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La salariée accuse l’employeur d’avoir porté atteinte à sa vie privée, de ne pas avoir payé l’intégralité de ses rémunérations et d’avoir manqué à son obligation de sécurité. L’employeur se défend en affirmant respecter la réglementation en matière de données personnelles et en niant les accusations de la salariée. Le juge doit trancher sur ces points en évaluant les preuves présentées.
Faute pour la salariée de justifier d’un préjudice non indemnisé, que ce soit par le rappel au titre des heures supplémentaires ou au titre de l’annulation du licenciement, sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est rejetée.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/06357 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NHTI
[Y]
C/
Société AZUR PEINTURE ET DECO
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 22 Octobre 2020
RG : F 18/03662
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 27 MARS 2024
APPELANTE :
[Z] [Y] épouse [P]
née le 06 Avril 1985 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Yann BARRIER, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société AZUR PEINTURE ET DECO
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Charlyne BONDAZ, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Alexis GALTES de la SELARL OXALYS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Catherine MAILHES, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseillère
Anne BRUNNER, Conseillère
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Mars 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant un contrat de travail à durée indéterminée, la Sarl Azur Peinture & Déco (l’employeur) a engagé Mme [Z] [Y] ( la salariée) à compter du 2 mai 2017 en qualité d’ouvrier plâtrier peintre, niveau 1, position 2, coefficient 185 de la convention collective du bâtiment du 8 octobre 1990, moyennant une rémunération horaire brute de 11,60 euros.
Mme [Y] s’est vue notifier un premier avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 novembre 2017 en raison de son agressivité à l’égard de ses collègues et du fait qu’elle se garait avec le véhicule de la société sur des emplacements réservés aux personnes handicapées.
La salariée s’est vue notifier un deuxième avertissement par lettre recommandée du 17 janvier 2018 sur la qualité de son travail.
Mme [Y] a contesté ces deux avertissements par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 janvier 2018.
Le 14 mars 2018, la salariée a déposé une main courante pour signaler qu’elle rencontrait des problèmes avec son employeur qui lui en voulait car l’un de ses employés était parti pour l’entreprise du mari de Mme [Y].
Le 10 août 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 10 septembre 2018.
Par lettre du 17 septembre 2018, la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, lui reprochant de nombreuses négligences caractérisées dans l’exécution de son contrat de travail.
Par requête du 5 décembre 2018, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon aux fins de voir son licenciement déclaré nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et de voir l’employeur condamné à des dommages-intérêts pour harcèlement moral et sexuel, à des rappels de salaires, notamment au titre des heures supplémentaires, à des dommages-intérêts pour non respect de l’obligation de formation et pour exécution fautive du contrat de travail.
La société Azur Peinture & Déco a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 décembre 2018.
Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix le 21 janvier 2020.
Par jugement du 22 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
Dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [Y] épouse [P] est justifié et fondé,
Débouté Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes,
Débouté la Sarl Azur Peinture & Déco de ses demandes reconventionnelles,
Débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamné Mme [Y] épouse [P] aux dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 17 novembre 2020, Mme [Y] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été notifié le 22 octobre 2020 des chefs l’ayant débouté de ses demandes.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 4 décembre 2023, Mme [Y] demande à la cour de :
Infirmer les chefs de jugement ayant :
– Dit que son licenciement pour cause réelle et sérieuse est justifié et fondé ;
– Rejeté l’ensemble de ses demandes, à savoir de :
o Déclarer nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse le licenciement,
o Dire et juger que l’employeur a commis les manquements suivants à ses obligations lors de l’exécution du contrat de travail :
‘ Harcèlement moral et sexuel,
‘ Non-paiement de l’intégralité des rémunérations,
‘ Exécution fautive du contrat de travail,
o Dire et juger l’article L. 1235-3 du Code du travail contraire à l’article 10 de la Convention
n° 158 de l’OIT, à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne et au principe de réparation intégrale du préjudice et en écarter par conséquent son application,
o Condamner la Société Azur Peinture & Déco à lui payer :
– des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ou subsidiairement des indemnités pour frais de trajet,
– des dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, – des dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel,
– des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
o Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil,
o Condamner la Société Azur Peinture & Déco à lui remettre des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, sous astreinte et se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte,
o Condamner la Société Azur Peinture & Déco à lui payer un article 700 du code de procédure civile,
o Condamner la Société Azur Peinture & Déco aux dépens,
– Débouté Madame [Y] épouse [P] de sa demande au titre de l’article 700 du
Code de procédure civile ;
– Condamné Mme [L] [Y] épouse [P] aux dépens,
STATUANT A NOUVEAU,
Sur le licenciement :
– Déclarer nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse le licenciement
Sur le contrat de travail :
– Dire et juger que l’employeur a commis les manquements suivants à ses obligations lors de l’exécution du contrat de travail :
– Harcèlement moral et sexuel
– Non-paiement de l’intégralité des rémunérations
– Exécution fautive du contrat de travail
Sur l’indemnisation du préjudice subi :
– Dire et juger l’article L. 1235-3 du Code du travail contraire à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne et au principe de réparation intégrale du préjudice et en écarter par conséquent son application, ou à tout le moins faire une appréciation in concreto de la conventionnalité du barème par rapport au préjudice réellement subi par la salariée.
– Condamner la Société Azur Peinture & Déco à lui payer les sommes suivantes :
*outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes (article 1231-6
du code civil)
– 3 917 euros bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
– 391 euros au titre des congés payés afférents
o Subsidiairement, 373 euros nets au titre de l’indemnité des frais de trajet
*outre intérêts au taux légal à compter de l’arrêt de la Cour d’appel (article 1231-7 du code civil)
– 27 900 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse
– 15 000 euros nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel
– 10 000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
– Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil
– Condamner la Société Azur Peinture & Déco à lui remettre des documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard
– Se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte
– Condamner la Société Azur Peinture & Déco à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamner la Société Azur Peinture & Déco aux dépens.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 6 mai 2021, la société Azur Peinture & Déco, demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a débouté Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes :
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’elle a été déboutée de sa demande de dommages intérêts au titre du préjudice subi du fait des propos diffamatoires de Mme [Y],
En tout état de cause,
– Rejeter les demandes formulées en cause d’appel par Mme [Y],
– Condamner Mme [Y] aux entiers dépens de l’instance,
– Condamner Mme [Y] au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture des débats a été ordonnée le 7 décembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur le harcèlement moral :
La salariée invoque, au soutien de sa demande de nullité du licenciement :
– des violences verbales (injonction à ne pas mettre ses bouchons d’oreilles comme des tampax ou à venir dans le bureau de l’employeur pour un examen gynécologique);
– des sanctions disciplinaires injustifiées ;
– un état de santé dégradé constaté par le médecin du travail ;
– un licenciement abusif.
La société oppose la carence probatoire de la salariée qui ne fait état d’aucun fait précis, daté et prouvé et souligne que :
– la personne visée, en l’espèce M. [E] [O], travaille avec son épouse dans le même bureau depuis des années, de sorte qu’il est totalement inconcevable qu’il ait pu proférer les paroles qui lui sont attribuées ;
– plusieurs salariés attestent de ce que M.[O] n’a jamais eu de comportement déplacé à l’égard de Mme [Y] ;
– M. [G] atteste avoir entendu la salariée se vanter de tout faire pour se faire licencier et obtenir des indemnités pour harcèlement moral et sexuel.
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Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral , il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [Y] invoque en premier lieu des propos déplacés et des menaces de la part de son employeur M. [O]. Elle soutient que celui-ci n’aurait pas hésité à lui dire de ne pas mettre ses bouchons d’oreilles comme des tampax, ou encore, lorsqu’elle réclamait une visite médicale d’embauche, à lui demander de venir dans son bureau afin qu’il procède à un examen gynécologique.
Ces propos sexistes et déplacés ne sont cependant corroborés par aucun élément objectif permettant de les retenir comme établis de façon certaine.
Mme [Y] invoque ensuite des sanctions disciplinaires injustifiées, en l’espèce deux avertissements.
