Your cart is currently empty!
L’usage du signe par une enseigne surmontant une vitrine est qualifié de publicité au sens du 5° de l’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle. Il est donc interdit sans l’accord de la société titulaire de la marque. L’usage à titre de nom commercial est de même défendu par le 4° de ce même article.
La solution juridique apportée à cette affaire est la suivante : 1. La société Vivaldi a été reconnue coupable de contrefaçon de la marque verbale “Vivaldi” de la société des Chaussures Martine France en utilisant ce signe à titre d’enseigne et de dénomination sociale, ce qui est interdit par les articles L. 713-2 et L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle. 2. Cependant, la contrefaçon n’a pas été établie pour le signe “Livaldi” utilisé par la société Vivaldi, car il n’y a pas de risque de confusion pour le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. 3. La société des Chaussures Martine France a été indemnisée à hauteur de 3 000 euros pour le préjudice moral causé par la contrefaçon de la marque “Vivaldi”. 4. La demande de la société des Chaussures Martine France concernant la concurrence déloyale et parasitaire a été rejetée, sauf en ce qui concerne l’utilisation du signe “Livaldi” qui a entraîné un préjudice de 3 000 euros. 5. La société Vivaldi a été condamnée à changer son enseigne et sa dénomination sociale, ainsi qu’à payer des dommages et intérêts de 3 000 euros pour résistance abusive. 6. Enfin, la société Vivaldi a été condamnée à payer les dépens et une somme de 3 000 euros à la société des Chaussures Martine France au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
→ Résumé de l’affaireLa société des Chaussures Martine France, titulaire de la marque verbale “VIVALDI”, a assigné la société Vivaldi pour contrefaçon de marque, concurrence déloyale et résistance abusive. La société Vivaldi n’a pas comparu ni constitué d’avocat, et le tribunal a prononcé un jugement en faveur de la société des Chaussures Martine France, lui accordant des dommages et intérêts ainsi que des mesures d’interdiction et de modification de l’enseigne de la société Vivaldi.
|
→ Les points essentielsSur la contrefaçon de marqueLa demanderesse accuse la société Vivaldi de contrefaire sa marque verbale “Vivaldi” en utilisant ce signe à titre de dénomination sociale et sur des produits. Le tribunal se réfère aux articles du code de la propriété intellectuelle pour évaluer la contrefaçon. Le signe VivaldiLa société Vivaldi utilise le signe “Vivaldi” depuis au moins 2017, ce qui constitue une contrefaçon de la marque déposée par la demanderesse. Le tribunal conclut à la contrefaçon de la marque. Le signe LivaldiEn revanche, le tribunal estime que le signe “Livaldi” utilisé par la société Vivaldi ne crée pas de risque de confusion avec la marque “Vivaldi”. Il conclut à l’absence de contrefaçon pour ce signe. Sur les mesures de réparationLa demanderesse réclame des mesures de réparation pour le préjudice subi en raison de la contrefaçon. Le tribunal évalue le préjudice à 3 000 euros et ordonne à la société Vivaldi de cesser l’utilisation du signe “Vivaldi”. Sur la concurrence déloyale et parasitaireLa demanderesse accuse la société Vivaldi de concurrence déloyale en utilisant des signes identiques à sa marque. Le tribunal rejette cette accusation mais reconnaît un acte de parasitisme économique avec le signe “Livaldi”. Sur la résistance abusiveLa demanderesse reproche à la société Vivaldi d’avoir persisté dans ses agissements malgré les mises en demeure. Le tribunal reconnaît une résistance abusive et condamne la société Vivaldi à verser 2 000 euros de réparation. Sur les demandes accessoiresLa société Vivaldi est condamnée à payer les dépens et une somme de 3 000 euros à la demanderesse au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants alloués dans cette affaire: – 3 000 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de la marque « Vivaldi » n°1198654
– 3 000 euros de dommages et intérêts au titre des faits de concurrence déloyale et parasitaire – 2 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive – 1 000 euros par infraction constatée en cas d’usage du signe « Vivaldi » par la société Vivaldi – 100 euros par jour de retard pendant un délai de 3 mois en cas de non-changement de dénomination commerciale dans les 15 jours suivant signification du jugement – 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile – Les dépens |
→ Réglementation applicableAux termes de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle : « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; Selon l’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle : « sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : 1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; Selon l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle « l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L. 713-4 ». |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Michèle MERGUI
|
→ Mots clefs associés & définitions– Contrefaçon de marque
– Marque verbale “Vivaldi” – Signe identique ou similaire – Utilisation dans la vie des affaires – Dénomination sociale – Publicité – Code de la propriété intellectuelle – Société Vivaldi – Enseigne – Dénomination commerciale – Marque déposée – Classe 25 – Signe “Livaldi” – Risque de confusion – Préjudice économique – Mesures de réparation – Dommages et intérêts – Interdiction d’utilisation – Chiffre d’affaires – Concurrence déloyale – Parasitisme économique – Résistance abusive – Frais de procédure – Dépens – Article 700 du code de procédure civile – Nullité de la déclaration d’appel : Annulation d’une déclaration d’appel due à des erreurs ou omissions qui affectent sa validité, comme le non-respect des formes prescrites par la loi.
– Article 114 du code de procédure civile : Article qui stipule que les faits doivent être prouvés par celui qui les allègue et que la preuve peut être apportée par tout moyen. – Adresse erronée : Indication incorrecte ou incomplète de l’adresse d’une partie dans un acte juridique, pouvant entraîner des conséquences sur la validité de la notification ou de l’acte. – Vice de forme : Défaut dans les formalités requises pour la validité d’un acte juridique, pouvant entraîner sa nullité. – Greffe : Service d’un tribunal où sont enregistrées les affaires, déposés les dossiers de procédure et conservés les archives. – Société Uber : Entreprise multinationale offrant des services de mise en relation de clients avec des conducteurs de véhicules privés par le biais d’une application mobile. – Contrat de travail : Accord entre un employeur et un employé, où l’employé s’engage à travailler sous la direction et le contrôle de l’employeur en échange d’une rémunération. – Coemployeurs : Situation où plusieurs employeurs exercent conjointement les prérogatives d’employeur à l’égard d’un même salarié. – Contrats signés : Documents officiels établissant un accord entre deux parties ou plus, qui sont signés pour attester de l’accord des parties sur les termes du contrat. – Lien de subordination : Relation juridique entre un employeur et un employé, caractérisée par l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur. – Pouvoir de direction : Prérogative de l’employeur de donner des ordres et des directives, de surveiller leur exécution et de sanctionner les manquements de ses employés. – Contrôle de l’exécution : Surveillance par l’employeur de la manière dont les tâches sont exécutées par les employés. – Géolocalisation : Utilisation de technologies pour déterminer la position géographique d’un objet ou d’une personne. – Contrôle de la rémunération : Supervision et gestion par l’employeur des salaires et autres formes de compensation financière des employés. – Notation du chauffeur : Système d’évaluation des performances des chauffeurs, souvent utilisé dans les services de transport comme Uber. – Pouvoir de sanction : Capacité de l’employeur à imposer des mesures disciplinaires en réponse à des violations des règles de travail par les employés. – Pouvoir de déconnexion : Droit des employés à ne pas être connectés à des dispositifs de communication professionnels en dehors des heures de travail. – Service organisé par Uber : Service de transport où Uber coordonne les interactions entre clients et chauffeurs indépendants à travers sa plateforme. – Statut d’indépendant : Statut juridique d’une personne qui exerce son activité professionnelle de manière autonome, sans lien de subordination avec un employeur. – Dépendance économique : Situation d’un travailleur qui tire l’essentiel de ses revenus d’une seule source, souvent caractéristique des relations quasi-salariales. – Choix de la course : Faculté pour un chauffeur de choisir les courses qu’il souhaite effectuer. – Propositions de course : Offres de transport envoyées aux chauffeurs par une plateforme comme Uber. – Incompétence du conseil de prud’hommes : Situation où le conseil de prud’hommes se déclare incompétent pour juger une affaire, souvent en raison de la nature du litige ou du statut des parties. – Dépens : Frais de justice qui doivent être payés par une partie au procès, généralement la partie perdante, sauf décision contraire du juge. – Article 700 du code de procédure civile : Article permettant au juge d’ordonner à une partie de verser à l’autre une somme d’argent au titre des frais non compris dans les dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me MERGUI #R275
■
3ème chambre
1ère section
N° RG 23/02357
N° Portalis 352J-W-B7H-CZASC
N° MINUTE :
Assignation du :
17 février 2023
JUGEMENT
rendu le 29 février 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. SOCIETE DES CHAUSSURES MARTINE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Michèle MERGUI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0275
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. VIVALDI
[Adresse 3]
[Localité 6]
Défaillante
Décision du 29 février 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 23/02357 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZASC
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,
assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière
A l’audience du 10 octobre 2023 tenue publiquement, il a été procédé par dépôt de dossier.
Par bulletin RPVA du même jour, avis a été donné à l’avocat que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.
Le délibéré a été prorogé en dernier lieu au 29 février 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort
1. La société des Chaussures Martine France est enregistrée au registre national du commerce et des sociétés depuis 8 avril 2009 déclarant pour activité principale le commerce de chaussures et articles similaires. L’établissement du [Adresse 1] est également mentionné sur cet extrait. Son site internet mentionne trois autres magasins à [Localité 4], [Localité 7] et [Localité 8].
3. La Société des Chaussures Martine France est titulaire d’une marque verbale française « VIVALDI » n°1198654 déposée initialement le 16 mars 1982 et renouvelée selon extrait du 10 octobre 2023 en classe 25 « vêtements y compris chaussures, bottes et pantoufles ».
4. Elle exploite un compte instagram @vivaldiparis.
5. La société SARL Vivaldi est enregistrée au Registre national des entreprises depuis le 17 décembre 2019 et a une activité principale de prêt à porter, vente en gros et détail.
6. Estimant que la société Vivaldi reproduisait sa marque verbale par sa dénomination sociale et l’enseigne de sa boutique, la Société des Chaussures Martine France lui a adressé plusieurs courriers et une sommation, sans effet.
7. Par acte du 17 février 2023, la société des Chaussures Martine France a assigné la société Vivaldi devant le tribunal judiciaire de Paris. Aux termes de l’assignation, elle demande au tribunal de :
Condamner la société Vivaldi à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis au titre de la contrefaçon de marque sur le fondement de l’article L. 713-2 du code de propriété intellectuelle, Condamner la société Vivaldi à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis au titre de la concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1240 du code civil, Condamner la société Vivaldi à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis au titre de sa résistance abusive, Ordonner la modification de l’enseigne de la société Vivaldi, Interdire à la société Vivaldi tout usage sous quelque forme, de quelque manière, et quelque titre que ce soit, directement ou indirectement par toute personne morale ou physique interposée, du signe Vivaldi et du signe Livaldi, ou de tout autre signe incluant la dénomination Vivaldi, ou l’imitant, pris seul ou en combinaison, et ce sous astreinte, Ordonner à la société Vivaldi de procéder aux démarches nécessaires auprès du RCS afin de faire inscrire son changement de dénomination sociale, et ce sous astreinte, Ordonner la publication du jugement intervenir, selon détail à ses écritures, Condamner la société défenderesse aux entiers dépens et à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
8. Régulièrement assignée par acte remis à étude délivré au [Adresse 3] à [Localité 6], la société Vivaldi ne comparaît pas et ne constitue pas avocat.
9. La clôture est intervenue par ordonnance du 18 avril 2023.
Sur la contrefaçon de marque
Moyen soulevé
10. La demanderesse estime que la société Vivaldi contrefait sa marque verbale « Vivaldi » au sens des articles L. 713-2 et L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle en offrant ou détenant des produits sous ce signe, en l’utilisant à titre de dénomination sociale et comme papier d’affaires ou publicité.
11. En fait, elle souligne que la marque est reproduite depuis 2017 jusqu’à décembre 2022 comme enseigne et jusqu’à ce jour comme dénomination sociale. Elle dit le signe identique puis similaire par imitation à travers le signe « Livaldi » soulignant que la lettre L ressemble au V si elle est inclinée.
Appréciation du tribunal
12. Aux termes de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle : « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ».
13. Selon l’article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle : « sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :
1° L’apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
2° L’offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l’offre ou la fourniture des services sous le signe ;
3° L’importation ou l’exportation des produits sous le signe ;
4° L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;
5° L’usage du signe dans les papiers d’affaires et la publicité ;
6° L’usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;
7° La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s’ils sont accompagnés de mots tels que : ” formule, façon, système, imitation, genre, méthode ” ».
14. Selon l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle « l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L. 713-4 ».
15. La société SARL Vivaldi débute son activité au 30 septembre 2019 selon extrait RCS du 10 octobre 2023. Elle a pour activité principale le « prêt à porter homme, femme, enfant, accessoire, vente en gros et détail, import export ». Son établissement principal est déclaré comme étant situé au [Adresse 3] à [Localité 6] sous le nom « Abyandco ». Un extrait du répertoire Sirène du 10 octobre 2023 est également produit mentionnant une activité depuis le 1er février 2023. L’état de la boutique située au [Adresse 3] à [Localité 6] est présenté par une capture d’écran de Google Street View portant mention « date de l’image : juil. 2022 © 2023 Google ».
16. Cette capture d’écran figure un enseigne d’angle surmontant une boutique de vêtements. Y figurent à au moins deux reprises le mot « Vivaldi » en lettres capitales de couleurs verte pour les trois premières, blanche pour les deux suivantes, et rouge pour les deux dernières. Une photographie non datée (pièce 14) figure des lieux identiques.
17. Selon courrier recommandé distribué le 8 juillet 2021, réitéré le 18 juillet 2022, la Société des Chaussures Martine France propose, à titre amiable, à la société Vivaldi en la personne de son gérant de : retirer son enseigne Vivaldi, cesser toute utilisation du signe Vivaldi à quelque titre que ce soit, s’engager par écrit à ne jamais utiliser ni déposer à titre de marque le nom Vivaldi ou tout autre nom similaire dans le cadre de ses activités.
18. Par acte extrajudiciaire de Maître [B] [I], huissier de justice, délivré le 23 septembre 2022, sommation interpellative est faite à la société Vivaldi au [Adresse 3] à [Localité 6] de : retirer l’enseigne Vivaldi et de s’engager expressément par écrit à ne plus reproduire ou utiliser à l’avenir la dénomination Vivaldi ou tout autre signe identique ou similaire. Un vendeur présent indique ne pas être habilité à répondre.
19. Par courrier recommandé réceptionné par la société Vivaldi le 27 janvier 2022, l’avocat de la société des Chaussures Martine France l’informe qu’il va délivrer une assignation en contrefaçon et concurrence déloyale afin de la contraindre à cesser l’utilisation du signe Vivaldi et des dommages et intérêts.
20. Par courrier recommandé réceptionné par la société Vivaldi le 16 décembre 2022, l’avocat de la société des Chaussures Martine France indique que le changement d’enseigne de « Vivaldi » en « Livaldi » méconnait toujours ses droits, et met en demeure la société Vivaldi de changer son enseigne en lui soumettant le nouveau nom.
-Le signe Vivaldi
21. Il ressort des circonstances de l’espèce que depuis à tout le moins le 8 juillet 2021 la société défenderesse fait figurer sur son enseigne le signe « Vivaldi » en lettres capitales aux couleurs verte, blanche et rouge. Depuis son enregistrement le 17 décembre 2019, elle utilise ce signe à titre de dénomination commerciale.
22. Elle fait donc usage du signe litigieux dans la vie des affaires. Le signe est identique à la marque et les produits ou services sont identiques à ceux pour laquelle elle est enregistrée.
23. La société des Chaussures Martine France justifie pourtant de droits antérieurs sur la marque verbale française « Vivaldi ».
24. L’usage du signe par une enseigne surmontant une vitrine est qualifié de publicité au sens du 5° de ce même article. Il est donc interdit au cas présent sans l’accord de la société des Chaussures Martine France. L’usage à titre de nom commercial est de même défendu par le 4° de ce même article.
25. En utilisant le signe « Vivaldi », la société défenderesse a donc contrefait la marque Vivaldi déposée en classe 25 « vêtements y compris chaussures, bottes et pantoufles ».
-Le signe Livaldi
26. S’agissant du signe « Livaldi », il est utilisé depuis le 16 décembre 2022 et le courrier en dénonçant l’usage. Les signes n’étant pas identiques supposent leur comparaison :
*sur le plan visuel, les deux signes sont composés de sept lettres et ne diffèrent que par la première d’entre elles, le « L » se substituant au « V ». Le signe utilisé par la défenderesse est composé des trois couleurs verte, blanche et rouge.
*sur le plan phonétique, les deux signes comportent chacun trois syllabes identiques à l’exception de la première, « vi » devenant « li ».
*sur le plan conceptuel, le signe « Vivaldi » est identique au nom du compositeur et violoniste italien du XVIIIème siècle Antonio Vivaldi. La distinctivité de la marque est accentuée par l’absence de lien entre le compositeur et la vente de chaussures ou vêtements de la classe 25, elle est réduite par l’utilisation habituelle de références culturelles pour lier les vêtements à un patrimoine culturel ; aboutissant à une distinctivité normale de la marque pour les produits ou services en débat. La marque Livaldi ne renvoie pas directement à ce personnage. Son utilisation en combinaison avec les couleurs italiennes peut induire un lien dans l’esprit du public. Il doit être tempéré par le fait que le public, d’attention normale, comprendra que Livaldi ne désigne pas ledit compositeur.
27. Il ressort de ces circonstances que la différence des signes ne pourra pas créer un risque de confusion au sens du texte qui précède pour le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
28. La contrefaçon n’est pas établie.
Sur les mesures de réparation
Moyen soulevé
29. Sur le fondement des articles L. 716-4 et L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, la demanderesse estime que le signe Vivaldi est utilisé depuis au moins juillet 2022 et le signe Livaldi depuis au moins octobre 2022 ce qui a entraîné des économies d’investissement importantes. Elle dit avoir fait sommation à la défenderesse de transmettre ses bilans comptables et « dans l’attente de la transmission (…) estime avoir un préjudice qui ne saurait être inférieur à la somme de 50 000 euros ». Elle demande en outre des mesures de changement d’enseigne et de dénomination sociale, d’interdiction et de publication.
Appréciation du tribunal
30. Aux termes de l’article L716-4-8 du code de la propriété intellectuelle « la juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 716-4-7 ».
31. Selon l’alinéa 1er de l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle : « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ».
32. Selon l’article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle : « en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. / La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. / Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur ».
33. La contrefaçon de marque par l’emploi du signe « Vivaldi » a nécessairement causé un préjudice à la société des Chaussures Martine France qu’il convient de réparer à tout le moins s’agissant de son préjudice moral.
34. La demanderesse ne verse toutefois aucune pièce aux débats permettant d’établir le préjudice qu’elle a effectivement subi du fait des actes de contrefaçon. Elle ne justifie pas de son chiffre d’affaires ni d’aucun document permettant de comprendre sa situation économique.
35. Elle ne produit aucun document permettant d’évaluer son manque à gagner et ses bénéfices réalisés. Aucune saisie-contrefaçon n’a été diligentée, la demanderesse ne forme aucune prétention au titre de son droit d’information et demande une indemnité définitive et non provisionnelle.
36. Dans ces conditions, le préjudice ne peut qu’être apprécié à un montant 3 000 euros.
37. Ces circonstances justifient de faire droit à la demande d’interdiction d’utilisation du signe « Vivaldi » ainsi qu’à la demande d’injonction de changer de nom sous astreinte dans les conditions du dispositif. Les circonstances de la cause ne justifient pas d’ordonner la publication du jugement.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
Moyen soulevé
38. Sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, la demanderesse qualifie d’agissements déloyaux une enseigne et un nom commercial identiques de sa marque, le détournement de sa clientèle, la proximité de leurs rayonnements géographiques, la confusion opérée même sur un livreur et ses partenaires commerciaux.
Appréciation du tribunal
39. L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
40. Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
41. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
42. Le parasitisme économique se définit comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
43. Les fait dénoncés, qui consistent en l’utilisation du signe « Vivaldi » sur une enseigne et à titre de nom commercial ne sont pas distincts des fait sanctionnés au titre de la contrefaçon. Il est vraisemblable qu’un livreur a pu confondre une fois la boutique de la défenderesse avec la société des Chaussures Martine France. Cette situation isolée n’établit pas un risque de confusion générateur d’actes de concurrence déloyale. La demande, infondée, est par voie de conséquence rejetée.
44. S’agissant du signe « Livaldi » il est établi que les deux boutiques sont situées à [Localité 5] mais dans des arrondissements différents. En utilisant un signe proche de la marque sous laquelle la société demanderesse développe son activité, en le liant à une référence culturelle italienne par l’utilisation des couleurs du drapeau de ce pays dans la même ville, quoique dans un arrondissement différent, la société Vivaldi s’est placée dans le sillage de la société des Chaussures Martine France. Par le risque de confusion créé dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des produits et services proposés dans un secteur identique, elle a ainsi capté une partie de sa clientèle et ses investissements promotionnels et de communication.
45. Ces faits ne sont toutefois étayés par aucune pièce permettant d’évaluer le préjudice causé par cette faute. Un préjudice s’inférant toutefois nécessairement d’un acte de concurrence déloyale, fût-il seulement moral, il convient d’indemniser la société des Chaussures Martine France à hauteur de 3 000 euros.
Sur la résistance abusive
Moyen soulevé
46. La demanderesse estime que la société Vivaldi a persisté dans ses agissements depuis juillet 2022 et n’a participé à aucune tentative amiable proposée. Elle qualifie ces faits de résistance abusive et en demande réparation.
Appréciation du tribunal
47. Vu l’article 1240 du Code civil précité,
48. La société des Chaussures Martine France a écrit plusieurs courriers à la société défenderesse, lui a adressé une sommation interpellative, l’a mise en demeure de respecter les droits qu’elle tient de sa marque outre la réitération par l’assignation.
49. La défenderesse n’a ni déféré ni même répondu à ces demandes pourtant fondées contraignant la société des Chaussures Martine France à exposer des frais pour faire valoir ses droits.
50. Ces circonstances caractérisent une faute qu’il convient de réparer à hauteur de 2 000 euros.
Sur les demandes accessoires
51. La défenderesse, partie perdante, est condamnée aux dépens et à payer la société des Chaussures Martine France la somme qu’il est équitable de fixer à 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE TRIBUNAL
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
CONDAMNE la société Vivaldi à payer à la société des Chaussures Martine France :
-la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de la marque « Vivaldi » n°1198654,
-la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts au titre des faits de concurrence déloyale et parasitaire,
-la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,
INTERDIT à la société Vivaldi de faire usage du signe « Vivaldi » sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée,
ORDONNE à la société Vivaldi de changer sa dénomination commerciale dans un délai de 15 jours suivant signification du présent jugement sous astreinte passé ce délai de 100 euros par jour de retard pendant un délai de 3 mois, la date d’envoi de la demande de changement de nom au Registre du Commerce et des Sociétés faisant foi,
REJETTE le surplus,
CONDAMNE la société Vivaldi à payer à la société des Chaussures Martine France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Vivaldi aux dépens,
Fait et jugé à Paris le 29 février 2024
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE