La Cour de cassation décide depuis longtemps que le point de départ de la prescription d’une action en responsabilité délictuelle est la réalisation du dommage ou la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Sommaire
Le principe de la liberté du commerce
Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins que la reproduction ou l’imitation du produit ait pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les produits dans l’esprit du public, comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.
Le parasitisme
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
La charge de la preuve
La demande en concurrence déloyale et parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence au demandeur de rapporter la preuve d’un agissement fautif des défendeurs commis à son préjudice par la création d’un risque de confusion et / ou la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.
Dans cette affaire, les sociétés VF reprochent à M. [G], à la société Super Brand Licencing, à la société Artextyl et à la société The Outdoor Company des faits qu’elles considèrent comme distincts de ceux de la contrefaçon de marques par la reprise illicite des éléments marqueurs de l’environnement NAPAPIJRI notamment par l’usage systématique par la société Artextyl du motif « drapeau norvégien » sur les vêtements qu’elles considèrent comme un emprunt essentiel à l’univers NAPAPPIJRI comme l’usage du nom « geographic ». Elles invoquent également une démarche de parasitisme démontrée par la copie de la forme des vêtements et des campagnes de communication similaires.
Les sociétés Artextyl et The Outdoor Company leur opposent la prescription de l’action sur le fondement de l’article 2224 du code civil faisant valoir que les faits qui leur sont reprochés ont débuté en 2005 et ont perduré sans interruption jusqu’à l’introduction de la procédure en avril 2017, ces faits étant prescrits depuis le 17 juin 2013.
Elles ajoutent que les sociétés VF ont déjà été en litige en 2006 avec la société Artextyl et connaissaient ou à tout le moins ne pouvaient pas ne pas connaître les collections distribuées par cette société et les faits qu’elles dénoncent aujourd’hui.
Les sociétés VF répliquent que la computation du délai de prescription de l’article 2224 du code civil telle qu’elle résulte de l’arrêt de la Cour de cassation du 26 février 2020 ne peut être appliquée à l’instance en cours, cette nouvelle interprétation aboutissant à priver les sociétés VF d’un procès équitable alors qu’elles ne pouvaient ni connaître, ni prévoir cette nouvelle règle jurisprudentielle. Elles ajoutent en tout état de cause que les intimées ne démontrent pas leur connaissance des faits invoqués avant 2012.
Le point de départ de l’action
Avant l’arrêt non publié rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 26 février 2020 (n° 18/19153), l’ensemble de la jurisprudence ne considérait pas que le délai de prescription de l’action en concurrence déloyale courait à compter du dernier fait connu.
En effet, la Cour de cassation décide depuis longtemps que le point de départ de la prescription d’une action en responsabilité délictuelle est la réalisation du dommage ou la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Aussi, outre que les exigences de la sécurité juridique et de protection de la confiance légitime des justiciables ne consacrent pas de droit acquis à une jurisprudence, il était prévisible pour les sociétés VF lors de leur action en concurrence déloyale, de nature délictuelle, soumise au régime de la prescription de l’article 2224 du code civil, introduite le 26 avril 2017, que le délai quinquennal partait du jour où elles ont connu ou aurait dû connaître les faits leur permettant de l’exercer, peu important que les agissements déloyaux se soient inscrits dans la durée, une telle décision ne résultant pas de l’interprétation nouvelle de dispositions qui sont en vigueur depuis la loi n°2008-561 du 17 juin 2008.
En conséquence, la décision de la Cour de cassation du 26 février 2020 ne constituant pas en tant que telle un revirement de jurisprudence fixant un nouveau point de départ du délai de prescription, son application n’aboutit pas à priver les sociétés VF d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.