L’employeur a notifié à la salariée, le 20 novembre 2017, un premier avertissement lui reprochant d’une part d’être agressive envers ses collègues et particulièrement envers [R] qu’elle a menacé de gifler devant les autres membres de l’équipe, d’autre part de se garer avec le véhicule de la société sur des places réservées aux personnes handicapées.
Dans son courrier de contestation , la salariée a exposé qu’en menaçant son collègue [R], elle n’avait fait que se défendre de l’agression verbale préalable de ce dernier. S’agissant de l’occupation d’un emplacement réservé avec le véhicule de la société, la salariée a admis un fait unique et a indiqué que depuis le rappel à l’ordre qui lui a été fait, elle a tenu compte de la remarque.
Ce premier avertissement qui repose sur des faits admis par la salariée ne peut dés lors être considéré comme injustifié, même si la salariée oppose à l’employeur une justification plausible de ses menaces à l’égard de son collègue.
Le second avertissement lui a été notifié le 17 janvier 2018 en raison de la mauvaise qualité de son travail. L’employeur indique dans son courrier qu’il a été convoqué par l’architecte en charge du projet pour constater les malfaçons.
La salariée a opposé à ce grief, d’une part que la peinture qui lui a été fournie n’était pas adaptée pour peindre sur des boiseries, d’autre part que la mauvaise qualité de son rechampi ( mince filet décoratif de peinture) s’expliquait par des conditions de sécurité non respectées ne permettant pas l’exécution de la mission dans de bonnes conditions.
S’agissant de ce deuxième avertissement lequel porte sur une question technique, son bien fondé ne peut reposer que sur des constatations objectives précises. Or, faute de procès-verbal de réception des travaux comportant une description détaillée des malfaçons invoquées ou de tout autre document de même nature, les malfaçons ne sont pas objectivées.
Par ailleurs, la salariée invoquant le non respect des conditions de sécurité et notamment l’inadéquation du matériel fourni pour réaliser un réchampi, il appartient à l’employeur d’établir qu’il a fourni à la salariée le matériel permettant à celle-ci de réaliser sa mission conformément aux règles de l’art. A défaut de tels documents, la seule appréciation de la salariée à l’occasion de la contestation d’une sanction disciplinaire, ne permet ni d’apprécier la réalité des malfaçons, ni leur gravité.
Ce second avertissement n’est donc pas justifié par les éléments du débat.
S’agissant de son état de santé, la salariée justifie d’un arrêt de travail de dix-huit jours prescrit le 14 mars 2018, mentionnant une incapacité temporaire totale de cinq jours, suivant un certificat médical délivré par un service d’urgence et faisant état d’une agression.
A cette même date, soit le 14 mars 2018, la salariée a déposé une main courante à [Localité 5] pour signaler qu’elle avait des soucis avec son employeur depuis le début, qu’elle avait fait l’objet de deux avertissements pour des choses futiles et qu’elle était harcelée, notamment par des propos déplacés.
Le 19 mars 2018, la salariée a consulté le médecin du travail qui a constaté un syndrome anxio-dépressif que la patiente a mis en lien avec son travail en signalant des conflits avec son employeur et des propos déplacés.
La salariée invoque enfin un licenciement abusif. Elle soutient que le licenciement ne résiste pas à l’analyse des faits en l’absence de preuve de consignes qui n’auraient pas été respectées par elle et au regard du fait que les clients insatisfaits n’ont jamais mentionné son nom.
L’employeur fait valoir en réponse que Mme [Y] était une salariée particulièrement expérimentée, se prévalant de son excellente technicité, de sorte que l’importance et la répétition des malfaçons qui lui sont reprochées relèvent nécessairement de négligences volontaires et non d’une simple insuffisance professionnelle. Les exemples de négligences fautives concernent :
– le chantier de la régie Galyo ( peinture ancienne non grattée),
– le chantier de la SCI GMC ( peinture sur la façade d’un local sans nettoyage préalable des surfaces),
– le chantier de la régie Nestenne ( défaut de retrait de joints de silicone sur un placard et tringles mal refixées au plafond),
– le chantier de la région Oralia: il est reproché à la salariée d’avoir consacré deux heures à repeindre la porte d’un local poubelle et d’être revenue au dépôt pour attendre midi sans rien faire.
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La lettre de licenciement fixe le cadre et les limites du litige. En l’espèce, l’employeur a fait le choix d’un licenciement disciplinaire, de sorte qu’il lui appartient d’établir l’exactitude des faits imputés à la salariée.
L’employeur illustre les négligences fautives par plusieurs exemples de chantiers.
Le premier est le chantier de la régie Galyo à Tassin, pour lequel la salariée avait reçu mission de peindre les lattes de six bancs en extérieur. L’employeur produit pour ce chantier, un devis daté du 25 septembre 2017, des photographies non datées et deux courriels de réclamation datés du 25 mars et du 30 avril 2019, par lesquels le gestionnaire de la résidence ‘le carré des roses’ se plaint de la très mauvaise qualité du travail effectuée par la préposée de la société Azur Peinture & Déco.
La cour observe que les photographies qui sont des plans rapprochés des lattes de bancs, ne permettent en aucun cas d’identifier le chantier en cause, lequel n’a fait l’objet ni d’un procès-verbal de réception, ni d’un constat objectif des malfaçons qui sont signalées en l’espèce par le gestionnaire de la copropriété plus de six mois après l’exécution des travaux.
Le deuxième exemple est le chantier de la SCI GMC pour lequel la salariée aurait omis de nettoyer les murs avant de peindre. L’employeur produit un échange d’emails entre lui et M. [W], ce dernier réclamant qu’un nettoyage soit fait, qu’un coup de balai soit passé sur les bas de mur et que la rouille soit enlevée des parties métalliques avant peinture.
Il s’agit d’un chantier qui a eu lieu au mois de juin 2018, et la réponse de la société Azur Peinture & Déco indiquant qu’elle a immédiatement demandé à la personne en charge de peindre de préparer le support, laisse supposer que cette exigence a été effectivement remplie, ce que confirme l’absence de constat de malfaçons relatives à ce chantier.
Le troisième exemple concerne la régie Nestenn. Il a été reproché à la salariée d’avoir été défaillante dans la mission qui lui avait été confiée d’aller retirer des joints en silicone sur des surfaces peintes par ses soins. L’employeur verse aux débats la demande d’intervention du groupe Nestenn sur deux points :
‘1°) le placard de la cuisine a été siliconé et on ne peut pas l’ouvrir ;
2°) les tringles ont été mal refixées au plafond et l’une d’elle est tombée’,
ainsi qu’un courriel d’insatisfaction du 7 août 2018.
Mme [Y] soutient d’une part qu’elle n’était pas seule sur le chantier initial, d’autre part qu’elle a exécuté la consigne qui ne consistait pas à retirer les joints en silicone mais à permettre l’ouverture des placards. Mais, faute d’établir avec précision la consigne qui a été donnée à la salariée, aucune faute ne saurait être retenue contre elle s’agissant du retrait d’un joint en silicone.
Enfin, le dernier exemple concerne la régie Oralia pour laquelle l’employeur produit un devis relatif au dégraissage et au passage de deux couches de peinture sur la face extérieure de la porte d’un local poubelles. L’employeur fait grief à la salariée d’avoir mis deux heures à effectuer ce travail alors qu’une heure aurait suffi, et d’être revenue au dépôt pour attendre sans rien faire jusqu’à midi, heure de fin de sa semaine de travail. L’employeur produit des attestations de salariés, et notamment celle de M. [V] indiquant que Mme [Y] travaillait toujours très lentement, mais aucun élément du débat ne permet d’objectiver le grief qui lui est fait concernant le chantier Oralia, dont le devis ne précise pas au demeurant le temps prévu pour la réalisation de la prestation.
Il résulte de ces éléments qu’aucune des malfaçons invoquées dans la lettre de licenciement n’est objectivée, que ce soit par des directives univoques ou par un constat des malfaçons en cause.
En outre, le caractère volontaire des négligences reprochées à la salariée ne résulte d’aucun élément.
Ainsi, les éléments matériellement établis par la salariée, soit un avertissement injustifié sur la qualité de son travail, un licenciement reposant sur des négligences ou des carences non démontrées, ainsi qu’un état de santé dégradé constaté par plusieurs médecins, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral et la société Azur Peinture & Déco ne démontre pas que les sanctions disciplinaires qui ont été prises à l’encontre de la salariée le 17 janvier 2018 et le 17 septembre 2018 sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute situation de harcèlement.
Mme [Y] est par conséquent fondée à demander la nullité de son licenciement en raison d’une situation de harcèlement moral, de sorte que le jugement déféré qui a débouté la salariée de sa demande au titre du harcèlement moral et jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse est infirmé.
– Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
La salariée expose qu’elle était rémunérée sur la base de 39 heures (35 h + 4 heures supplémentaires), et de journées débutant à 7h30. Elle soutient cependant que l’employeur exigeait qu’elle se présente au dépôt tous les jours à 6h30, soit une heure avant sa prise de poste afin de charger le matériel avant de se rendre sur le lieu du chantier, de sorte qu’elle effectuait chaque jour une heure de plus qui n’était pas payée.
La salariée demande, à titre subsidiaire et a minima, de bénéficier de l’indemnité de trajet en application de l’article 8-17 de la convention collective nationale des ouvriers employés des entreprises du bâtiment.
L’employeur soutient que :
– la salariée était tenue de respecter l’horaire collectif affiché dans les locaux ;
– le temps de travail était bien décompté à l’arrivée dans l’entreprise le matin ;
– le temps de trajet jusqu’au chantier était bien rémunéré ;
– il en va de même du retour à l’entreprise en fin de journée ;
– seule la pause déjeuner était normalement déduite de la journée de travail.
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Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
L’employeur ne peut utilement invoquer l’absence de réclamation de la salariée au cours de la relation contractuelle au titre des heures supplémentaires, dés lors que ce constat ne laisse en rien présumer que la salariée aurait renoncé à faire valoir ses droits.
En invoquant une heure supplémentaire chaque matin de 6h30 à 7h30, pour récupérer son matériel avant de se rendre sur les chantiers, la salariée présente une demande précise, qui permet à l’employeur sur qui repose une obligation de contrôle du temps de travail, de faire valoir ses propres éléments.
L’employeur invoque pour l’essentiel l’horaire collectif de travail en soutenant que :
– pour les semaines de 35 heures, les salariés étaient soumis à l’horaire suivant: Du lundi au jeudi de 7 h 30 à 12 h 00 et de 13 h 00 à 16 h 30 ; le vendredi de 7 h 30 à 11 h 30 ;
– pour les semaines à 39 heures, les salariés étaient soumis à l’horaire suivant : du lundi au jeudi de 7 h 30 à 12 h 00 et de 13 h 00 à 16 h 30 ; le vendredi de 7 h 30 à 12 h 00 et de 13 h 00 à 15h30.
Il apparaît cependant que l’horaire collectif appliqué aux salariés soumis à 35 heures, est en réalité de 36 heures, ce qui laisse supposer, à défaut de tout élément contraire, que les salariés employés pour 35 heures hebdomadaires, réalisaient en réalité une heure supplémentaire qui n’apparaît donc pas dans l’horaire collectif. Et en tout état de cause, il appartient à l’employeur d’établir qu’il a fait respecter l’horaire collectif qu’il invoque.
La cour observe en outre que la société Azur Peinture & Déco qui soutient que la salariée n’a jamais pris son service avant 7h30 le matin, indique que :
– le décompte du temps de travail se faisait le matin à l’arrivée à l’entreprise,
– elle avait mis à la disposition de la salariée, comme à l’ensemble des autres salariés, un véhicule d’entreprise pour se rendre sur les chantiers,
– elle prenait en charge l’ensemble des frais pour le véhicule (essence, entretien etc..) et rémunérait Mme [Y] pour le temps de trajet entre l’entreprise et les chantiers.
Il en résulte que le travail était organisé de telle sorte que chaque salarié devait passer à l’entreprise pour récupérer un véhicule de service avant de se rendre sur les chantiers, et que l’employeur ne justifie ni des temps de trajet entre l’entreprise et les chantiers lesquels permettraient de connaître les horaires de passage à l’entreprise le matin, ni des modalités de rémunération de ces déplacements professionnels.
En conséquence, la cour fait droit à la demande de la salariée et condamne la société Azur Peintures & Déco à payer à Mme [Y] la somme de 3 917 euros à titre de rappel des salaires au titre des heures supplémentaires, outre 391 de congés payés afférents.
– Sur la demande au titre de l’exécution fautive du contrat de travail :
La salariée fait valoir que :
– il a été porté atteinte à sa vie privée en raison de la présence de systèmes de vidéosurveillance et de géolocalisation illicites (défaut de déclaration à la CNIL et défaut d’information des salariés) ;
– elle n’a pas reçu la totalité des rémunérations qui lui étaient dues ;
– l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en lui infligeant de nombreuses remarques et propos agressifs qui ont occasionné un arrêt de travail de plusieurs mois.
L’employeur expose que :
– la réglementation en matière de données personnelles n’impose aucune déclaration pour la mise en place d’un système de géolocalisation ;
-la CNIL n’impose aucune déclaration lors de la mis en place d’un système de vidéosurveillance dans un établissement qui n’est pas ouvert au public ;
– le dispositif de surveillance est signalé par une affiche et est connu de tous les salariés;
– la salariée ne peut se prévaloir d’aucune heure supplémentaire non payée ;
– les propos agressifs de son employeur ne sont pas établis ;
– en tout état de cause, la salariée ne justifie pas de l’existence et de l’étendue de son préjudice.
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Faute pour la salariée de justifier d’un préjudice non indemnisé, que ce soit par le rappel au titre des heures supplémentaires ou au titre de l’annulation du licenciement, sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est rejetée et le jugement déféré est confirmé sur ce point.
– Sur l’indemnisation des préjudices :
Il résulte des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail que l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes, notamment, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4. (…)
Le débat sur l’opposabilité du barème dit barème Macron issu de l’article L. 1235-3 du code du travail est par conséquent sans objet.
Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, inférieur à onze salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée âgée de 33 ans lors de la rupture, d’une ancienneté de seize mois, et de sa capacité à retrouver un emploi équivalent, la cour estime que le préjudice résultant pour cette dernière de la rupture, doit être indemnisé par la somme de 14 000 euros, sur la base d’un salaire moyen mensuel de 2 325 euros. En conséquence, le jugement qui a débouté Mme [Y] de cette demande est infirmé en ce sens.
Mme [Y] est par ailleurs fondée à solliciter une indemnisation au titre du harcèlement moral. Compte tenu de la durée de la relation contractuelle, ce préjudice sera limité à la somme de 3 000 euros et la salariée sera déboutée de sa demande pour le surplus. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.
– Sur la remise des documents de fin de contrat :
Il convient d’ordonner la remise par la société Azur Peinture & Déco des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaire rectifié dans un délai de deux mois à compter de ce jour, sans qu’il y ait lieu à astreinte.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Dans la limite de la dévolution,
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement notifié par la société Azur Peinture & Déco à Mme [Y] le 17 septembre 2018 est nul en raison d’une situation de harcèlement moral ;
Condamne la société Azur Peinture & Déco à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :
3 917 euros de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires,
391 euros de congés payés afférents,
14 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte d’emploi,
3 000 euros de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral ;
RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale courent à compter de la demande, soit à compter de la notification à la société Azur Peinture & Déco de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes le 5 décembre 2018 ;
DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter du présent arrêt ;
ORDONNE la remise par la société Azur Peinture & Déco des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaire rectifié dans un délai de deux mois à compter de ce jour, sans qu’il y ait lieu à astreinte ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Azur Peinture & Déco à verser à Mme [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Azur Peinture & Déco aux dépens de l’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE