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21 septembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/00698
Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2022
(n° , 1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00698 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJ7K
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Décembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 17/04855
APPELANT
Monsieur [E] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Eric APPENZELLER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Fondation INSTITUT DE CARDIOMETABOLISME ET DE NUTRITION (ICA N) prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Yann PEDLER de la SELEURL PEDLER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0090
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Nicolas TRUC, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Anne MEZARD, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 28 avril 2022
Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
– contradictoire
– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE
M. [E] [K], né en 1961, a été engagé par l’institut de cardiométabolisme et de nutrition (ci-après l’ICAN), suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2012 en qualité de directeur exécutif (Chief Operating Officer), relations contractuelles soumises à la convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique.
En dernier lieu, la rémunération brute annuelle de M. [K] s’élevait à la somme de 114 000 euros, assortie d’une prime sur objectifs d’un montant brut maximum de 20% de sa rémunération annuelle brute, soit 22 800 euros versée en fin d’année.
M. [K] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 janvier 2017.
Par lettre datée du 15 juin 2017, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 26 juin 2017 avec mise à pied conservatoire puis licencié pour faute grave par lettre datée du 5 juillet 2017.
A la date du licenciement, M. [K] avait une ancienneté de 5 ans et 5 mois et l’ICAN occupait à titre habituel plus de 11 salariés.
Peu avant la notification de son licenciement, le 26 juin 2017, M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur outre le paiement de diverses créances salariales et indemnitaires.
Suivant jugement du 3 décembre 2019, notifié à une date indéterminable et auquel la cour se réfère pour un exposé plus précis de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil a :
– débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes ;
– reçu la fondation de coopération scientifique dénommée ICAN en sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile mais l’en a débouté ;
– condamné M. [K] aux dépens.
Par déclaration de son conseil au greffe de la cour d’appel de Paris du 23 janvier 2020, M. [K] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 24 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 avril 2022, M. [K] demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et statuant à nouveau,
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail en constatant le harcèlement moral dont il a fait l’objet, la résiliation devant dès lors produire les effets d’un licenciement nul ;
En conséquence,
– condamner l’ICAN au versement des sommes suivantes :
* 85 500 euros nets (9 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
* 114 000 euros nets (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
* 38 000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis conventionnel (4 mois) ;
* 3 800 euros bruts à titre de congés payés sur préavis ;
* 34 808 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 228 000 euros bruts à titre d’indemnité contractuelle de licenciement (24 mois) ;
* 3 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* paiement des intérêts légaux avec anatocisme à compter de sa saisine du conseil de prud’hommes ;
A titre subsidiaire, si le harcèlement moral ne devait pas être retenu :
– prononcer néanmoins la résiliation judiciaire de son contrat de travail du fait des manquements graves de l’employeur à ses obligations, la résiliation devant alors produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamner l’ICAN au versement des sommes suivantes :
*114 000 euros nets (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 38 000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis conventionnel (4 mois) ;
* 3 800 euros bruts à titre de congés payés sur préavis ;
* 34 808 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 228 000 euros bruts à titre d’indemnité contractuelle de licenciement (24 mois) ;
* 3 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* paiement des intérêts légaux avec anatocisme à compter de sa saisine du conseil de prud’hommes ;
A titre infiniment subsidiaire, si la cour ne prononçait pas la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur :
– juger le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamner l’ICAN au versement des sommes suivantes :
*114 000 euros nets (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 38 000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis conventionnel (4 mois) ;
* 3 800 euros bruts à titre de congés payés sur préavis ;
* 34 808 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 228 000 euros bruts à titre d’indemnité contractuelle de licenciement (24 mois) ;
* 3 000 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* paiement des intérêts légaux avec anatocisme à compter de sa saisine du conseil de prud’hommes.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 avril 2022, l’ICAN demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 3 décembre 2019 en ce qu’il a débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes.
Infiniment subsidiairement,
– dire et juger que la clause contractuelle sur l’indemnité de départ en cas de démission et de rupture du contrat est manifestement excessive et inopposable à l’ICAN et qu’elle doit être réduite au niveau du montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– condamner M. [K] au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 avril 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 17 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la résiliation du contrat de travail
Il est constant que M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de résiliation de son contrat de travail antérieurement à son licenciement, de sorte que celle-ci doit être examinée en priorité.
A l’appui de celle-ci, M. [K] reproche à l’employeur les griefs ci-après examinés.
a) le harcèlement moral
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, il appartient, en matière de harcèlement, au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M. [K] qui soutient avoir été victime d’agissements harcelants répétés de l’employeur, présente, dans ses conclusions d’appel, les éléments suivants :
– la suppression de son poste lui a été annoncée en juillet 2016 avec brutalité par les membres fondateurs de l’ICAN, à la suite d’un changement du mode de gouvernance de cet organisme
– une situation profondément humiliante et dégradante ayant duré pendant des mois en l’absence de réponse à ses demandes d’explications sur l’avenir de son poste de travail
– le recrutement d’un secrétaire général destiné à le remplacer a été acté lors d’une réunion du conseil d’administration du 19 décembre 2016,
– sa situation de souffrance et d’humiliation professionnelle a gravement affecté sa santé,
– il ne fut pas le seul à souffrir des méthodes de management brutales des membres fondateurs de l’Institut.
L’ICAN conteste le caractère harcelant des faits évoqués par M. [K] et fait valoir :
– que financé par des fonds publics, il ne dispose d’aucune autonomie contrairement à ce que soutient le salarié, ses fondateurs conservant le contrôle sur les recherches du laboratoire et la propriété des résultats,
– la suppression du poste de directeur opérationnel a été envisagée dans la mesure où le périmètre du poste de secrétaire général allait englober ces fonctions,
– M. [K] a été en mesure de participer à la création d’un nouveau poste en sa faveur,
– aucun fait pouvant être qualifié de harcèlement ne peut lui être reproché,
– M. [K], dont le licenciement n’a jamais été envisagé lors de la réorganisation, ne verse aux débats aucune pièce montrant qu’il a été déstabilisé, blessé ou victime d’une quelconque violence psychologique entre le mois de juillet et la fin décembre 2016.
Il résulte suffisamment des pièces produites que des mesures de réorganisation de la direction de l’ICAN, justifiées par son inadaptation ou ses insuffisances en matière de gestion informatique, documentaire et financière, lui ont été imposées par ses autorités de tutelle et ses financeurs, ayant notamment exigé la désignation d’un secrétaire général dans les 4 mois selon une note du 2 décembre 2016 (pièces 3, 9 et 10).
Il n’apparaît donc pas que la modification voire la suppression du poste de directeur exécutif occupé par M. [K], chargé notamment de la gestion informatique dont la faiblesse a pu être mise au jour et la désignation d’un secrétaire général puissent être tenues, en elles-mêmes, comme une situation de harcèlement imputable à l’employeur.
Des messages de l’employeur adressés à M. [K] les 2, 16 et 21 novembre 2016 et le 20 décembre 2016 (ses pièces 11, 15, 16, et 26 adverse), faisant état du projet de réorganisation et de son avancement, lui proposant explicitement d’évoquer sa situation personnelle ou manifestant le souhait de lui proposer un poste équivalent, démentent, d’autre part, le reproche de défaut d’information ou de réponse aux interrogations que le salarié pouvait avoir quant à l’évolution de sa situation professionnelle au sein de l’institut.
L’examen des pièces, messages et correspondances produits ne révèle enfin aucune attitude brutale ou humiliante de membres ou responsables de l’institut ou refus délibéré ou injustifié de renseigner M. [K] sur le projet de réorganisation en cours d’élaboration.
Ces circonstances et constatations, prises dans leur ensemble, n’autorisent pas à retenir une situation de harcèlement subi par M. [K] avant son arrêt de travail qui ne saurait, par ailleurs, être déduite des documents médicaux dont il fait état ne comportant aucune constatation directe et objective sur sa situation professionnelle (ses pièces 40 à 43, 51), et pouvant justifier la résiliation du contrat de travail comme l’octroi de dommages et intérêts à ce titre.
b) la violation de l’obligation de sécurité
M. [K] reproche également à l’ICAN une violation de son obligation de sécurité en raison d’une insuffisante prise en compte de sa souffrance au travail ou de son refus de répondre à ses questionnements.
Mais le salarié ne précise pas, d’une part, quelles sont les demandes ou réclamations qu’il a pu adressées à l’employeur et auxquelles il aurait été insuffisamment répondu (ses conclusions page 27).
