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Une animatrice de télévision peut obtenir la condamnation d’un titre de presse People qui révèle une facette de sa relation de couple, qui s’inscrit dans la sphère protégée de son intimité, alors que cela ne constitue ni un sujet d’actualité ni un débat d’intérêt général, a manifestement porté atteinte au droit au respect de sa vie privée.
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.
Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.
A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
Au soutien de son action, [A] [Z] fait valoir que la société défenderesse a publié un article concernant sa vie sentimentale et ses loisirs, illustré de photographies la représentant avec son mari et son fils dans un lieu privé, sans justifier d’aucun intérêt légitime. En révélant sa complicité amoureuse et l’intimité physique avec son mari, ainsi que ses loisirs, les photographies, selon elle, révèlent la traque dont elle a fait l’objet, et constitue une atteinte à son droit à l’image. Par ailleurs, la publiction de propos concernant sa vie amoureuse et familiale, avec des commentaires à connotation sexuelle, et la révélation de ses activités de loisirs, porteraient atteinte au respect dû à sa vie privée.
La société PRISMA MEDIA ne conteste pas le principe d’une atteinte.
En l’espèce, l’article litigieux évoque un moment d’intimité, en vacances, de [A] [Z] et son époux [X] [Y], accompagnés de leurs enfants. L’article, annoncé en page de couverture avec la mention « PHOTOS EXCLU » et occupant trois pages à l’intérieur du magazine, est illustré de plusieurs photographies du couple et de leur fils. L’article détaille les activités des intéressés : « [X] fait du sport avec l’aîné […] [A] s’éclate avec ses filles »
L’information selon laquelle elle se trouvait « fin juillet […] sur un yacht à [Localité 5] » accompagnée du récit de ce que serait son emploi du temps et illustrée par des photographies la montrant sur le pont d’un bateau en compagnie de son époux [X] [Y] et de leur fils, relève de la vie privée de la demanderesse, dès lors que sortant des généralités sur son lieu de vacances, l’article donne des détails sur ses occupations privées et familiales à un endroit et à une époque donnés.
Or, si la relation de [A] [Z] avec son époux [X] [Y] est notoire, la société défenderesse, en évoquant, sans son autorisation, une facette de cette relation, qui s’inscrit dans la sphère protégée de son intimité, alors que cela ne constitue ni un sujet d’actualité ni un débat d’intérêt général, a manifestement porté atteinte au droit au respect de sa vie privée.
Par ailleurs, en publiant des photographies représentant la demanderesse, sans son autorisation et sans que cela ne soit rendu nécessaire par un débat d’intérêt général, la publication litigieuse a porté atteinte à son droit à l’image.
Il convient donc de considérer que sont établies, avec l’évidence propre au référé, l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image de [A] [Z].
La demande de jonction des deux instances en référé intentées par [A] [Z] et [X] [Y] à l’encontre de la société PRISMA MEDIA a été rejetée. Bien que les actions soient similaires, elles relèvent des droits de la personnalité et ne nécessitent pas d’être jointes pour une bonne administration de la justice.
L’article publié par l’hebdomadaire Voici concernant [A] [Z] et [X] [Y] a été jugé comme portant atteinte à la vie privée et au droit à l’image de la demanderesse. Les détails intimes de leur vie de couple et de famille, illustrés par des photographies prises dans un lieu privé, ont été considérés comme une intrusion injustifiée dans leur sphère privée.
La publication de l’article a été jugée comme portant atteinte au respect de la vie privée et au droit à l’image de [A] [Z]. Les détails intimes révélés sans son autorisation ont été considérés comme une violation de ses droits.
