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation pour décompter le temps de travail est possible à titre accessoire.

Selon la déclaration déposée par Médiapost, le traitement devait avoir les finalités suivantes : ‘1 Enregistrer et contrôler le temps de travail des distributeurs; 2 renforcer la sécurité des distributeurs via le dispositif SOS; 3 mesurer le taux de distribution effective afin d’évaluer la qualité de servicé.

Ni la pertinence ni la validité de la finalité n°3 ne sont discutées, celle-ci est en outre admise sans restriction par la CNIL dans sa délibération simplifiée du 4 juin 2015.

La fonction SOS a pour finalité une amélioration de la prévention au profit des distributeurs. La société Mediapost justifie qu’elle a été actionnée 3 618 fois en 2018 ce qui démontre qu’elle est opérationnelle et qu’elle contribue de façon effective à améliorer la sécurité des distributeurs. C’est dès lors par une exacte analyse que le premier juge a retenu que les éventuelles limites de cette fonction n’étaient pas de nature à entacher la licétié du dispositif.

Il ressort des pièces produites et en particulier du PV de la réunion du CE du 23 octobre 2014 que la société Mediapost a mis en place une large campagne d’information et de sensibilisation au nouveau dispositif.

Elle verse aux débats la notice d’information remise au distributeur avec le boîtier DISTRIO, qui l’informe clairement de ses droits d’accès, et la notice d’information sur la procédure de traitement des demandes d’accès remise à tout distributeur formulant une telle demande.

Deux moyens d’accès sont prévus : par photocopie (0,15 € par page) ou par clé USB (3,15 € la clef). Ainsi que l’a justement retenu le premier juge, il n’est pas démontré que ces coûts excéderaient ceux de la reproduction, l’article 39 alinéa 3 de la loi informatique et libertés permettant de subordonner la délivrance des données au paiement d’une somme correspondant au coût de la reproduction.

Il est ainsi établi que les droits d’information et d’accès du distributeur sont respectés et que, s’agissant en particulier de M. [C], celui-ci a pu régulièrement exercer son droit d’accès.

Le seul cas de Mme [G] ne saurait faire la preuve d’une opposition systématique de la société Mediapost aux demandes de restitution des données personnelles.

Saisie par des salariés de Mediapost, la CNIL a procédé les 8 avril et 27 mai 2015, à un contrôle afin de vérifier la conformité de l’ensemble des traitements de données personnelles mis en oeuvre par la société Mediapost. Elle a clôturé ce contrôle le 10 février 2016 avec trois observations ne remettant pas en cause la conformité et la licéité du dispositif DISTRIO ainsi que l’a justement retenu le premier juge.

Il en résulte que la CNIL estime le dispositif DISTRIO conforme aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 à savoir que les données sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, qu’elle ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités, qu’elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs.

Sur l’existence d’autres dispositifs de contrôle du temps de travail

Le syndicat Sud fait valoir que la mise en place d’un système de géolocalisation par le biais de DISTRIO n’est pas le seul moyen possible pour Mediapost de contrôler le temps de travail ; qu’il existe des systèmes alternatifs à la géolocalisation comme le système auto-déclaratif ou le contrôle par un responsable hiérarchique qui est décisif ; que la société ne justifie pas que la géolocalisation toutes les dix secondes soit nécessaire afin de respecter ses obligations légales ; que l’exemple de l’accord Adrexo montre qu’il y a des modes alternatifs à la géolocalisation temporelle permanente et que le système mis en place par Mediapost de manière unilatérale n’est pas proportionné.

La société Mediapost fait valoir que seul un enregistrement du temps réellement passé par le salarié à la distribution avec suivi ‘longitudinal’ permet de garantir la rémunération effective de toutes leurs heures de travail, au regard de leur activité itinérante sur des étendues géographiques vastes et diversifiées ; que les autres dispositifs envisageables ne sont pas seulement des moyens moins efficaces, ils sont inadaptés car inexistants en termes de contrôle et ainsi inapplicables au plan économique et organisationnel.

Selon l’article L.3171-2 du code du travail, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective pour chacun des salariés concerné.

L’article D.3171-8 impose à l’employeur d’établir un décompte journalier et hebdomadaire de la durée du travail pour chaque salarié non soumis à un horaire collectif.

