Sur la demande au titre des réparations locatives
Mme [A] demande de voir débouter M. [N] de ses demandes au titre des réparations locatives. Elle conteste la validité du constat d’huissier dressé en son absence et soutient que les travaux incombent à son cessionnaire. En réponse, M. [N] affirme que les dégradations sont imputables à Mme [A] et justifie son préjudice par des devis. Le tribunal retient la responsabilité de Mme [A] et la condamne à payer les réparations locatives.
Motifs de la décision
Le tribunal se base sur les dispositions du code civil concernant les contrats, les dommages et intérêts, et la responsabilité du locataire pour les dégradations. Il considère que Mme [A] n’a pas émis de réserves lors de la cession du fonds de commerce et doit donc répondre des dégâts constatés. Les réparations locatives sont jugées indemnitaire et M. [N] est en droit de réclamer leur paiement.
Sur la demande indemnitaire de Mme [A]
Mme [A] réclame une indemnisation pour procédure abusive, invoquant un préjudice moral. M. [N] conteste cette demande, arguant du manque de précision du préjudice. Le tribunal rejette la demande d’indemnisation, considérant que l’action en justice n’a pas été initiée de mauvaise foi.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Mme [A] étant déboutée de ses demandes, elle est condamnée à verser des frais irrépétibles à M. [N] ainsi que les dépens d’appel. Les dispositions du jugement concernant ces frais sont confirmées.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
5ème Chambre
ARRÊT N°-36
N° RG 19/06940 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QGCQ
Mme [U] [A]
C/
M. [R] [N]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Novembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [U] [A]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Yves HONHON de la SARL HONHON-LEPINAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Monsieur [R] [N]
né le 03 Octobre 1944 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Sébastien GUERRIER de la SELARL O2A & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Suivant acte notarié du 18 mai 2006, les époux [W] ont cédé à Mme [A] un fonds de commerce de vente de restauration rapide situé [Adresse 3].
M. [N], en qualité de bailleur, est intervenu à l’acte pour accepter le successeur.
Le 13 juillet 2018, Mme [A] a cédé son fonds de commerce à Mme [G] et lors de la libération des lieux, maître [L] [O] a procédé à l’état des lieux.
Se plaignant de la dégradation de ses locaux, M. [N], par lettre recommandée du 7 novembre 2018, a mis en demeure Mme [A] d’avoir à lui verser la somme de 6 323,77 euros au titre des réparations mais en vain.
Par acte d’huissier en date du 16 janvier 2019, M. [N] a fait assigner Mme [A] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire.
Par jugement en date du 5 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint Nazaire a :
– condamné Mme [A] à verser à M. [N] :
* la somme de 3 754,41 euros pour les réparations locatives,
* la somme de 400 euros pour le constat de maître [L] [O] du 13 juillet 2018,
– débouté M. [N] du surplus de ses demandes,
– condamné Mme [A] à verser à M. [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [A] aux dépens,
– débouté M. [N] de sa demande d’exécution provisoire.
Le 21 octobre 2019, Mme [A] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 18 mai 2020, elle demande à la cour de :
– réformer la décision rendue par le tribunal de grande instance de Saint- Nazaire,
– débouter purement et simplement M. [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– le condamner à lui verser :
* en restitution du dépôt de garantie la somme de 762,24 euros avec intérêts au taux légal à compter de la notification des présentes conclusions;
* à titre de dommages-intérêts la somme de 1 000 euros,
* sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros,
– condamner M. [N] en tous les dépens d’instance et d’appel qui comprendront le coût du constat établi le 29 octobre 2015 par la SELARL Veyrac huissier de justice à [Localité 5].
Par dernières conclusions notifiées le 3 mars 2020, M. [N] demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire le 5 septembre 2019,
– débouter Mme [A] de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions dirigées à son encontre,
– condamner Mme [A] à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,
– condamner Mme [A] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la demande au titre des réparations locatives
Mme [A] demande de voir débouter M. [N] de ses demandes au titre des réparations locatives.
Mme [A] fait valoir que le constat d’huissier dressé le 13 juillet 2018 ne peut lui être opposable dans la mesure où elle n’était pas présente et n’avait pas donné pouvoir à son compagnon, qui lui était présent, de la représenter.
Elle indique que le propriétaire n’a produit des devis qu’au nom du restaurant La Petite Pause et non à son propre nom sauf celui relatif aux frais de nettoyage et qu’il ne justifie pas avoir réalisé les travaux. Elle ajoute que les devis produits concernent des travaux de mise en conformité incombant à son cessionnaire qui les a acceptés au vu de l’acte de cession de bail du 13 juillet 2018.
S’agissant de la réparation du bloc-porte, elle fait valoir que son état ne relève pas d’un problème d’entretien mais bien de vétusté et incombe au propriétaire. Elle expose avoir fait dresser un constat d’huissier le 29 octobre 2015 qui a constaté cet état de vétusté mais que, face à l’inertie du propriétaire, elle a du régler la situation elle-même.
Enfin, elle indique que le bail n’était pas suffisamment précis quant à la prise en charge des grosses réparations de l’article 606 du code civil.
En réponse, M. [N] soutient que Mme [A] a pris possession des lieux en bon état, l’acte de cession du fonds de commerce du 18 mai 2009 ne comportant aucune réserve, mais qu’elle l’a laissé en piteux état comme en atteste le constat d’huissier dressé le 13 juillet 2018 relevant de nombreuses dégradations. Il ajoute que le constat lui est parfaitement opposable et que l’attestation de son compagnon qui indique avoir été présent par hasard le jour du constat est rédigé pour les besoins de la cause.
M. [N] conteste le fait que l’état de la porte soit lié à un problème de vétusté et indique que Mme [A] ne s’en est jamais plaint et qu’elle a attendu 9 ans après son entrée dans les lieux pour faire dresser un constat. Il ajoute que le dysfonctionnement de la porte constaté par le constat d’huissier du 13 juillet 2018 est lié à la pose de parquet flottant qu’elle a réalisé sans son accord.
Aux termes des dispositions de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Aux termes des dispositions de l’article 1732 du code civil, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.
Le procès-verbal de constat d’huissier dressé le 13 juillet 2018 à la demande de M. [N] mentionne que l’huissier s’est rendu sur place en présence de M. [N], propriétaire et de M. [T], compagnon de Mme [A], locataire sortant et absente. Mme [A] soutient qu’elle n’avait confié aucun pouvoir à M. [T] de la représenter et produit une attestation de ce dernier en ce sens. Mais cette attestation est contredite par celle de Mme [G] à qui Mme [A] a cédé son fonds de commerce, qui confirme les termes de l’huissier selon lesquelles Mme [A] s’était fait représenter par son compagnon. En tout état de cause, Mme [A] a eu connaissance de ce constat d’huissier et a pu le critiquer dans la mesure où il a été soumis à la libre discussion contradictoire. Il lui est donc parfaitement opposable.
Le constat d’huissier de maître [L] du 13 juillet 2018 relève que :
-‘ la porte d’entrée battante ne s’ouvre que sur l’extérieur en raison de la pose d’un parquet flottant qui empêche l’ouverture de la porte vers l’intérieur,
– les deux ampoules du boîtier de la sortie de secours sont grillées,
– les fils du radiateur électrique ne sont pas protégés, une prise électrique n’est pas fixée au-dessus de la porte de sortie,
– une forte odeur se dégage de la bouche d’évacuation où de l’huile a été jetée et qui est bouchée. Le plombier qui est intervenu a retrouvé un morceau de plastique coincé,
– des néons cassés dans la cuisine,
– la hotte ne fonctionne pas à la vitesse maxi,
– le lave-mains fuit,
– un manque d’entretien général avec le carrelage abîmé présentant des traces de chocs, des cérats de peintre, des traces sur les murs à hauteur des chaises’.
La matérialité des dégradations relevée par le constat d’huissier n’est pas contestée par les parties, seule leur prise en charge est discutée.