Une indemnité de 3 000 € a été allouée à [A] [Z] pour réparer le préjudice subi. La demande de publication judiciaire a été rejetée, mais la société PRISMA MEDIA a été condamnée aux dépens et à verser 1 000 € à la demanderesse au titre des frais irrépétibles.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/58051 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3B7Y
N° : 2/MM
Assignation du :
23 Octobre 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 26 janvier 2024
par Delphine CHAUFFAUT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE
Madame [A] [B] épouse [Y], dite [A] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Barbara DELEUZE, avocat au barreau de PARIS – #D1213
DEFENDERESSE
S.A.S. PRISMA MEDIA
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Olivier D’ANTIN de la SCP D’ANTIN BROSSOLLET, avocats au barreau de PARIS – #P0336
DÉBATS
A l’audience du 08 Décembre 2023, tenue publiquement, présidée par Delphine CHAUFFAUT, Juge, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Vu l’assignation délivrée par acte d’huissier le 23 octobre 2023 à la société PRISMA MEDIA, éditrice du magazine Voici, à la requête de [A] [B] épouse [Y] dite [A] [Z], ainsi que les conclusions déposées à l’audience du 8 décembre 2023, oralement soutenues par le conseil de la demanderesse, qui, estimant qu’il avait été porté atteinte au respect dû à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro 1862 du magazine daté du 11 août 2023, nous demande, au visa des articles 9 du code civil, 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et 491, 699, 700 et 835 du code de procédure civile de :
condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser à titre de provision la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
ordonner la publication d’un communiqué judiciaire dont les caractéristiques et modalités sont précisées au dispositif de l’assignation, à paraître dans les huit jours de la signification de l’ordonnance à intervenir sous astreinte définitive de 8 000 euros par semaine de retard ;
condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société PRISMA MEDIA aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Barbara DELEUZE, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions en défense de la société PRISMA MEDIA, déposées et soutenues à l’audience du 8 décembre 2023, qui nous demande, au visa de l’article 367 du code de procédure civile, de:
joindre l’instance engagée par [A] [B] dite [A] [Z] et celle engagée par [X] [Y] par exploits d’huissier du 23 octobre 2023 pour l’article paru dans le numéro 1862 de Voici ;
débouter [A] [Z] de ses demandes ;
débouter [X] [Y] de ses demandes ;
à titre subsidiaire, ne leur allouer d’autre réparation que de principe ;
dire n’y avoir lieu à l’insertion forcée d’un communiqué judiciaire à titre de réparation complémentaire ;
les condamner aux entiers dépens.
À l’issue de l’audience, au cours de laquelle les conseils des parties ont été entendus en leurs observations, il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 26 janvier 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS
Sur la demande de jonction :
L’article 367 du code de procédure civile dispose que : « Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ».
La société défenderesse expose que les deux actions en référé de [A] [Z] et [X] [Y] intentées à son encontre concernent le même article, les mêmes demandes, et sur le même fondement. Elle en conclut que « l’évidente qui réunit ces deux instances justifierait qu’elles soient jointes ».
[A] [Z] soutient qu’il n’apparait pas d’une bonne administration de la justice de joindre les procédures engagées par elle et [X] [Y], qu’il n’existe aucun risque de contrariété de jugement en l’espèce et que son préjudice propre est distinct de celui de [X] [Y].
Sur ce, il est exact que [A] [Z] et [X] [Y] ont tous deux assignés la société PRISMA MEDIA sur le fondement de l’article 9 du code civil relativement au même article de presse.
Cependant, dès lors que ces actions, même similaires, relèvent des droits de la personnalité, qui ne peuvent se concevoir qu’en relation avec une personne déterminée, qui est seule recevable à agir, il n’apparaît pas nécessaire, dans l’intérêt d’une bonne justice d’ordonner la jonction de ces deux instances.
La demande sera en conséquent rejetée.
Sur la publication litigieuse
[A] [B], dite [A] [Z], animatrice de télévision, est l’épouse de l’ancien joueur de football [X] [Y], avec lequel elle a trois enfants.
Dans son numéro 1862 daté du 11 août 2023, l’hebdomadaire Voici, édité par la société PRISMA MEDIA leur consacre un article de trois pages illustré de six photographies.
