Litige sur licenciement pour faute grave contesté par une coiffeuse
Litige sur licenciement pour faute grave contesté par une coiffeuse

Dans cette affaire, le licenciement de Mme G par la SASU BRUN DE COULEURS a été contesté devant le tribunal. Les motifs du licenciement invoqués par l’employeur étaient des incidents survenus entre décembre 2019 et février 2020, tels que des coupes et couleurs ratées, des retards, des appels personnels pendant les horaires de travail, etc. Cependant, le tribunal a jugé que la preuve de ces faits n’était pas suffisamment établie pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. De plus, des attestations de clientes et anciens employeurs ont attesté du professionnalisme et de la compétence de Mme G. Par conséquent, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne les conséquences du licenciement, Mme G a obtenu une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 3,53 mois de salaire brut, soit 4 000 €. Cependant, sa demande d’indemnité pour licenciement brutal et vexatoire a été rejetée par le tribunal, considérant que la procédure de licenciement en elle-même n’était pas brutale et vexatoire.

La SASU BRUN DE COULEURS a été condamnée à payer les dépens de la procédure et une somme de 1 500 € à Mme G au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Thématiques

Les trois problématiques juridiques soulevées par la cour dans ce litige sont les suivantes :

1. Le caractère réel et sérieux du licenciement de Mme [G] par la société BRUN DE COULEURS.
2. La validité des motifs de licenciement avancés par la société BRUN DE COULEURS et contestés par Mme [G].
3. La question des indemnités et dommages-intérêts réclamés par les parties en lien avec le licenciement de Mme [G].

Avocats

Me Arnaud TOULOUSE et Me Etienne DES CHAMPS DE VERNEIX – Bravo!

Parties impliquées

– S.A.S.U. BRUN DE COULEURS représentée par Me Etienne DES CHAMPS DE VERNEIX, avocat au barreau de LIMOGES
– Madame [R] [G] épouse [H] représentée par Me Arnaud TOULOUSE de la SELARL SELARL AVOC’ARENES, avocat au barreau de LIMOGES

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRET N° .

N° RG 22/00522 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BILHC

AFFAIRE :

S.A.S.U. BRUN DE COULEURS siret 799 091 285 00020, représentée par [P] [W]

C/

Mme [R] [G] épouse [H]

GV/MS

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée à Me Arnaud TOULOUSE, Me Etienne DES CHAMPS DE VERNEIX, avocats, le 07-09-23.

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023

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Le sept Septembre deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

S.A.S.U. BRUN DE COULEURS siret 799 091 285 00020, représentée par [P] [W], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Etienne DES CHAMPS DE VERNEIX, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANTE d’une décision rendue le 23 MAI 2022 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

Madame [R] [G] épouse [H]

née le 19 Juin 1968 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Arnaud TOULOUSE de la SELARL SELARL AVOC’ARENES, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l’affaire a été fixée à l’audience du 22 Mai 2023. L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l’audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a donné

avis aux parties que la décision serait rendue le 07 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d’elle même. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 mai 2013, la société Coiffure de France a embauché Mme [R] [G] épouse [H] en qualité de coiffeuse mixte et technicienne à raison de 24 heures par semaine.

Entre 2013 et 2014, le contrat de travail de Mme [G] a été transféré à la SASU BRUN DE COULEURS dont le nom commercial est l’HAIR DU TEMPS.

Par avenant du 21 novembre 2014, la durée hebdomadaire de travail de Mme [G] a été fixée à 35 heures.

Par lettre du 24 janvier 2019, la SASU BRUN DE COULEURS a notifié à Mme [G] que sa durée hebdomadaire de travail était ramenée à 24 heures, ce qu’elle a accepté.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 22 janvier 2020, la SASU BRUN DE COULEURS a notifié à Mme [G] un avertissement aux termes duquel il lui était reproché :

‘ le 12 décembre 2019 : une altercation avec son collègue M. [E] [O] ;

‘ le 27 décembre 2019 : la réalisation d’une prestation de coiffure non conforme aux techniques en vigueur ;

‘ le défaut de renseignement des fiches clients à l’issue de chaque rendez-vous.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 6 février 2020, la SASU BRUN DE COULEURS a informé Mme [G] qu’elle envisageait son licenciement pour faute grave et elle l’a convoquée à un entretien préalable pour le 17 février suivant.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 20 février 2020, la société BRUN DE COULEURS a notifié à Mme [G] son licenciement aux motifs du défaut d’enregistrement des fichiers clients, de coupes et couleurs ratées, de propos dénigrants à l’égard de son employeur, d’appels téléphoniques pendant les heures de travail et de retards, faits commis entre décembre 2019 et le 10 février 2020.

==0==

Contestant son licenciement, Mme [R] [G] épouse [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Limoges le 10 février 2021.

Par jugement rendu le 23 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Limoges a :

– dit et jugé que le licenciement de Mme [G] est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société BRUN DE COULEURS à verser à mme [G] :

* au titre de l’indemnité visée par l’article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 4 000 €,

* 1 500 € de dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

* 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société BRUN DE COULEURS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société BRUN DE COULEURS aux entiers dépens de l’instance.

La société BRUN DE COULEURS a interjeté appel de ce jugement le 5 juillet 2022.

==0==

Aux termes de ses écritures du 14 mars 2023, la société BRUN DE COULEURS demande à la cour de :

– infirmer en tous points la décision dont appel ;

En tout état de cause,

– juger que le licenciement de Mme [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouter Mme [G] de ses demandes relatives aux indemnités prévues dans le cadre de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

– débouter la même de ses demandes relatives aux dommages-intérêts pour une prétendue procédure brutale et vexatoire ;

– débouter Mme [G] de ses demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au dépens.

La SASU BRUN DE COULEURS soutient que le licenciement de Mme [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, à savoir une accumulation de faits fautifs et non une insuffisance professionnelle comme relevée par le premier juge. Les griefs sont établis par de nombreuses attestations, Mme [G] ayant en outre fait l’objet d’un avertissement préalable le 22 janvier 2020. En revanche, celles produites par cette dernière, qui ne sont pas toutes conformes à l’article 202 du code de procédure civile, sont de complaisance.

Le licenciement de Mme [G] ne comporte aucun caractère vexatoire, le litige ayant eu lieu entre M. [E] [O], collègue de Mme [G], et le conjoint de cette dernière étant sans rapport avec le licenciement.

Aux termes de ses écritures du 15 décembre 2022, Mme [R] [G] épouse [H] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé son licenciement ;

Et,

– condamner la société BRUN DE COULEURS au versement de :

* I’indemnité visée par l’article L. 1235-3 du code du travail, soit la somme de 7 918,33 €,

* 3 000 € de dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

* 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– débouter la société BRUN DE COULEURS de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner l’employeur aux entiers dépens.

Mme [G] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il s’agit d’un licenciement économique déguisé. Elle conteste la réalité des griefs reprochés. Au contraire, elle produit de nombreuses attestations qui font état de la qualité de son travail et de son comportement irréprochable.

Elle prétend que le licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires, M. [O] ayant porté des accusations mensongères devant la police contre son conjoint.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2023.

SUR CE,

– Sur le bien-fondé du licenciement de Mme [G]

En application de l’article L 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

L’article L 1235-1 du code du travail en ses alinea 3, 4 et 5 dispose qu »A défaut d’accord, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié’.

En application de l’article L. 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

Selon la lettre licenciement du 20 février 2020, la SASU BRUN DE COULEURS a licencié Mme [G] pour les motifs suivants, intervenus entre décembre 2019 et le 10 février 2020, malgré l’avertissement du 22 janvier 2020 :

– le refus depuis le 27 janvier 2020 d’enregistrer les fichiers clients ;

– une coupe ratée et le dénigrement de son employeur ‘avec attestation cliente en date du 28 janvier’ ;

– une couleur ratée avec dénigrement de son employeur ‘avec attestation cliente du 4 février’ ;

– une coupe ratée ‘avec attestation cliente du 5 février’ sur le fils d’une cliente ;

– entre le 7 février et le 14 février 2020 :

– un retard journalier de 5 minutes ;

– le 7 février 2020 des propos contestant son employeur venu vérifier ce jour là le carnet de rendez-vous ;

– le 10 février 2020 :

– des appels téléphoniques personnels pendant les horaires de travail,

– la sortie du salon à 16 heures pour acheter un pain au chocolat dans la boulangerie située à proximité,

– une erreur d’encaissement sur tarif erroné.

En conséquence, le licenciement de Mme [G] ne peut être valablement fondé que sur ces faits, précisément énoncés, commis entre décembre 2019 et le 10 février 2020, dont la SASU BRUN DE COULEURS doit rapporter la preuve.

En ce qui concerne l’absence d’enregistrement du fichier clients, Mme [G] a reconnu lors de l’entretien préalable du 17 février 2020 qu’elle ne le faisait pas systématiquement après le départ de chaque client, comme demandé par son employeur, mais en fin de journée et sur des moments calmes.

Ce grief n’est donc pas établi et ne peut constituer, en tout état de cause, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En ce qui concerne le défaut de professionnalisme de Mme [G], seules les attestations en date du 5 février 2020 de Mme [T] [C] et de Mme [K] [D] se rattachent à la lettre de licenciement par leur date et le fait de coupes ratées sur leur fils et beau-fils.

Les autres attestations mettant en cause Mme [G] sur son comportement peu assidu, ses appels téléphoniques, les coupes, couleurs et brushing ratés, son attitude peu aimable, le dénigrement de son employeur ne permettent pas de relier ces griefs à une date précise, comme énoncé dans la lettre de licenciement, étant rappelé que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Par ailleurs, Mme [G] produit des attestations de clientes et d’anciens employeurs (seules étant retenues celles qui remplissent les conditions de l’article 202 du code de procédure civile) qui font état de sa compétence avérée, de son sérieux et de son amabilité depuis de nombreuses années.

Enfin, les griefs de la sortie du salon à 16 heures pour acheter un pain au chocolat dans la boulangerie située à proximité et l’erreur d’encaissement sur tarif erroné ne sont pas démontrés.

En conséquence et considérant qu’aucun grief n’a été reproché depuis 2013 à Mme [G] qui a une longue expérience de coiffeuse sans difficultés particulières, la cause réelle et sérieuse du licenciement n’est pas établie.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

II Conséquences

1) Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, Mme [G], qui avait 6 années complètes d’ancienneté à la date du licenciement, peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 1,5 et 7 mois de salaire brut, s’agissant d’une entreprise employant moins de 11 salariés.

La moyenne des salaires de Mme [G] entre avril 2019 et mars 2020 s’établit à 1 131,19 €. Etant née en 1968, la perspective de retrouver un emploi aisément n’est pas évidente. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 4 000 € correspondant à 3,53 mois de salaire brut.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2) Sur l’indemnité pour licenciement brutal et vexatoire

Il convient de considérer que la procédure de licenciement en elle-même n’a pas été brutale et vexatoire. En effet, le dépôt de plainte litigieux du 16 mars 2020 de M. [O] contre M. [H], époux de Mme [G], est postérieur d’un mois par rapport au licenciement du 20 février 2020. De plus, son objet, menaces et insultes reprochées à M. [H], était distinct de la procédure de licenciement.

Mme [G] doit donc être déboutée de sa demande présentée à ce titre.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La SASU BRUN DE COULEURS succombant à l’instance, elle doit être condamnée aux dépens et il est équitable de la condamner à payer à Mme [G] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

—==oO§Oo==—

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Limoges le 23 mai 2022, sauf en ce qu’il a condamné la société BRUN DE COULEURS à payer à Mme [G] la somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure de licenciement brutale et vexatoire ;

Statuant à nouveau de ce chef, DEBOUTE Mme [R] [G] épouse [H] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure de licenciement brutale et vexatoire ;

DEBOUTE la SASU BRUN DE COULEURS de ses demandes ;

CONDAMNE la SASU BRUN DE COULEURS à payer à Mme [R] [G] épouse [H] la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU BRUN DE COULEURS aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.

 


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