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En application des articles 1240 et 1241 du code civil, la responsabilité délictuelle d’une personne est engagée dès lors que celle-ci a commis une faute, par son fait ou par sa négligence ou son imprudence, causant de manière directe et certaine un dommage à autrui.
Si le principe de la liberté contractuelle permet à chacune des parties à des pourparlers de ne pas donner suite aux négociations précontractuelles, il est constant que la rupture fautive de négociations peut engager la responsabilité de son auteur sur le fondement des dispositions susvisées, lorsqu’elle est intervenue, en considération du degré d’avancement des négociations et des circonstances de l’espèce, sans raison légitime, de mauvaise foi ou avec une volonté de nuire.
La cour a observé que la finalisation du contrat de cession de parts sociales de la société Editions du Sekoya par levée d’option tacite n’était pas établie. Les intimés n’ont pas invoqué une telle levée d’option tacite, ce qui a conduit à la conclusion que l’action indemnitaire relevait du régime de la responsabilité délictuelle.
La société Editions du Sekoya a été jugée recevable à agir en indemnisation des préjudices invoqués, même si elle n’était pas partie aux cessions de parts sociales envisagées. Le versement d’une somme par M. [H] sur son compte bancaire n’a pas affecté sa qualité pour agir en responsabilité délictuelle.
La cour a conclu qu’aucune faute imputable à M. [H] dans le cadre des négociations pré-contractuelles n’était caractérisée. Aucun abus n’a été démontré dans le refus de signer la cession, et les demandes indemnitaires des demandeurs ont été jugées non fondées.
M. [H] a été reconnu comme ayant une créance de 3 800 euros à l’encontre de la société Editions du Sekoya, correspondant au solde de l’avance portée sur compte courant. La demande reconventionnelle a été confirmée en sa faveur.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le copies exécutoires et conformes délivrées à
CS/LZ
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 22/00034 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EOZH
COUR D’APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 26 MARS 2024
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 décembre 2021 – RG N°2020J00011 – TRIBUNAL DE COMMERCE DE LONS-LE-SAUNIER
Code affaire : 35Z – Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement
COMPOSITION DE LA COUR :
M. Michel WACHTER, Président de chambre.
M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, Conseillers.
Greffier : Melle Leila ZAIT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
L’affaire a été examinée en audience publique du 23 janvier 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, M. Cédric SAUNIER et Madame Anne-Sophie WILLM, conseillers et assistés de Melle Leila ZAIT, greffier.
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
L’affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT
Monsieur [I] [H]
demeurant [Adresse 1] / FRANCE
Représenté par Me Guillaume MONNET de la SELARL DU PARC – MONNET – FRANCHE COMTE, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉS
APPELANT SUR APPEL INCIDENT
Monsieur [M] [Z]
associé majoritaire et gérant de la SARL LES EDITIONS DU SEKOYA
de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Agathe HENRIET de la SELARL A. HENRIET, avocat au barreau de BESANCON
Madame [P] [Z]
associée minoritaire de la SARL LES EDITIONS DU SEKOYA
de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Agathe HENRIET de la SELARL A. HENRIET, avocat au barreau de BESANCON
S.A.R.L. EDITIONS DU SEKOYA
RCS de Besancon n°428 625 008
sise [Adresse 2]
Représentée par Me Agathe HENRIET de la SELARL A. HENRIET, avocat au barreau de BESANCON
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Melle Leila ZAIT, greffier lors du prononcé.
*************
Faits, procédure et prétentions des parties
Mme [P] [D] épouse [Z] et M. [M] [Z], seuls actionnaires de la SARL Editions du Sekoya gérée par ce dernier, ont engagé au cours de l’année 2017 des négociations relative à la cession de la totalité des parts sociales à M. [I] [H].
Après un premier courrier établi le 30 avril 2018 par M. [Z] proposant un prix de cession d’un montant de 150 000 euros ainsi qu’un accompagnement en qualité de gérant jusqu’à la fin de l’année 2019, M. [H] a proposé, aux termes de son courrier du 20 juin 2018 annulant et remplaçant celui du 06 juin précédent, un prix de 100 000 euros et les modalités suivantes à formaliser dans un protocole d’accord avant le 31 août 2018 comportant une garantie d’actif et de passif :
– un versement de 30 000 euros en compte courant à la signature du protocole d’accord prévoyant
une option d’achat préférentielle des parts jusqu’au 31 janvier 2019 et le remboursement de cette somme à défaut d’exercice de l’option d’achat à cette date ;
– le règlement de 30 % du prix au 31 mars 2019 puis du solde de 40 000 euros au 31 mars 2020 ;
– la transmission des informations et compétences sur le principe d’une gestion conjointe des projets d’édition et d’une association du cessionnaire à toutes les opérations sortant de la gestion courante ;
– le partage des frais liés à la cession ;
– l’exercice de la gérance par l’acquéreur dès la levée de l’option d’achat et la cession des parts dans leur totalité.
Par courrier du 21 juin 2018, M. [Z] faisait part de son accord selon des modalités comportant les modifications suivantes :
– le premier versement de la somme de 30 000 euros en compte courant devra intervenir avant le 27 juin 2018 ;
– si l’option n’est pas exercée, le remboursement des fonds déposés en compte courant sera effectué déduction faite d’une indemnité en compensation pour la formation effectuée ;
– si l’option d’achat est levée, il sera consenti une caution bancaire à première demande sur le solde des sommes restant dues ;
– le paiement sous la forme d’honoraires d’un bonus de 2 % du montant des ventes HT de la collection jeunesse ‘Le petit bestiaire de l’art’ pour les exemplaires vendus au-delà du premier tirage d’impression des différents albums ;
– la limitation de la durée de la garantie d’actif et de passif à trois ans.
A la suite du versement de l’acompte d’un montant de 30 000 euros par virement opéré le 27 juin 2018 du compte bancaire de M. [H] vers celui de la société Editions du Sekoya, puis de la communication par Me Olivier Pittet, avocat, d’un projet d’acte de cession de parts et de créance de compte courant d’associé le 13 février 2019, M. [H] faisait valoir par courriel du 14 février suivant que la garantie bancaire, non convenue entre les parties, devait être limitée à la somme de 62 000 euros et s’interrogeait sur l’équilibre de la trésorerie de la société cédée, conditionnant son acquisition, avant d’indiquer renoncer à l’opération par courrier du 18 février 2019 en sollicitant le remboursement des fonds déposés en compte courant.
A l’issue de nouveaux échanges, M. [H] proposait par courriel du 12 mars 2019 une acquisition des parts pour un prix de 80 000 euros versé à la signature à fixer le 29 mars ou le 1er avril.
A défaut d’accord acté par les deux parties par courriels des 03 et 10 avril 2019, M. [Z] refusait, par courrier établi par son conseil le 10 mai 2019, le remboursement de la somme de 30 000 euros réclamée par M. [H] en faisant valoir qu’elle indemnisait les pertes pécuniaires et le préjudice d’atteinte à l’image de la société.
Après une mise en demeure du 15 mai suivant restée sans effet, M. [H] a assigné la société Editions du Sekoya devant le juge des référés du tribunal de commerce de Besançon, lequel a condamné cette dernière à lui verser une provision d’un montant de 26 200 euros après déduction, sur la somme de 30 000 euros, des coûts de la formation dispensée par M. [Z].