L’article est annoncé en page de couverture sous le titre « [A] [Z] / Avec [X], c’est le pied ! ». Un sur-titre précise « Trois mois après la naissance de leur fille, le couple, en vacances dans le Sud, a retrouvé son élan amoureux… Et entre eux, c’est super chaud ! ». L’annonce s’inscrit sur une photographie occupant les deux tiers de la page de couverture, visiblement prise au téléobjectif, et représentant [A] [Z] et [X] [Y] souriants en maillot de bain sur un bateau. La demanderesse, porteuse de lunettes de soleil, est assise sur le dos de son époux et pose ses mains sur les épaules de ce dernier qui est allongé sur le ventre. Une mention indique « PHOTOS EXCLUS ». Une autre photographie, d’un format plus petit, incrustée sur la précédente, représente les intéressés s’embrassant sur le bateau.
L’article, développé en pages 12 à 14, a pour titre « [A] [Z] / AVEC [X], ELLE RAVIVE LA FLAMME », et porte en exergue la mention « Trois mois après la naissance de leur petite fille, l’animatrice et son mari n’ont absolument rien perdu de leur fougue amoureuse… », ainsi qu’en pied d’article « Dans le Sud de la France, place au lâcher-prise et aux odeurs de monoï ». Les différents titres sont annoncés sur la double page 12-13 en caractères gras.
L’article litigieux débute en faisant état des vacances de [A] [Z] et « son clan dans le Sud de la France fin juillet ». Il précise que les intéressés ont « embarqué sur un yacht à [Localité 5] » avec leurs trois enfants, dont sont précisés les prénoms et âges, et les parents de la demanderesse.
Il poursuit en reprenant des déclarations faites par la demanderesse au magazine Téléstar au sujet de sa maternité : « Mon rêve a toujours été d’avoir des enfants », précisant qu’elle ne se sent plus « seule ». Elle explique : « je suis maman avant tout. Je consacre tout mon temps à mes enfants et à mon mari ». L’article affirme que la demanderesse est « maman louve » et qu’elle reconnait « faire passer son quotidien de mère de famille avant tout le reste ».
L’article indique ensuite que la demanderesse « n’a pas hésité à laisser les petits à sa maman pour se rapprocher de son homme ». Qualifiant [A] [Z] de « câline » et « tactile », il poursuit en faisant le récit de leurs moments passés en vacances, précisant que la demanderesse « a pris un plaisir fou à étaler de la crème solaire dans le dos » de [X] [Y] et à lui « prodiguer des massages sensuels tout en lui susurrant des mots doux dans le creux de l’oreille […] de quoi réveiller le désir ».
L’article évoque ensuite les sentiments des intéressés et indique que ces derniers « sont toujours sur la même longueur d’onde » malgré « des hauts et des bas », expliquant qu’ils sont « unis par une même vision de la famille et de l’éducation » et que le couple « a trouvé un nouvel équilibre ».
Il poursuit en faisant le récit des loisirs occupant les membres de la famille : « [X] fait du sport avec l’aîné […] [A] s’éclate avec ses filles ». L’article, citant les déclarations faites par [A] [Z] au magazine Téléstar, indique que la demanderesse veut transmettre à ses filles « les belles valeurs qu’elle a elle-même reçues ».
L’article conclut en indiquant que « quand les petits font la sieste, [A] et [X] se retrouvent, comme au premier jour… ».
L’article est illustré en pages intérieures de cinq photographies prises probablement au téléobjectif.
La première photographie, occupant presque l’intégralité de la page 12, représente [A] [Z] et [X] [Y] souriants en maillot de bain sur le pont d’un bateau. La demanderesse, porteuse de lunettes de soleil, est assise sur le dos de son époux allongé sur le ventre, et pose ses mains sur ses épaules. La photographie contient la légende suivante : « Eh oui, trois mois après la naissance de sa fille, [A] est déjà sur le pont ».