Il appartient en outre à l’employeur en application des articles R.3124-3, R.3124-11, R.3135-1, R.3135-2, R.3235-15 et R.3124-5 à R.3124-10 de démontrer le respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire, du repos journalier, du repos hebdomadaire et dominical, de l’absence de travail de nuit, du paiement des heures complémentaires des salariés en travail à temps partiel.

S’agissant des distributeurs, qui sont des salariés itinérants travaillant pour la plupart à temps partiel modulé sur des étendues géographiques vastes et très diversifiées, le contrôle du temps de travail ne peut être fait sans l’analyse du parcours de distribution. La météorologie et la circulation ont une incidence sur le temps de distribution de même que la rapidité de déplacement du salarié à pied et sa connaissance du terrain. Ainsi, le recours à un outil fiable, objectif et transparent est nécessaire.

La jurisprudence considère que la pré-quantification du temps de travail pour décompter le temps de travail, en vigueur avant la mise en place de DISTRIO, était insuffisante, en cas de litige, à établir la réalité des heures de travail du salarié. La pré-quantification ne subsiste qu’en parallèle et en complément de l’outil DISTRIO, comme référentiel du temps prévisionnel de distribution et outil de planification des tournées et d’organisation du travail.

Un dispositif auto-déclaratif qu’il soit manuel ou informatique ne permettrait pas un contrôle objectif du temps de travail effectif du salarié comme ne donnant aucune possibilité à l’employeur de vérifier le temps effectivement travaillé et de lever les doutes en cas d’écart avec le temps pré-quantifié. Il ne permettrait pas non plus de garantir le respect des temps de repos, des durées maximales du travail, de l’interdiction du travail de nuit et le dimanche.

Un système

Les montants alloués dans cette affaire: – La Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT doit payer à la société Mediapost la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
– La Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT est condamnée aux dépens, y compris ceux exposés devant la présente cour d’appel ayant donné lieu à l’arrêt cassé

Réglementation applicable

– Article L.1121-1 du code du travail
– Article 6 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978
– Article 24 de la loi du 6 janvier 1978
– Article L.3171-2 du code du travail
– Article D.3171-8 du code du travail
– Article L.3171-4 du code du travail
– Article L.4121-1 du code du travail

Article L.1121-1 du code du travail:
“Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.”

Article 6 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978:
“Les données à caractère personnel ne peuvent être collectées que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne peuvent être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. Elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs.”

Article 24 de la loi du 6 janvier 1978:
“La CNIL fixe les conditions auxquelles les traitements automatisés d’informations doivent répondre pour être regardés comme ne comportant manifestement pas d’atteinte à la vie privée et aux libertés.”

Article L.3171-2 du code du travail:
“L’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective pour chacun des salariés concerné.”

Article D.3171-8 du code du travail:
“L’employeur établit un décompte journalier et hebdomadaire de la durée du travail pour chaque salarié non soumis à un horaire collectif.”

Article L.3171-4 du code du travail:
“Si le décompte des heures de travail est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.”

Article L.4121-1 du code du travail:
“L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Ugo SABADO de l’ASSOCIATION 7 BIS AVOCATS
– Me Anne LACONDEMINE
– Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON
– Me Christophe FROUIN de l’AARPI FIDERE AVOCATS

Mots clefs associés & définitions

– Géolocalisation
– CNIL
– Liberté d’organisation du travail
– Contrôle de la durée du travail
– Autonomie des distributeurs
– Respect de la vie privée
– Finalités déterminées
– Sécurité des distributeurs
– Respect des normes de la loi du travail
– Risques professionnels
– Géolocalisation : technique permettant de déterminer la position géographique d’un objet ou d’une personne
– CNIL : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, organisme chargé de protéger les données personnelles en France
– Liberté d’organisation du travail : principe selon lequel l’employeur peut organiser le travail de ses salariés librement
– Contrôle de la durée du travail : mesure visant à vérifier que les salariés respectent les horaires de travail prévus
– Autonomie des distributeurs : capacité pour les distributeurs de prendre des décisions de manière indépendante
– Respect de la vie privée : obligation de protéger les informations personnelles des individus
– Finalités déterminées : principe selon lequel les données collectées doivent avoir un objectif précis et légitime
– Sécurité des distributeurs : garantie de conditions de travail sûres pour les distributeurs
– Respect des normes de la loi du travail : obligation de se conformer aux règles et réglementations en vigueur en matière de droit du travail
– Risques professionnels : dangers potentiels auxquels les travailleurs peuvent être exposés dans le cadre de leur activité professionnelle

