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16 février 2023
Cour d’appel de Bourges
RG n°
22/00483
SM/MMC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
– SCP ROUAUD & ASSOCIES
-ASSOCIATION CABINET JOUSSE – CAUMETTE
LE : 16 FEVRIER 2023
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023
N° – Pages
N° RG 22/00483 – N° Portalis DBVD-V-B7G-DONR
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal de Commerce de CHATEAUROUX en date du 30 Mars 2022
PARTIES EN CAUSE :
I – S.A.S. ENTREPRISE GIRARD FRERES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
Plaidant par la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 05/05/2022
II – S.A.R.L. ADMS INFORMATIQUE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 1]
[Localité 3]
N° SIRET : 539 359 083
– S.A. GAN ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social: [Adresse 5]
[Localité 4]
N° SIRET : 542 06 3 7 97
Représentés par l’ASSOCIATION CABINET JOUSSE – CAUMETTE, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉES
16 FEVRIER 2023
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. TESSIER-FLOHIC Président de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSE
Le 27 octobre 2019, le dirigeant de la SAS Entreprise Girard Frères a constaté le piratage de son système informatique, l’empêchant d’accéder à distance au serveur de son entreprise. Une plainte a été déposée auprès de la gendarmerie de [Localité 6], le 4 novembre 2019.
Le 28 octobre 2019, la SARL ADMS informatique est intervenue, en qualité de prestataire de maintenance du système informatique, auprès de la SAS Entreprise Girard Frères et a constaté que l’ordinateur du dirigeant avait fait l’objet, dans la soirée du 26 octobre 2019, d’une cyber attaque par virus intrusif exigeant une rançon, qui avait provoqué le cryptage de l’ensemble des fichiers de travail ainsi que des bases de données des logiciels métiers de l’entreprise (Sage Batigest, Sage Financier et Sage Comptabilité).
Suivant attestation du 31 octobre 2019, la SARL ADMS informatique a informé la SAS Entreprise Girard Frères qu’elle avait restauré une version partielle des bases de données de gestion et de comptabilité, et avait complètement restauré le système d’exploitation ainsi que les différents logiciels installés. L’ordinateur était de nouveau opérationnel, mais des informations restaient manquantes ou altérées.
Le 22 novembre 2019, la SAS Entreprise Girard Frères a adressé à la SARL ADMS informatique un courrier évoquant leur contrat de maintenance informatique, lui reprochant le défaut de fonctionnement de la récupération des données et indiquant que les sauvegardes prévues étaient défectueuses, malgré le contrat de sauvegarde externalisée.
La perte de données évoquée portait sur :
‘ l’ensemble des devis du 7 juillet au 26 octobre 2019, ainsi que les factures du 9 septembre au 26 octobre 2019 ;
‘ le stock chiffré au 30 septembre 2019 et le fichier des travaux en cours ;
‘ de nombreuses écritures comptables, le journal d’achat et le journal de vente ;
‘ des dossiers PDF devenus cryptés.
La SAS Entreprise Girard Frères a demandé à la SARL ADMS informatique de déclarer le litige à son assureur responsabilité civile. L’agence GAN assurances de Riom a confirmé en mai 2020 que le sinistre avait bien été enregistré, une mission d’expertise amiable étant prévue mais ayant été retardée par le confinement sanitaire national.
Le 20 février 2020, la SAS Entreprise Girard Frères a établi une facture d’un montant de 39.678 euros TTC à l’égard de la SARL ADMS informatique, représentant le temps passé à tenter de récupérer ses données de sauvegarde, ainsi que les pertes d’exploitation subies du fait du piratage informatique.
Un rapport d’expertise amiable a été établi, le 16 juillet 2020, par le cabinet Sedgwick France, mandaté par la compagnie GAN assurances. Au vu de ce rapport, la compagnie GAN assurances a informé la SAS Entreprise Girard Frères que la responsabilité de son assuré, la SARLU JP Finances, holding de la société ADMS informatique, n’était nullement engagée, et que sa garantie n’était en conséquence pas mobilisable.
La SARL ADMS informatique n’a pas procédé au règlement de la facture établie le 20 février 2020 par la SAS Entreprise Girard Frères.
Suivant actes d’huissier en date des 16 novembre et 30 décembre 2020, la SAS Entreprise Girard Frères a fait assigner la SARL ADMS informatique et la SA GAN assurances devant le Tribunal de commerce de Châteauroux aux fins de voir :
‘ dire et juger recevable et bien fondée sa demande ;
En conséquence
‘ constater que la société ADMS informatique n’avait pas satisfait à ses obligations contractuelles ;
‘ dire et juger que l’absence de sauvegarde des données informatiques lui avait causé un important préjudice ;
‘ dire et juger que la responsabilité de la société ADMS informatique était directement engagée ;
‘ condamner la société ADMS informatique au paiement de la somme de 39.678 euros TTC en réparation de l’entier préjudice ;
‘ condamner la société ADMS informatique au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
En réplique, la SARL ADMS informatique et la SA GAN assurances ont demandé au tribunal de :
‘ débouter la société Entreprise Girard Frères de l’ensemble de ses demandes ;
‘ la condamner à payer solidairement aux sociétés ADMS informatique et GAN assurances une somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 30 mars 2022, le Tribunal de commerce de Châteauroux a :
‘ débouté la SAS Entreprise Girard Frères de l’ensemble de ses demandes ;
‘ condamné la SAS Entreprise Girard Frères à payer solidairement à la SARL ADMS informatique et à la SA GAN assurances la somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ condamné la SAS Entreprise Girard Frères aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés sur la présente décision à la somme de 94,34 euros.
Le Tribunal a notamment retenu que les parties convenaient que le sinistre trouvait son origine dans la survenance du virus informatique, que le contrat de maintenance obligeait le prestataire à réparer toute panne ou anomalie de fonctionnement affectant l’équipement informatique du client, les opérations ne s’étendant pas aux pannes affectant les logiciels et progiciels, qu’en intervenant le 28 octobre 2019 et en confirmant que l’ordinateur du dirigeant de la demanderesse était de nouveau fonctionnel, la société ADMS informatique avait respecté son obligation de résultat, qu’il appartenait à la société Entreprise Girard Frères de s’assurer de l’effectivité des sauvegardes, et que la société ADMS informatique ne fournissait pas de prestation de services de sauvegarde et ne pouvait de ce fait être tenue responsable d’opérations de sauvegarde défectueuses.
La SAS Entreprise Girard Frères a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 5 mai 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 juillet 2022 auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elle développe, la SAS Entreprise Girard Frères demande à la Cour de :
– Infirmer dans toutes ses dispositions, la décision entreprise,
– Dire et juger que la société ADMS informatique a engagé sa responsabilité
En conséquence,
– Condamner la société ADMS informatique sous garantie du GAN au paiement de la
somme de 39.678 euros TTC en réparation du préjudice de la société Girard Frères, sous garantie du GAN
– Condamner la société ADMS Informatique sous garantie du GAN au paiement de la
somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu’elles développent, la SARL ADMS informatique et la SA GAN assurances demandent à la Cour de :
– Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 mars 2022 par le Tribunal de Commerce de Châteauroux.
Y ajoutant,
– Condamner la SAS Entreprise Girard Frères à payer aux sociétés ADMS informatique et GAN assurances solidairement une somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «’dire et juger’», «’rappeler’» ou «’constater’» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu’il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n’y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de «’donner acte’», qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.
Sur la demande indemnitaire présentée par la SAS Entreprise Girard Frères :
L’article 1134 ancien, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil, pose pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L’article 1147 ancien, devenu l’article 1231-1 du même code dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
L’article L110-3 du code de commerce énonce qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.
En l’espèce, il n’est contesté par aucune des parties en présence que la SAS Entreprise Girard Frères et la SARL ADMS informatique aient conclu deux contrats distincts à savoir, d’une part, le contrat d’entretien, de maintenance et de réparation du système informatique ayant pris effet à compter du 10 décembre 2010, et d’autre part, le contrat de sauvegarde externalisée matérialisé par les factures datées des 27 juin 2017, 25 juin 2018 et 25 juin 2019.
Le premier contrat ne mentionnant aucune prestation de sauvegarde des données de l’entreprise cliente, il convient de déterminer l’étendue des obligations incombant à la SARL ADMS informatique en vertu du second.
Les trois factures en cause ont toutes pour objet la sauvegarde externalisée des données de la SAS Entreprise Girard Frères et mentionnent, à la rubrique « désignation », un «logiciel de sauvegarde managé – redevance annuelle » et un « espace de stockage de sauvegarde en ligne (15 Go) – redevance annuelle », respectivement facturés au prix de 65 et 27 euros HT, soit 110,40 euros TTC. Il est précisé qu’au-delà des 15 Go, la sauvegarde continue de fonctionner, entraînant un complément de facturation au-dessus d’1 Go par paliers de 10 Go.
La première de ces factures, datée du 27 juin 2017, ne mentionne pas le «renouvellement par tacite reconduction » du contrat. Elle est la seule à comporter des «frais de mise en service + formation utilisateur », détaillés comme les « frais d’installation et de mise en service d’une sauvegarde externalisée sur site », d’un montant de 118,50 euros HT.
La question posée à la Cour est celle de la détermination de l’existence d’une prestation de sauvegarde des données dont la SARL ADMS informatique se trouverait contractuellement débitrice.
Il ne ressort pas expressément des factures produites aux débats la mise à la charge de la SARL ADMS informatique d’une prestation de sauvegarde des données de la SAS Entreprise Girard Frères qui viendrait compléter la fourniture du logiciel et la location de l’espace de stockage au sein de son datacenter.
La SAS Entreprise Girard Frères estime que la mention figurant sur les factures d’un «logiciel de sauvegarde managé» correspondrait à une « prestation managée », dont l’exécution, la surveillance et la maintenance seraient assurées par la SARL ADMS informatique en qualité de prestataire d’infogérance.
La SARL ADMS informatique affirme pour sa part qu’un « logiciel managé » consiste en un logiciel paramétrable par son utilisateur, aux fins notamment de programmer des sauvegardes.
Il ne peut qu’être constaté que le qualificatif de « managé » est attaché, aux termes des factures litigieuses et sans que le sens n’en soit précisé, à l’outil logiciel mis à disposition par la SARL ADMS informatique et non à une prestation.
Au-delà de cet adjectif francisé pour le moins imprécis, dont le sens est suffisamment peu déterminable en soi pour que chacune des parties en propose une interprétation, aucune mention portée aux factures en cause ne vient évoquer l’existence d’une prestation de sauvegarde de données qui aurait été stipulée et mise à la charge de la SARL ADMS informatique.
Contrairement à ce qui est soutenu par la SAS Entreprise Girard Frères, la reconnaissance, après son intervention, d’une « restauration partielle des bases de données de gestion et comptabilité » par la SARL ADMS informatique ne révèle pas en soi une inexécution de l’obligation de sauvegarde qui lui incomberait, mais correspond simplement à l’exécution des prestations de réparation convenues au contrat de maintenance (cf article 3.3).
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments qu’aucune prestation de sauvegarde des données incombant à la SARL ADMS informatique n’est entrée dans le champ contractuel, qu’une telle prestation ne résulte ni du contrat de maintenance, ni des factures précitées, et que la sauvegarde des données au moyen du logiciel de sauvegarde « managé » et de l’espace réservé au sein du datacenter géré par la SARL ADMS informatique incombait à la SAS Entreprise Girard Frères.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SAS Entreprise Girard Frères de l’ensemble de ses demandes.
Sur l’article 700 et les dépens :
L’équité et la prise en considération de l’issue du litige commandent de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SAS Entreprise Girard Frères, qui succombe en l’intégralité de ses prétentions, à verser à la SARL ADMS informatique la somme de 1.800 euros au titre des frais exposés en cause d’appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. La SAS Entreprise Girard Frères, partie succombante, devra supporter la charge des dépens de l’instance d’appel.
Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
– Confirme le jugement rendu le 30 mars 2022 par le Tribunal de commerce de Châteauroux en l’intégralité de ses dispositions ;
Et y ajoutant,
– Condamne la SAS Entreprise Girard Frères à verser à la SARL ADMS informatique la somme de 1.800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
– Condamne la SAS Entreprise Girard Frères aux dépens de l’instance d’appel.
L’arrêt a été signé par M. TESSIER-FLOHIC, Président, et par Mme
SERGEANT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
V. SERGEANT A. TESSIER-FLOHIC