La seconde photographie, apposée entre la double page 12-13, représente [A] [Z] et [X] [Y], dans les mêmes tenues, toujours sur le pont du bateau. La demanderesse enlace son époux autour du cou. La photographie est accompagnée de la légende suivante : « Ok, elle lui donne chaud, mais [X] le sait, la méthode [Z] a toujours porté ses fruits ».
La troisième photographie, occupant une partie de la page 13, représente le couple en maillot de bain sur le pont du bateau en train de s’embrasser. Le cliché est légendé comme il suit : « Et bim ! L’appel de la pelle est plus fort que tout ! ».
La quatrième photographie figure en haut à droite de la page 14. Elle représente le couple en train de s’embrasser sur le bateau, [A] [Z] étant couverte d’une serviette de bain et [X] [Y] étant porteur d’un maillot de bain. Les intéressés tiennent une pagaie. En arrière-plan figure le fils du couple en maillot de bain, visage flouté. Elle est légendée : « Les mauvaises langues disent que c’est un couple qui rame… Pas vraiment, non ! »
La cinquième photographie se situe en haut à droite de la page 14 du magazine. Elle représente [A] [Z] en maillot de bain qui saute du bateau dans la mer, et son fils en arrière-plan, également en maillot de bain, toujours avec le visage flouté. La photographie est accompagnée de la légende suivante : « Faire une grosse bombe dans l’eau, c’est toujours moins violent que des mauvaises audiences télé… ».
Sur la page 14, les photographies se situent sous le titre suivant : « Pour [A], la relation amoureuse est un travail au quotidien ». Sur la même page, en exergue de l’article est mentionné : « Massages sensuels et mots doux au creux de l’oreille ».
C’est dans ces conditions qu’a été délivrée la présente assignation.
Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.
Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
Au soutien de son action, [A] [Z] fait valoir que la société défenderesse a publié un article concernant sa vie sentimentale et ses loisirs, illustré de photographies la représentant avec son mari et son fils dans un lieu privé, sans justifier d’aucun intérêt légitime. En révélant sa complicité amoureuse et l’intimité physique avec son mari, ainsi que ses loisirs, les photographies, selon elle, révèlent la traque dont elle a fait l’objet, et constitue une atteinte à son droit à l’image. Par ailleurs, la publiction de propos concernant sa vie amoureuse et familiale, avec des commentaires à connotation sexuelle, et la révélation de ses activités de loisirs, porteraient atteinte au respect dû à sa vie privée.
La société PRISMA MEDIA ne conteste pas le principe d’une atteinte.
En l’espèce, l’article litigieux évoque un moment d’intimité, en vacances, de [A] [Z] et son époux [X] [Y], accompagnés de leurs enfants. L’article, annoncé en page de couverture avec la mention « PHOTOS EXCLU » et occupant trois pages à l’intérieur du magazine, est illustré de plusieurs photographies du couple et de leur fils. L’article détaille les activités des intéressés : « [X] fait du sport avec l’aîné […] [A] s’éclate avec ses filles »
L’information selon laquelle elle se trouvait « fin juillet […] sur un yacht à [Localité 5] » accompagnée du récit de ce que serait son emploi du temps et illustrée par des photographies la montrant sur le pont d’un bateau en compagnie de son époux [X] [Y] et de leur fils, relève de la vie privée de la demanderesse, dès lors que sortant des généralités sur son lieu de vacances, l’article donne des détails sur ses occupations privées et familiales à un endroit et à une époque donnés.
Or, si la relation de [A] [Z] avec son époux [X] [Y] est notoire, la société défenderesse, en évoquant, sans son autorisation, une facette de cette relation, qui s’inscrit dans la sphère protégée de son intimité, alors que cela ne constitue ni un sujet d’actualité ni un débat d’intérêt général, a manifestement porté atteinte au droit au respect de sa vie privée.
Par ailleurs, en publiant des photographies représentant la demanderesse, sans son autorisation et sans que cela ne soit rendu nécessaire par un débat d’intérêt général, la publication litigieuse a porté atteinte à son droit à l’image.
