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23 juin 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
20/02222
JMA/LD
ARRET N° 429
N° RG 20/02222
N° Portalis DBV5-V-B7E-GC5U
[E]
C/
S.A.R.L. STILZ CHIMIE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 23 JUIN 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 septembre 2020 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS
APPELANT :
Monsieur [K] [E]
né le 23 Mars 1960 à [Localité 3] (86)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant pour avocat plaidant Me Malika MENARD, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
S.A.R.L. STILZ CHIMIE
N° SIRET : 732 070 222
[Adresse 4]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Anne-Sophie DE BRIER, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Stilz Chimie est spécialisée dans la fabrication de peintures, vernis, encres et mastics principalement destinés au travail du cuir.
Elle a embauché M. [K] [E], suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 7 novembre 1991, en qualité de coloriste.
Le 4 juillet 2018, la société Stilz Chimie a infligé à M. [K] [E] un premier avertissement.
Le 31 octobre 2018, la société Stilz Chimie a infligé à M. [K] [E] un second avertissement.
Le 7 novembre 2018 , la société Stilz Chimie a convoqué M. [K] [E] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien devait avoir lieu le 16 novembre 2018 mais M. [K] [E] ne s’y est pas présenté.
Le 21 novembre 2018, la société Stilz Chimie a notifié à M. [K] [E] son licenciement pour faute grave.
Le 28 mars 2019, M. [K] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins, en l’état de ses dernières prétentions, de voir :
– annuler 2 sanctions ;
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société Stilz Chimie à lui payer les sommes suivantes :
– 79 565,70 euros ‘bruts’ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 5 304,38 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 530,43 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– 21 659,52 euros ‘bruts’ à titre d’indemnité de licenciement ;
– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner à la société Stilz Chimie de lui remettre un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés en incluant la période de préavis, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
– condamner la société Stilz Chimie aux entiers dépens.
Par jugement en date du 23 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Poitiers a :
– débouté M. [K] [E] de ses demandes d’annulation de sanctions ;
– dit que le licenciement M. [K] [E] était fondé sur une faute grave ;
– débouté M. [K] [E] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– débouté M. [K] [E] de ses demandes suivantes :
– à titre d’indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés y afférents ;
– à titre d’indemnité de licenciement ;
– dit n’y avoir lieu à remise des documents de fin de contrat ;
– débouté M. [K] [E] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [K] [E] à payer à la société Stilz Chimie la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le 13 octobre 2020, M. [K] [E] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :
– l’avait débouté de ses demandes d’annulation de sanctions ;
– avait dit que son licenciement était fondé sur une faute grave ;
– l’avait débouté de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– l’avait débouté de ses demandes suivantes :
– à titre d’indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés y afférents ;
– à titre d’indemnité de licenciement ;
– en rectification des documents de fin de contrat ;
– l’avait débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– l’avait condamné à payer à la société Stilz Chimie la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions reçues au greffe le 13 janvier 2021, M. [K] [E] demande à la cour :
– de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
– et, statuant à nouveau :
– de juger qu’il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire abusive et d’en prononcer l’annulation ;
– de juger qu’il a fait l’objet d’un licenciement abusif ;
– de dire qu’il n’y a lieu de faire application du barème de l’article L 1235-3 du Code du travail ;
– de condamner la société Stilz Chimie à lui payer les sommes suivantes :
– 79 565,70 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif ;
– 5 304,38 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 530,43 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
– 21 659,52 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– d’ordonner à la société Stilz Chimie de lui remettre un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés en incluant la période de préavis, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
– de condamner la société Stilz Chimie à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 26 mars 2021, la société Stilz Chimie sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, déboute M. [K] [E] de l’ensemble de ses demandes, et condamne ce dernier à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 14 mars 2022 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 11 avril 2022 à 14 heures pour y être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
– Sur la demande en annulation d’avertissements formée par M. [K] [E] :
Au soutien de son appel, M. [K] [E] expose en substance :
– que la société Stilz Chimie lui a infligé un premier avertissement le 4 juillet 2018 au motif énoncé d’un comportement inadapté et de son refus de tenir son entretien individuel ;
– qu’il a indiqué contester cette sanction et l’employeur n’en a nullement justifié le bien fondé ;
– que son entretien annuel de 2018 s’est bien tenu et qu’aucun autre entretien ne devait être tenu au titre de cette année ;
– que la société Stilz Chimie lui a infligé un second avertissement le 31 octobre 2018 au motif énoncé qu’il aurait attrapé violemment par son tee-shirt son collègue, M. [N] [I] ;
– qu’il conteste les faits reprochés ;
– que les témoignages produits par la société Stilz Chimie sont divergents et ne suffisent donc pas à démontrer la réalité des faits reprochés.
