Il est de principe jurisprudentiel constant que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité de la caution contre la banque se situe à la date à laquelle le garant a su que le créancier exigerait de lui le paiement au titre de son cautionnement.
Cette connaissance se manifeste par la mise en demeure d’avoir à s’acquitter des sommes dues qui lui est adressée par le créancier.
L’article 1147 ancien du code civil applicable au litige dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Les premiers juges ont considéré que la banque était responsable pour ne pas avoir satisfait à ses devoirs d’information et de mise en garde en n’informant pas les cautions, considérées comme non averties, des risques encourus à raison de la situation des sociétés emprunteuses et qu’elle devait d’autant plus attirer leur attention sur ces risques qu’elles s’engageaient personnellement et solidairement et hypothéquaient plusieurs biens immobiliers en garantie de leur cautionnement dont des maisons d’habitation.
, la banque est tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard des cautions non averties, qualité qui doit être déterminée pour chaque caution individuellement.
La situation doit s’apprécier à la date du cautionnement, soit en 1995.
A l’époque, la qualification de caution avertie devait s’apprécier in concreto en fonction des connaissances, compétences et expériences de chaque caution.
Le dirigeant social était présumé averti de la situation financière de sa société.
S’agissant du cas de l’associé de la société débitrice ou du conjoint du dirigeant, il fallait déterminer s’il était étroitement associé à la marche de l’entreprise.
Ainsi, dans le cas d’espèce, si M. [U] [A], dirigeant de la SARL FLORAMA’S, mais également de la SCI LE CHARME et de la SARL FLORAMA peut être considéré comme une caution avertie de la situation financière obérée de la société FLORAMA’S, il n’est pas démontré par la banque sur laquelle repose la charge de la preuve que son épouse Mme [W] [E], M. [J] [A] et son épouse, Mme [Y] [O], qui se sont également portés cautions solidaires des prêts étaient des cautions averties.
La banque, qui gérait les comptes des trois sociétés à l’époque, doit également démontrer en sa qualité de débitrice de l’obligation, qu’elle avait mis en garde les cautions sur la situation dégradée de la SARL FLORAMA’S et plus généralement sur le montage financier entre les trois sociétés tel que décrit dans le rapport d’expertise de M. [AZ] et dont est à l’origine le conseiller du Crédit du Nord, M. [R] [H], montage qui consistait en réalité à affecter les fonds prêtés non pas à la SARL FLORAMA’S comme il était prévu dans l’acte, société qui n’avait aucun fonds propre, mais au désendettement de la SCI LE CHARME et au paiement partiel des fournisseurs de la SARL FLORAMA, obérant ainsi gravement la situation de la SARL FLORAMA’S qui a d’ailleurs été la première à être placée en redressement judiciaire.
La banque ne justifie pas en tout état de cause avoir informé les cautions sur les risques encourus à raison de la situation financière de la société FLORAMA’S déjà largement obérée au regard du rapport de M. [AZ] qui fait état à l’époque d’un découvert permanent et élevé d’un montant de 1,8 MF et par conséquent sur la portée de leurs engagements comportant au surplus en garantie plusieurs biens immobiliers dont des immeubles d’habitation.
Enfin, la banque ne peut déplacer sa propre responsabilité sur le notaire ayant instrumenté, l’officier ministériel étant tenu d’une obligation différente de celle de l’établissement bancaire et consistant à assurer la sécurité juridique de son acte.
Il ressort par conséquent de l’ensemble de ces éléments que la responsabilité de la banque est engagée et la décision sera confirmée sur ce point.
MOTIFS DE LA DECISION :
L’intervention volontaire de [S] [A] :
Il y a lieu de donner acte à [S] [A] de son intervention volontaire à l’instance à la suite du décès de son père [U] [A] survenu le [Date décès 13] 2023.
Les fins de non-recevoir :
– la prescription de l’action en nullité des cautionnements :
Bien que la disposition du jugement qui a déclaré prescrite leur action fasse partie des chefs critiqués dans leur déclaration d’appel, les consorts [A] ne demandent pas l’infirmation du jugement de ce chef et ne critiquent d’ailleurs plus la fin de non-recevoir dans leurs écritures, de sorte que la décision doit être confirmée sur ce point.
– la qualité et l’intérêt à agir des consorts [A] :
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 2036 du code civil dans sa version antérieure au 24 mars 2006, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.
Il est constant par ailleurs que l’admission d’une créance au passif du débiteur n’interdit pas à la caution d’invoquer une exception qui lui est personnelle.
Comme en première instance, la Société Générale, venant aux droits de la banque Kolb, soutient que les consorts [A] sont irrecevables à agir (ils n’ont plus qualité à agir pour représenter les sociétés) afin de voir constater la faute de la banque dans l’octroi prétendûment abusif des deux prêts à la société FLORAMA’S et à la SCI LE CHARME, mises en liquidation judiciaire, la faute du prêteur étant une exception inhérente à la dette qui ne peut plus être soulevée une fois la créance définitivement admise au passif, ce qui est le cas en l’espèce.
Les consorts [A] agissent en leurs qualités de cautions, non en celle d’anciens dirigeants ou associés des sociétés débitrices principales, à l’encontre de la banque Kolb, devenue Société Générale, afin de rechercher sa responsabilité notamment pour ne pas les avoir mises en garde sur la situation financière dégradée des sociétés, ce qui a entraîné leur mise en cause.
Ils invoquent, à juste titre, qu’il s’agit d’une exception qui leur est personnelle et ils ont, par conséquent, qualité et intérêt à agir à l’encontre de la banque.
La décision sera confirmée sur ce point.
– la prescription de l’action en responsabilité contractuelle engagée par les consorts [A] à l’égard de la banque Kolb, devenue Société Générale :
L’article 189 bis ancien du code de commerce applicable au litige en raison de la date de souscription des cautionnements dispose que les actions entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans (devenus cinq ans depuis la loi du 17 juin 2008).
L’article 55 de la loi du 25 janvier 1985 en vigueur du 1er octobre 1994 au 21 septembre 2000 dispose que le jugement d’ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation toute action contre les cautions personnelles personnes physiques.
Comme en première instance, la banque soutient que l’action en responsabilité engagée à son encontre par assignation du 31 mai 2013 est prescrite ; que les consorts [A] auraient dû au mieux engager leur action avant le 19 mars 2009, soit dans les dix ans du rapport d’expertise de M. [AZ] ; que le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle ils ont eu connaissance que la banque souhaitait les actionner en qualité de cautions à compter de la mise en demeure qui leur a été adressée le 21 mars 1997 en leur qualité
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET N°
du 12 mars 2024
N° RG 22/01374
N° Portalis DBVQ-V-B7G-FGP6
(dossier joint : N° RG 22/01481
N° Portalis DBVQ-V-B7G-FGYZ)
1) S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB
2) [L] [B]
c/
1) [U] [A]
2) [W] [P] [Z]
[E], épouse [A]
INTERVENANT :
[S] [A], en qualité d’héritier de M. [U] [A], décédé le [Date décès 13] 2023
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
la SCP LIEGEOIS
la SCP SOLVEL-BARRUE
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 12 MARS 2024
APPELANTS :
d’un jugement rendu le 29 avril 2022 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE-MEZIERES.
1) La S.A SOCIETE GENERALE, société anonyme au capital de 1.062.354.722,50 euros, immatriculée au Registre du commerce et des
sociétés de PARIS sous le numéro B 552.120.222, venant aux droits et obligations de la S.A. BANQUE KOLB (société anonyme à directoire et conseil de surveillance, au capital de 14 099 103 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés d’EPINAL sous le numéro B.825.550.098, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés de droit au siège, [Adresse 2], à [Localité 18]), ensuite de la fusion-absorption intervenue en date du 1er janvier 2023, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domicilié de droit audit siège :
[Adresse 7],
[Localité 12],
Représentée par Me Catherine LIEGEOIS, avocat au barreau des ARDENNES (SCP LIEGEOIS),
2) Maître [L] [B], né le [Date naissance 3] 1966, à [Localité 1] (ARDENNES), de nationalité française, pris en qualité d’héritier de Maître [X] [F], demeurant :
[Adresse 8]
[Localité 1],
Représenté par la SCP SOLVEL-BARRUE, avocat au barreau des ARDENNES, postulant et par la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, plaidant,
INTIMES :
1) Monsieur [U] [A], né le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 15] (ARDENNES), de nationalité française, agissant tant en son nom personnel, qu’en qualité d’héritier de ses parents, [J] [A] et [V] [O], épouse [A], demeurant :
[Adresse 9]
[Localité 19],
décédé le [Date décès 13] 2023, à [Localité 16] (ARDENNES),
Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD, avocat au barreau de REIMS (SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD-CASTELLO AVOCATS ASSOCIES), postulant et par la SELARL Ahmed HARIR, avocat au barreau des ARDENNES, plaidant,
2) Madame [W] [P] [Z] [E] épouse [A], née le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 14] (ARDENNES), de nationalité française, agissant tant en son nom personnel qu’ès qualité de conjoint survivant de M. [U] [A], demeurant :
[Adresse 9]
[Localité 19],
Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD, avocat au barreau de REIMS (SCP DELVINCOURT-CAULIER RICHARD-CASTELLO
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Monsieur [S] [A], né le [Date naissance 4] 1976, à [Localité 19] (ARDENNES), de nationalité française, gérant de société, demeurant :
[Adresse 11]
[Localité 19],
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre et MadameVéronique MAUSSIRE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées ; elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre,
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère,
Madame Florence MATHIEU, conseillère,
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors des débats,
Madame Jocelyne DRAPIER, greffier lors de la mise à disposition,
DEBATS :
A l’audience publique du 6 février 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 mars 2024.
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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M. [U] [A] a créé le 21 novembre 1971 un fonds de commerce de décoration, composition de fleurs naturelles, commerce de fleurs, graines, production de légumes, fleurs, pépinière, qu’il exploitait en nom propre.
Le 31 mai 1990, une SARL dénommée FLORAMA a été constituée entre M. [U] [A], M. [J] [A] et Mme [Y] [O], épouse [A], aux fins d’exploitation du fonds de commerce qui a été donné en location gérance à la SARL par acte sous seing privé du même jour.
Le 5 décembre 1991, M. [U] [A] et M. [J] [A] ont constitué une SCI LE CHARME ayant pour objet l’acquisition, la construction et la propriété de tous biens immobiliers à usage d’habitation, professionnel, commercial ou industriel.
La SCI LE CHARME a fait l’acquisition d’un terrain sis à [Localité 19] suivant acte de vente reçu le 6 février 1992 par Maître [F], notaire à [Localité 17].
Suivant arrêté du 10 mars 1993, M. [U] [A] a été autorisé par M. le Préfet des Ardennes à faire construire une jardinerie sur le terrain ainsi acquis.
Suivant acte sous seing privé reçu par Maître [F] le 30 mars 1994, la SCI LE CHARME a donné à bail à loyer commercial le terrain comportant la jardinerie à la SARL FLORAMA.
Le 17 novembre 1994, M. [U] [A], M. [J] [A], M. [C] [N] et Mme [G] [D], née [T], ont constitué une SARL dénommée FLORAMA’S ayant pour objet l’exploitation de tout fonds de commerce de pépiniériste, la création, l’aménagement, l’entretien de jardins, la mise en culture de végétaux, l’exploitation d’animalerie et toutes activités de commerce de jardinerie.
Suivant acte sous seing privé reçu par Maître [F] le 27 janvier 1995, le Crédit du Nord, aux droits duquel vient la banque Kolb, a consenti à la SCI LE CHARME un prêt de 1.050.000 francs sur une durée de 10 ans aux taux de 6,0625 % majoré de deux points, soit 8,0625 %.
Le terrain acquis par la SCI LE CHARME le 6 février 1992 a été affecté à la garantie hypothécaire du prêt.
M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], se sont portés cautions solidaires de ce prêt.
Suivant acte sous seing privé reçu par Maître [F] le 27 janvier 1995, le Crédit du Nord, aux droits duquel vient la banque Kolb, a également consenti à la SARL FLORAMA’S deux prêts de 1.090.500 francs et de 1.500.000 francs.
La SARL FLORAMA’S a consenti à la banque une promesse de nantissement pour la garantie de ces prêts.
M. [U] [A], M. [J] [A] et leurs épouses respectives se sont portés cautions solidaires de ce prêt. Ils ont également affecté diverses parcelles de terrain, des maisons d’habitation, des immeubles et des bâtiments en garantie hypothécaire de ces prêts.
Suivant acte sous seing privé reçu par Maître [F] les 21 et 22 mars 1995, M. [U] [A] et Mme [I] [E], épouse [A], ont cédé à la SARL FLORAMA’S le fonds de commerce exploité sous l’enseigne FLORAMA.
Le redressement judiciaire de la SARL FLORAMA’S a été prononcé le 13 février 1997.
Le redressement judiciaire de la SARL FLORAMA a également été prononcé le 22 mai 1997.
Enfin, c’est la SCI LE CHARME qui a été placée en redressement judiciaire le 22 mai 1997.
Par jugement du 31 octobre 1997, le tribunal de commerce de Charleville-Mézières a ordonné la confusion des patrimoines et une seule et même procédure de redressement judiciaire pour les trois sociétés.
Par ordonnance de référé du 19 mars 1998, une mesure d’expertise judiciaire a été ordonnée par le président du tribunal de commerce de Charleville-Mézières qui a été confiée à M. [AZ], expert en gestion, qui a remis son rapport le 19 mars 1999.
Par jugement du 7 mars 2000, le même tribunal a arrêté un plan de redressement judiciaire par continuation de l’entreprise.
Le 26 juin 2008, le plan a été résolu et une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte.
La clause d’inaliénabilité des immeubles et du fonds de commerce ayant été levée, diverses parcelles ont été cédées à la SCI JPA suivant acte authentique reçu par Maître [F] le 27 août 2008.
La clôture de la liquidation judiciaire a été prononcée pour insuffisance d’actif le 23 février 2012.
Le 23 août 2012, la banque Kolb a adressé à M. [U] [A] un décompte des sommes dues.
Par exploit d’huissier du 31 mai 2013, Messieurs [J] et [U] [A] ont fait assigner la banque Kolb devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières afin de voir annuler leurs engagements de cautions et obtenir la réparation de leurs préjudices résultant des financements de diverses opérations commerciales et immobilières ainsi que la mainlevée de toutes les inscriptions d’hypothèques prises par la banque sur les immeubles leur appartenant.
M. [J] [A] est décédé le [Date décès 10] 2013 laissant M. [U] [A] pour lui succéder.
Le 12 septembre 2014, les consorts [A] ont fait délivrer une assignation en intervention forcée à Maître [F] afin qu’elle soit condamnée à garantir le paiement de toutes sommes qu’ils pourraient être condamnés à payer à la banque Kolb à raison des crédits pour le remboursement desquels ils se sont portés cautions et à leur rembourser la totalité des sommes payées en leur qualité de cautions.
Maître [F] est décédée et M. [L] [B], ès qualités d’héritier de celle-ci, a repris l’instance.
Les demandes ont été contestées et il a été soulevé par les défendeurs des fins de non-recevoir.
Par jugement du 29 avril 2022, le tribunal a :
– déclaré M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], recevables en leur action comme ayant qualité à agir,
– déclaré M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], irrecevables comme prescrits en leur action en nullité des cautionnements consentis au titre des prêts de la banque Kolb aux SCI LE CHARME et SARL FLORAMA’S du 27 janvier 1995,
– déclaré M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], recevables en leur action envers la banque Kolb comme n’étant pas prescrite,
– déclaré M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], recevables en leur action envers M. [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [F],
– condamné la banque Kolb à payer à M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], la somme de 99.190,25 euros,
– condamné M. [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [F], à payer à M. [U] [A] et Mme [W] [E] épouse [A] la somme de 99.190,25 euros,
– ordonné la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière à compter de la signification du présent jugement,
– débouté M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], de leur demande au titre du préjudice moral,
– débouté M. [L] [B], ès qualités de sa demande au titre de la procédure abusive,
– débouté M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], de leur demande au titre de la mainlevée des hypothèques,
– condamné la banque Kolb et M. [L] [B], ès qualités, in solidum aux dépens,
– condamné la banque Kolb à payer à M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], une indemnité de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [L] [B], ès qualités à payer à M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], une indemnité de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.
Le tribunal a rejeté les fins de non-recevoir sauf s’agissant de l’action en nullité des actes de cautionnement qu’il a déclarée prescrite.
Sur le fond, il a considéré au vu du rapport d’expertise judiciaire de M. [AZ] que :
– la responsabilité du Crédit du Nord était engagée en ce qu’il aurait dû informer les cautions sur les risques encourus par le montage financier consistant à désendetter la SCI LE CHARME, les fonds prêtés aux SCI LE CHARME et SARL FLORAMA’S ayant en réalité servi à apurer les dettes de la SARL FLORAMA’S auprès de ses fournisseurs et n’étant donc pas destinés à la SARL FLORAMA’S qui n’avait aucun fonds propre ni de roulement, l’insuffisance des contrôles de la banque dans l’instruction des dossiers devant également être relevée ;
– la responsabilité de Maître [F], notaire, était également engagée au vu du rapport d’expertise en ce qu’il n’avait pas rendu compte au Crédit du Nord de la nouvelle utilisation des fonds qui était modifiée et qui rendait l’opération risquée, ce risque mettant la société FLORAMA’S en situation débitrice de plus de 1,8 millions de francs, risque s’étant réalisé et ayant entraîné la mobilisation des cautions ;
Le tribunal a fixé la perte de chance de ne pas contracter à 25 %.
Par déclaration reçue le 8 juillet 2022, la SA Banque Kolb a formé appel de ce jugement.
Par déclaration reçue le 20 juillet 2022, M. [U] [A], agissant tant en son nom personnel qu’ès qualités d’héritiers de ses parents [J] et [V] [A] décédés, et Mme [W] [E], épouse [A], ont également formé appel de ce jugement.
Par décision du 23 mai 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.
Par conclusions notifiées le 19 avril 2023, la Société Générale, venant aux droits de la banque Kolb, demande à la cour de :
– déclarer l’appel interjeté par la banque Kolb recevable et bien fondé,
– infirmer le jugement rendu le 29 avril 2022 en ce qu’il a déclaré les époux [A] recevables en leur action comme ayant qualité pour agir, en ce qu’il a déclaré leur action non prescrite et en ce qu’il a condamné la banque Kolb à leur payer la somme de 99.190,25 euros, ordonné la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière à compter de la signification du jugement, condamné la banque Kolb à leur payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens in solidum avec M. [B],
Statuant à nouveau,
– dire et juger que les consorts [A] n’ont pas qualité pour demander à la cour de dire que le Crédit du Nord, devenu banque Kolb, devenue Société Générale, a commis une faute en octroyant les crédits à la SARL FLORAMA’S et à la SCI LE CHARME et les déclarer en conséquence irrecevables en leurs demandes,
Subsidiairement,
Vu les dispositions de l’article 189 bis (devenu l’article 110-4 du code de commerce) et l’article 2224 du code civil,
– dire et juger que l’action en responsabilité engagée par les consorts [A] à l’encontre du Crédit du Nord, devenu banque Kolb, devenue Société Générale, est prescrite,
Plus subsidiairement encore,
– dire et juger que le Crédit du Nord, devenu banque Kolb, devenue Société Générale, n’a commis aucune faute et que l’obligation contractuelle est éteinte du fait du paiement empêchant les époux [A] d’actionner la banque Kolb sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
– dans tous les cas, déclarer les consorts [A] tant irrecevables que mal fondés en leur action dirigée contre la Société Générale et les en débouter,
– confirmer les autres dispositions du jugement du 29 avril 2022 qui visent la banque Kolb, devenue Société Générale,
– condamné les consorts [A] solidairement entre eux à payer à la Société Générale la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et celle de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes avec la même solidarité aux dépens dont distraction au profit de Maître Liégeois.
Par conclusions notifiées le 29 décembre 2023, M. [S] [A], ès qualités d’héritier de M. [U] [A] et Mme [W] [E], épouse [A], demandent à la cour de :
Vu la jonction du 23 mai 2023,
Vu le décès de M. [U] [A] survenu le [Date décès 13] 2023,
– constater qu’il laisse pour lui succéder :
son conjoint survivant Madame [W], [P], [Z], [E], épouse [A], née le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 14] (Ardennes) le [Date naissance 6] 1954, de nationalité française, domiciliée [Adresse 9] à [Localité 19],
Laquelle est déjà partie à la présente instance en son nom personnel,
son fils, Monsieur [S] [A], né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 19] (Ardennes), de nationalité française, gérant de société, domicilié [Adresse 11], à [Localité 19],
ès qualités d’héritiers,
– dès lors déclarer recevable et bien fondé Monsieur [S] [A] à intervenir volontairement à la présente instance en qualité d’héritier de feu Monsieur [U] [A] et Madame [W], [P], [Z] [E], épouse [A], par ailleurs déjà partie à l’instance, ès qualités de conjoint survivant de feu Monsieur [U] [A],
Vu les dispositions des articles 1382 à 1384, nouvellement codifiés 1240 et 1241 et 1342-2 du code civil,
Vu la jurisprudence,
Vu le rapport d’expertise judiciaire dressé par Monsieur [AZ] du 19 mars 1999,
Vu les pièces versées aux débats,
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a limité le taux de perte de chance de ne pas contracter les engagements de cautionnement auprès du Crédit du Nord, aux droits et obligations duquel vient la S.A BANQUE KOLB, aux droits et obligations de laquelle vient la S.A SOCIETE GENERALE à 25 % concernant le CREDIT DU NORD aux droits et obligations duquel vient la S.A BANQUE KOLB aux droits et obligations de laquelle vient la S.A SOCIETE GENERALE et à 25 % concernant Maître [X] [F],
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral présentées par, d’une part, Monsieur [U] [A] et Madame [W] [E], épouse [A], pour 30.000 euros et, d’autre part, par Monsieur [U] [A], ès qualités d’héritier de Monsieur [J] [A] et Madame [Y] [O], épouse [A], pour 30.000 euros,
En conséquence, statuant à nouveau,
– condamner in solidum la S.A SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD et Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F] à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et Madame [W] [E], épouse [A] la somme de 545.243, 22 euros ;
Subsidiairement de ce chef,
– dire et juger qu’en réparation de ses fautes la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, gardera à sa charge le solde restant dû sur les prêts consentis à la S.C.I LE CHARME et à la S.A.RL FLORAMA’S, et qu’elle ne pourra ni exiger des cautions solidaires et hypothécaires, le paiement de toutes les sommes restant dues par la S.C.I LE CHARME et à la SARL FLORAMA’S, ni demander la réalisation des immeubles donnés en garantie appartenant aux cautions,
– ordonner la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière à
compter du jour de la demande, soit, concernant la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD à compter de l’assignation en date du 31 mai 2013 et concernant Monsieur [L] [B], ès qualité d’héritier de Maître [X] [F], à compter de l’assignation signifiée à Maître [X] [F] en date du 12 septembre 2014,
– condamner in solidum la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD et Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités et Madame [W] [E], épouse [A], à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, la somme de 30.000 euros,
– condamner in solidum la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD et Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et à Madame [Y] [O], épouse [A], à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, la somme de 30.000 euros,
Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– déclaré Monsieur [U] [A] et Madame [W] [E], épouse [A], recevables en leur action comme ayant qualité à agir,
– déclaré Monsieur [U] [A] et Madame [W] [E], épouse [A], recevables en leur action envers la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD comme n’étant pas prescrite,
– déclaré Monsieur [U] [A] et Madame [W] [E], épouse [A], recevables en leur action envers Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], comme n’étant pas prescrite,
Condamner la S.A SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD à payer à Monsieur [U] [A] et Madame [W] [E], épouse [A], une indemnité de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], à payer à Monsieur [U] [A] et Madame [W] [E], épouse [A], une indemnité de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD et Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F] aux entiers dépens de l’instance,
Subsidiairement, statuant à nouveau en tant que de besoin,
Sur la responsabilité de la banque :
Dire et juger que la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, a manqué de discernement dans l’octroi de crédits hypothécaires inappropriés pour un montant initial total de TROIS MILLIONS SIX CENT QUARANTE MILLE CINQ CENTS FRANCS (3.640.500 Francs) dont Monsieur [U] [A], Madame [W] [E] et feus Monsieur [J] [A] et Madame [Y] [O] se sont portés cautions,
Dire et juger que des crédits accordés auxdites sociétés présentaient un caractère
inapproprié et ruineux pour les cautions,
Dire et juger que les crédits accordés constituaient dans la réalité des prêts sur le gage des cautions, à l’exclusion de tout caractère professionnel ou commercial,
Dire et juger que la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, a commis une faute dans son devoir de surveillance de l’emploi des fonds par les sociétés S.C.I LE CHARME et S.A.R.L. FLORAMA’S qui ont conduit à ce que les cautions soient appelées,
Dire et juger que la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, a manqué à son devoir d’information, tant à l’égard des sociétés que des cautions,
Dire et juger que la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, avait une parfaite connaissance, de par sa participation au montage artificiel des crédits en cause pour un montant de TROIS MILLIONS SIX CENT QUARANTE MILLE CINQ CENTS FRANCS (3.640.500 Francs) soit 554.990, 64 euros, du caractère irrationnel, ruineux et inapproprié desdits prêts,
Dire et juger que les prêts ainsi octroyés sont dépourvus de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Dire et juger que la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, a commis une faute lourde à l’égard de Monsieur [U] [A], Madame [W] [E], épouse [A], et feus Monsieur [J] [A] et Madame [Y] [O], pris en leur qualité de caution, pour l’octroi de crédits constatés par actes reçus par Maître [X] [F], notaire à [Localité 17] (Ardennes) le 27 janvier 1995 à la S.C.I LE CHARME, d’une part, et à la S.A.R.L FLORAMA’S, d’autre part,
Dire et juger qu’en réparation de ses fautes la S.A SOCIETE GENERALE, venant
aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, gardera à sa charge le solde restant dû sur les prêts consentis à la S.C.I LE CHARME et à la S.A.RL. FLORAMA’S, et qu’elle ne pourra ni exiger des cautions solidaires et hypothécaires, le paiement de toutes les sommes restant dues par la S.C.I LE CHARME et à la SARL FLORAMA’S, ni demander la réalisation des immeubles donnés en garantie appartenant aux cautions,
Condamner la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et à Madame [W] [E], épouse [A], la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral subi par eux à raison de leur âge et des angoisses liées aux menaces d’exécution de leur cautionnement et de la vente de leur immeuble,
Condamner la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et Madame [Y] [O], épouse [A], feus ses parents, la somme de 30.000 € en réparation du préjudice moral subi par eux à raison de leur âge et des angoisses liées aux menaces d’exécution de leur cautionnement,
Condamner la S.A SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et à Madame [W] [E], épouse [A], la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Sur la responsabilité du notaire :
Dire et juger que Maître [X] [F], notaire à [Localité 17], a commis une faute professionnelle, par manquement à son devoir de probité et de conseil en s’associant de manière active au montage financier inapproprié et ruineux mis en place par le conseiller financier Monsieur [K],
Dire et juger que Maître [X] [F], notaire à [Localité 17], a commis une faute professionnelle, par manquement à son devoir de probité et de conseil en détournant volontairement les fonds provenant des prêts consentis à la S.C.I LE CHARME et à la S.A.R.L FLORAMA’S de l’objet pour lesquels ils avaient été consentis, dont Monsieur [U] [A], Madame [W] [E], épouse [A], et feus Monsieur [J] [A] et Madame [Y] [O] se sont portés cautions,
Condamner Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], notaire à [Localité 17] (Ardennes), pour le cas où la cour viendrait à débouter Monsieur [S] [A], ès qualités, et Madame [W] [E], épouse [A], de leurs demandes à l’encontre de la S.A BANQUE KOLB, à garantir le paiement de toutes sommes en capital, intérêts, frais et accessoires auxquels ils pourraient être condamnés envers la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD, à raison des crédits hypothécaires inappropriés accordés à la S.A.R.L FLORAMA’S pour un montant initial total de TROIS MILLIONS SIX CENT QUARANTE MILLE CINQ CENTS FRANCS (3.640.500 francs), soit 4.990, 64 euros, dont Monsieur [U] [A], Madame [W] [E], épouse [A], et feus Monsieur [J] [A] et Madame [Y] [O] se sont portés cautions, et de la distraction des fonds provenant de ces crédits par suite de paiements non conformes à l’objet du prêt,
Condamner Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], notaire à [Localité 17] (Ardennes), à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et à Madame [W] [E], épouse [A], la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral subi par eux à raison de leur âge et des angoisses liées aux menaces d’exécution de leur cautionnement et de la vente de leur immeuble,
Condamner Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], notaire à [Localité 17] (Ardennes), à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et Madame [Y] [O], épouse [A], la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral subi par eux à raison de leur âge et des angoisses liées aux menaces d’exécution de leur cautionnement,
Condamner Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [X] [F], notaire à [Localité 17] (Ardennes), à payer à Monsieur [S] [A], ès qualités, et à Madame [W] [E], épouse [A], la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum, subsidiairement l’un à défaut de l’autre, la S.A SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations de la S.A BANQUE KOLB, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD et Monsieur [L] [B] aux entiers dépens de l’instance,
Par conclusions notifiées le 17 janvier 2023, M. [B], ès qualités d’héritier de Maître [F], formant appel incident, demande à la cour de :
A titre principal,
Vu les dispositions de l’article 2224 du code civil,
– infirmer le jugement rendu le 29 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières en ce qu’il a considéré que l’action des consorts [A] n’était pas prescrite ;
Et statuant à nouveau :
– juger prescrite l’action en responsabilité civile intentée par les consorts [A] à l’encontre de Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [F],
A titre subsidiaire,
Et seulement si par impossible la cour considérait que l’action des consorts [A] n’est pas prescrite :
– infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que Maître [F] avait commis une faute dans l’exercice de son ministère ;
Et, statuant à nouveau :
– dire et juger les consorts [A] tant irrecevables que mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [F],
– les en débouter,
Et statuant reconventionnellement :
– juger que l’action menée par les consorts [A] à l’encontre de Maître [F] revêt manifestement un caractère abusif et vexatoire,
– condamner en conséquence les consorts [A] à payer à Monsieur [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [F], une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner en outre les mêmes au paiement d’une somme de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les consorts [A] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Christine Dombek, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
L’intervention volontaire de [S] [A] :
Il y a lieu de donner acte à [S] [A] de son intervention volontaire à l’instance à la suite du décès de son père [U] [A] survenu le [Date décès 13] 2023.
Les fins de non-recevoir :
– la prescription de l’action en nullité des cautionnements :
Bien que la disposition du jugement qui a déclaré prescrite leur action fasse partie des chefs critiqués dans leur déclaration d’appel, les consorts [A] ne demandent pas l’infirmation du jugement de ce chef et ne critiquent d’ailleurs plus la fin de non-recevoir dans leurs écritures, de sorte que la décision doit être confirmée sur ce point.
– la qualité et l’intérêt à agir des consorts [A] :
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 2036 du code civil dans sa version antérieure au 24 mars 2006, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.
Il est constant par ailleurs que l’admission d’une créance au passif du débiteur n’interdit pas à la caution d’invoquer une exception qui lui est personnelle.
Comme en première instance, la Société Générale, venant aux droits de la banque Kolb, soutient que les consorts [A] sont irrecevables à agir (ils n’ont plus qualité à agir pour représenter les sociétés) afin de voir constater la faute de la banque dans l’octroi prétendûment abusif des deux prêts à la société FLORAMA’S et à la SCI LE CHARME, mises en liquidation judiciaire, la faute du prêteur étant une exception inhérente à la dette qui ne peut plus être soulevée une fois la créance définitivement admise au passif, ce qui est le cas en l’espèce.
Les consorts [A] agissent en leurs qualités de cautions, non en celle d’anciens dirigeants ou associés des sociétés débitrices principales, à l’encontre de la banque Kolb, devenue Société Générale, afin de rechercher sa responsabilité notamment pour ne pas les avoir mises en garde sur la situation financière dégradée des sociétés, ce qui a entraîné leur mise en cause.
Ils invoquent, à juste titre, qu’il s’agit d’une exception qui leur est personnelle et ils ont, par conséquent, qualité et intérêt à agir à l’encontre de la banque.
La décision sera confirmée sur ce point.
– la prescription de l’action en responsabilité contractuelle engagée par les consorts [A] à l’égard de la banque Kolb, devenue Société Générale :
L’article 189 bis ancien du code de commerce applicable au litige en raison de la date de souscription des cautionnements dispose que les actions entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans (devenus cinq ans depuis la loi du 17 juin 2008).
L’article 55 de la loi du 25 janvier 1985 en vigueur du 1er octobre 1994 au 21 septembre 2000 dispose que le jugement d’ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation toute action contre les cautions personnelles personnes physiques.
Comme en première instance, la banque soutient que l’action en responsabilité engagée à son encontre par assignation du 31 mai 2013 est prescrite ; que les consorts [A] auraient dû au mieux engager leur action avant le 19 mars 2009, soit dans les dix ans du rapport d’expertise de M. [AZ] ; que le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle ils ont eu connaissance que la banque souhaitait les actionner en qualité de cautions à compter de la mise en demeure qui leur a été adressée le 21 mars 1997 en leur qualité de cautions de la société FLORAMA’S et de la mise en demeure qui leur a été adressée le 7 juillet 1997 en leur qualité de cautions de la SCI LE CHARME ; que si ces mises en demeure n’étaient pas interruptives de prescription à l’égard de la banque Kolb, elles constituent en tout état de cause le point de départ à partir duquel les cautions ont su que la banque, une fois la fin de la suspension prévue à l’article 55, les actionnerait en paiement ; mais que ce texte, qui protège les cautions, ne les empêche pas d’agir, de sorte qu’ils avaient 10 ans à compter des mises en demeure qui leur ont été délivrées en 1997 pour agir.
Les consorts [A] lui objectent que leur action n’est pas prescrite car seules les mises en demeure des 23 août et 5 octobre 2012, à défaut d’actes antérieurs d’exécution figurant dans la procédure, leur ont permis de savoir que leur engagement allait être mis à exécution (les mises en demeure de 1997 n’ont pas fait courir le délai de prescription puisque l’action en paiement de la banque à l’égard des cautions était alors suspendue à compter des jugements ouvrant le redressement judiciaire des deux sociétés et ce jusqu’à la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif prononcée le 23 février 2012) ; que dès lors, leur action introduite le 31 mai 2013 est recevable.
Il est de principe jurisprudentiel constant que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité de la caution contre la banque se situe à la date à laquelle le garant a su que le créancier exigerait de lui le paiement au titre de son cautionnement.
Cette connaissance se manifeste par la mise en demeure d’avoir à s’acquitter des sommes dues qui lui est adressée par le créancier.
Il ressort des lettres adressées par la banque (le Crédit du Nord à l’époque) les 21 mars 1997 et 7 juillet 1997 que s’il est rappelé aux cautions, M. [J] [A], Mme [Y] [A], M. [U] [A] et Mme [W] [A] que les débitrices principales lui sont redevables des sommes dues au titre des actes de prêt ainsi que les cautions, il y est également expressément spécifié que toute action à l’encontre de celles-ci est suspendue le temps de la procédure collective des sociétés débitrices et que la banque leur laisse le soin d’apprécier la position qu’ils entendent prendre à son égard (sic).
Il ne s’agit donc pas de mises en demeure comportant une exécution de leur obligation à paiement dont le montant exact ne pouvait d’ailleurs être établi avant la clôture de la procédure collective.
Le point de départ du délai de prescription ne peut donc se situer à la date de ces lettres qui ne sont pas des mises en demeure.
Ce point de départ ne peut pas non plus se situer à la date du dépôt du rapport d’expertise de M. [AZ] en 1999 dans la mesure où ce document, chargée d’évaluer les flux financiers pour certains suspects entre les trois sociétés, ne concerne que les sociétés soumises à la procédure collective et non les cautions.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 23 août 2012, date à laquelle les cautions ont été effectivement invitées à s’acquitter de leur obligation à paiement.
Elles ont assigné la banque le 31 mai 2013, soit dans le délai pour agir.
La décision sera par conséquent confirmée en ce qu’elle a déclaré leur action recevable.
– la prescription de l’action en responsabilité délictuelle engagée par les consorts [A] à l’égard du notaire :
L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
M. [B], ès-qualités d’héritier de Maître [F], soutient comme en première instance que l’action est prescrite à son encontre, le point de départ du délai de prescription se situant à la date de dépôt du rapport d’expertise judiciaire le 19 mars 1999, date qui constitue la révélation du fait dommageable.
Les consorts [A] lui objectent qu’ils sont recevables à agir à l’encontre du notaire dans la mesure où la manifestation du dommage ne s’est réalisée que lorsqu’ils ont reçu les mises en demeure de la banque Kolb d’avoir à régler la somme de 281 547,29 euros les 23 août et 5 octobre 2012 et non pas à la date du dépôt du rapport d’expertise en 1999.
C’est par une exacte motivation que la cour fera sienne qu’il a été jugé que la connaissance par les consorts [A] du fait dommageable se situait à la date à laquelle ils avaient reçu la mise en demeure de s’acquitter des sommes dues en exécution de leurs actes de cautionnement, soit le 23 août 2012.
Ayant assigné le notaire le 12 septembre 2014, les consorts [A] sont recevables à agir et la décision sera confirmée sur ce point.
La responsabilité de la banque :
L’article 1147 ancien du code civil applicable au litige dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Les premiers juges ont considéré que la banque était responsable pour ne pas avoir satisfait à ses devoirs d’information et de mise en garde en n’informant pas les cautions, considérées comme non averties, des risques encourus à raison de la situation des sociétés emprunteuses et qu’elle devait d’autant plus attirer leur attention sur ces risques qu’elles s’engageaient personnellement et solidairement et hypothéquaient plusieurs biens immobiliers en garantie de leur cautionnement dont des maisons d’habitation.
A hauteur de cour, la Société Générale soutient que le Crédit du Nord, qui n’a pas participé au montage financier décrit par l’expert, M. [AZ], n’a commis aucune faute et que la responsabilité repose sur le notaire qui a rédigé les actes authentiques et qui n’a pas rendu compte à la banque de l’utilisation des fonds détournés de leur affectation première ; que les consorts [A] étaient dirigeants et associés des sociétés débitrices principales et connaissaient donc parfaitement la cause et l’objet des prêts souscrits ; enfin que dans la mesure où les cautions ont réglé le montant des sommes dues à la banque, le paiement entraîne l’extinction du cautionnement et les consorts [A] ne peuvent donc plus invoquer de prétendus manquements contractuels puisque le lien contractuel n’existe plus.
Les consorts [A] lui répondent qu’ il ressort de l’expertise judiciaire de M. [AZ] que la banque a participé activement à un montage financier artificiel imaginé par un consultant avec l’assistance de Maître [F] et a fait preuve d’un défaut de discernement dans l’octroi de crédits hypothécaires inappropriés et manifestement ruineux à une société sans fonds propres, la SARL FLORAMA’S ce qu’elle ne pouvait ignorer, et à une société civile, la SCI LE CHARME, endettée par des constructions non financées ; que la banque a manqué à son obligation d’information et de conseil ainsi que de mise en garde à l’égard de cautions non averties ; qu’elle a en outre octroyé les crédits de manière fautive aux deux sociétés.
Ils ne répondent pas au moyen soulevé par la banque tenant à ce que le cautionnement s’est trouvé éteint par le paiement,qui vaut reconnaissance de dette, le lien contractuel avec la banque n’existant donc plus.
Il ressort de l’acte notarié du 27 août 2008 produit par les consorts [A] (pièces n° 18 et 19) que si Maître [M], liquidateur de la SCI LE CHARME, M. et Mme [U] [A] et M. [S] [A] ont vendu à la SCI JPA des biens immobiliers et que le produit de cette vente (395 761 euros) a été utilisé pour apurer la dette des cautions auprès du Crédit du Nord ainsi qu’il ressort du document intitulé ‘indication de payement’, la dette n’en a pas pour autant été intégralement apurée ainsi que le démontre la lettre de mise en demeure adressée par la banque à M. [U] [A] le 23 août 2012 de payer la somme de 281 547,29 euros qui précise que si l’ensemble des encours de la SCI LE CHARME ont été intégralement remboursés, il reste l’engagement de caution de la SARL FLORAMA’S pour les deux prêts qui ont été octroyés à celle-ci et qui eux ne sont pas apurés.
La dette n’a donc pas été intégralement éteinte à l’égard des cautions.
Les consorts [A], en raison des règles applicables à l’époque de souscription des engagements, ne sont pas recevables en leur qualité de cautions à invoquer l’octroi de crédits abusifs aux sociétés désormais liquidées.
Ils ne peuvent pas davantage reprocher à la banque une utilisation des fonds prêtés qui ne serait pas conforme à ce qui est indiqué dans l’acte notarié du 27 janvier 1995 puisqu’il est expressément précisé en page 5 que la banque pourra toujours, si bon lui semble, se faire remettre toutes justifications nécessaires pour suivre l’utilisation des fonds mais elle ne sera pas tenue de vérifier leur emploi. Si la banque vient à constater que les deniers ont finalement été utilisés à une fin non conforme aux déclarations ci-dessus, elle pourra si bon lui semble, mais sans y être aucunement tenue, mettre fin aux prêts et exiger le remboursement des fonds prêtés.
La banque ne peut donc au vu de cette clause être déclarée responsable de la non utilisation des fonds à l’usage qui était prévu, soit le financement de la reprise de stock, le rachat de matériel et l’acquisition d’un fonds de commerce.
En revanche, la banque est tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard des cautions non averties, qualité qui doit être déterminée pour chaque caution individuellement.
La situation doit s’apprécier à la date du cautionnement, soit en 1995.
A l’époque, la qualification de caution avertie devait s’apprécier in concreto en fonction des connaissances, compétences et expériences de chaque caution.
Le dirigeant social était présumé averti de la situation financière de sa société.
S’agissant du cas de l’associé de la société débitrice ou du conjoint du dirigeant, il fallait déterminer s’il était étroitement associé à la marche de l’entreprise.
Ainsi, dans le cas d’espèce, si M. [U] [A], dirigeant de la SARL FLORAMA’S, mais également de la SCI LE CHARME et de la SARL FLORAMA peut être considéré comme une caution avertie de la situation financière obérée de la société FLORAMA’S, il n’est pas démontré par la banque sur laquelle repose la charge de la preuve que son épouse Mme [W] [E], M. [J] [A] et son épouse, Mme [Y] [O], qui se sont également portés cautions solidaires des prêts étaient des cautions averties.
La banque, qui gérait les comptes des trois sociétés à l’époque, doit également démontrer en sa qualité de débitrice de l’obligation, qu’elle avait mis en garde les cautions sur la situation dégradée de la SARL FLORAMA’S et plus généralement sur le montage financier entre les trois sociétés tel que décrit dans le rapport d’expertise de M. [AZ] et dont est à l’origine le conseiller du Crédit du Nord, M. [R] [H], montage qui consistait en réalité à affecter les fonds prêtés non pas à la SARL FLORAMA’S comme il était prévu dans l’acte, société qui n’avait aucun fonds propre, mais au désendettement de la SCI LE CHARME et au paiement partiel des fournisseurs de la SARL FLORAMA, obérant ainsi gravement la situation de la SARL FLORAMA’S qui a d’ailleurs été la première à être placée en redressement judiciaire.
La banque ne justifie pas en tout état de cause avoir informé les cautions sur les risques encourus à raison de la situation financière de la société FLORAMA’S déjà largement obérée au regard du rapport de M. [AZ] qui fait état à l’époque d’un découvert permanent et élevé d’un montant de 1,8 MF et par conséquent sur la portée de leurs engagements comportant au surplus en garantie plusieurs biens immobiliers dont des immeubles d’habitation.
Enfin, la banque ne peut déplacer sa propre responsabilité sur le notaire ayant instrumenté, l’officier ministériel étant tenu d’une obligation différente de celle de l’établissement bancaire et consistant à assurer la sécurité juridique de son acte.
Il ressort par conséquent de l’ensemble de ces éléments que la responsabilité de la banque est engagée et la décision sera confirmée sur ce point.
La responsabilité du notaire :
La responsabilité civile des notaires est soumise aux conditions habituelles de la responsabilité délictuelle, soit l’existence d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice.
Le notaire est tenu d’un devoir de conseil pour les actes auxquels il prête son concours qui a pour finalité d’assurer l’efficacité et la validité de ces actes.
La responsabilité du notaire a été retenue par les premiers juges qui ont considéré que Maître [F] avait commis une faute en ne rendant pas compte à la banque de la modification de l’utilisation des fonds rendant ainsi l’opération risquée pour la société FLORAMA’S et partant pour les cautions.
M. [B], ès-qualités d’héritier de Maître [F], formant appel incident, soutient que Maître [F] n’a commis aucune faute puisqu’un notaire doit rester étranger à l’aspect économique de l’opération et n’est pas responsable du fait que le dirigeant des sociétés a fait le choix de consacrer les fonds à une utilisation autre que celle pour laquelle la banque a accepté de donner son concours ; que si par extraordinaire, la cour considérait que le notaire aurait dû avertir le Crédit du Nord de la nouvelle utilisation des fonds, il n’existe aucun lien de causalité entre la faute et le préjudice, le sort financier des sociétés étant déjà scellé.
Les consorts [A] lui objectent que la responsabilité du notaire est engagée à l’égard des cautions en ce qu’il a participé activement au montage financier artificiel imaginé par un consultant financier en manquant à son devoir de probité et de conseil par l’octroi de crédits hypothécaires inappropriés aux deux sociétés, ces crédits ayant entraîné des conséquences financières catastrophiques sur la situation personnelle des cautions ; qu’en outre, le notaire a utilisé les fonds provenant des prêts à d’autres fins que celles mentionnées dans l’acte de prêt, ce qui constitue une faute lourde.
Il a été rappelé, à juste titre, par les premiers juges que la responsabilité de Maître [F] ne pouvait être recherchée pour ce qui concerne l’opportunité économique du montage financier qui avait été été mis en place pour désendetter la SCI LE CHARME et payer partiellement les fournisseurs de la SARL FLORAMA, montage auquel il était étranger.
S’il apparaît, au vu de la pièce n° 11 produite par les consorts [A], que les fonds ont transité par le compte du notaire et qu’il y est mentionné des affectations qui ne correspondaient pas à l’affectation initialement prévue dans l’acte de prêt, c’est à juste titre que l’intimé répond que Maître [F] n’est pas responsable du fait que le dirigeant a fait le choix de ne pas respecter son engagement contractuel et de consacrer les fonds prêtés à une autre utilisation que celle prévue dans l’acte.
En tout état de cause, à supposer même que le notaire ait pu commettre une faute en n’avertissant pas le Crédit du Nord de la nouvelle utilisation des fonds, les consorts [A] doivent démontrer l’existence d’un lien de causalité entre la faute d’omission commise et le préjudice qu’ils ont subi, soit le paiement des sommes dues après la liquidation judiciaire des trois sociétés.
Or, même si Maître [F] avait prévenu l’établissement bancaire, il a été dit que l’acte de prêt comportait une clause suivant laquelle il n’était pas tenu de vérifier l’emploi des fonds, vérification qui ressortait par conséquent de son pouvoir discrétionnaire de sorte que le lien de causalité entre la faute et le dommage apparaît purement hypothétique.
Compte tenu de ces éléments, la responsabilité du notaire n’est pas engagée et la décision sera infirmée de ce chef.
Le préjudice causé aux consorts [A] par les manquements de la banque :
La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance.
La réparation du préjudice est exclusivement indemnitaire.
Les premiers juges ont alloué aux consorts [A] la somme de 99 190,25 euros en réparation de leur préjudice en évaluant la perte de chance de ne pas souscrire les engagements à 25 % du dommage total.
Les consorts [A] contestent ce pourcentage et soutiennent qu’il est certain qu’ils n’auraient pas contracté si ces manquements n’avaient pas eu lieu, de sorte que le taux de perte de chance de ne pas contracter de 25 % retenu par le tribunal est insuffisant.
Il ressort des actes produits que M. [U] [A] était le gérant de la SCI LE CHARME mais également le dirigeant de la SARL FLORAMA’S de sorte qu’il avait, tout comme les autres cautions qui étaient également investies dans le fonctionnement des sociétés en qualité d’associées, un intérêt direct et certain à ce qu’ils cautionnent les prêts accordés par la banque à une société FLORAMA’S dont son dirigeant ne pouvait ignorer à tout le moins qu’elle ne disposait d’aucun fonds propre.
C’est, par conséquent, par une juste appréciation des circonstances de la cause, que la perte de chance de ne pas souscrire les engagements de caution a été limitée à
25 % du préjudice total évalué par les consorts [A] en première instance à 396.761 euros.
La décision sera confirmée de ce chef.
Le préjudice moral :
Les consorts [A] réitèrent à hauteur de cour la demande dont ils ont été déboutés par le tribunal.
Ils ne justifient pas plus qu’en première instance de la réalité du préjudice d’affection dont ils font état.
La décision sera, par conséquent, confirmée sur ce point.
La procédure abusive :
C’est par une exacte motivation, qui sera reprise par la cour, qu’il a été considéré que l’action en justice des consorts [A] à l’encontre du notaire était dépourvue de toute intention de nuire et n’avait pas dégénéré en abus, étant précisé au surplus que les exigences légales et jurisprudentielles qui sont imposées d’une manière générale à un officier ministériel pour donner toute son efficacité à l’acte qu’il rédige l’exposent tout particulièrement en raison de la mission qui lui est confiée au risque d’engagement d’actions judiciaires à son encontre.
La décision sera confirmée sur ce point.
L’article 700 du code de procédure civile :
La décision sera confirmée à l’exception de sa disposition relative à la condamnation de M. [B], ès qualités d’héritier de Maître [F].
En équité, chaque partie gardera à sa charge les frais irrépétibles engagés à hauteur d’appel.
Les dépens :
La décision sera confirmée mais uniquement en ce qu’elle a condamné la banque Kolb, aux droits de laquelle vient maintenant la Société Générale, aux dépens de première instance.
La Société Générale, venant aux droits de la banque Kolb, sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct au profit de Maître Dombek par application de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement rendu le 29 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières en toutes ses dispositions à l’exception de celles concernant M. [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [F] qui sont infirmées.
Statuant à nouveau sur ce point ;
Déboute M. [S] [A], ès qualités et Mme [W] [E], épouse [A], de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de M. [L] [B], ès qualités d’héritier de Maître [F].
Y ajoutant ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la Société Générale venant aux droits de la banque Kolb aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct au profit de Maître Dombek par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,