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 avril 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/04299
AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 22/04299 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OLK2

Fédération FEDERATION SUD DES ACTIVITES POSTALES ET DES TELEC OMMUNICATIONS

C/

S.A.S. MEDIAPOST

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 07 Juin 2016

RG : 16/03200

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 25 Avril 2024

APPELANTE :

Fédération FEDERATION SUD DES ACTIVITES POSTALES ET DES TELEC OMMUNICATIONS

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Ugo SABADO de l’ASSOCIATION 7 BIS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS et Me Anne LACONDEMINE, avocat postulant au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S. MEDIAPOST

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat postulant au barreau de LYON et Me Christophe FROUIN de l’AARPI FIDERE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Janvier 2024

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, conseiller et Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Etienne RIGAL, président

– Nabila BOUCHENTOUF, conseiller

– Françoise CARRIER, conseiller honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 25 Avril 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Nabila BOUCHENTOUF, conseiller pour Etienne RIGAL, président empêché, et par Fernand CHAPPRON, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Mediapost (ci-après la société) est une filiale du groupe La Poste dont l’activité consiste à assurer la distribution d’imprimés publicitaires dans les boîtes aux lettres de particuliers pour le compte d’entreprises clientes.

Le 21 janvier 2014, la société Mediapost, lors d’une réunion avec les organisations syndicales, a indiqué avoir retenu un système de géolocalisation, appelé ‘DISTRIO’ pour répondre à son obligation de suivi du temps de travail des salariés.

Le dispositif de géolocalisation DISTRIO est un boîtier que les salariés portent dans leur sacoche ou sur eux-mêmes et qu’ils peuvent activer ou désactiver quand ils le souhaitent. Lorsqu’il est en fonctionnement, ce boîtier envoie toutes les dix secondes à Médiapost des signaux permettant à l’entreprise de faire coïncider des données de temps et de localisation afin de suivre le déplacement de chaque salarié au cours de sa tournée.

A compter du mois de septembre 2014, la société Mediapost a lancé une phase de test de DISTRIO, dite ‘période à blanc’.

A la suite d’une expertise réalisée par le cabinet Techonologia et de réunions de négociation, l’accord collectif relatif à la mise en place du dispositif ‘DISTRIO’ n’a pu voir le jour, les syndicats majoritaires CGT, FO et SUD ayant refusé de le signer.

C’est donc par une mesure unilatérale du 17 février 2015, que la société a mis en place ce dispositif.

Autorisée par une ordonnance du 8 février 2016, la Fédération Sud des activités postales et de télécommunications-Sud PTT a assigné à jour fixe la société Mediapost le 15 février 2016 devant le tribunal de grande instance de Lyon à l’effet de voir déclarer illicite le dispositif de géolocalisation DISTRIO et de faire interdiction à la société Mediapost de poursuivre la mise en place de l’exploitation de son système.

Par jugement du 7 juin 2016, le tribunal a débouté la fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Par déclaration du 28 juin 2016, la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT a interjeté appel de la décision.

Par arrêt du 13 janvier 2017, la cour d’appel de Lyon a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et condamné la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT aux dépens.

Sur pourvoi de la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT et par un arrêt du 19 décembre 2018, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu le 13 janvier 2017 par la cour d’appel de Lyon au visa de l’article L.1121-1 du code du travail au motif que la cour d’appel n’avait pas caractérisé que le système de géolocalisation était le seul moyen permettant d’assurer le contrôle de la durée du travail des salariés.

Par déclaration du 19 février 2019, la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT a saisi la présente cour désignée comme cour de renvoi.

Aux termes de ses conclusions écrites régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience, elle demande à la cour de :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes,

– déclarer le dispositif de géolocalisation DISTRIO illicite,

– faire interdiction à la société Mediapost de poursuivre la mise en place et l’exploitation dudit système, ce sous peine d’une astreinte de 1 000 € par infraction constatée,

– condamner la société Mediapost à lui payer la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses conclusions écrites régulièrement communiquées et reprises oralement à l’audience, la société Médiapost demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications de sa demande de suspension de l’outil DISTRIO et de ses autres demandes,

– subsidiairement, débouter la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications de sa demande de suspension de l’outil DISTRIO au titre de ses deuxième et troisième finalités,

– condamner la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT à lui verser la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir “constater” ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu’il en est de même des demandes tendant à voir ‘dire et juger” lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

L’article L.1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. Ainsi, l’utilisation d’un système de géolocalisation n’est pas justifiée lorsque le salarié disposait d’une liberté dans l’organisation de son travail.