En réponse, la société Stilz Chimie objecte pour l’essentiel :
– que l’avertissement infligé à M. [K] [E] le 4 juillet 2018 est justifié en raison de l’insubordination dont celui-ci a fait montre en refusant de participer à un entretien professionnel, ce que le salarié admet dans ses écritures ;
– que l’avertissement infligé à M. [K] [E] le 31 octobre 2018 est également justifié en raison des violences que ce dernier a exercées à l’encontre d’un de ses collègues.
L’article L 1333-1 alinéa 1er du Code du travail énonce : ‘En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction’.
Cet article dispose in fine : ‘Si un doute subsiste, il profite au salarié’.
L’article L 1333-2 du même code prévoit que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l’espèce et concernant l’avertissement infligé à M. [K] [E] le 4 juillet 2018, cette sanction a été prononcée au motif qu’à deux reprises ce dernier avait refusé de se prêter aux formalités d’entretien professionnel.
Dans le but d’établir la réalité du comportement fautif au motif duquel elle avait prononcé ce premier avertissement à l’encontre de M. [K] [E], la société Stilz Chimie verse aux débats, outre la lettre de notification de cette sanction, sa pièce n° 12.
Il s’agit d’une attestation établie par Mme [L] [D], responsable des ressources humaines dans l’entreprise, qui y déclare en substance qu’elle s’était rendue ‘sur site en novembre 2017 pour réaliser les entretiens professionnels’ et que ‘M. [K] [E] avait refusé de faire l’entretien’, puis plus avant : ‘nous avons dû passer le reste de l’entretien à le calmer’, puis plus avant encore : ‘Je suis revenue pour finaliser les entretiens. M. [K] [E] a de nouveau refusé de faire l’entretien. Je suis allée le voir dans l’atelier pour comprendre et lui expliquer que c’était obligatoire. Il m’a répondu que cela ne servait à rien, que nous étions des politiques. Il est quand même venu me voir ensuite dans mon bureau et, avant de démarrer l’entretien, je lui ai dit que je n’appréciais pas ses réflexions déplacées et critiques devant l’ensemble de ses collègues. Il s’est alors levé et est sorti du bureau en claquant la porte. Lors de mes visites suivantes il ne me parlait plus…..’.
Cette pièce rend compte de manière claire, précise et détaillée du refus réitéré de M. [K] [E] de se prêter à l’entretien professionnel organisé par le service des ressources humaines de l’entreprise.
La pièce de l’employeur n° 5 dont fait état M. [K] [E] ne se rapporte pas à l’entretien professionnel dont la loi précise notamment qu’il ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié mais est relative à un entretien annuel d’appréciation.
Par ailleurs la pièce n° 18 à laquelle M. [K] [E] se réfère page 3 de ses écritures n’existe pas, étant précisé que ce dernier n’a produit que 17 pièces.
Aussi la cour considère que les éléments produits par les parties suffisent à établir le bien fondé de l’avertissement infligé à M. [K] [E] le 4 juillet 2018.
S’agissant de l’avertissement infligé à M. [K] [E] le 31 octobre 2018, il a été prononcé par la société Stilz Chimie au motif énoncé que ce dernier ‘devant d’autres salariés’, avait attrapé violemment son collègue, M. [N] [I], par son tee-shirt car il avait décidé que ce collègue devait revenir travailler immédiatement pour le service maroquinerie, ce sans prendre en compte qu’il finissait sa tâche. Le rédacteur de la lettre de notification de cet avertissement ajoutait : ‘Le fait que vous vous en preniez physiquement à vos collègues est inacceptable’.
La réalité de la faute au motif de laquelle la société Stilz Chimie a infligé à M. [K] [E] cet avertissement est parfaitement établie par les pièces n° 13 (attestation de M. [N] [I]) et 14 (attestation de M. [Z] [R]-ancien collègue de M. [K] [E] au sein de l’entreprise) versées aux débats par la société Stilz Chimie. La cour observe en particulier que dans la dernière de ces deux attestations son rédacteur indique qu’il a été témoin de l’altercation entre M. [K] [E] et M. [I] puis : ‘M. [K] [E] s’est montré tout d’abord agressif verbalement avec M. [I], le menaçant ….de le foutre dehors à grands coups de pied dans le cul s’il le revoyait de nouveau de son côté de l’atelier……Ne voyant aucune réaction de la part de M. [I], M. [K] [E] s’est précipité sur lui en le bousculant violemment……’, puis plus avant encore : ‘Suite à cela un collègue s’est interposé pour mettre fin à l’altercation’.
Ces deux pièces suffisent à établir, sans aucun doute possible, la réalité et le sérieux du grief au motif duquel la société Stilz Chimie a infligé à M. [K] [E] l’avertissement du 31 octobre 2018.
En conséquence de quoi, la cour déboute M. [K] [E] de ses demandes d’annulation de ces deux sanctions disciplinaires.
– Sur les demandes formées par M. [K] [E] au titre du licenciement :
Au soutien de son appel, M. [K] [E] expose en substance :
– que selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, à défaut de faits nouveaux, des faits déjà sanctionnés ne peuvent faire l’objet d’une seconde sanction car l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire ;
– qu’il n’a pas été licencié pour avoir agressé M. [I] le 30 octobre 2018, les faits ayant déjà été sanctionnés par l’avertissement du 31 octobre 2018 ;
– que par l’avertissement que la société Stilz Chimie lui a infligé le 31 octobre 2018, celle-ci a vidé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait donc se prévaloir pour le licencier que de faits commis postérieurement à cette date ;
– que pourtant à la suite de cet avertissement il a été placé en arrêt maladie ;
– qu’il ne peut lui être reproché la disparition d’un carnet de formules contenant notamment le nuancier de l’entreprise puisque d’une part ce carnet de formules était un outil de travail qui lui appartenait et sur lequel il inscrivait l’ensemble des formules qu’il réalisait et d’autre part le nuancier et l’ensemble des formules étaient contenus dans l’ordinateur de l’entreprise ;
– que ce carnet n’était donc pas un document de l’entreprise ;
– qu’en tout état de cause il n’a jamais sorti ce document de l’entreprise mais l’a posé sur son casier lorsqu’il est parti en arrêt maladie ainsi que cela ressort au demeurant de la lettre de licenciement ;
– qu’il produit des attestations de collègues qui rendent compte de ses compétences et de ce qu’ils n’ont jamais connu de difficultés avec lui ;
– qu’il peut donc prétendre au paiement des indemnités de rupture et celle qui lui est due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être limitée par les dispositions de l’article L 1235-3 du Code du travail, cet article étant inconventionnel au regard des dispositions l’article 24 de la Charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de la convention n°158 de l’OIT.
En réponse, la société Stilz Chimie objecte pour l’essentiel :
– qu’il doit être rappelé que le produit du travail des salariés dans le cadre de leurs missions, tel les créations, formules, procédés, est la propriété de l’entreprise et que la subtilisation de ces données est constitutive d’un abus de confiance ou d’un vol ;
– qu’à la suite des faits du 30 octobre 2018 pour lesquels elle a infligé un avertissement à M. [K] [E], ce dernier avait menacé qu’en cas de sanction disciplinaire il prendrait des mesures de rétorsion et notamment qu’il emporterait avec lui le cahier du nuancier sur lequel étaient inscrites les formules en cours de développement pour le catalogue 2019 ;
– que M. [K] [E] a mis ses menaces à exécution puisque, après avoir reçu son avertissement le 5 novembre 2018, il ne s’est pas rendu au travail le lendemain et a pris le soin de faire disparaître le cahier des formules du ‘nuancier 2019′ comme cela ressort des témoignages qu’elle verse aux débats ;
– que le cahier des formules était bien la propriété de l’entreprise et qu’en tout état de cause elle avait la propriété pleine et entière des formules qui étaient inscrites dans ce cahier, ce qui interdisait à M. [K] [E] de le dissimuler ;
– que M. [K] [E] connaissait l’importance capitale de ce cahier pour l’entreprise, lequel contenait le résultat d’un travail de recherche et de développement de plusieurs mois et était le seul endroit où les formules étaient répertoriées ;
– que les formules contenues dans le cahier n’étaient pas enregistrées automatiquement ;
– que M. [K] [E] a exercé un chantage sur des données clés de l’entreprise ;
– que c’est en raison du comportement adopté par M. [K] [E] en réponse à l’avertissement qui lui avait été infligé le 31 octobre 2018 qu’elle a prononcé son licenciement ;
– que M. [K] [E] ne dément pas les faits qui lui sont reprochés ;
– que M. [K] [E] doit donc être débouté de l’ensemble de ses demandes, étant précisé subsidiairement que le barème fixé par l’article L 1235-3 du Code du travail doit trouver à s’appliquer comme l’ont décidé le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation et que M. [K] [E] ne justifie pas du préjudice dont il réclame réparation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon la lettre en date du 21 novembre 2018 que la société Stilz Chimie a adressée à M. [K] [E], le licenciement de ce dernier a été prononcé aux motifs énoncés notamment qu’à la suite de l’avertissement qui lui avait été infligé en octobre 2018, il avait menacé, devant ses collègues, de se mettre en arrêt maladie et d’emporter chez lui ‘des formules de teinture de tranche’, qu’il avait ensuite été constaté que le ‘carnet de formules contenant notamment celles du nuancier’ avait disparu et que le salarié avait déclaré avoir déposé ce carnet sur son placard avec l’intention de voir ce qui allait se passer et encore au motif de son intention de nuire en dissimulant les formules de peinture appartenant à l’entreprise.
Il est de principe que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
Il est également de principe qu’il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d’en rapporter seul la preuve.
En l’espèce, dans le but de rapporter cette preuve, la société Stilz Chimie verse aux débats notamment les pièces suivantes :
– sa pièce n° 11 : il s’agit d’une attestation établie par M. [X] [H] [V] [P], gérant de la société Stilz Chimie, qui y déclare notamment qu’en 2015 l’entreprise ne disposait d’aucune archive écrite ou sauvegarde des données et que tout le savoir faire était alors détenu par 2 personnes clés, avec plus de 30 ans d’ancienneté chacune : M. [O] [U]…..et M. [K] [E] pour l’activité maroquinerie, que ces 2 personnes possédaient ainsi des compétences techniques uniques, indispensables à la poursuite de l’activité de l’entreprise, puis plus avant que le recueil du savoir faire de l’activité maroquinerie n’a jamais pu être correctement réalisé et que cette activité maroquinerie….était historique et largement majoritaire dans le chiffre d’affaires de l’entreprise, puis plus avant encore que, du fait de leur travail pendant des années au sein de l’entreprise, MM. [E] et [A] connaissaient toutes les formules, toutes les recettes des produits ainsi que tous les clients de la société Stilz Chimie, puis encore que M. [K] [E] lui avait fait savoir qu’il considérait que les formules des produits de teinture de tranche lui appartenaient car il les avait mises au point et que le 5 novembre 2018, M. [K] [E] avait ouvertement annoncé à l’ensemble du personnel de l’atelier qu’il était au courant de la lettre d’avertissement qui lui avait été adressée et annoncé, une nouvelle fois, qu’il se mettrait en arrêt maladie pour une durée indéterminée en emportant avec lui un certain nombre de formules qu’il avait créées, notamment celles du
projet ‘Stilz 2019 : le nuancier’, que le lendemain M. [K] [E] était, comme annoncé, absent et la disparition des formules avait été constatée et enfin que le 7 novembre 2018, alors qu’il était venu apporter son arrêt maladie et que les formules disparues lui avaient été demandées, il avait annoncé qu’il n’avait pas emporté ces formules mais les avait uniquement cachées pour ‘voir ce qui allait se passer’, avant de les restituer.
Cette attestation rend compte d’une part de ce que les formules des teintures que l’entreprise commercialisait étaient indispensables à l’activité principale de l’entreprise et qu’elles n’avaient jamais fait l’objet d’un recueil systématique ou général et que ces formules étaient en la possession de M. [K] [E] et d’autre part de ce que M. [K] [E] avait bien menacé, le 5 novembre 2018, outre de se faire prescrire un arrêt maladie, d’emporter des formules et en particulier celles en rapport avec un projet en cours dans l’entreprise et enfin qu’ensuite il avait été constaté que les formules avaient disparu et que, le 7 novembre 2018, M. [K] [E] avait déclaré qu’il avait caché ces formules.
La cour observe d’une part que l’affirmation de M. [K] [E] selon laquelle les formules en question étaient contenues dans l’ordinateur de l’entreprise n’est corroborée par aucun élément objectif et d’autre part que, si comme M. [K] [E] le soutient, le carnet lui appartenait, les formules ou recettes de fabrication qui s’y trouvaient transcrites par lui étaient la seule propriété de l’entreprise.
– sa pièce n° 15 : il s’agit d’une attestation établie par M. [W] [J], directeur au sein de l’entreprise, qui y déclare notamment que M. [K] [E] menaçait de se mettre en maladie lorsque la situation ne lui convenait pas, ce qu’il avait fait en 2016, puis que le 5 novembre 2018….M. [K] [E] avait dit qu’il irait retiré le courrier qui lui avait été adressé ensuite de l’altercation du 30 octobre précédent et qu’en fonction de son contenu, il se mettrait en maladie, puis plus avant encore que le 6 novembre 2018, M. [K] [E] avait été absent et que ‘les formules avaient disparu’ et que le 7 novembre suivant ce dernier avait ramené son arrêt de travail et, interrogé sur ce point, avait répondu qu’il n’avait pas emporté les formules mais les avait juste cachées dans les vestiaires ‘pour voir ce qui allait se passer’.
Cette attestation fait clairement état de ce que les formules détenues par M. [K] [E] avaient disparu concomitamment à son absence pour arrêt maladie et aussi de ce que ce dernier avait reconnu les avoir cachées dans le but d’observer ce qui se passerait alors dans l’entreprise.
– sa pièce n° 17 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [B] [C], salariée de l’entreprise, qui y déclare : ‘Deux jours avant son arrêt maladie M. [K] [E] m’a dit qu’il avait l’intention de se mettre en arrêt maladie prochainement et de partir avec les recettes du nuancier. Le jour de son arrêt maladie les recettes concernées n’étaient plus à leur place’.
Cette attestation rend compte notamment d’une part de ce que M. [K] [E] avait annoncé qu’il emporterait des formules ou recettes du nuancier de l’entreprise et d’autre part qu’il avait été constaté, le jour de l’arrêt maladie de M. [K] [E], soit le 6 novembre 2018, que ces recettes avaient disparu.
La cour observe au demeurant que M. [K] [E] ne conteste pas qu’avant de quitter l’entreprise et d’être placé en arrêt maladie à compter du 6 novembre 2018, il avait déplacé le carnet de formules. Ses indications selon lesquelles il avait déposé ce carnet sur son casier dans le vestiaire de l’entreprise, indications qui ne sont corroborées par aucun élément objectif,
laissent en tout état de cause subsister le fait que M. [K] [E] avait agi de façon à ce que le carnet et les formules qu’il contenait n’aient plus été à la libre disposition de l’entreprise.
La mise en perspective de ces éléments, conduit la cour à retenir que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont bien établis et qu’ils constituent un ensemble de faits imputables à M. [K] [E] qui caractérise une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
En conséquence de quoi, la cour déboute M. [K] [E] de l’ensemble de ses demandes formées au titre de la rupture de son contrat de travail.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant en toutes ses demandes, M. [K] [E] sera condamné aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Stilz Chimie l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, M. [K] [E] sera condamné à lui verser la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, la cour confirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [K] [E] à verser à la société Stilz Chimie la somme de 100 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, y ajoutant, condamne M. [K] [E] à verser à la société Stilz Chimie la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,