Il convient donc de considérer que sont établies, avec l’évidence propre au référé, l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image de [A] [Z].
Sur les mesures sollicitées
Sur la demande d’indemnité provisionnelle
En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Si la seule constatation de l’atteinte au respect à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à ces atteintes, il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué ; l’évaluation du préjudice est appréciée de manière concrète, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.
Par ailleurs, l’atteinte au respect dû à la vie privée et l’atteinte au droit à l’image constituent des sources de préjudice distinctes, pouvant ouvrir droit à des réparations différenciées, à condition qu’elles soient dissociables.
L’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, ni au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause.
Au soutien de sa demande indemnitaire, [A] [Z] fait valoir que l’attention du lectorat est attirée dès la couverture, avec une mention d’exclusivité. Par ailleurs, elle soutient que les photographies, dont le nombre témoigne d’une traque, montrent le couple dans des attitudes d’intimité amoureuse au sein d’un lieu privé, alors qu’il peut légitimement se sentir préservé. Elle estime que certains propos de l’article ont une connotation sexuelle. Elle relève que la société défenderesse se livre à un véritable harcèlement à son encontre, continuant de publier des articles portant sur son intimité malgré plusieurs mises en demeure et de nombreuses condamnations. Elle affirme qu’elle ne met pas en scène sa vie privée et que les révélations concernant son intimité sont le fait de la presse people. Elle justifie sa demande de publication judiciaire par cet acharnement, ainsi que par la réitération de l’atteinte portée par la société défenderesse.
La société défenderesse fait valoir qu’aucun élément précis n’est mis en avant par la demanderesse de nature à caractériser une répercussion quelconque en lien avec l’article litigieux. Elle souligne le caractère bienveillant des propos de l’article, exempt de toute révélation, qui donne l’image d’un couple uni et heureux et estime que les photographies expriment la joie et le bonheur des intéressés. La société fait valoir que la demanderesse met en avant avec complaisance sa vie privée notamment sur les réseaux sociaux et lors d’interviews. Enfin, elle estime que [A] [Z] ne parvient pas à démontrer en l’espèce l’étendue de son prétendu dommage.
En l’espèce, le préjudice moral causé par la publication en cause, s’il est lié à une double atteinte, l’une au respect dû à la vie privée de la demanderesse, l’autre à son droit à l’image, doit être apprécié de manière globale dès lors que ces deux atteintes sont intrinsèquement liées, évoquant avec une même ligne éditoriale les moments de vacances de la demanderesse avec son mari [X] [Y] ainsi que leurs relations intimes.
Au cas présent, pour évaluer l’étendue du préjudice moral de la demanderesse consécutif à la publication litigieuse, il convient tout d’abord de prendre en compte le fait que l’annonce est faite dès la page de couverture, par des textes à la typographie colorée, par un encart « PHOTOS EXCLUS », révélateur d’une promesse d’exclusivité, autant d’éléments qui, au-delà des seuls lecteurs, attirent l’attention des simples passants et contribuent à assurer une plus large publicité aux propos et clichés litigieux.
Il y a lieu, en l’espèce, de retenir que les intéressés ont été photographiés probablement au téléobjectif sur un bateau privé, ce qui démontre une surveillance préjudiciable de leurs activités de loisirs, s’appuyant en outre sur le récit de leurs activités (« n’a pas hésité à laisser les petits à sa maman pour se rapprocher de son homme », « a pris un plaisir fou à étaler de la crème solaire dans le dos », « prodiguer des massages sensuels tout en lui susurrant des mots doux dans le creux de l’oreille »), pouvant être ressentie comme une intrusion injustifiée dans leur vie privée, et participant à ce sentiment « d’acharnement » qu’évoque [A] [Z].
Il sera également relevé que le ton particulièrement racoleur de l’article, dont les commentaires portent à titre essentiel sur la vie intime du couple, accroit le préjudice, en ce qu’ils ne sont certes pas dévalorisants, mais à tout le moins, dans leur outrance, embarrassants.
Les photographies illustrant la couverture et l’article prises vraissemblablement au téléobjectif révèlent une surveillance d’un moment de complicité amoureuse qui n’avait pas vocation à être exposé dans un magazine, qui est de nature à renforcer le préjudice en l’espèce.
En outre, [A] [Z] justifie avoir poursuivi et obtenu la condamnation de PRISMA MEDIA et ce à de nombreuses reprises (pièces 2,3, 7 à 10, 16, 23, 25, 32, 33, 39 à 41, 43, 45, 46, 52, 53, 59 à 63, 66, 68, 69 en demande), à raison d’articles publiés dans le magazine Voici entre 2008 et 2023 qui portaient atteinte à sa vie privée et son droit à l’image, la condamnation la plus récente portant sur un article publié le 28 avril 2023 consacré aux photographies du couple sortant d’un hôpital et au récit de la grossesse de [A] [Z] (pièce 69 en demande).
Ainsi, sans aucun égard pour la demanderesse et pour les décisions de justice antérieures, qui ont souligné les atteintes répétées à sa vie privée et le préjudice en résultant pour elle, la défenderesse a réitéré le même type d’atteinte, fondant ainsi le sentiment de traque que [A] [Z] invoque.
Certains éléments commandent toutefois une appréciation plus modérée du préjudice subi.
Il sera en premier lieu souligné que [A] [Z] ne produit aucune pièce de nature à préciser le préjudice résultant spécifiquement pour elle de la publication de l’article.
La société défenderesse se prévaut de la complaisance de [A] [Z] vis-à-vis des médias pour conclure à une minoration de l’indemnisation de son préjudice et produit à cet égard des interviews de la demanderesse qui ont accompagné toute sa carrière et des extraits de ses réseaux sociaux, dans lesquels elle évoque sa vie intime, notamment sa vie sentimentale et son rôle de mère (pièces 9 à 21 en défense).
Cette attitude à l’égard des médias, auprès de qui elle a consenti à évoquer des éléments nombreux de sa vie familiale et amoureuse, est de nature à attiser la curiosité du public et à nuancer la sensibilité de [A] [Z] à l’évocation d’éléments relevant de sa vie privée par un magazine ainsi que l’importance qu’elle accorde à la protection de celle-ci.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu d’allouer à [A] [Z], à titre de réparation de son préjudice, la somme de 3 000 € pour les atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image.
Sur la demande de publication judiciaire
Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, l’allocation d’une provision à la demanderesse étant suffisante à réparer le préjudice subi.
Sur les autres demandes
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il y a en conséquence lieu de condamner la société défenderesse, qui succombe, aux dépens, dont, en application de l’article 699 du même code, sera ordonné distraction au profit de Me Barbara DELEUZE.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
Il serait inéquitable de laisser à la demanderesse la charge des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts et il y aura lieu en conséquence de condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera rappelé qu’en application de l’article 489 du code de procédure civile, la décision est exécutoire à titre provisoire.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
Rejetons la demande de jonction de cette instance à l’instance opposant la même société défenderesse à [X] [Y] ;
Condamnons la société PRISMA MEDIA à payer à [A] [B], dite [A] [Z], la somme provisionnelle de
3 000 euros à titre de dommages-intérêts à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro 1862 du magazine Voici publié le 11 août 2023 ;
Déboutons [A] [B], dite [A] [Z], de sa demande de publication judiciaire ;
Condamnons la société PRISMA MEDIA aux dépens, dont distraction au profit de Me Barbara DELEUZE ;
Condamnons la société PRISMA MEDIA à payer à [A] [B], dite [A] [Z], la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;
Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit nonobstant appel.
Fait à Paris le 26 janvier 2024
Le Greffier,Le Président,
Minas MAKRISDelphine CHAUFFAUT