Selon assignation au fond délivrée à M. [H] le 19 février 2020 par la société Editions du Sekoya et aux termes des dernières conclusions déposées en première instance par cette dernière et par Mme [D] et M. [Z], ceux-ci sollicitaient :
– que leurs demandes soient déclarées recevables ;
– qu’il soit donné acte de l`intervention volontaire de M. [Z] et Mme [D] ;
– la condamnation de M. [H] à payer :
. à la société Editions du Sekoya, suite à sa rupture fautive des pourparlers, la somme de 4 658,83 euros au titre du préjudice financier correspondant pour 458,83 aux frais de voyage à [Localité 4] et pour 4 200 euros aux honoraires de Me [A], ainsi que la somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral, d’abus de confiance et d’atteinte à l’image ;
. à M. [Z] la somme de 3 800 euros au titre de la formation et son investissement humain ;
. à M. [Z] et Mme [D] la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral relatif à la perte de chance de céder à un tiers et l’atteinte à l’image.
M. [H] soulevait en première instance l’irrecevabilité de l’action en justice exercée par la société Editions du Sekoya à défaut d’intérêt à agir et sollicitait subsidiairement le rejet des demandes formée à son encontre par la société Editions du Sekoya et M. [Z] et Mme [D] ainsi que la condamnation reconventionnelle de la société Editions du Sekoya à lui payer la somme de 3 800 euros au titre du remboursement des frais de formation et la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement rendu le 10 décembre 2021, rectifié le 18 mars 2022 concernant l’erreur orthographique affectant le nom d’une partie, le tribunal de commerce :
– a déclaré recevable l’action formée par la société Editions du Sekoya ;
– a donné acte à M. [Z] et Mme [D] de leur intervention volontaire ;
– a ‘constaté’ que M. [H] a levé tacitement l’option d’achat des parts sociales de la société Editions du Sekoya ;
– a ‘constaté’ qu’il a, de manière fautive, mis fin aux opérations de cession desdites parts ;
– l’a condamné à payer à la société Editions du Sekoya la somme de 458,83 euros au titre des frais de voyage à [Localité 4] ;
– l’a condamné à payer à M. [Z] la somme de 3 800 euros au titre de la formation et de son investissement humain ;
– l’a condamné à payer solidairement à M. [Z] et Mme [D] la somme d’un euros à titre de dommages-intérêts ;
– a condamné la société Editions du Sekoya à payer à M. [H] la somme de 3 800 euros au titre du solde de l’avance portée sur compte courant ;
– a ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– a condamné M. [H] à payer à M. [Z], Mme [D] et la société Editions du Sekoya la somme de 2 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
– a rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
Concernant les demandes formées par la société Editions du Sekoya ainsi que M. [Z] et Mme [D] :
– que la société Editions du Sekoya formule des demandes à l’encontre du défendeur, notamment le remboursement de divers frais qu’elle a elle-même réglés au stade précontractuel, de sorte qu’elle justifie d’un intérêt à agir et que son action sera déclarée recevable ;
– qu’il résulte de leurs échanges écrits que les parties ont contractualisé le principe d’une option d’achat en définissant le bien vendu, son prix, ses modalités de paiement et le délai d’option ;
– qu’en versant l’acompte d’un montant de 30 000 euros sur le compte-courant de la société Editions du Sekoya, en se présentant à partir dudit versement comme le repreneur de la société, prenant même des engagements d’édition, puis en faisant figurer le bandeau ‘Editions du Sekoya’ sur les courriels qu’il adressait tout en prenant des engagements au nom de la société et en embauchant une salariée, M. [H] s’est comporté comme le repreneur effectif de la société Editions du Sekoya et a ainsi tacitement levé l’option d’achat des parts de celle-ci avant la date limite fixée au 31 janvier 2019 ;
