Preuve insuffisante de la créance – Déboutée de sa demande

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Preuve insuffisante de la créance – Déboutée de sa demande
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Preuve insuffisante de la créance – Déboutée de sa demande

Sur la demande en paiement

La SNT réclame le paiement d’une somme de 17.596,35 euros à la société ESR pour des prestations de transport de marchandises. Elle soutient que la créance est certaine, liquide et exigible, et se fonde sur des échanges de mails, des factures, des relances et des conditions générales de vente pour appuyer sa demande.

Sur ce

Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, et les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions. Il appartient au défendeur d’apporter la preuve des faits qu’il invoque à titre d’exception, et les registres et documents tenus par les professionnels ont une force probante. En l’espèce, la cour constate des lacunes dans les éléments produits par la SNT pour prouver la créance de la société ESR.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La SNT est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, étant donné qu’elle n’a pas pu prouver la créance due par la société ESR.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SNT est condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel. Le jugement de première instance est confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°23/

SP

R.G : N° RG 21/01405 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FTDN

S.A.S. SOCIETE NOUVELLE DE TRANSPORT

C/

S.A.R.L. ELENA SOLAR REUNION

COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS

ARRÊT DU 12 JUILLET 2023

Chambre commerciale

Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS DE LA REUNION en date du 30 JUIN 2021 suivant déclaration d’appel en date du 28 JUILLET 2021 RG n° 2021J00102

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE NOUVELLE DE TRANSPORT

[Adresse 2]

[Localité 3] / FRANCE

Représentant : Me Gautier THIERRY de la SELARL THIERRY AVOCAT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A.R.L. ELENA SOLAR REUNION

[Adresse 1]

[Localité 3] / FRANCE

DATE DE CLÔTURE : 23/01/2023

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Mai 2023 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 12 Juillet 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 Juillet 2023.

* * *

LA COUR

La SAS Société Nouvelle des Transports (la SNT) a indiqué avoir reçu commande de la part de la SARL Elena Solar Réunion (la société ESR), courant juin 2020, pour des prestations de transports depuis Roissy Charles de Gaulle vers la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane de palettes de masques COVID ayant donné lieu à l’émission de cinq factures pour un montant total de 17.595,35 euros.

Soutenant que malgré plusieurs relances et tentatives amiables, aucun règlement n’était intervenu, par acte d’huissier du 30 mars 2021, la SNT a fait assigner la société ESR devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, sa condamnation à lui payer les sommes de 17.596,35 euros assortie des intérêts de retard au taux de refinancement de la BCE majoré de 10 points à compter du 24 juin 2020, 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, 5.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

La société ESR n’a pas comparu ni constitué avocat.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 30 juin 2021, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a statué en ces termes :

DEBOUTE la SAS SOCIETE NOUVELLE DE TRANSPORT de sa demande en paiement et par voie de conséquence de l’ensemble de ses demandes accessoires,

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire,

DEBOUTE la SAS SOCIETE NOUVELLE DE TRANSPORT de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS SOCIETE NOUVELLE DE TRANSPORT aux entiers dépens de l’instance. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement taxes et liquides à la somme de 62,92 € TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s’il y a lieu.

Par déclaration au greffe en date du 28 juillet 2021, la SNT a interjeté appel de cette décision.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2023 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience rapporteur du 3 mai 2023.

* * *

Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 28 octobre 2021, la SNT demande à la cour, au visa des articles L110-3, L123-23, L441-10, D441-5 du code de commerce et 1103, 1231-1, 1353, 1378, 1710 du code civil, de :

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. Débouté la SNT de sa demande en paiement et par voie de conséquence de l’ensemble de ses demandes accessoires,

. Débouté la SNT de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. Condamné la SNT aux entiers dépens de l’instance,

Statuant à nouveau

-Constater l’existence d’une prestation réelle ;

-Constater un accord sur la chose et le prix ;

-Constater le caractère certain, liquide et exigible de la créance de la SNT ;

En conséquence,

-Juger la présente action recevable et bien fondée ;

-Condamner la société ESR à payer au principal à la SNT les sommes suivantes :

*A titre principal : 17.596 euros dont :

.735,05 euros au titre de la facture n° 20Z00574 du 24 juin 2020,

.10.755,64 euros au titre de la facture n° 20Z00575 du 24 juin 2020,

.673.72 euros au titre de la facture n° 20Z00576 du 24 juin 2020,

.4.667,52 euros au titre de la facture n° 20Z00577 du 24 juin 2020,

.764,42 euros au titre de la facture n° 20Z00585 du 24 juin 2020.

*A titre subsidiaire, déterminer le montant des prestations en fonction de la qualité du travail fourni et le fixer à la somme de 17.596 euros au regard des prestations fournies par la SNT

En tout état de cause

-Condamner la société ESR à payer à la SNT, à titre accessoire, les pénalités de retard correspondant aux taux directeur de la BCE à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage à compter du 24 juin 2020 ;

-Condamner la société ESR à payer à la SNT des indemnités forfaitaires de 200 euros (40 euros par facture) ;

-Condamner la société ESR à payer à la SNT la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

* * *

La société ESR, à laquelle la déclaration d’appel et les conclusions d’appelante du 28 octobre 2021 ont été signifiées suivant acte en date du 20 avril 2022 (remise à l’étude), n’a pas constitué avocat.

* * *

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIF

A titre liminaire

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentées au soutien de ces prétentions.

Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Au visa des articles L110-3 et L123-23 du code de commerce et 1378 du code civil, la SNT soutient qu’aux regards des échanges entre elle et la société ESR, les prestations de transport de marchandises ont bien été réalisées : la société ESR lui a fourni son RIB et son Kbis, par mail du 15 mai 2020 elle lui a demandé de procéder à l’enlèvement de la marchandise et lui a transmis le tableau de répartition des masques pour les prévisions de livraisons.

Elle considère que sa créance est certaine, liquide et exigible. Elle expose qu’elle a établi des devis pour la société ESR pour ces prestations le 24 juin et que, compte tenu de l’urgence de la situation sanitaire, la société ESR a acquiescé oralement à ces propositions, que par la suite la société ESR a réceptionné l’intégralité des marchandises ainsi que les factures qu’elle lui a été adressées par courriels le 24 et 29 juin 2020. Elle fait valoir qu’au regard du compte tiers de la société ESR, en date du 16 août 2021, on constate que la société ESR est bien débitrice d’un montant de 17.596,35 euros. Elle argue que ce prix n’a pas eu besoin d’être déterminée à l’avance étant donné les relations contractuelles habituelles entre les deux sociétés. En tout état de cause, elle considère qu’au vu des factures préalablement réglées par la société ESR, cette dernière connaissait le coût de sa prestation et rappelle qu’elle a tenté plusieurs fois de voir sa créance recouvrée par l’envoi de deux lettres recommandées avec accusé de réception de relance ainsi que par l’envoi ‘une mise en demeure en date du 28 septembre 2020.

S’agissant des intérêts de retard, et au visa des articles 1231-1 du code civil et 441-10 II du code de commerce, la SNT fait valoir qu’ils sont prévus aux conditions générales de vente figurant au dos des factures (4 premières factures : à compter du 24 juin 2020 ; la facture n° 20Z00585 à compter du 29 juin 2020)

Concernant les pénalités de retard et les frais de recouvrement, la SNT fonde sa demande sur les dispositions de l’article D441-5 du code de commerce dont les dispositions sont rappelées dans les conditions générales de vente.

Sur ce,

Il ressort des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d’ordre public.

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès.

Aux termes de l’article 1353 du code civil :

‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’

C’est au défendeur d’apporter la preuve des faits qu’il invoque à titre d’exception. L’incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent nécessairement être retenus au détriment de celui qui avait la charge de cette preuve.

Aux termes de l’article 1378 du code civil, « Les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée ; mais celui qui s’en prévaut ne peut en diviser les mentions pour n’en retenir que celles qui lui sont favorables. »

En application de l’article L110-3 du code de commerce, « A l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi. » et selon l’article L123-23 alinéas 1 et 2 « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce. Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit. »

Suivant courriel du 27 mars 2020, la société ESR a adressé à la SNT une copie de son relevé d’identité bancaire (RIB) et un extrait K bis.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception datée du 14 août 2020 (AR 21 août 2020) la SNT a adressé à la société ESR une « première relance » concernant les factures impayées (plus de 30 jours) suivantes :

-facture n° 20Z00574 datée du 24 juin 2020 735,05 euros

-facture n° 20Z00575 datée du 24 juin 2020 10.755,64 euros

-facture n° 20Z00576 datée du 24 juin 2020 673,72 euros

-facture n° 20Z00577 datée du 24 juin 2020 4.667,52 euros

-facture n° 20Z00585 datée du 29 juin 2020 764,42 euros

17.596,35 euros

La SNT verse aux débats la photocopie de toutes lesdites facture qui comporte en bas de page la mention suivante : « Le règlement de la présente est soumis à l’article L441-6 du Code de Commerce et nos CGV, qui disposent notamment que le non règlement à l’échéance entraîne l’application des pénalités de retard au taux directeur de la BCE à son opération la plus récente +10% et une pénalité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement. Aucun escompte ne sera accordé en cas de paiement anticipé. »

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception datée du 26 août 2020 (AR 31 août 2020) la SNT a adressé à la société ESR une « deuxième relance ».

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 septembre 2020 (pli avisé non réclamé mais présenté le 30 septembre 2020) la SNT a adressé à la société ESR une « mise en demeure » de procéder au règlement desdites factures, soit la somme de 17.596,35 euros, sous huitaine.

La SNT produit également :

-des bons de commande de la SA Orange Caraïbe à la société ESR de masque chirurgicaux, FFP2, gants, lingettes, gel et lunettes de protection et les factures y afférentes ;

-des échanges de courriels entre elle et la société ESR portant en objet « factures restant à payer » ou « FACTURE ORANGE GUYANE » dont :

. Un courriel de la société ESR daté du 14 août 2022 indiquant à la SNT : « Je te fais un retour concernant les factures qui restent à régler. Au niveau de la comptabilité le virement se fera le 25/08/2020 ;

. En réponse à un courriel de la SNT (M. [G]) se plaignant de n’avoir eu aucun retour de la société ESR concernant le règlement de ses factures alors que la marchandise a déjà été remise aux clients de la société ESR, cette dernière, par l’intermédiaire de Mme [S], écrit le 26 août 2020 : « Je remonte l’information à la direction qui te fera un retour par la suite » ;

-des échanges de courriels entre elle et la société ESR concernant des lieux de livraison, des suivis des marchandises (courant mai et juin 2020) ;

-un extrait du compte de tiers de la société ESR pour l’année 2020 sur lequel apparaît les factures litigieuses et le solde de 17.596,35 euros.

Il résulte de ce qui précède que les relations commerciales entre la SNT et la société ESR sont établies par la fourniture d’un RIB et d’un extrait K bis, par de nombreux courriels émanant de la SNT et adressés, directement ou en copie, à la société ESR, dont deux courriels en réponse de cette dernière faisant état de factures à régler.

Pour autant, la cour constate que :

-les factures produites ne détaillent pas les marchandises concernées ;

-les échanges de mail concernant les factures ne précisent pas de quelle facture il s’agit (numéro de facture et montant inconnus)

-l’extrait de compte de tiers n’est ni paraphé ni signé et ne peut donc être considéré comme régulier.

La cour relève en outre que sont absents les bons de commande de la société ERS, de même que les bons de livraison des marchandises ayant fait l’objet de la prestation de transport ou encore des documents douaniers y afférents.

Il s’en suit que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les éléments produits étaient insuffisants pour rapporter la preuve de ce que la SARL ESR était redevable des sommes dues et ont débouté la SNT de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La SNT qui succombe, est mal fondée en sa demande de dommages et intérêts contre la société ESR pour résistance abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SNT succombant, il convient de :

-la condamner aux dépens d’appel ;

-la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel ;

-confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance ;

-confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 juin 2021 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ;

Y ajoutant

DEBOUTE la SAS Société Nouvelle des Transports de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

DEBOUTE la SAS Société Nouvelle des Transports de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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