Il résulte de l’acte de cession de fonds de commerce du 18 mai 2006 en page 13 au titre ‘charges et conditions’ : ‘la présente cession est faite sous les charges et conditions suivantes que les parties, chacune en ce qui la concerne, s’obligent à exécuter et accomplir:
à la charge du cessionnaire :
Etat du fonds: il prendra le fonds vendu et ses accessoires dans leur état au jour de l’entrée en jouissance, sans garantie de la part du cédant pour erreur ou omission dans la désignation du matériel, mauvais état ou vices cachés ou apparents de ce matériel, plus ou mois grande importance de la clientèle et en général pour quelque cause que ce soit.
Il n’est toutefois apporté aucune dérogation à la loi du 29 juin 1935, en cas d’inexactitude des énonciations faites aux présentes en exécution de l’article 12 de ladite loi’.
Il est constant que Mme [A] n’a émis aucune réserve sur les locaux lors de la cession du fonds. Ces locaux sont donc réputés avoir été loués en bon état. Il lui appartient de prouver que les dégâts constatés ont eu lieu sans sa faute. S’agissant de l’état de la porte, elle se fonde sur un constat du 29 octobre 2015 mais ce constat ayant été réalisé plus de 9 ans après son entrée dans les lieux ne permet pas de considérer que les dégradations se sont produites sans sa faute.
Mme [A] n’a pas conclu sur les autres dégradations constatées par l’huissier.
Mme [A] soutient que les dégradations constatées le 13 juillet 2018 incombent à sa cessionnaire du fait de la cession du fonds de commerce intervenue le même jour. Or il convient de relever que les dommages constatés se sont produits au cours de la période d’occupation des lieux par Mme [A] et ne peuvent être, de ce fait, pris en charge par la cessionnaire. Dès lors, les désordres objectivés dans le constat d’huissier sont imputables à Mme [A] qui doit en répondre.
Pour justifier de son préjudice, M. [N] a produit trois devis au nom du restaurant La Petite Pause dont il n’est pas contesté qu’ils concernent les locaux loués au vu de l’adresse figurant dans le devis, lesdits locaux appartenant à M. [N]. Par ailleurs, il est constant que les réparations locatives présentent un caractère indemnitaire et que le propriétaire n’est pas tenu de démontrer qu’il a effectivement procédé ou fait procéder aux réparations locatives. C’est à bon droit que le premier juge a retenu, pour établir le préjudice subi par M. [N], les sommes de :
– 800,28 euros pour la réfection des néons, du bloc sortie de secours, pour la fourniture d’une boîte de raccordement pour le radiateur,
– 2 228,38 euros pour le bloc-porte,
– 432 euros pour le nettoyage de la hotte,
– 405,06 euros pour la pose d’un robinet,
– 650,93 euros pour la fourniture et la pose d’un coffret de ventilation à la suite de la surchauffe due à l’encastrement de la hotte
soit une somme de 4 516,65 euros dont le premier juge a déduit le montant de la caution de 762,24 euros soit une somme de 3 754,41 euros qu’il a mis à la charge de Mme [A], somme qui sera confirmée.
De même, la décision entreprise sera confirmée en ce qui concerne la condamnation de Mme [A] à verser à M. [N] la somme de 400 euros au titre du constat d’huissier de maître [L] du 13 juillet 2018.
– Sur la demande indemnitaire de Mme [A]
Mme [A] sollicite la condamnation de M. [N] à lui verser la somme de 1 000 euros pour procédure abusive en ce qu’elle a été initiée de mauvaise foi. Elle indique qu’il en ait résulté un préjudice moral dans la mesure où cette procédure l’a inquiétée et ce alors qu’elle devait faire face à des problèmes de santé.
M. [N] sollicite le débouté de cette demande au motif que la nature du préjudice n’est pas précisée et qu’aucune pièce ne vient l’étayer.
Il convient de rappeler que l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol, que tel n’est pas le cas en l’espèce, puisqu’il a été fait droit aux demandes de M. [N]. Au surplus, Mme [A] ne justifie d’aucun autre préjudice.
Par conséquent, il convient de débouter Mme [A] de sa demande indemnitaire.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, Mme [A] sera condamnée à verser la somme de 2 000 euros à M. [N] au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [U] [A] à verser à M. [R] [N] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
Condamne Mme [U] [A] aux entiers dépens d’appel ;
Déboute Mme [U] [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Le greffier, La présidente,