– qu’il a donc fautivement cessé le processus d’acquisition en invoquant, pour refuser de signer l’acte définitif, des motifs tirés du défaut de signature du protocole d’accord dans les délais ou d’une trésorerie déséquilibrée, condition non prévue initialement, ou encore d’une garantie bancaire légèrement supérieure à ce qui avait été prévu ;
– qu’il doit être fait droit à la demande indemnitaire afférente aux frais de voyage dans la mesure où il s’agit de dépenses effectives engagées au bénéfice de M. [H] ;
– que la société Editions du Sekoya ne justifie pas du paiement des honoraires de Me [A] ;
– que la société Editions du Sekoya doit être déboutée de sa demande de remboursement des factures de mise à disposition de Mme [J] [S] dont elle indique elle-même qu’elle ne concerne pas M. [H] ;
– que la société Editions du Sekoya ne justifie d’aucun préjudice moral, d’abus de confiance ou d’atteinte à l’image ;
– que M. [Z] et Mme [D] n’établissent aucune atteinte à leur image ;
– que si M. [Z] et Mme [D] ne justifient pas de contacts sérieux d’autres potentiels candidats à un rachat des parts de la société, la bonne foi de M. [H] lors de la mise en oeuvre de la seconde phase de négociations ‘interroge’, alors même qu’il avait tacitement levé l’option d’achat de sorte qu’il doit être condamné au paiement d’un euros de dommages-intérêts;
– que les parties avaient convenu d’une indemnisation de M. [Z] par M. [H] au titre de la formation dispensée dont le coût est chiffré à la somme de 3 800 euros ;
Concernant la demande reconventionnelle formée par M. [H] :
– que ce dernier a effectivement avancé des sommes en compte courant, suite à la demande effectuée ‘au nom de M. [Z] et non pour le compte de la société’ ;
Par déclaration du 06 janvier 2022, M. [H] a interjeté appel de ce jugement sauf en ce qu’il a :
– donné acte à M. [Z] et Mme [D] de leur intervention volontaire ;
– condamné la société Editions du Sekoya à payer à M. [H] la somme de 3 800 euros au titre du solde de l’avance porté sur compte courant ;
– rejeté toutes autres demandes, ñns et conclusions contraires.
Selon ses dernières conclusions transmises le 08 juillet 2022, il conclut à son infirmation sauf en ce qu’il a condamné la société Editions du Sekoya à lui payer la somme de 3 800 euros au titre du solde de l’avance portée sur compte courant et demande à la cour statuant à nouveau :
Sur les demandes formées par la société Editions du Sekoya :
– à titre principal, de déclarer l’action en justice exercée par celle-ci irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ;
– à titre subsidiaire, de ‘dire et juger’ qu’il n’a commis aucune faute dans la rupture des négociations contractuelles et avait un motif légitime de mettre fin à celles-ci et de débouter la société Editions du Sekoya de sa demande indemnitaire d’un montant de 30 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture des négociations contractuelles ;
– à titre ‘éminemment subsidiaire’, de ‘dire et juger’ que la société Editions du Sekoya ne justifie pas de son préjudice lié à la rupture des négociations et de rejeter ses demandes ;
Sur les demandes formées par M. [Z] et Mme [D] :
– à titre principal, de ‘dire et juger’ qu’il n’a commis aucune faute dans la rupture des négociations contractuelles et avait un motif légitime de mettre fin à celles-ci et de les débouter de leur demande indemnitaire à hauteur de 15 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture des négociations contractuelles ;
– à titre ‘éminemment subsidiaire’, de ‘dire et juger’ que M. [Z] et Mme [D] ne justifient pas de leur préjudice lié à la rupture des négociations et de les débouter de leurs demandes ;
– en toutes hypothèses, de condamner solidairement la société Editions du Sekoya, M. [Z] et Mme [D] à lui verser la somme de 3 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel, outre les dépens.
Il fait valoir :
Concernant les demandes formées par la société Editions du Sekoya :
– au visa de l’article 31 du code de procédure civile, que les négociations précontractuelles en vue de la cession des parts sociales ayant eu lieu exclusivement avec M. [Z], associé majoritaire, la société Editions du Sekoya étant dès lors dépourvue d’intérêt à agir en indemnisation à son encontre, la personne morale ne figurant pas en qualité de partie dans le projet d’acte de cession;
– qu’il n’a commis aucune faute dans la rupture des pourparlers, en ce que :
. aucune levée tacite de l’option d’achat n’est intervenue, le versement de l’acompte de 30 000 euros étant indifférent tandis qu’il a expressément indiqué renoncer à cette option par courrier du 18 février 2019 ;
. qu’il n’a commis aucune faute au sens de l’article 1112 du code civil, aucune des dates convenues entre les parties n’ayant été respectée à l’exception de celle de versement de l’acompte par ses soins tandis que M. [Z] n’a jamais répondu à sa nouvelle proposition d’achat du 12 mars 2019 et qu’il résulte de l’attestation établie par Mme [S] que ce dernier a progressivement abandonné le projet de cession ;
. que s’il s’est présenté vis-à-vis de tiers comme le repreneur de la société, c’était avec l’accord exprès de M. [Z] sur le principe d’une conduite conjointe des projets, ce dernier le présentant lui-même comme son successeur et bénéficiant de son réseau ;
– qu’en application de l’article susvisé, seuls les frais engagés par la société Editions du Sekoya dans le cadre des négociations sont susceptibles d’être indemnisés, alors que :
. ladite société n’atteste pas du règlement de la facture d’un montant de 4 200 euros établie par Me [A] produite en appel, tandis que seuls les frais d’enregistrement de cession, et non les honoraires du notaire, étaient contractuellement partagés entre les parties ;
. subsidiairement, en considération de la récupération de la TVA et du partage des frais, seule une somme de 1 750 euros est susceptible d’être mise à sa charge ;
. concernant les frais de voyage à [Localité 4], il a accompagné M. [Z] à sa demande, tandis qu’il n’est pas justifié du montant des frais allégués ;
. que l’atteinte à l’image de la société n’est pas établie ;
. que la société Editions du Sekoya a profité de ses conseils et de son réseau relationnel;
Concernant les demandes formées par M. [Z] et Mme [D] :
– qu’aucune réparation ne leur est due en l’absence de faute de sa part ;
– subsidiairement, concernant les chefs de préjudices invoqués par M. [Z] :
. que ce dernier sollicite l’indemnisation de son investissement personnel dans sa formation sur le fondement d’une preuve constituée par lui-même, qu’il conteste ;
. que sa demande indemnitaire au titre de la perte de chance de céder les parts sociales à un tiers repose sur une attestation de complaisance établie par M. [B] dont M. [Z] a refusé la proposition pour choisir la sienne, étant observé que la société Editions du Sekoya n’a toujours pas été vendue depuis l’année 2019 ;
. qu’aucune atteinte à l’image n’est caractérisée ;
Concernant sa demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 3 800 euros :
– que ce montant a été déduit sans fondement contractuel de la demande de remboursement de la somme de 30 000 euros qu’il a formulée ;
– que M. [Z] ne justifie la rétention de cette somme de 3 800 euros par aucun élément probant.
La société Editions du Sekoya, M. [Z] et Mme [D] ont formé appel incident par conclusions transmises le 03 mai 2022 et ont répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 04 octobre suivant pour demander à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action formée par la société Editions du Sekoya, a donné acte à M. [Z] et Mme [D] de leur intervention volontaire, a ‘constaté’ que M. [H] a levé tacitement l’option d’achat des parts sociales et a, de manière fautive, mis fin aux opérations de cession desdites parts et l’a condamné à payer, outre les dépens :
– la somme de 458,83 euros à la société Editions du Sekoya au titre des frais de voyage à [Localité 4];
– la somme de 3 800 euros à M. [Z] au titre de la formation et de son investissement humain;
– la somme de 2 000 euros chacun à M. [Z], Mme [D] et la société Editions du Sekoya en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils sollicitent de la cour statuant à nouveau de :
– ‘dire et juger’ que M. [H] est à l’origine de la rupture des pourparlers avancés engageant sa responsabilité tant envers la société Editions du Sekoya qu’à l’égard de M. [Z] et Mme [D], associés et cédants ;
– le condamner à payer :
. à la société Editions du Sekoya les sommes de 4 200 euros au titre du préjudice résultant du paiement des honoraires de Me [A] et de 25 000 euros au titre du préjudice moral, d’abus de confiance et d’atteinte à l’image ;
. à M. [Z] et Mme [D], chacun, la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral relatif à la perte de chance de céder à un tiers et l’atteinte à l’image ;
– en tout état de cause, de rectifier l’erreur matérielle dans le dispositif de première instance relatif au nom de famille de M. [H] ;
– condamner ce dernier à leur payer la somme de 3 000 chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils exposent :
Concernant la recevabilité de l’action formée par la société Editions du Sekoya :
– que cette dernière forme des demandes à l’encontre de M. [H], notamment concernant le remboursement de frais ;
– que l’acompte d’un montant de 30 000 euros a été versé sur les comptes de la société ;
– que celle-ci a, comme M. [Z] et Mme [D], subit un préjudice du fait de la rupture des relations contractuelles ;
Concernant la responsabilité de M. [H] dans la rupture des négociations :
– que cette responsabilité est de nature délictuelle ;
– que M. [H] ayant exprimé un engagement et versé l’acompte, la société Editions du Sekoya a renoncé à d’autres propositions de reprise ;
– qu’il s’est présenté aux tiers comme le repreneur de la société et a souhaité engager dans sa propre société La librairie des [Adresse 3] Mme [J] [S], stagiaire de la société Editions du Sekoya, afin de la former, tandis que la société Editions du Sekoya a mis à sa disposition sa comptable afin de réaliser des documents prévisionnels et statistiques ;
– qu’il a par la suite indiqué renoncer à la reprise, puis a renoncé à cette renonciation en émettant de nouvelles conditions de cession, puis a mis fin aux discussions sous un prétexte comptable futile ;
– que M. [Z] a donc légitimement refusé de lui rembourser l’acompte, en considération des frais de cession engagés, des pertes subies et du préjudice d’atteinte à l’image étant précisé que M. [H] a, quelques semaines après, créé sa propre société d’édition grâce à leur carnet d’adresses et leur expérience ;
Concernant les préjudices subis et leur indemnisation :
– que la société Editions du Sekoya a subi :
. un préjudice financier constitué des honoraires de Me [A], dont ils justifient le règlement en appel à hauteur de 4 200 euros TTC ainsi que des frais de voyage à [Localité 4] chiffrés à la somme de 458,83 euros TTC ;
. un préjudice d’atteinte à l’image lié à la récupération de ses études et données commerciales ainsi que de son réseau professionnel et à la confusion entretenue par M. [H] concernant la direction de la société vis-à-vis des tiers, chiffré à la somme de 25 000 euros ;
– que M. [Z] et Mme [D] ont subi des préjudices chiffrés à la somme de 15 000 euros comportant un préjudice d’investissement personnel de M. [Z], un préjudice de perte de chance de céder les parts sociales et un préjudice d’atteinte à l’image.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 02 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 23 janvier suivant et mise en délibéré au 26 mars 2024.
En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
A titre liminaire et contrairement aux motifs retenus par le juge de première instance, dont il résulte une contrariété en ce qu’il a considéré que l’option d’achat des parts sociales a été levée tacitement tout en considérant que M. [H] a fautivement interrompu le processus d’acquisition, la cour observe que la finalisation du contrat de cession de parts sociales de la société Editions du Sekoya par levée d’option tacite ne résulte ni des échanges entre ceux-ci ni du comportement de l’acquéreur vis-à-vis des tiers.
Les intimés eux-mêmes n’invoquent pas dans leurs écritures une telle levée d’option tacite et ne présentent donc logiquement aucun moyen ou argument de nature à l’établir.
Dès lors, ainsi que le revendiquent la société Editions du Sekoya, M. [Z] et Mme [D], leur action indemnitaire, en ce qu’elle concerne la rupture abusive des pourparlers précontractuels à l’exclusion de l’inexécution d’une obligation contractuelle, relève du seul régime de la responsabilité délictuelle.
– Sur la recevabilité de l’action formée par la société Editions du Sekoya,
L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 31 du même code précise que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il résulte des dispositions précitées que si le demandeur à l’action doit justifier d’un intérêt au succès de son action, l’existence du droit qu’il invoque n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès.
En application des dispositions susvisées et indépendemment du versement par M. [H] d’une somme de 30 000 euros sur son compte bancaire, dès lors que la société Editions du Sekoya constitue l’objet des cessions de parts sociales envisagées, et alors même que le fait qu’elle n’est pas partie auxdites cessions est sans incidence dans le cadre d’une action en responsabilité délictuelle, cette dernière justifie d’un intérêt à agir en indemnisation des préjudices qu’elle invoque.
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’action formée par la société Editions du Sekoya.
– Sur la rupture brutale des relations contractuelles reprochée à M. [H],
En application des articles 1240 et 1241 du code civil, la responsabilité délictuelle d’une personne est engagée dès lors que celle-ci a commis une faute, par son fait ou par sa négligence ou son imprudence, causant de manière directe et certaine un dommage à autrui.
Si le principe de la liberté contractuelle permet à chacune des parties à des pourparlers de ne pas donner suite aux négociations précontractuelles, il est constant que la rupture fautive de négociations peut engager la responsabilité de son auteur sur le fondement des dispositions susvisées, lorsqu’elle est intervenue, en considération du degré d’avancement des négociations et des circonstances de l’espèce, sans raison légitime, de mauvaise foi ou avec une volonté de nuire.
En l’espèce, étant rappelé que la levée tacite de l’option n’est ni établie, ni même compatible avec la nature de la faute reprochée à M. [H], tandis qu’elle est en tout état de cause sans incidence sur la mise en cause de sa responsabilité délictuelle, il ne résulte des impressions de courriels et des attestations de témoins communiquées par la société Editions du Sekoya, M. [Z] et Mme [D] que le fait que M. [H] s’est effectivement présenté comme le futur repreneur de ladité société, en cohérence avec le souhait de coopération manifesté par les parties dès le début des pourparlers.
Ce fonctionnement en binôme, dont la mise en oeuvre par les parties au stade précontractuel alors qu’aucun protocole d’accord n’avait été signé relève de leur choix conjoint, résulte par ailleurs tant du courriel adressé par M. [Z] à Mme [F] [K], autrice, le 25 juin 2018 que de l’attestation établie par Mme [S], ancienne stagiaire au sein de la société Editions du Sekoya embauchée par la SAS Maison du Livre exploitant la Librairie des [Adresse 3].
Dès lors, le fait pour M. [H] de s’être présenté aux tiers comme le repreneur de la société, et réciproquement d’être présenté ainsi par M. [Z], ne relève pas d’une manoeuvre effectuée à l’insu de ce dernier de sorte qu’elle ne revêt aucun caractère fautif.
Il en est de même concernant l’embauche de Mme [S] par la société Maison du Livre à l’initiative de M. [H] à l’issue de son stage réalisé auprès de la société Editions du Sekoya, laquelle relève de la seule anticipation par celui-ci de la reprise de ladite société et de sa volonté de partager la charge supplémentaire de travail en découlant.
Le travail réalisé par la comptable de la société Editions du Sekoya, Mme [L] [R], afin de mettre à disposition de M. [H] des documents prévisionnels et statistiques relatifs à l’activité de la société dont ce dernier envisageait la reprise est inhérent à ce type d’opération qui suppose une information fiable du candidat repreneur, de sorte qu’aucune faute ne peut être reprochée à M. [H] à ce titre.
Il en est aussi de même des multiples échanges intervenus entre les parties dans le cadre de leurs négociations, chacune ayant tour à tour proposé légitimement des conditions de cession modifiées, ainsi que de la renonciation de M. [H] à acquérir les parts sociales en considération des éléments comptables ayant été portés à sa connaissance dont il avait la liberté de tirer les conséquences indépendamment de l’avis de M. [Z] relatif à la situation financière de sa société.
Enfin, si ce dernier allègue que M. [H] s’est servi du savoir faire et du réseau de la société Editions du Sekoya, il ne communique aucun élément de nature à établir de tels faits.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’aucune faute imputable à M. [H] dans le cadre des négociations pré-contractuelles n’est caractérisée, la société Editions du Sekoya, M. [Z] et Mme [D] ne démontrant pas que celui-ci a commis un abus en ne signant pas la cession.
Il en résulte, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner la réalité des différents préjudices invoqués ainsi que leur lien de causalité, que les demandes indemnitaires formées par la société Editions du Sekoya, par M. [Z] et par Mme [D] ne sont pas fondées.
Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce qu’il :
– a ‘constaté’ que M. [H] a levé tacitement l’option d’achat des parts sociales de la société Editions du Sekoya ;
– a ‘constaté’ qu’il a, de manière fautive, mis fin aux opérations de cession desdites parts ;
– l’a condamné à payer à la société Editions du Sekoya la somme de 458,83 euros au titre des frais de voyage à [Localité 4] ;
– l’a condamné à payer à M. [Z] la somme de 3 800 euros au titre de la formation et de son investissement humain ;
– l’a condamné à payer solidairement à M. [Z] et Mme [D] la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts.
La société Editions du Sekoya, M. [Z] et Mme [D] seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires.
– Sur la demande reconventionnelle formée par M. [H] au titre du remboursement de la somme de 3 800 euros,
L’article 1302 du code civil prévoit que tout paiement suppose une dette, de sorte que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
Il est constant entre les parties que la somme de 30 000 euros a été versée par M. [H] à la société Editions du Sekoya par virement bancaire du 27 juin 2018, au motif ‘apport en compte courant’, lequel en a obtenu le remboursement provisionnel à hauteur de 26 200 euros selon ordonnance de référé rendue le 03 juin 2020 par le président du tribunal de commerce de Besançon, après déduction de la somme de 3 800 euros correspondant au coût de la formation assurée par M. [Z].
Indépendamment du caractère singulier du procédé consistant à organiser un apport en compte courant d’associé de la part d’un tiers non associé à ladite société, que le conseil de celle-ci a estimé légitimer en préconisant un mécanisme de cession de créance entre ladite société et son dirigeant, M. [H] détient toujours une créance d’un montant de 3 800 euros à l’encontre de la société Editions du Sekoya ne correspondant à aucune prestation établie en contrepartie.
Au surplus, le temps de formation que M. [Z] estime avoir assuré au bénéfice de M. [H] ne peut générer une créance au profit de la société Editions du Sekoya sauf à opérer une confusion des patrimoines des personnes physique et morale concernées.
Dès lors, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Editions du Sekoya à payer à M. [H] la somme de 3 800 euros au titre du solde de l’avance porté sur compte courant.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme, dans les limites de l’appel, le jugement rendu entre les parties le 10 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Lons le Saunier sauf en qu’il a :
– déclaré recevable l’action formée par la société Editions du Sekoya ;
– condamné la société Editions du Sekoya à payer à M. [H] la somme de 3 800 euros au titre du solde de l’avance porté sur compte courant.
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Déboute la SARL Editions du Sekoya, M. [M] [Z] et Mme [P] [D] de leurs demandes indemnitaires formées à l’encontre de M. [I] [H] ;
Condamne in solidum la SARL Editions du Sekoya, M. [M] [Z] et Mme [P] [D]
aux dépens de première instance et d’appel ;
Et, vu l’article 700 du code de procédure civile, les déboute de leurs demandes et les condamne in solidum à payer à M. [I] [H] la somme de 1 500 euros.
Le greffier, Le président de chambre,