La géolocalisation permet le recueil de données à caractère personnel. Ces données faisant l’objet d’un traitement au sens de la loi n 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, l’article 6 de la loi prévoit qu’elles ‘sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. (…). Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs’.

Il appartient à la CNIL, en application de l’article 24 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa rédaction en vigueur à la date de la déclaration, de fixer les conditions auxquelles les traitements automatisés d’informations doivent répondre pour être regardés comme ne comportant manifestement pas d’atteinte à la vie privée et aux libertés.

Il résulte de ces dispositions que, pour être licite, le contrôle de la durée du travail au moyen de la géolocalisation doit donc répondre à trois critères :

– il ne doit pas s’exercer sur des salariés disposant d’une liberté dans l’organisation de leur travail,

– cette finalité doit avoir été déclarée à la CNIL,

– il ne peut être utilisé qu’à titre subsidiaire, en l’absence d’autre moyen permettant d’atteindre un niveau de contrôle satisfaisant de la durée du travail.

Sur l’autonomie des distributeurs

Au soutien de l’illégalité du dispositif DISTRIO, le syndicat Sud PTT fait valoir en premier lieu que les distributeurs ont une autonomie et une liberté dans l’organisation de leur travail ; que le dispositif DISTRIO contrevient à leur indépendance organisationnelle, qu’ils ne sont plus libres d’organiser leur journée comme ils le souhaitent puisqu’ils sont contrôlés dans leur parcours exact toutes les dix secondes ; qu’ainsi, cet outil a pour conséquence une perte d’autonomie.

La société fait valoir le recours à un dispositif de géolocalisation est licite dans la mesure où les distributeurs ne disposent pas d’une liberté dans l’organisation de leur temps de travail, les conditions d’exercice de la distribution étant fixées avec précision par le responsable de la plateforme dans la feuille de route, et que ce n’est qu’à l’intérieur de ce cadre que le distributeur peut organiser sa distribution en autonomie.

L’activité du distributeur consiste à déposer des prospectus publicitaires dans les boîtes aux lettres de particuliers sur un secteur donné et selon un circuit déterminé. Il résulte du rapport Technologia que cette activité se décompose en plusieurs phases : ‘picking’, préparation, déplacements, distribution.

Le contrat de travail des salariés de Médiapost prévoit que le distributeur accomplit ses fonctions ‘sous l’autorité du responsable local, ou de toute autre personne qui pourrait lui être substituée, qui lui précise les conditions d’exercice des opérations de distribution, tout en lui laissant une autonomie relative concernant l’organisation de la distribution’.

Il en résulte que les distributeurs n’ont qu’une autonomie d’organisation relative, relevant des chefs de secteur, avec des phases de préparation de distribution qui sont pré quantifiées, avec une feuille de route fixant le trajet de distribution, des poignées d’imprimés prédéterminées qui doivent être remises dans toutes les boîtes aux lettres du parcours avec un délai maximal de distribution fixé par le client pour éviter la péremption.

Ainsi l’autonomie des distributeurs, qui ne porte ni sur les documents remis, ni sur leurs destinataires, ni sur la date de la distribution, se trouve réduite au choix des horaires de travail sur la journée.

Cette autonomie très relative ne saurait être assimilée à la liberté dont dispose un commercial qui s’organise dans son travail comme il l’entend de sorte que le recours à un dispositif de géolocalisation pour contrôler la durée du travail des distributeurs ne se heurte pas à une illicéité de principe.

En outre, le dispositif DISTRIO n’est déclenché que par une action volontaire du salarié pendant ses phases de travail, celui-ci pouvant l’éteindre à tout moment. Il en résulte que le salarié est maître du boîtier et reste toujours libre d’organiser ses heures de tournée comme il le souhaite dans le respect des règles légales et des délais de distribution.

Ainsi, le système DISTRIO, utilisé uniquement dans la phase de distribution, n’emporte aucune restriction à l’autonomie dont disposent les distributeurs dans la définition de leurs horaires de distribution.

Une fois désactivé, le boîtier DISTRIO ne capte ni n’émet aucun signal de sorte qu’il n’enregistre que le temps de travail, qu’il n’y a pas de suivi du salarié pendant ses déplacements personnels, que l’employeur ignore le lieu où se trouve celui-ci pendant son temps de pause.

L’outil DISTRIO assure un suivi ‘longitudinal’ de la distribution en ce qu’il suit le parcours de distribution. En cas de dépassement significatif du temps enregistré par rapport au temps planifié, il permet de comprendre les raisons de cet écart et de déterminer s’il s’agit de temps réellement travaillé. Il constitue donc un élément de discussion transparent et fiable constituant une garantie pour le distributeur.

Les parcours du salarié ne sont pas enregistrés par Mediapost mais par un tiers de confiance et ainsi les distribueurs ne peuvent pas être suivis en direct. La visualisation du temps de parcours n’est pas systématique, mais n’intervient qu’en cas de discussion sur le temps réellement travaillé.

Ce n’est qu’en cas de dépassement supérieur à 5% du temps enregistré par rapport au temps planifié sur l’ensemble des tournées réalisées par le distributeur sur une semaine, qu’une discussion s’instaure sur le temps réellement travaillé de sorte que DISTRIO n’instaure pas une surveillance permanente des distributeurs.

En outre, l’outil DISTRO est programmé pour garantir le respect des durées et amplitudes maximales de travail, des temps de repos et du repos dominical, l’absence de travail de nuit et le respect des temps de pause.

Les salariés sont informés de l’utilisation de ce dispositif et l’outil comporte des garanties de gestion et de conservation des données.

Il n’y a donc pas d’atteinte à la vie privée du salarié ni à sa liberté d’aller et venir.

Enfin le dispositif est proportionné au but recherché en ce qu’il n’est utilisé que pendant la phase de distribution pendant laquelle le temps de travail du salarié échappe à tout suivi hiérarchique. Pendant la phase de chargement et de préparation, aucun déplacement n’est réalisé par le salarié et ces temps sont décomptés et contrôlés directement sans qu’il ne soit besoin de l’utiliser.

Sur la conformité de DISTRIO à la loi du 6 janvier 1978 informatique et libertés

Les données recueillies par DISTRIO font l’objet d’un traitement au sens de la loi n 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, de sorte que la société Mediapost était tenue de formalités déclaratives auprès de la CNIL.

Le syndicat Sud fait valoir :

– que, la finalité principale de l’outil DISTRIO étant le suivi du temps de travail, la société Mediapost ne respecte pas la norme simplifiée n° 51 de la CNIL, qui n’autorise un tel système que lorsqu’il est accessoire,

– qu’aucune déclaration préalable à la période de test, dite “période à blanc” n’a été faite à la CNIL,

– que l’ensemble du personnel qui a fait les tests de DISTRIO n’a pas été informé de l’utilisation de ce dispositif et des finalités poursuivies,

– que la fonction SOS est fausse puisque l’appui sur la touche SOS ne provoque par une alerte mais l’émission d’un courriel adressé aux responsables de la plateforme et au chef d’équipe ainsi qu’aux cadres de production régionaux sans que les secours soient avisés ; qu’en outre, cette fonction n’est opérationnelle que sur des plages horaires réduites,

– que la restitution des données personnelles n’est pas effective, la société s’opposant systématiquement aux demandes de restitutions des données et subordonnant cette restitution au paiement d’une somme d’argent.

La société Mediapost fait valoir :

– que DISTRIO ne sert pas uniquement à décompter le temps de travail mais comprend deux autres finalités, à savoir assurer la sécurité des distributeurs via le dispositif SOS ainsi que mesurer le taux de distribution effective et évaluer la qualité de service ; que ces trois finalités sont licites et ont été chacune déclarées à la CNIL qui les a validées lors de son contrôle,

– que le dispositif SOS contribue à améliorer la sécurité des distributeurs en permettant au responsable hiérarchique d’être informé d’une problématique de santé et de sécurité concernant un distributeur et d’intervenir en temps réel dans de nombreux cas, ainsi que d’améliorer l’analyse des accidents du travail,

– que l’évaluation de la qualité de service valorise l’activité et le travail des distributeurs en permettant de justifier, a posteriori et sans transmission du parcours du salarié au client, de la réalité de la prestation réalisée et d’éviter tout litige commercial,

– qu’elle a respecté les formalités déclaratives en procédant à une déclaration normale, et non à une déclaration simplifiée, auprès de la CNIL, permettant l’examen précis du dispositif ; qu’il n’y a pas lieu d’appliquer à Distrio les restrictions énoncées par la norme simplifiée n° 51 de la CNIL,

– que les distributeurs ont été informés dès l’origine du projet et que leur droit d’accès à leurs données personnelles est respecté ;

– qu’elle a également déclaré la période de test, dite ” période à blanc ” auprès de la CNIL,

– que la restitution des données personnelles est effective.

Sur la déclaration de la période à blanc, la société Mediapost justifie qu’elle a réalisé les démarches nécessaires à l’ajustement de sa déclaration pour la période à blanc par déclaration du 23 juin 2016 de sorte qu’à supposer que ce retard ait pu entacher la validité du dispositif, aucune irrégularité ne subsiste de ce chef.

Elle a fait le choix de procéder à une déclaration normale et non à une procédure simplifiée de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas respecter la norme simplifiée n°51 de la CNIL sur la géolocalisation des véhicules en ce qu’elle prévoit que l’utilisation d’un dispositif de géolocalisation pour décompter le temps de travail est possible à titre accessoire.

Selon la déclaration déposée par Médiapost, le traitement devait avoir les finalités suivantes : ‘1 Enregistrer et contrôler le temps de travail des distributeurs; 2 renforcer la sécurité des distributeurs via le dispositif SOS; 3 mesurer le taux de distribution effective afin d’évaluer la qualité de servicé.

Ni la pertinence ni la validité de la finalité n°3 ne sont discutées, celle-ci est en outre admise sans restriction par la CNIL dans sa délibération simplifiée du 4 juin 2015.

La fonction SOS a pour finalité une amélioration de la prévention au profit des distributeurs. La société Mediapost justifie qu’elle a été actionnée 3 618 fois en 2018 ce qui démontre qu’elle est opérationnelle et qu’elle contribue de façon effective à améliorer la sécurité des distributeurs. C’est dès lors par une exacte analyse que le premier juge a retenu que les éventuelles limites de cette fonction n’étaient pas de nature à entacher la licétié du dispositif.

Il ressort des pièces produites et en particulier du PV de la réunion du CE du 23 octobre 2014 que la société Mediapost a mis en place une large campagne d’information et de sensibilisation au nouveau dispositif.

Elle verse aux débats la notice d’information remise au distributeur avec le boîtier DISTRIO, qui l’informe clairement de ses droits d’accès, et la notice d’information sur la procédure de traitement des demandes d’accès remise à tout distributeur formulant une telle demande.

Deux moyens d’accès sont prévus : par photocopie (0,15 € par page) ou par clé USB (3,15 € la clef). Ainsi que l’a justement retenu le premier juge, il n’est pas démontré que ces coûts excéderaient ceux de la reproduction, l’article 39 alinéa 3 de la loi informatique et libertés permettant de subordonner la délivrance des données au paiement d’une somme correspondant au coût de la reproduction.

Il est ainsi établi que les droits d’information et d’accès du distributeur sont respectés et que, s’agissant en particulier de M. [C], celui-ci a pu régulièrement exercer son droit d’accès.

Le seul cas de Mme [G] ne saurait faire la preuve d’une opposition systématique de la société Mediapost aux demandes de restitution des données personnelles.

Saisie par des salariés de Mediapost, la CNIL a procédé les 8 avril et 27 mai 2015, à un contrôle afin de vérifier la conformité de l’ensemble des traitements de données personnelles mis en oeuvre par la société Mediapost. Elle a clôturé ce contrôle le 10 février 2016 avec trois observations ne remettant pas en cause la conformité et la licéité du dispositif DISTRIO ainsi que l’a justement retenu le premier juge.

Il en résulte que la CNIL estime le dispositif DISTRIO conforme aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 à savoir que les données sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, qu’elle ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités, qu’elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs.

Sur l’existence d’autres dispositifs de contrôle du temps de travail

Le syndicat Sud fait valoir que la mise en place d’un système de géolocalisation par le biais de DISTRIO n’est pas le seul moyen possible pour Mediapost de contrôler le temps de travail ; qu’il existe des systèmes alternatifs à la géolocalisation comme le système auto-déclaratif ou le contrôle par un responsable hiérarchique qui est décisif ; que la société ne justifie pas que la géolocalisation toutes les dix secondes soit nécessaire afin de respecter ses obligations légales ; que l’exemple de l’accord Adrexo montre qu’il y a des modes alternatifs à la géolocalisation temporelle permanente et que le système mis en place par Mediapost de manière unilatérale n’est pas proportionné.

La société Mediapost fait valoir que seul un enregistrement du temps réellement passé par le salarié à la distribution avec suivi ‘longitudinal’ permet de garantir la rémunération effective de toutes les heures de travail, au regard de leur activité itinérante sur des étendues géographiques vastes et diversifiées ; que les autres dispositifs envisageables ne sont pas seulement des moyens moins efficaces, ils sont inadaptés car inexistants en termes de contrôle et ainsi inapplicables au plan économique et organisationnel.

Selon l’article L.3171-2 du code du travail, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective pour chacun des salariés concerné.

L’article D.3171-8 impose à l’employeur d’établir un décompte journalier et hebdomadaire de la durée du travail pour chaque salarié non soumis à un horaire collectif.

Il appartient en outre à l’employeur en application des articles R.3124-3, R.3124-11, R.3135-1, R.3135-2, R.3235-15 et R.3124-5 à R.3124-10 de démontrer le respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire, du repos journalier, du repos hebdomadaire et dominical, de l’absence de travail de nuit, du paiement des heures complémentaires des salariés en travail à temps partiel.

S’agissant des distributeurs, qui sont des salariés itinérants travaillant pour la plupart à temps partiel modulé sur des étendues géographiques vastes et très diversifiées, le contrôle du temps de travail ne peut être fait sans l’analyse du parcours de distribution. La météorologie et la circulation ont une incidence sur le temps de distribution de même que la rapidité de déplacement du salarié à pied et sa connaissance du terrain. Ainsi, le recours à un outil fiable, objectif et transparent est nécessaire.

La jurisprudence considère que la pré-quantification du temps de travail pour décompter le temps de travail, en vigueur avant la mise en place de DISTRIO, était insuffisante, en cas de litige, à établir la réalité des heures de travail du salarié. La pré-quantification ne subsiste qu’en parallèle et en complément de l’outil DISTRIO, comme référentiel du temps prévisionnel de distribution et outil de planification des tournées et d’organisation du travail.

Un dispositif auto-déclaratif qu’il soit manuel ou informatique ne permettrait pas un contrôle objectif du temps de travail effectif du salarié comme ne donnant aucune possibilité à l’employeur de vérifier le temps effectivement travaillé et de lever les doutes en cas d’écart avec le temps pré-quantifié. Il ne permettrait pas non plus de garantir le respect des temps de repos, des durées maximales du travail, de l’interdiction du travail de nuit et le dimanche.

Un système par comptes-rendus ou par sondages ne serait pas plus efficient sur le plan du contrôle de la durée effective du travail, les destinataires des publicités n’étant pas à même de fournir de quelconques informations sur l’activité du distributeur avec lequel ils ne sont pas en contact. L’accompagnement de tournée par un responsable hiérarchique engendrerait des coûts considérables même si la fréquence des accompagnements de distributeurs était limitée à une fois par mois et par distributeur. D’autre part, le temps passé à une même tournée est éminemment variable ainsi qu’il l’a été dit précédemment.

Le syndicat Sud préconise un dispositif de badgeuse avec géolocalisation qui consiste à enregistrer les données de géolocalisation des débuts et fins de tournées, les pauses et les ‘immobilités’ tel qu’il ressort d’un accord signé au sein de la société concurrente de Mediapost, Adrexo, le 6 juillet 2016. Il n’y pas dans ce dispositif de suivi longitudinal.

Ce système repose comme DISTRIO sur le recours à la géolocalisation mais sans suivi du parcours. Il ne permet donc pas de déterminer l’heure de fin de distribution lorsque le salarié oublie de le déclarer sur son boîtier.

La mise en oeuvre en phase de test du système prévu dans l’accord Adrexo a révélé la persistance de discussions sans solution sur le temps travaillé, en l’absence de suivi longitudinal permettant d’expliquer les éventuels écarts par rapport aux prévisions, certains salariés ayant badgé un temps de travail sans commune mesure avec le temps qui avait été planifié.

Or, selon l’article L.3171-4, si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

La société Mediapost justifie que l’acccord signé au sein de la société Adrexo n’a pas été mis en oeuvre après la phase d’essais mais que, par un avenant du 21 juin 2017, il a été convenu de la mise en place d’un dispositif d’enregistrement du temps de travail par géolocalisation identique à celui de Mediapost, les partenaires sociaux ayant ainsi implicitement reconnu l’insuffisance du dispositif initial.

Il est ainsi établi que la version dégradée de la géolocalisation telle qu’elle était prévue à l’accord Adrexo ne permettait pas un contrôle fiable du temps de travail.

Compte tenu de sa spécificité, le contrôle de l’activité de distribution des salariés ne peut être effectué que par le biais de la géolocalisation. DISTRIO permet de garantir le paiement de toutes leurs heures de travail, le respect des durées et amplitudes maximales de travail, de l’interdiction du travail de nuit, de l’interdiction du travail le dimanche ainsi que des temps de repos. La possibilité d’un contrôle satisfaisant par un autre moyen n’est pas établie.

Sur les dangers du dispositif pour la santé et la sécurité des distributeurs

Le syndicat Sud fait valoir :

– que le dispositif DISTRIO peut avoir un impact sur la santé mentale comme sur la santé physique des salariés,

– que les distributeurs sont en permanence sous la menace d’une convocation ou d’une sanction en cas d’écart du temps théorique, alors même que ce dispositif ne prend pas en compte tous les facteurs auxquels ils peuvent être confrontés ; qu’ainsi, ce dispositif est source de stress au travail,

– que l’outil pose un problème sanitaire relatif aux ondes électromagnétiques, d’autant que la société Mediapost n’a pas procédé à une évaluation des risques, notamment par une mesure précise des niveaux de champs électromagnétiques auxquels les salariés sont susceptibles d’être exposés,

– que le système de géolocalisation DISTRIO est constitutif d’un trouble manifestement illicite, et comporte un danger grave et imminent, qu’il convient de faire cesser,

– qu’en réalité, la géolocalisation a pour objet principal de s’assurer que le salarié exécute sa prestation de travail dans le cadre du temps précompté et non pas de mesurer son temps de travail ; que la société cherche à faire primer le temps de travail objectif sur le temps de travail effectif et à contourner ainsi les arrêts du Conseil d’Etat ; qu’une telle utilisation est de nature à porter atteinte à la vie privée des salariés et à leur liberté d’aller et venir,

– que la géolocalisation constitue une atteinte excessive aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives.

La société Mediapost fait valoir :

– qu’elle a évalué les risques liés à DISTRIO, elle a interrogé l’INRS afin d’avoir confirmation des règles applicables à cet outil ; qu’il respecte les différentes normes et est en deçà des seuils réglementaires concernant les risques dus aux champs électromagnétiques,

– que DISTRIO n’est pas source de risque psychologique, ni un facteur de stress, mais contribue à l’amélioration des conditions de travail des distributeurs et du climat social; qu’après 5 ans d’utilisation, la mise en place de DISTRIO n’a entraîné aucun conflit ou aucune dégradation du climat social.

Selon l’article L.4121-1, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Le premier juge a justement retenu :

– qu’il n’était pas démontré que le dispositif DISTRIO ne satisfît pas aux normes fixées par les lois n°2010-788 du 12 juillet 2010 et n°2015-136 du 9 janvier 2015, le décret n°2002-775 du 3 mai 2002 et la Directive européenne 2013/35/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 alors que selon l’annexe technique des boîtiers produite aux débats, il présente un indice DAS inférieur à 2W/Kg au niveau du tronc et de la tête et respecte ainsi les valeurs limites d’exposition aux ondes

– et que le cas de Mme [Z] ne permettait pas de caractériser un risque particulier de danger physique lié à l’utilisation du boîtier.

S’agissant d’éventuels risques psycho-sociaux liés au stress qu’engendrerait le fait de travailler sous le contrôle du dispositif, aucun élément n’objective une dégradation du climat social au sein de l’entreprise ni une dégradation de la santé mentale des salariés.

La littérature invoquée par le syndicat Sud, antérieure à la mise en place de DISTRIO, est dépourvue de valeur probante à cet égard.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation en date du 19 décembre 2018,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications-Sud PTT à payer à la société Mediapost la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens y compris ceux exposés devant la présente cour d’appel dans sa composition ayant donné lieu à l’arrêt cassé.

Le greffier Le président


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