Diffusion de phonogrammes lors d’obsèques: l’autorisation SACEM requise

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Diffusion de phonogrammes lors d’obsèques: l’autorisation SACEM requise
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La société OGF a été déboutée de ses demandes en nullité des contrats généraux de représentation conclus avec la SACEM, car la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques constitue une communication au public et nécessite une autorisation préalable des titulaires des droits. Par conséquent, la société OGF a été condamnée à payer à la SACEM la somme de 69.116,49 euros au titre des redevances contractuelles. De plus, la société OGF a été condamnée à verser à la SPRE la somme de 36.315,40 euros au titre de la rémunération équitable pour la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques. La SACEM a également obtenu une somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêts pour contrefaçon de droits d’auteur. Les demandes de la SPRE concernant un préjudice matériel et moral ont été rejetées faute de preuves suffisantes. La société OGF a été condamnée aux dépens et à verser à la SACEM et à la SPRE la somme de 5.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Le
Expédition exécutoire délivrée à :
-Maître Bara, vestiaire A966
-Maître Benazeraf, vestiaire P324
Copie certifiée conforme délivrée à :
-Maître Vichnievsky, vestiaire P444

3ème chambre
3ème section

N° RG 20/03574 –
N° Portalis 352J-W-B7E-CSACS

N° MINUTE :

Assignation du :
30 et 31 mars 2020

JUGEMENT
rendu le 31 Janvier 2024
DEMANDERESSE

S.A. OGF
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Alexis VICHNIEVSKY de la SELARL OSMOSE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0444

DÉFENDERESSES

Société SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE – SACEM
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Josée-Anne BENAZERAF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0327

S.C. SOCIETE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE – SPRE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Sophie BARA de la SELARL OX, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0966
Décision du 31 Janvier 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 20/03574 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSACS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Anne BOUTRON, vice-présidente
Linda BOUDOUR, juge

assistés de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l’audience du 13 avril 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023 puis prorogé en dernier lieu au 31 janvier 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

_____________________________

EXPOSE DU LITIGE

La SA OGF a pour activité les services funéraires et pompes funèbres. Elle dit organiser notamment des cérémonies civiles ou laïques dans des crématoriums, des funérariums ou plus rarement des cimetières, à l’occasion desquelles des phonogrammes choisis par les proches du défunt qui organisent les obsèques peuvent être diffusés.

La société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (ci-après SACEM) est un organisme de gestion collective des droits d’auteur d’œuvres musicales dont elle assure la perception et la répartition pour ses membres.

Le 4 octobre 2006, la société OGF et la SACEM ont conclu un contrat général de représentation, reconductible tacitement par période annuelle, pour des diffusions musicales diverses moyennant une redevance forfaitaire de 1,93 euros HT par séance quelle que soit la composition du programme des œuvres diffusées par le domaine protégé.

La société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (ci-après SPRE) est un organisme de gestion collective chargé de percevoir la rémunération équitable due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes.

Par contrat du 18 décembre 2014, la SPRE a donné mandat à la SACEM afin de collecter pour son compte la rémunération équitable due par les établissements diffusant une musique de sonorisation.

Par courrier recommandé du 19 novembre 2019, la société OGF a refusé les conditions tarifaires proposées par la SACEM par courriel du 5 novembre 2019.

Estimant ne pas avoir à verser de redevances pour la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques, la société OGF a, par actes d’huissier des 30 et 31 mars 2020, fait assigner la SACEM et la SPRE devant le tribunal judiciaire de PARIS notamment en nullité du contrat général de représentation du 4 octobre 2006 et restitution des sommes selon elle indument payées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022.