D’autre part, les éléments d’appréciation produits n’établissent pas (cf paragraphe supra) que l’employeur se soit montré défaillant dans l’accompagnement du salarié dans le cadre de la réforme structurelle engagée ou réticent à le tenir informé en fonction de l’évolution du projet de réorganisation en cours.
Ces constatations n’autorisent pas ainsi à retenir un manquement de l’ICAN à son obligation de sécurité dont la gravité serait de nature à justifier la résiliation du contrat de travail
c) la violation des règles relatives au licenciement économique
M. [K] reproche à l’ICAN de ne pas avoir régulièrement consulté le comité d’entreprise, conformément à l’article L. 2323-33 ancien du code du travail sur le projet de réorganisation. Cependant en l’absence de licenciement économique, l’irrégularité invoquée n’était pas, en elle-même, de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, et ne saurait donc justifier sa résiliation.
La cour ne retenant aucun manquement de l’employeur à ses obligations pouvant compromettre la poursuite de la relation de travail, toutes les demandes de M. [K] relatives à la résiliation de son contrat de travail seront rejetées, la décision prud’homale étant confirmée sur ce point.
II) Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige est rédigée comme suit :
« (‘) Vous ne vous êtes pas présenté et ne vous êtes pas manifesté auprès de moi pour expliquer votre absence, ou éventuellement, solliciter un report de l’entretien.
Je vous ai fait part, dans la lettre de convocation à l’entretien préalable, des principaux griefs sur lesquels je souhaitais vivement entendre vos explications, cela par respect du contradictoire.
J’ai décidé de vous licencier pour faute grave.
La caractérisation de la gravité de votre faute porte précisément sur les motifs suivants :
Vous avez été engagé le 1er février 2012 par l’ICAN dans le cadre d’un contrat de travail, pour exercer les fonctions de directeur exécutif.
Vous êtes tenu par une obligation de loyauté envers votre employeur.
Vous êtes en arrêt de travail depuis le 10 janvier 2017 et votre contrat de travail est suspendu de ce fait.
Suite à la démission de Madame [S], Directrice Générale, en décembre 2016, Madame [G] a été nommée Directrice Générale par intérim en décembre 2016, puis a été remplacée par moi-même à compter du 18 mai 2017 sur décision du Conseil d’Administration du 9 mai 2017.
J’ai été informé des difficultés auxquelles a été confrontée Madame [G], dès sa prise de fonction, pour accéder à un certain nombre de dossiers de l’ICAN, aux codes d’accès des ordinateurs ou logiciels, aux bureaux, etc., cela parce que vous centralisiez les outils de fonctionnement de l’ICAN.
Le 16 janvier 2017, Madame [G] vous a adressé un courriel indiquant pour mémoire ce qui suit :
« J’ai été informée de vos arrêts de travail, jusqu’à la fin du mois de janvier, mais je suis contrainte, compte tenu des informations recueillies auprès du personnel en charge de la gestion administrative, de vous solliciter. Vos bureaux sont fermés à clefs et l’accès aux procédures de base ainsi que les accès logiciels ou bancaires pour assurer une continuité de service sont donc inaccessibles pour le staff administratif restant. L’institut se trouve, de ce fait dans une situation de blocage total, ce qui préjudicie gravement, notamment tant à ses collaborateurs qu’à ses fournisseurs. Je vous remercie en conséquence de me fournir dès réception de ce courriel :
* Pour la paie, les coordonnées ADP ainsi que la procédure d’envoi de contrôle de validation
* Codes et accès du logiciel E2time et procédure pour saisir valider les congés et les notes de frais
* procédure pour les arrêts maladies (saisie, transmission)
* Listing des sorties prévues et recrutements prévisionnels : 2 départs me sont signalés ainsi qu’une démission
* Pour le paiement des fournisseurs et la facturation des prestations: l’accès, les coordonnées du compte bancaire et du responsable de la banque qui suit ce qui compte ainsi que des livrets d’épargne
* l’accès au logiciel et procédures permettant l’actualisation des badges
* l’accès à vos 3 bureaux.
J’attache une particulière importance à une réponse de votre part, sous 24 heures maximum, à compter de la réception de ce courriel afin que le fonctionnement de l’IHU ne puisse pas être plus longtemps bloqué dans son fonctionnement… »
Vous avez fourni effectivement par l’intermédiaire de votre frère, qui a ainsi eu accès de manière regrettable à des informations confidentielles, une partie des éléments demandés.
Vous n’avez toutefois pas cru devoir communiquer spontanément les éléments matériels ou immatériels tels des informations sur des données dont vous disposiez et dont l’existence pouvait être ignorée à ce moment-là par Madame [G] et que vous saviez nécessaires au bon fonctionnement de l’ICAN.
Or, nous sommes confrontés à une situation de blocage très grave qui résulte directement de votre omission de transmettre loyalement et spontanément des informations à Madame [G], situation sur laquelle je vous ai interpellé depuis ma nomination sans que vous apportiez de réponse.
Je suis confronté à l’organisation très centralisée que vous avez mise en place avec une mainmise totale de vous-même sans délégations, cela sans la mise en place d’un système de sécurisation par vous-même sur l’ensemble des informations, dossiers et autres outils nécessaires au fonctionnement de l’ICAN.
Dans ce contexte et immédiatement à la suite de ma prise de fonction, nous avons été contraints de rechercher les informations nécessaires au fonctionnement de l’ICAN dans votre boîte mail professionnelle. Cependant, nos efforts afin de restaurer la marche normale du service d’ICAN, à l’issue d’un période intérimaire particulièrement difficile, ont été contrecarrées par vos démarches auprès de plusieurs opérateurs assurant des prestations au service d’ICAN.
Le 9 juin 2017, j’ai dû vous adresser un courriel dans les termes suivants :
« Nous nous permettons de vous adresser ce courriel pendant votre arrêt maladie du fait d’une situation de blocage d’ICAN dont la solution ne dépend que de vous.
Vous avez mis en place une organisation du travail qui vous assurait un contrôle total des accès à l’ensemble des moyens de fonctionnement de l’ICAN et rendait particulièrement difficile la continuité de service de l’ICAN.
En janvier dernier, Madame [G], Directrice Générale par intérim, avait du vous demander dans l’urgence un certain nombre d’éléments, des clefs et des codes d’accès notamment.
Nous sommes confrontés aujourd’hui à une nouvelle difficulté de la plus haute importance.
Nous venons de constater que vous aviez choisi de mettre en place un système de centralisation de tous les dossiers de l’ICAN sur le site DROPBOX sans qu’une copie de ces dossiers ne soient sauvegardés sur un disque dur d’un ordinateur d’ICAN.
Dans l’organisation que vous aviez instaurée, vous étiez l’unique administrateur du compte Drop box (Drop box recommande d’avoir 2 administrateurs) et vous aviez créé des accès utilisateurs pour une quinzaine de salariés).
Dans ce contexte, le 13 avril 2017, le compte Drop box Business d’ICAN a été clôturé et rétrogradé en compte basic, faute de renouvellement du compte business. Ce compte Dop (sic) box Business étant la propriété d’ICAN, nous avons tenté de procédé au paiement auprès de la société Drop box. Cette opération a nécessité la création d’un nouveau administrateur, à partir de l’adresse mail que vous avez utilisée pour créer le compte Drop box Business de l’Institut.
Toutefois, il apparaît que votre qualité d’administrateur et vos démarches récentes auprès de la société Drop box créent un conflit qui nous empêche de renouveler l’abonnement d’ICAN, et ont bloqué tout le système, y compris l’accès aux employés d’ICAN utilisant Drop box au quotidien.
Nous vous demandons de cesser toutes démarches visant à bloquer notre réabonnement à Drop box Business et d’informer Drop box immédiatement par mail de votre accord à l’ajout de mon nom et email ([Courriel 4]) et de [L] [B] ([Courriel 5]) en tant qu’administrateur du compte Drop box d’ICAN. »
Vous m’avez répondu le 10 juin 2017 pour confirmer que vous avez décidé de créer une Dropbox sous votre seul nom tout en étant conscient de « l’importance de la sécurité des données et de la continuité du service ».
Vous dites avoir mis en place un système permettant (théoriquement) la sauvegarde des données sans que toutefois vous n’ayez mis effectivement en place les moyens de sauvegarde sur un serveur dédié dans les services d’ICAN, ce qui explique la situation catastrophique à laquelle j’ai été confronté au moment de ma prise de fonctions.
Vous indiquez, en outre, que vous avez transmis immédiatement les éléments demandés en janvier dernier par Madame [G] mais que vous ne lui avez rien transmis concernant la Dropbox parce qu’elle ne vous aurait rien demandé.
Dans le même temps, vous m’indiquez que la carte bancaire d’ICAN a été désactivée en décembre 2016.
Or, vous ne pouviez ignorer que le renouvellement du prélèvement qui se faisait automatiquement sur la carte de crédit d’ICAN serait rejeté à l’échéance, information qu’ignorait Madame [G] puisqu’elle ignorait le fonctionnement de la Dropbox liée à votre unique qualité d’administrateur, ainsi que la nature des documents qui y sont ou y étaient conservés.
En outre, vous n’ignorez pas le contexte de la nomination de Madame [G], Directrice Générale par intérim, après la démission du Président d’ICAN et du précédent Directeur Général, Madame [S], mais aussi dans un contexte d’absence des principaux acteurs clefs du fonctionnement d’ICAN, vous-même et Madame [C].
Elle s’est retrouvée seule sans aucune information dans un institut qui ne pouvait pas fonctionner normalement car vous seul déteniez toutes les informations nécessaires pour permettre le fonctionnement d’ICAN, notamment du fait que vous n’ayez laissé aucune trace des procédures, ni d’infirmations sur les dossiers en cours, ce qui est très grave de votre part.
Nous n’avons par exemple aucune trace des fichiers de suivi des investigateurs de projets, aucune trace du dossier sur les dotations de l’ANR etc.
En outre, nous venons d’apprendre que les services de Dropbox vous ont adressé plusieurs rappels et alertes sur le paiement que seul vous receviez en votre qualité d’administrateur, informations que vous ne nous avez pas fait suivre.
C’est pourquoi je vous ai demandé d’intervenir afin de débloquer cette situation dont vous êtes le seul responsable, situation gravement préjudiciable à l’ICAN.
Vous m’avez indiqué prendre contact avec Dropbox pour me rajouter en tant qu’administrateur. Or, entre le 9 juin 2017 (date de ma demande de déblocage) et la date de votre mise à pieds (sic), vous n’avez rien entrepris de sérieux et crédible qui puisse permettre un accès normal par l’ICAN à la Dropbox.
De manière significative, l’accès à la Dropbox d’ICAN n’a été restauré qu’à la suite de mes démarches auprès de la société Dropbox, à partir de votre boîte professionnelle et ce uniquement une fois que votre accès eut été coupé, à raison de votre mise à pieds (sic).
Le prestataire informatique de l’ICAN m’a informé, en outre, que vous avez effacé, entre le 24 mai 2017 et le 7 juin 2017 une quantité importante de données de votre boite mail professionnelle d’ICAN que vous utilisez. Votre boite est en effet passée de 19,3 gigas bits de mémoire utilisée à 400 mégas bits ! Nous savons également que vous avez supprimé 2517 dossiers de la boite Dropbox, tel que notifié par la société Dropbox le 6 mai 2017. Vous avez ainsi manifestement détruit volontairement une masse importante de dossiers et d’informations appartenant à l’ICAN.
Nous avons en outre tenté à plusieurs reprises de mettre sur votre messagerie professionnelle ICAN un message automatique d’absence, afin d’informer les personnes qui tentent de vous envoyer des courriels concernant l’ICAN, pendant le temps de la suspension de votre contrat de travail, pour qu’elles entrent en contact avec un autre interlocuteur d’ICAN. Vous avez enlevé le message d’absence du compte mail professionnel suite aux démarches d’ICAN du 26 mai et du 2 juin 2017, empêchant ainsi les personnes essayant de contacter l’ICAN, tout contact avec d’autres interlocuteurs d’ICAN.
Une fois de plus, ce n’est que lorsque votre accès à votre messagerie professionnelle a été coupé, suite à votre mise à pieds (sic) qu’il a été possible de restaurer ce message d’absence.
Vous avez donc fait systématiquement et complément écran, empêchant les personnes cherchant à joindre la Direction d’ICAN de nous contacter. Enfin, vous n’avez jamais fait suivre de courriels.
Nous avons découvert, par exemple, que vous ne nous avez pas fait suivre des courriels d’un cabinet d’avocat en charge d’une médiation dans le cadre d’un litige sur la marque ICAN. C’est après avoir insisté par courriels pour nous contacter et n’ayant pas de réponse que ce cabinet a téléphoné à l’ICAN, le 12 mai dernier, pour s’étonner de notre silence et faire part de l’urgence à traiter ce dossier.
Nous avons pu vérifier les différents courriels que vous a envoyés le cabinet LOYER&ABELLO dans le cadre du litige « IPSEN ».
Depuis le mois de février 2016 vous étiez en échange permanent avec ce cabinet d’avocats en vue d’une transaction avec IPSEN sur la problématique d’un dépôt litigieux d’une marque.
La négociation a été sur le point d’être finalisée en novembre 2016, le cabinet LOYER & ABELLO sollicitait votre accord le 16 novembre 2016, puis vous a relancé le 19 décembre 2016, ensuite le 24 janvier 2017, puis le 27 avril 2017 cela sans aucune réaction de votre part et sans que vous ne nous informiez de la situation en transférant les courriels ou en donnant des instructions.
Nous avons appris de surcroît que vous organisez des rendez-vous professionnels pendant votre arrêt maladie à votre domicile sans en informer ICAN et en présence de Madame [S].
Vous avez ainsi organisé un rendez-vous le 22 mai 2017 avec un représentant de « l’European Sociaty for preventive Medecine » au nom d’ICAN à votre domicile pour parler de la « faisabilité du projet ».
Je viens de découvrir surabondamment que vous avez une autre activité en continuant à animer la société ADIPOPHYT que vous avez fondée, cette société étant une société de biotechnologies spécialisée dans la physiopathologie du tissu adipeux.
Or vous ne deviez pas avoir d’activité dans une entreprise pouvant être en concurrence ou pouvant générer des conflits d’intérêts lorsque vous avez été engagé en 2012. Officiellement, vous avez quitté votre mandat de Président en 2014 pour être remplacé par Monsieur [N] que vous avez engagé dans l’ICAN. La société ADIPOPHYT a notamment pour activité d’exploiter des licences de brevet dont Madame [S] est titulaire. Je viens de constater que vous continuiez à animer cette société et que notamment en novembre 2016 c’est vous qui avez signé la demande d’octroi d’un numéro EORI pour ADIPOPHYT en tant que représentant légal de cette entreprise.
Enfin, je vous informe que la Direction Générale par intérim d’ICAN a demandé qu’un audit soit réalisé sur les aspects financiers, juridiques, sociaux, de gouvernance et organisationnels.
Le rapport d’audit nous a été transmis le 16 mai 2017.
Il résulte de cet audit de nombreux manquements et il résulte de la conclusion générale le constat du « très faible niveau de documentation formalisée des processus organisationnels de travail »
Plusieurs risques ont été constatés dont notamment :
« Le premier le plus crucial et le plus vital est celui encouru du fait de l’inorganisation et de l’inadaptation du système d’information…que ce soit au niveau de la sécurité qu’au niveau des moyens donnés aux collaborateurs pour assurer leurs ou encore des outils de pilotages nécessaires à la direction générale (…) »
« Le troisième est à la fois pénal et financier. La multiplication des omissions et des faits dans les actes de gestion des ressources humaines peut suivant les cas mettre en cause la responsabilité pénale des dirigeants et plus souvent exposer à des demandes de requalification couteuses des contrats. »
L’audit conclu à une interrogation sur le niveau « d’amateurisme » dans la gestion avec vous-même Monsieur [K] comme « chef d’orchestre » qui en est la cause principale.
L’ensemble de vos agissements tels qu’ils sont évoqués ci-dessus est particulièrement grave et constitutif d’une exécution particulièrement déloyale de votre contrat de travail qui met en grande difficulté l’ICAN, lui causant un préjudice important.
Compte tenu de ces manquements graves aux obligations découlant de la relation contractuelle que vous avez avec l’ICAN, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave avec effet immédiat, sans préavis ni indemnité de licenciement; les manquements qui vous sont reprochés ne permettant pas votre maintien dans l’ICAN, même pendant votre préavis. (…) »
Cette correspondance reproche en substance à M. [K] :
– diverses insuffisances dans la gestion du système informatique Dropbox,
– l’effacement d’une quantité importante de données et de dossiers informatiques en mai et juin 2017,
– l’enlèvement d’un message informatique d’absence,
– l’organisation de rendez-vous professionnels pendant la suspension de son contrat de travail,
– un activité concurrente au bénéfice de la société Adipophyt.