L’ensemble des parties ayant constitué avocat, le jugement est contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, la société OGF demande au tribunal, au visa de l’article 3 de la directive n° 2001/29, des articles L122-2, L122-4, L122-5 et L212-3, L213-1 et L211-3 du code de la propriété intellectuelle, des anciens articles 1108, 1109, 1110, 1126, 1129, 1131 du code civil et des articles 1128, 1132, 1133, 1163, 1169, 1352 et suivants, et 1302 et suivants du code civil, de :
«  – A titre principal, juger que la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques ne constitue pas une communication au public ;
A titre subsidiaire, juger que la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques est réalisée dans le cadre de l’exception du cercle de famille ;En conséquence,
Prononcer la nullité :A titre principal du contrat général de représentation pour erreur ; A titre subsidiaire des contrats généraux de représentation des cinq dernières années, à savoir le contrat du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, le contrat du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, le contrat du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, le contrat du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 et le contrat du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 pour absence d’objet et de contenu certain ;A titre infiniment subsidiaire des contrats généraux de représentation des cinq dernières années, à savoir le contrat du 1er avril 2015 au 31 mars 2016, le contrat du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, le contrat du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, le contrat du 1er avril 2018 au 31 mars 2019 et le contrat du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 pour absence de cause et pour contrepartie illusoire ;Dire qu’OGF n’est pas redevable d’une rémunération équitable ;En conséquence,
Ordonner à la SACEM et la SPRE l’émission des avoirs correspondant aux factures émises de façon irrégulière ;Ordonner la restitution par la SACEM des redevances versées par OGF en application des contrats généraux de représentation des dernières années annulés, soit la somme de 212.099,26 euros ; Ordonner la restitution par la SPRE des sommes indûment payées par OGF soit la somme de 186.841,73 euros ;Par ailleurs,
Dans l’hypothèse où la nullité du contrat général de représentation conclu avec la SACEM ne serait pas prononcée, à titre subsidiaire :Dire que le contrat général de représentation a cessé de plein droit en date du 19 novembre 2019 ; Juger que les redevances facturées pour la période postérieure au 19 novembre 2019 ne sont pas dues et ordonner à la SACEM d’émettre un avoir au prorata de la facture pour la période du 19 novembre 2019 au 31 mars 2020, soit pour le montant de 31.933,25 euros ;Au titre des demandes reconventionnelles de la SACEM et de la SPRE :
Au titre de la période contractuelle entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2019 : Limiter tout au plus la condamnation à l’égard de la SACEM à la somme de 69.116,49 euros TTC ; Limiter tout au plus la condamnation à l’égard de la SPRE à la somme de 36.315,40 euros HT +TVA ; Dire que la période entre le 1er avril 2019 et le 19 novembre 2019 constitue également une période contractuelle, et en conséquence : Ecarter la demande formée par la SACEM au titre de la contrefaçon ; Rejeter la demande de paiement de la rémunération équitable formée par la SPRE sur la base des chiffres fournis par la SACEM ; Limiter tout au plus les condamnations à l’égard de la SACEM et de la SPRE en appliquant le tarif contractuel de 2,35 euros HT par cérémonie ; Au titre de la période postérieure à la résiliation du contrat général de représentation, soit à compter du 20 novembre 2019 :A titre principal, juger que la SACEM ne démontre pas que la société OGF a commis des actes de contrefaçon, et en conséquence : Rejeter la demande indemnitaire formée par la SACEM ; Rejeter la demande de paiement de la rémunération équitable formée par la SPRE sur la base des chiffres fournis par la SACEM ; A titre subsidiaire, si le Tribunal retenait que des actes de contrefaçon ont été commis et devait entrer en voie de condamnation, ne condamner OGF : A l’égard de la SACEM qu’au titre :Des crémations et inhumations dont il est démontré qu’elles sont effectivement contrefaisantes ;En appliquant une somme supérieure dans de raisonnables proportions (par exemple 5 % mais qui ne sauraient en tout état de cause être supérieure à 25 %) à la somme de 2,35 ou 3,33 euros HT par cérémonie effectivement contrefaisante ;A l’égard de la SPRE que par application du barème de 65 % sur les sommes auxquelles OGF aura été effectivement condamnées ;Rejeter la demande de condamnation complémentaire de la SPRE au titre du préjudice moral et matériel distinct ; Rejeter la demande de publication ;En tout état de cause,
Condamner la SACEM et la SPRE à verser à OGF la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;Condamner la SACEM et la SPRE aux entiers dépens ».

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, la SACEM demande au tribunal, au visa des articles L.122-2, L.122-5, L.132-21, L.214-4, L.214-5, L.321-1, L.324-8 et L.331-1-2 à L.331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, de l’article L.2223-19 du code général des collectivités territoriales, de l’article 700 du code de procédure civile, des articles 3.1 et 5.3 de la directive 2001/29, de l’article 8 de la directive 2006/115 et de l’article 11 de la Convention de Berne, de :

« Débouter la société OGF de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre reconventionnel :
Condamner la société OGF à payer à la SACEM les redevances contractuellement dues pour la période antérieure au 1er avril 2019, soit la somme de 69.116,49 euros TTC sauf à parfaire ; Condamner la société OGF à payer à la SACEM à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon, au titre de la période courant du 1er avril 2019 au 31 décembre 2020 la somme sauf à parfaire de 432.000 euros ; Condamner la société OGF à communiquer à la SACEM, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, les déclarations portant sur le nombre de cérémonies d’obsèques organisées par elle, année par année, pour la période courant du 1er avril 2016 à la date du jugement à intervenir ; Ordonner à titre de réparation complémentaire, la publication dans les journaux : Le Monde, Le Figaro et Les Echos et, ce aux frais avancés par la société OGF sur simple présentation d’un devis et sans que le coût global ne puisse dépasser 20.000 euros HT par insertion du communiqué suivant : Condamnation pour contrefaçon au préjudice de la SACEM : par jugement du ….., le Tribunal Judiciaire de Paris a condamné la société OGF à verser à la SACEM des dommages et intérêts pour s’être rendue coupable du délit de contrefaçon en diffusant lors des cérémonies funéraires des œuvres musicales protégées appartenant au répertoire de la SACEM au mépris des droits de ses membres dont elle assure la gestion à titre exclusif ;
Condamner la société OGF à verser à la SACEM la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamner la société OGF aux entiers dépens ».

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2022, la SPRE demande au tribunal, au visa des articles L.122-1 à L.122-12, L.211-3, L.212-3, L.213-1, L.214-1, L.214-4, L.214-5, L.321-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de l’article 700 du code de procédure civile, de l’article 1240 du code civil, de l’article 3.1 de la directive 2001/29 et des articles 8.2 et 10 de la directive 2006/115, de :

« Au principal,
Débouter la société OGF de l’intégralité de ses demandes ; A titre reconventionnel,
Condamner la société OGF à régler à la SPRE, au titre de la rémunération équitable impayée pour la période de droits comprise entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2019, a minima dans l’attente de la production par la société OGF des déclarations de recettes sollicitées par la SACEM, la somme de 69.116, 49 x 65 % = 44.925,71 euros HT ; Condamner la société OGF à régler à la SPRE, au titre de la rémunération équitable impayée pour la période de droits comprise entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020, a minima sur la base du calcul de la redevance d’auteur effectuée par la SACEM à partir des dernières déclarations effectuées par la société OGF pour l’exercice social 2015-2016, soit 123.626,88 x 65 % = 80.357,47 euros HT ; Condamner la société OGF à régler à la SPRE, au titre de la rémunération équitable impayée pour la période de droits comprise entre le 1er avril 2020 et le 31 décembre 2020, a minima sur la base du calcul de la redevance d’auteur effectuée par la SACEM à partir des dernières déclarations effectuées par la société OGF pour l’exercice social 2015-2016, soit 92.720,16 x 65 % = 60.268, 10 euros HT ; Condamner la société OGF à régler à la SPRE la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ; Condamner la société OGF à régler à la SPRE la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ; Condamner la société OGF aux entiers dépens, dont soustraction au profit de Maître Sophie BARA, SELARL OX ».

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes en nullité des contrats généraux de représentation et de restitution des sommes versées à la SACEM et à la SPRE

Moyens des parties

La société OGF soutient, à titre principal, que « la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques » ne constitue pas une communication au public au sens de l’article 3.1 de la directive n°2001/29 du 22 mai 2001 tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après CJUE) dans son arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League, C-403/08 et C-429/08, et, à titre subsidiaire, que l’exception de représentation dans le cercle de famille de l’article L. 122-5, 1° du code de la propriété intellectuelle s’applique, de sorte que cette diffusion n’était pas soumise à une autorisation préalable des titulaires des droits d’auteur et des droits voisins et, partant, ne donnait pas lieu à une licence légale et à la perception d’une rémunération au profit des auteurs ou des titulaires des droits voisins.

Elle conclut, à titre principal, que le contrat général de représentation du 4 octobre 2006 est en conséquence nul pour vice du consentement, en particulier pour erreur, dès lors qu’elle a contracté en vue d’obtenir l’autorisation de la SACEM qui n’était pas nécessaire.

Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que les contrats généraux de représentation des 1er avril 2015 et 1er avril 2016, antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, sont nuls pour absence d’objet et que les contrats généraux de représentation des 1er avril 2017, 1er avril 2018 et 1er avril 2019, postérieurs à ladite ordonnance, sont nuls pour contenu incertain de l’obligation de paiement des redevances à la SACEM dès lors que la diffusion de phonogrammes est licite même sans autorisation préalable.

Elle soutient, à titre infiniment subsidiaire, que les contrats généraux de représentation des 1er avril 2015 et 1er avril 2016, antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, sont nuls pour absence de cause et que les contrats généraux de représentation des 1er avril 2017, 1er avril 2018 et 1er avril 2019, postérieurs à ladite ordonnance, sont nuls pour contrepartie illusoire de l’obligation de paiement des redevances à la SACEM dès lors que son autorisation n’était pas nécessaire.

Elle expose que les sommes qu’elle a versées à la SACEM et à la SPRE doivent alors lui être restituées dès lors que les contrats généraux de représentation dont s’agit sont nuls et qu’au demeurant aucune autorisation préalable des titulaires des droits d’auteurs et droits voisins n’était nécessaire pour diffuser des phonogrammes lors d’obsèques.

La SACEM répond que la diffusion de phonogrammes par la société OGF lors des cérémonies d’obsèques civiles qu’elle organise constitue une communication de ces œuvres au public qui ne relève pas du droit de l’Union dès lors qu’elle est réalisée en présence du public et non à distance. Elle fait valoir que cette communication au public relève exclusivement du droit interne et met en jeu le droit de représentation défini à l’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, sans que la société OGF puisse se prévaloir de l’exception dite du cercle de famille prévue à l’article L. 122-5, 1° du même code, de sorte que les demandes de la société OGF sont mal fondées.

La SPRE soutient que la société OGF, qui diffuse des phonogrammes dans les lieux publics dédiés aux funérailles civiles qu’elle organise, réalise des actes de communication directe au public et n’est pas fondée à se prévaloir de l’exception de cercle de famille, de sorte qu’elle est assujettie au paiement de la rémunération équitable due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes.

Réponse du tribunal

Aux termes de l’article 1108 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention :
Le consentement de la partie qui s’oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
Une cause licite dans l’obligation.

Selon l’article 1109 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

L’article 1110 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, dispose que l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

L’article 1126 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, énonce que tout contrat a pour objet une chose qu’une partie s’oblige à donner, ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire.

Selon l’article 1131 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Aux termes de l’article 1128 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, sont nécessaires à la validité d’un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain.

L’article 1163 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, dispose que l’obligation a pour objet une prestation présente ou future.
Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable.
La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire.

Selon l’article 1169 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus postérieurement au 1er octobre 2016, un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.

L’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle énonce que la représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, et notamment :
1° Par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée ;
2° Par télédiffusion.
La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature.
Est assimilée à une représentation l’émission d’une œuvre vers un satellite.

L’article L. 122-4 du même code dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

Aux termes de l’article L. 122-5, 1° dudit code, lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille.

Selon l’article L. 132-18 du code de la propriété intellectuelle, le contrat de représentation est celui par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit et ses ayants droit autorisent une personne physique ou morale à représenter ladite œuvre à des conditions qu’ils déterminent. Est dit contrat général de représentation le contrat par lequel un organisme professionnel d’auteurs confère à un entrepreneur de spectacles ou à tout autre utilisateur la faculté de représenter, pendant la durée du contrat, les œuvres actuelles ou futures, constituant le répertoire dudit organisme aux conditions déterminées par l’auteur ou ses ayants droit.
Dans le cas prévu à l’alinéa précédent, il peut être dérogé aux dispositions de l’article L. 131-1.

L’article 3.1 de la directive n°2001/29 du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, dispose que « les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement ».

La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit qu’ « il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, que la notion de ‘‘communication au public’’ associe deux éléments cumulatifs, à savoir un ‘‘acte de communication’’ d’une œuvre et la communication de cette dernière à un ‘‘public’’ » (CJUE, 16 mars 2017, AKM, C 138/16, point 22 ; 14 juin 2017, Stichting Brein, C 610/15, point 24 ; 7 août 2018, C 161/17, point 19).

La Cour de justice a également dit pour droit que « la notion de ‘‘communication au public’’, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre la transmission des œuvres radiodiffusées, au moyen d’un écran de télévision et de haut-parleurs, aux clients présents dans un café-restaurant » (CJUE, 4 octobre 2011, Football Association Premier League, C-403/08 et C-429/08).

Dans cet arrêt du 4 octobre 2011 Football Association Premier League invoqué par la société OGF, la Cour de justice souligne : « Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la directive sur le droit d’auteur a pour objectif principal d’instaurer un niveau élevé de protection en faveur des auteurs, permettant à ceux-ci d’obtenir une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs œuvres, notamment à l’occasion d’une communication au public. Il s’ensuit que la notion de communication au public doit être entendue au sens large, ainsi que l’énonce d’ailleurs explicitement le vingt-troisième considérant de cette directive (arrêt SGAE, précité, point 36) ».

Pour mémoire, le considérant 23 de ladite directive énonce que « la présente directive doit harmoniser davantage le droit d’auteur de communication au public. Ce droit doit s’entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d’origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte ».

Outre qu’elle n’explique pas en quoi la diffusion par elle de phonogrammes lors d’obsèques ne relèverait pas de l’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, la société OGF invoque de façon inopérante l’article 3.1 de la directive n°2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, tel qu’interprété par la Cour de justice dans l’arrêt Football Association Premier League du 4 octobre 2011, dès lors que la diffusion par elle de phonogrammes lors d’obsèques est réalisée au public présent sur le lieu de la communication et non à distance.

Contrairement à ce qu’affirme la société OGF, la diffusion par elle de phonogrammes lors d’obsèques en présence sur place des proches du défunt constitue une communication au public, et partant, une représentation des œuvres au sens de l’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, de sorte que l’autorisation préalable des titulaires des droits est requise en application de l’article L. 122-4 du même code.

Par ailleurs, à la différence des parents et amis du défunt qui, considérés comme formant un cercle de famille, diffusent gratuitement des phonogrammes par leurs propres moyens de sonorisation lors des obsèques, la société OGF n’est pas fondée à se prévaloir, pour elle-même, de l’exception de représentation privée et gratuite dans le cercle de famille de l’article L. 122-5, 1° du code de la propriété intellectuelle pour être dispensée de cette autorisation préalable dès lors que la diffusion de phonogrammes lors des obsèques est réalisée en exécution d’un contrat qui a un but lucratif. A cet égard, la société OGF indique elle-même dans ses écritures : « ce n’est ainsi pas un service complémentaire payant. La diffusion ou non de musique n’entraine pas de majoration ou diminution des frais liés aux obsèques » (page 17 de ses conclusions). Il s’ensuit que la diffusion par elle de phonogrammes est comprise dans le prix. Or, les caractères privé et gratuit de la représentation doivent être cumulativement réunis pour que l’exception de représentation dans le cercle de famille trouve à s’appliquer, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la gratuité faisant défaut.

Au regard de tout ce qui précède, l’autorisation préalable des titulaires des droits étant nécessaire pour la diffusion par elle de phonogrammes lors d’obsèques, la société OGF n’est pas fondée à invoquer un vice du consentement tiré de l’erreur. Sa demande principale en nullité du contrat de représentation générale du 4 octobre 2006 pour ce motif sera en conséquence rejetée.

Ce même moyen, inopérant, tiré de ce que la diffusion par elle de phonogrammes lors d’obsèques n’est pas soumise à l’autorisation préalable des titulaires des droits étant pareillement invoqué au soutien de sa demande subsidiaire en nullité des contrats généraux de représentation conclus les cinq dernières années pour l’absence d’objet ou de contenu certain de l’obligation de paiement des redevances à la SACEM, et de sa demande infiniment subsidiaire en nullité de ces mêmes contrats pour l’absence de cause ou contrepartie illusoire de l’obligation de paiement des redevances à la SACEM, l’ensemble de ces demandes seront également rejetées.

La société OGF étant déboutée de l’ensemble de ses demandes en nullité des contrats généraux de représentation conclus avec la SACEM, et le moyen tiré de l’absence d’autorisation nécessaire des titulaires de droits pour la diffusion par elle de phonogrammes lors d’obsèques étant inopérant, ses demandes de restitution des sommes versées à la SACEM et à la SPRE seront corrélativement rejetées.

Sur les demandes reconventionnelles de la SACEM

Moyens des parties

La SACEM soutient que la résiliation du contrat général de représentation du 4 octobre 2006, reconduit tacitement le 1er avril 2019, par courrier recommandé de la société OGF du 19 novembre 2019 a pris effet rétroactivement à compter du 1er avril 2019. Elle expose que la société OGF a cessé de procéder aux déclarations contractuelles des cérémonies d’obsèques en dépit des nombreuses relances qu’elle lui a adressées et qu’en raison de ce manquement contractuel de la société OGF elle a été contrainte de procéder à une évaluation provisionnelle des redevances dues sur la base des déclarations antérieures et lui a adressé les factures correspondantes pour lesquelles la société OGF n’a effectué que des règlements partiels et tardifs. Elle explique que la facture du 24 novembre 2017 émise pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 et les pénalités de retard relatives aux factures émises entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2019, d’un montant total de 69.116,49 euros TTC, n’ont pas été réglées. Outre le paiement de cette somme, la SACEM sollicite également la communication par la société OGF des déclarations sur le nombre de cérémonies d’obsèques organisées par elle, année par année, au titre des exercices contractuels 2016/2017, 2017/2018 et 2018/2019 en application de l’article 3 des conditions générales du contrat général de représentation.

La SACEM conclut ensuite que l’exploitation sans autorisation des œuvres musicales de son répertoire pour la période du 1er avril 2019 au 31 décembre 2020 constitue une contrefaçon de droits d’auteur dont elle sollicite la réparation par l’allocation d’une somme forfaitaire de 432.000 euros en application de l’alinéa 2 de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, outre la communication, au titre du droit d’information, du nombre de cérémonies d’obsèques intervenues depuis la résiliation du contrat général de représentation et la publication du jugement à intervenir.

La société OGF répond que la résiliation du contrat général de représentation a pris effet à la date de son courrier de résiliation du 19 novembre 2019 en application de l’article 2 des conditions générales dudit contrat dès lors qu’elle fait suite à son refus des nouvelles conditions tarifaires adressées par la SACEM par courriel du 5 novembre 2019 et qu’il n’y a aucune raison de faire rétroagir la résiliation du contrat au 1er avril 2019. S’agissant des sommes sollicitées par la SACEM, la société OGF fait valoir que :
– elle ne peut être condamnée qu’à la somme de 69.116,49 euros TTC selon factures de la SACEM pour la période contractuelle du 1er avril 2016 au 31 mars 2019 ;
– la période du 1er avril 2019 au 19 novembre 2019 constitue également une période contractuelle, de sorte que la demande formée au titre de la contrefaçon de droits d’auteur doit être écartée et que sa condamnation doit être fixée en appliquant le tarif contractuel de 2,35 euros HT par cérémonie ;
– la demande indemnitaire de la SACEM doit être rejetée pour la période postérieure à la résiliation du contrat général de représentation, soit à compter du 20 novembre 2019, dès lors que cette dernière ne démontre pas les actes de contrefaçon de droits d’auteur qu’elle allègue, et que dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait la commission d’actes de contrefaçon et entrerait en voie de condamnation, celle-ci doit être limitée aux seules crémations et inhumations contrefaisantes en appliquant une somme supérieure à 2,35 euros HT par cérémonie dans de raisonnables proportions, par exemple 5 % mais qui ne saurait être supérieure à 25%, ou 3,33 euros HT par cérémonie contrefaisante.
Elle ajoute que la demande de publication sollicitée par la SACEM est disproportionnée, qu’elle n’est pas nécessaire et aurait au contraire des conséquences excessives sur sa réputation à l’égard de la clientèle et du grand public.

Réponse du tribunal

Sur le paiement des redevances contractuelles

Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

L’article 1353 du même code dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, l’article 2 des conditions générales du contrat général de représentation stipule : « La SACEM s’engage à informer le contractant du montant des redevances qui résulteront :
– d’une part, de la révision des conditions susceptibles de découler de la reconduction du contrat pour une nouvelle période annuelle,
– d’autre part, de la modification des modalités d’exploitation et/ou du mode de diffusion des œuvres musicales en cours de période annuelle.
En cas de refus des propositions qui lui sont faites, le contractant doit en informer la SACEM par lettre recommandée, dans un délai de 15 jours à compter de leur réception et, en conséquence, cesser les auditions musicales d’œuvres couvertes par le présent contrat qui cessera de produire effet de plein droit du simple fait du refus du contractant. Si le contractant ne notifie pas son refus à la SACEM dans le délai susmentionné, les nouvelles conditions du contrat seront applicables de plein droit à compter de la date de notification des modalités d’exploitation et/ou du mode de diffusion des œuvres musicales » (pièce OGF n°5).

Par courrier recommandé du 19 novembre 2019, la société OGF a refusé les conditions tarifaires proposées par la SACEM par courriel du 5 novembre 2019 (ses pièces n°6 et 7).

Contrairement à ce qu’affirme la SACEM sans exposé argumentaire, la résiliation du contrat général de représentation, reconduit tacitement le 1er avril 2019, a pris effet à la date du courrier de refus de la société OFG le 19 novembre 2019 en application de l’article 2 des conditions générales du contrat, et non rétroactivement à la date de la reconduction annuelle du contrat le 1er avril 2019.

La SACEM justifie de sa créance de 69.116,49 euros, correspondant à la facture du 24 novembre 2017 de 62.071,29 euros TTC restée impayée et aux pénalités de retard pour les factures émises du 1er avril 2016 au 31 mars 2019, par les stipulations du contrat général de représentation (ses pièces n°30, 34, 41 et 42 ; pièce OGF n°8). La société OGF, qui ne conteste pas le montant de la créance, ne démontre pas avoir exécuté ses obligations contractuelles de paiement et de déclaration. En conséquence, la société OGF sera condamnée à payer à la SACEM la somme de 69.116,49 euros au titre des redevances contractuelles. Il sera fait droit à la demande de communication selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Sur la contrefaçon de droits d’auteur

Aux termes de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.

L’article L. 331-1-3 du même code dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

L’article L. 331-1-4 dudit code prévoit qu’en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte aux droits.

Selon l’article L. 331-1-2 du même code, si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue livre Ier , II et III de la première partie peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d’informations peut être ordonnée s’il n’existe pas d’empêchement légitime.

Il résulte de l’article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle que la juridiction saisie au fond d’une action en contrefaçon peut, au terme d’une procédure contradictoire, ordonner au défendeur de produire des informations et éléments, de nature commerciale ou comptable, susceptibles de permettre au titulaire du droit d’auteur, qui a rapporté par ailleurs la preuve de la contrefaçon alléguée, de déterminer l’origine et l’étendue de la contrefaçon et de parfaire ses demandes (en ce sens, Cass. com., 8 octobre 2013, n°12-23.349 rendu en matière de dessins et modèles au visa l’article L. 521-5 du code de la propriété intellectuelle).

En application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 5 novembre 2020 par un agent assermenté de la SACEM qu’au cours d’une cérémonie d’obsèques organisée par la société OGF au crématorium du[7]e, à laquelle participaient 40 personnes, des haut-parleurs diffusaient une œuvre musicale de [I] [N] pendant l’installation du public, que des musiciens ont interprété quatre œuvres musicales au piano et à la guitare pendant la cérémonie elle-même et que des extraits d’œuvres musicales ont été diffusées pour accompagner la projection de photos du défunt à la fin de la cérémonie (pièce SACEM n°52). Neuf œuvres musicales diffusées appartiennent au répertoire de la SACEM (sa pièce n°55).

Or, la diffusion par la société OGF d’œuvres musicales lors d’obsèques, sans autorisation préalable des titulaires des droits postérieurement à la résiliation du contrat général de représentation le 19 novembre 2019, constitue une représentation non autorisée de ces œuvres et, partant, une contrefaçon de droits d’auteur.

Au soutien de sa demande d’allocation d’une somme forfaitaire en vertu de l’alinéa 2 de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, la SACEM, qui fait valoir son droit d’information, effectue une évaluation du nombre de cérémonies d’obsèques organisées par la société OGF à partir de ses déclarations sur la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016. La société OGF, qui se borne à contester ce chiffrage en ce qu’il serait surévalué et à verser un tableau intitulé « activité crématoriums 2013 » (sa pièce n°23), s’est abstenue de produire ses propres chiffres aux débats.

Au regard de tout ce qui précède, la société OGF sera condamnée à payer à la SACEM la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts. Il sera fait droit à la demande de communication selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. En revanche, le préjudice étant entièrement réparé par l’indemnité pécuniaire, la demande de publication apparait disproportionnée et sera dès lors rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de la SPRE

Moyens des parties

La SPRE soutient que la société OGF, qui diffuse des phonogrammes dans les lieux publics dédiés aux funérailles civiles qu’elle organise, est assujettie à la rémunération équitable égale à 65% du droit d’auteur, calculée comme suit :
– la somme de 44.925,71 euros HT correspondant à 65 % de la redevance d’auteur de 69.116,49 euros due selon factures de la SACEM pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2019 ;
– la somme de 80.357,47 euros HT correspondant à 65 % de la redevance d’auteur de 123.626,88 euros calculée par la SACEM pour la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 à partir des dernières déclarations effectuées par la société OGF pour l’exercice 2015/2016 ;
– la somme de 60.268,10 euros HT correspondant à 65 % de la redevance d’auteur de 92.720,16 euros calculée par la SACEM pour la période du 1er avril 2020 au 31 décembre 2020 à partir des dernières déclarations effectuées par la société OGF pour l’exercice 2015/2016.
Elle ajoute avoir subi un préjudice moral et un préjudice matériel correspondant au montant des coûts précontentieux et contentieux internes, en particulier les salaires du service contentieux, le loyer des bureaux affectés au service contentieux ainsi que les contrats de surveillance ALTARES-BIL et Infogreffe.

La société OGF fait valoir que sa condamnation en paiement à l’égard de la SPRE au titre de la rémunération équitable doit être :
– limitée à la somme de 36.315,40 euros HT pour la période contractuelle du 1er avril 2016 au 31 mars 2019 dès lors que le barème de 65 % ne s’applique que sur le montant HT de la facture de la SACEM du 24 novembre 2017 émise pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, et non sur la TVA et les pénalités de retard à l’égard de la SACEM ;
– fixée en appliquant le tarif contractuel de 2,35 euros HT par cérémonie pour la période du 1er avril 2019 au 19 novembre 2019 dès lors qu’il s’agit également d’une période contractuelle, de sorte qu’il incombe à la SPRE de recalculer la rémunération équitable due et à défaut de la débouter de sa demande ;
– fixée en appliquant le barème de 65% sur les sommes auxquelles elle aura été condamnée à l’égard de la SACEM pour la période postérieure à la résiliation du contrat général de représentation, soit à compter du 20 novembre 2019.
Elle ajoute que la SPRE n’a subi aucun préjudice moral et ne justifie pas d’un préjudice matériel dès lors que le taux de 65% à l’égard de la SPRE, qui s’applique aux sommes auxquelles elle aura le cas échéant été condamnée à l’égard de la SACEM, constitue déjà une somme supérieure au « montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte » au sens de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle.

Réponse du tribunal

Sur la rémunération équitable

Aux termes de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, « Lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer :
1° A sa communication directe dans un lieu public, dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle;
2° A sa radiodiffusion et à sa câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi qu’à sa reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d’entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.
Dans tous les autres cas, il incombe aux producteurs desdits programmes de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins prévu aux articles L. 212-3 et L. 213-1.
Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce, quel que soit le lieu de fixation de ces phonogrammes, ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs.
Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1°, 2° et 3° du présent article.
Elle est assise sur les recettes de l’exploitation ou, à défaut, évaluée forfaitairement dans les cas prévus à l’article L. 131-4.
Elle est répartie par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes.
3° A sa communication au public par un service de radio, au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à l’exclusion des services de radio dont le programme principal est dédié majoritairement à un artiste-interprète, à un même auteur, à un même compositeur ou est issu d’un même phonogramme.
Dans tous les autres cas, il incombe aux services de communication au public en ligne de se conformer au droit exclusif des titulaires de droits voisins dans les conditions prévues aux articles L. 212-3, L. 213-1 et L. 213-2. Il en va ainsi des services ayant mis en place des fonctionnalités permettant à un utilisateur d’influencer le contenu du programme ou la séquence de sa communication ».

Selon l’article L. 214-4 du même code, « à défaut d’accord intervenu avant le 30 juin 1986, ou si aucun accord n’est intervenu à l’expiration du précédent accord, le barème de rémunération et des modalités de versement de la rémunération sont arrêtés par une commission présidée par un représentant de l’Etat et composée, en nombre égal, d’une part, de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, d’autre part, de membres désignés par les organisations représentant les personnes qui, dans la branche d’activité concernée, utilisent les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 214-1.
Les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture.
La commission se détermine à la majorité de ses membres présents. En cas de partage des voix, le président a voix prépondérante.
Les délibérations de la commission sont exécutoires si, dans un délai d’un mois, son président n’a pas demandé une seconde délibération.
Les décisions de la commission sont publiées au Journal officiel de la République française ».

En l’espèce, la société OGF ne conteste pas l’application du barème de 65 % prévu par l’article 6 de la décision du 5 janvier 2010 de la commission prévue par l’article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, invoquée par la SPRE.

Toutefois, comme le relève à juste titre la société OGF, le calcul effectué par la SPRE est erroné en ce qu’il inclut la TVA et les pénalités de retard versées à la SACEM. Au vu de la facture du 24 novembre 2017 émise par la SACEM pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, le taux de 65 % s’applique sur la somme de 55.869,34 euros (pièce OGF n°8).

En revanche, les autres sommes alléguées par la SPRE pour la période du 1er avril 2019 au 31 décembre 2020 ne sont étayées ni par les pièces qu’elle produit ni par les pièces versées par les autres parties. Il s’ensuit que ces sommes ne sont pas établies.

Par ailleurs, ledit barème ne peut s’appliquer à la somme allouée à la SACEM postérieurement à la résiliation du contrat général de représentation le 19 novembre 2019, cette somme étant des dommages et intérêts pour contrefaçon de droits d’auteur.

Au regard de tout ce qui précède, la société OGF sera condamnée à verser à la SPRE la somme de 36.315,40 euros au titre de la rémunération équitable.

Sur les préjudices matériel et moral

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Outre le caractère inopérant des dispositions de l’alinéa 2 de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle invoquées par la société OGF au soutien de l’absence de préjudice matériel subi par la SPRE, laquelle ne sollicite pas une somme forfaitaire fondée sur la contrefaçon de droit d’auteur mais une indemnisation sur le fondement de l’article 1240 du code civil, force est de constater que la SPRE, qui procède par voie d’affirmation lapidaire dans ses écritures tandis que la charge de la preuve lui incombe, ne caractérise aucune faute de la société OGF, ne justifie pas du préjudice matériel qu’elle allègue et n’explicite pas le préjudice moral prétendument subi. Sa demande indemnitaire ne peut dès lors qu’être rejetée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

L’article 699 du même code dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

La société OGF, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Sophie BARA, SELARL OX, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, l’équité commande de condamner la société OGF à payer à la SACEM et à la SPRE la somme de 5.000 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n’y a pas lieu d’y déroger.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DEBOUTE la société OGF de sa demande principale en nullité du contrat général de représentation du 4 octobre 2006 pour erreur ;

DEBOUTE la société OGF de sa demande subsidiaire en nullité des contrats généraux de représentation des 1er avril 2015 et 1er avril 2016 pour absence d’objet et en nullité des contrats généraux de représentation des 1er avril 2017, 1er avril 2018 et 1er avril 2019 pour contenu incertain ;

DEBOUTE la société OGF de sa demande infiniment subsidiaire en nullité des contrats généraux de représentation des 1er avril 2015 et 1er avril 2016 pour absence de cause et en nullité des contrats généraux de représentation des 1er avril 2017, 1er avril 2018 et 1er avril 2019 pour contrepartie illusoire ;

DEBOUTE la société OGF de sa demande tendant à voir « ordonner à la SACEM et la SPRE l’émission des avoirs correspondant aux factures émises de façon irrégulière » ;

DEBOUTE la société OGF de sa demande tendant à voir « ordonner la restitution par la SACEM des redevances versées par OGF en application des contrats généraux de représentation des dernières années annulés, soit la somme de 212.099,26 euros » ;

DEBOUTE la société OGF de sa demande tendant à voir « ordonner la restitution par la SPRE des sommes indûment payées par OGF soit la somme de 186.841,73 euros » ;

CONDAMNE la société OGF à payer à la SACEM la somme de 69.116,49 euros au titre des redevances contractuelles ;

CONDAMNE la société OGF à payer à la SACEM la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon de droits d’auteur ;

ENJOINT à la société OGF de communiquer à la SACEM une attestation de son expert-comptable, qui ne pourra se contenter de ses déclarations, mentionnant année par année le nombre de cérémonies d’obsèques organisées par elle depuis le 1er avril 2016, et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification de la présente décision, puis sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ;

DEBOUTE la SACEM de sa demande de publication ;

CONDAMNE la société OGF à verser à la SPRE la somme de 36.315,40 euros au titre de la rémunération équitable ;

DEBOUTE la SPRE de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la société OGF aux dépens dont distraction au profit de Maître Sophie BARA, SELARL OX, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société OGF à payer à la SACEM la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société OGF à payer à la SPRE la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 31 janvier 2024

La greffièreLe président

 


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