M. [K] oppose la prescription disciplinaire bimestrielle relativement aux faits tenant au défaut de sauvegarde informatique des dossiers et de communication des identifiants et code d’accès au système Dropox.
Il appartient à l’employeur d’établir à quelle date il a eu connaissance des faits sanctionnés et qu’il a engagé la procédure disciplinaire moins de deux mois après.
Il résulte des éléments produits que l’ICAN n’a selon toute apparence eu pleinement connaissance de l’ensemble des griefs reprochés tenant à la gestion informatique qu’à l’issue d’un rapport d’audit daté du 16 mai 2017, soit moins de deux moins avant l’engagement de la procédure de licenciement disciplinaire le 15 juin 2017, constatation conduisant à écarter la prescription prévue par l’article L.1332-4 du code du travail.
Sur le fond, les reproches tenant à la gestion informatique (défaut de sauvegarde, non communication de codes d’accès, non renouvellement de l’abonnement Dropbox business, effacement de données et dossiers informatiques, blocage de l’accès Dropbox), s’appuient pour l’essentiel sur le rapport d’audit daté du 16 mai 2017 dont les conclusions générales mettent en cause le travail de M. [K] (pièce 8 de l’employeur).
Or, il n’apparaît pas que M. [K], qui était en arrêt maladie depuis le 10 janvier 2017, ait été entendu ou interrogé par les auditeurs alors qu’il n’est pas discuté que la gestion informatique de l’institut lui incombait. A défaut et dés lors que le salarié a été manifestement tenu à l’écart des investigations menées, le rapport d’audit ne présente pas suffisamment de garantie d’impartialité ou d’objectivité, pour pouvoir lui être opposé ainsi qu’il le soutient justement.
Les autres éléments produits par l’intimé, à savoir essentiellement des courriels évoquant succinctement les griefs susvisés et une attestation sommaire d’un fournisseur (ses pièces 23 à 27) n’établissent pas suffisamment leur réalité comme leur gravité, de sorte que ceux-ci ne seront pas retenus.
Quant au reproche tenant à une activité concurrente et déloyale au bénéfice de la société Adipophyt, la cour retient que l’ICAN connaissait au moins depuis 2014 (ses conclusions pages 40 et suivantes) les intérêts ou activités de M. [K] au sein de la société Adipophyt dont aucune pièce ne permet de constater qu’elle ait par ailleurs pu concurrencer l’institut au point de lui occasionner un préjudice matériel ou commercial.
Une correspondante datée du 25 mars 2022 (pièce 49 de l’intimé) évoque une information judiciaire ouverte sur plainte avec constitution de partie civile à l’encontre, notamment, de M. [K] et de la société Adipophyt mais il ne peut être tiré aucune conclusion de ce seul document.
L’intimé produit également diverses pièces (n°52 et suivantes) dont il résulte que M. [K] est l’actuel dirigeant de la société Adipophyt qui est installée à [Localité 6], mais en l’absence de date y figurant, hors celle de l’édition des documents le 13 avril 2022, il ne peut être vérifié, ce que le salarié conteste, qu’il dirigeait encore, lors du licenciement, cette entreprise, après en avoir abandonné la présidence en démissionnant au mois de juin 2014 (sa pièce 75).
Ces constatations autorisent à douter du caractère fautif du grief reproché.
Enfin, quant à l’organisation d’un rendez-vous professionnel au cours d’un arrêt de travail, M. [K] reconnaît avoir projeté de rencontrer M. [X] [T], scientifique étranger, au mois de mai 2017 à son domicile mais soutient que cet entretien n’a pu avoir lieu, ce que l’employeur ne dément pas formellement dans ses dernières écritures d’appel (page 39).
Il ne sera pas non plus retenu, sur ce point, un comportement fautif dont la gravité pouvait justifier le licenciement.
En l’état de l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir qu’il existe, pour le moins, un doute devant profiter au salarié en application de l’article L. 1235-1 du code du travail, sur la réalité des motifs du licenciement, ce qui conduit à le tenir non pas nul ainsi que le soutient M. [K] à titre principal, mais dépourvu de cause réelle et sérieuse.
III) Sur les indemnisations
a) l’indemnité compensatrice de préavis
M. [K] a droit à une indemnité compensatrice de préavis selon l’article 35 de la convention collective applicable qui prévoit que « la durée du préavis réciproque (‘) est de 4 mois pour les salariés classés dans les groupes de classification 6 et suivants correspondant aux cadres ».
Il lui sera ainsi alloué à ce titre, sur la base d ‘une salaire mensuel brut non discuté de 9 500 euros, la somme de 38 000 euros, outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférente.
b) l’indemnité contractuelle de licenciement
L’article 12 du contrat de travail prévoit qu’une indemnité de 24 mois de salaire brut et au prorata du temps passé, en sus des indemnités légales, sera accordée à M. [K] dans les cas suivants :
– licenciement, sauf en cas de faute grave ou lourde,
– démission en cas de changement du directeur général Mme [F] [S].
L’ICAN ne soulève explicitement aucun vice du consentement ou irrégularité affectant la validité même du contrat de travail.
Il importe donc peu que cette clause ait assuré à M. [K] de façon excessive une protection solidaire ‘intuitu personae’ avec Mme [S], directrice générale, ainsi que l’intimé le reproche.
La clause apparaît donc parfaitement opposable à l’employeur.
D’autre part, lorsque les parties sont convenues que le salarié percevra, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité contractuelle, celle-ci se cumule avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces deux indemnités n’ont pas vocation à réparer le même préjudice.
L’indemnité contractuelle, visant à dédommager le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, ne saurait ainsi être analysée en une clause pénale susceptible de faire l’objet de la modération sollicitée par l’intimé, en application de l’article 1152 ancien du code civil.
En conséquence, infirmant le jugement déféré, la cour fait droit à la demande de paiement de l’indemnité contractuelle de licenciement à hauteur de 228 000 euros sans réduction.
c) l’indemnité conventionnelle de licenciement
En application de l’article R.1234-5 du code du travail, l’indemnité de licenciement ne se cumule pas avec toute autre indemnité de même nature.
L’indemnité contractuelle de licenciement étant manifestement de même nature que l’indemnité de licenciement prévue, en l’espèce, à l’article 36 de la convention collective applicable, les deux ne sont pas cumulables.
En conséquence, confirmant le jugement entrepris, M. [K] sera débouté de sa demande formée au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement dès lors qu’il est fait droit à sa demande d’indemnité contractuelle de licenciement.
d) l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il est constant qu’à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [K] avait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus ; il y a donc lieu à l’application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable dont il résulte que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires bruts des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [K] (9 500 euros), de son âge à la date du licenciement (56 ans), de son ancienneté (5 ans et 5 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être fixée à la somme de 60 000 euros.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. [K] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, la cour condamne l’ICAN à lui payer l’indemnité susvisée.
IV) Sur les autres demandes
a) les intérêts au taux légal
Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
b) la capitalisation
La capitalisation est de droit lorsqu’elle est demandée et est due pour les intérêts ayant couru pour une année entière ; il sera ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes revenant au salarié dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
c) l’article 700 et les dépens
L’ICAN, qui succombe à la présente instance, en supportera les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la cour considère que, compte tenu des circonstances de l’espèce et des éléments soumis aux débats, il apparaît équitable de condamner l’ICAN à payer au salarié la somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure exposés en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les entiers dépens seront laissés à la charge de l’ICAN qui succombe à l’instance.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [E] [K] de ses demandes en résiliation du contrat de travail, en dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement nul et au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés,
Dit le licenciement de M. [E] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne l’institut de cardiométabolisme et de nutrition à verser à M. [E] [K] les sommes suivantes :
* 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 38 000 euros bruts à titre d’indemnité de préavis conventionnelle (4 mois) ;
* 3 800 euros bruts à titre de congés payés sur préavis ;
* 228 000 euros bruts à titre d’indemnité contractuelle de licenciement (24 mois) ;
* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de cette décision ;
Ordonne la capitalisation des intérêts ainsi dus conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, devenu l’article 1343-2 du même code ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne l’institut de cardiométabolisme et de nutrition aux dépens.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT