Sauvegarde informatique : 9 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01287
Sauvegarde informatique : 9 mai 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01287
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9 mai 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/01287

C1

N° RG 21/01287

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZGO

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL FAYOL ET ASSOCIES

la SARL CABINET ISABELLE ROUX

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 09 MAI 2023

Appel d’une décision (N° RG F19/00199)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 16 février 2021

suivant déclaration d’appel du 16 mars 2021

APPELANTE :

SAS SOBRABO, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Elodie BORONAD de la SELARL FAYOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMEE :

Madame [H] [L]

née le 20 janvier 1969 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Isabelle ROUX de la SARL CABINET ISABELLE ROUX, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 mars 2023,

Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère chargée du rapport et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs observations, assistées de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 09 mai 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 09 mai 2023.

Exposé du litige :

Le 27 novembre 2003, Mme [L] a été engagée en qualité de métreur au bureau d’étude de la SAS SOBRADO, qui a une activité de couverture, isolation et étanchéité de toitures et de terrasses.

Par avenant en date du 24 janvier 2005, Mme [L] s’est vue attribuer un emploi de dessinatrice d’étude.

Le 31 octobre 2017, l’employeur a notifié un avertissement à Mme [L].

Du 1er au 25 mars 2018, Madame [L] a été placée en arrêt maladie.

Le 26 avril 2018, la SAS SOBRADO lui a notifié une mise à pied conservatoire, ainsi qu’une convocation à un entretien préalable fixé au 9 mai 2018.

Mme [L] a été licenciée pour faute grave par courrier du 1er juin 2018.

Le 28 mai 2019, Mme [L] a saisi le Conseil de prud’hommes de Valence aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 16 février 2021, le Conseil de prud’hommes de Valence a :

– Annulé l’avertissement du 31 octobre 2017,

– Dit que Mme [L] a été victime de faits répétitifs constitutifs de harcèlement moral,

Prononcé la nullité du licenciement intervenu le 1er juin 2018,

– Condamné la société SOBRABO au paiement des sommes suivantes :

2 660,08 euros à titre de rappel de salaire sur la période de la mise à pied, outre 266 euros au titre des congés payés afférents,

4768 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 476,80 euros au titre des congés payés afférents,

9 536 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d’emploi,

1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté Mme [L] du surplus de ses demandes,

– Dit que la moyenne mensuelle brute de Mme [L] s’élève à la somme de 2384 euros,

– Débouté la SAS SOBARBO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision, et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la société SOBRADO, en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SAS SOBRABO aux dépens de l’instance.

La décision a été notifiée aux parties et la SAS SOBRABO en a interjeté appel par déclaration du 16 mars 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 décembre 2021, la SAS SOBRABO demande à la cour d’appel de :

Réformer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Valence le 16 février 2021 en ce qu’il a :

Annulé l’avertissement en date du 31 octobre 2017,

Dit que Mme [L] a été victime de faits répétitifs constitutifs de harcèlement moral,

Prononcé la nullité du licenciement intervenu le 1er juin 2018,

Condamné la SAS SOBRADO à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

2 660,08 euros à titre de rappel de salaire sur la période de la mise à pied, outre 266 euros au titre des congés payés afférents,

4 768 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 476,80 € au titre des congés payés afférents,

9 536 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d’emploi,

1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que la moyenne mensuelle brute de Mme [L] s’élève à la somme de 2 384 euros,

Débouté la SAS SOBRADO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision, et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du Décret du 8 mars 2001 portant modification du Décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par la SAS SOBRADO, en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SAS SOBRADO aux dépens de l’instance,

En conséquence :

Dire et juger le licenciement pour faute grave bien fondé,

Sur l’appel incident, débouter Mme [L] de ses demandes de dommages-intérêts pour :

Non-tenue des entretiens professionnels : 1 000 euros,

Non-respect des obligations d’adaptation et de formation : 2 000 euros,

Pour mesure vexatoire : 5 000 euros,

En tout état de cause :

Débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,

Condamner Mme [L] au paiement de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris ceux dus au titre d’une éventuelle exécution par voie légale de la décision à intervenir.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 6 septembre 2021, Mme [L] demande à la cour d’appel de :

A titre principal confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

Annulé l’avertissement en date du 31 octobre 2017,

Dit que Mme [L] a été victime de faits répétitifs constitutifs de harcèlement moral,

Prononcé la nullité du licenciement intervenu le 1er juin 2018,

Condamné la SAS SOBRADO à payer à madame [L] [H] les sommes suivantes :

2 660,08 euros à titre de rappel de salaire sur la période de la mise à pied, outre 266 euros au titre des congés payés afférents,

4 768 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 476,80 euros au titre des congés payés afférents,

9 536 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte d’emploi,

A titre subsidiaire, requalifier le licenciement pour faute grave en rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse et condamner la SAS SOBRABO à lui payer :

2 660,08 euros à titre de rappel de salaire sur la période de la mise à pied, outre 266 euros au titre des congés payés afférents,

4 768 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 476,80 € au titre des congés payés afférents,

9 536 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

30 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages-intérêts pour perte d’emploi,

Infirmer le jugement de première instance en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour non tenue des entretiens professionnels, non-respect des obligations d’adaptation et de formation et pour mesure vexatoire entourant le licenciement,

Statuant à nouveau, condamner la SAS SOBRABO à lui payer les sommes de :

1 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages- intérêts pour non tenue des entretiens professionnels,

2 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages-intérêts pour non-respect des obligations d’adaptation et de formation,

5 000 euros nets de CSG et CRDS à titre de dommages- intérêts pour mesure vexatoire,

3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Fixer la moyenne des salaires à une somme de 2 384 euros,

Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du Décret du 8 mars 2001 portant modification du Décret du 12 décembre 1996 devront être supportées par l’association la SAS SOBRABO en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.

L’affaire initialement fixée à l’audience du 28 novembre 2022, a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 6 février 2023, puis à l’audience du 13 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 31 octobre 2017 :

Moyens des parties,

Mme [L] affirme que dans l’avertissement notifié le 31 Octobre 2017, la SAS SOBRABO mentionne des manquements sans préciser aucune date, outre qu’elle ne produit aucune pièce établissant la réalité de ces manquements.

La SAS SOBRABO rappelle que cet avertissement était justifié et n’a pas été contesté par Mme [L].

Réponse de la cour,

En application des articles L. 1331-1 et suivants du code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Un même fait ne saurait justifier successivement deux mesures disciplinaires. Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié. De nouveaux griefs autorisent l’employeur à retenir des fautes antérieures déjà sanctionnées pour apprécier la gravité des faits reprochés au salarié.

Selon l’article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige en matière de sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit à la juridiction les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il ressort du courrier d’avertissement du 31 octobre 2017 que la SAS SOBRADO reproche à la salariée :

– De ne pas effectuer l’intégralité de ses heures de travail et de ne pas rattraper les heures non faites,

– De ne pas respecter le plan de charge et d’être à l’origine de retard ayant causé des mécontentements de la part de clients et des pénalités de retard.

Pour établir les faits reprochés à la salariée, la SAS SOBRADO se limite à alléguer dans ses conclusions qu’à partir de 2017, elle a constaté des « retards quasi systématiques le matin d’un quart d’heure à une demi-heure non récupérés dans la journée » et que « les absences injustifiées de plusieurs heures se sont multipliées ».

Il doit être relevé que la SAS SOBRADO ne fait mention d’aucune date précise dans son courrier d’avertissement à l’appui de son grief portant sur l’absence de respect de ses horaires de travail, et qu’elle n’apporte aucune précision supplémentaire dans ses conclusions.

Les attestations qu’elle verse aux débats de M. [V] et de Mme [K], tous deux salariés de l’entreprise, dans lesquelles ils indiquent avoir constaté des absences fréquentes et des retards répétés et réguliers de la part de la salariée, sont insuffisantes pour établir la matérialité du comportement reproché à la salariée, faute d’être étayées par des éléments objectifs démontrant la réalité des retards imputés, la cour d’appel relevant notamment que l’employeur ne produit aucun courriel rappelant à la salariée la nécessité de respecter ses horaires de travail ou lui demandant des explications sur l’un de ses retards, ni aucun courrier ou courriel de rappel à l’ordre.

Les bulletins de salaire versés aux débats, desquels il résulte que l’employeur a retranché de la rémunération versée à la salariée quatre heures pour la journée du 15 novembre 2017, trois heures pour la journée du 19 janvier 2018, une heure pour la journée du 21 février 2018 et quatre heures pour la journée du 26 février 2018 démontrent l’existence d’absences postérieures à l’avertissement et ne peuvent donc, pour cette raison, démontrer la matérialité du fait reproché pour la période antérieure au 31 octobre 2017.

S’agissant des retards dans l’exécution de son travail, la SAS SOBRADO ne verse aux débats aucun élément objectif permettant de démontrer les erreurs, retards, et mécontentements allégués de clients, les seules attestations de M. [C] [S] et M. [M] [S] ne pouvant à elles seules suffire à établir les comportements fautifs reprochés à la salariée.

La SAS SOBRADO échoue ainsi à démontrer la matérialité des faits reprochés à la salariée dans l’avertissement du 31 octobre 2017.

Dès lors, l’avertissement du 31 octobre 2017 est injustifié et doit être annulé, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la demande au titre des entretiens professionnels :

Moyens des parties,

Mme [L] affirme qu’elle n’a jamais eu d’entretien annuel professionnel qui aurait permis de faire un bilan sur sa carrière professionnelle.

La SAS SOBRABO soutient en réponse que Mme [L] ne démontre pas avoir subi un préjudice lié à l’absence d’entretien professionnel.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l’article L. 6315-1 du code du travail :

I. ‘ A l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience, à l’activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l’employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.

Cet entretien professionnel, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire sécurisée mentionnée à l’article L. 1222-12, d’une période d’activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du présent code, d’un arrêt longue maladie prévu à l’article L. 324-1 du code de la sécurité sociale ou à l’issue d’un mandat syndical. Cet entretien peut avoir lieu, à l’initiative du salarié, à une date antérieure à la reprise de poste.

II. ‘ Tous les six ans, l’entretien professionnel mentionné au I du présent article fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s’apprécie par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Cet état des lieux, qui donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié, permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus au I et d’apprécier s’il a :

1° Suivi au moins une action de formation ;

2° Acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience ;

3° Bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.

Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque, au cours de ces six années, le salarié n’a pas bénéficié des entretiens prévus et d’au moins une formation autre que celle mentionnée à l’article L. 6321-2, son compte personnel est abondé dans les conditions définies à l’article L. 6323-13.

Pour l’application du présent article, l’effectif salarié et le franchissement du seuil de cinquante salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

III. ‘ Un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche peut définir un cadre, des objectifs et des critères collectifs d’abondement par l’employeur du compte personnel de formation des salariés. Il peut également prévoir d’autres modalités d’appréciation du parcours professionnel du salarié que celles mentionnés aux 1° à 3° du II du présent article ainsi qu’une périodicité des entretiens professionnels différente de celle définie au I.

La SAS SOBRADO ne produit aucun élément permettant de démontrer qu’elle aurait respecté ses obligations à l’égard de Mme [L] au titre des dispositions susvisées de l’article L. 6315-1 du code du travail, depuis qu’il a été introduit en droit français par la loi 2014-288 du 5 mars 2014.

L’employeur ne peut valablement soutenir que la salariée n’aurait subi aucun préjudice résultant de l’absence d’entretiens professionnels organisés au cours de la relation de travail, dès lors que l’absence de ces entretiens professionnels lui a causé un préjudice résultant de l’absence de possibilité de construire des perspectives d’évolution professionnelle en les inscrivant dans le cadre de la relation de travail, lesquelles pouvaient impliquer la réalisation de formations devant être envisagées conjointement avec l’employeur.

Dès lors, le préjudice subi par la salariée sera justement réparé par la condamnation de la SAS SOBRADO à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande au titre des obligations d’adaptation et de formation :

Moyens des parties,

Mme [L] affirme, au visa de l’article L. 6321-1 du code du travail, que son employeur n’a pas proposé d’action de formation pour la tenue des postes et fonctions au sein de l’entreprise.

La SAS SOBRABO affirme là encore que Mme [L] ne démontre aucun préjudice.

Réponse de la cour :

L’article L. 6321-1 du code du travail prévoit que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail, veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences.

Cette obligation de l’employeur de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi existe même en l’absence d’évolution de l’emploi ou de développement prévisible de la carrière du salarié et relève de l’initiative de l’employeur, peu important que le salarié n’ait pas demandé de formations au cours de l’exécution du contrat de travail ni sollicité une évolution de son emploi rendant nécessaire une adaptation à son poste de travail

La SAS SOBRADO ne verse aux débats aucun élément permettant de démontrer que la salariée aurait suivi des formations durant les quatorze années qu’a duré la relation contractuelle et qu’elle a valablement rempli l’obligation qui lui incombe.

Toutefois, l’inobservation par l’employeur de son obligation de formation n’emporte pas sa condamnation automatique à verser des dommages-intérêts au salarié et il incombe à ce dernier de démontrer qu’il a subi un préjudice du fait du non-respect de l’obligation de formation qui peut notamment résulter de la perte de chance de retrouver un emploi ou de l’impact significatif sur son évolution de carrière.

Or, Mme [L] ne démontre pas avoir échoué dans sa recherche d’emploi du fait du non-respect par son employeur de son obligation de formation, la seule inscription à Pôle emploi étant insuffisante à démontrer l’existence de son préjudice. Elle doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la demande au titre du harcèlement moral :

Moyens des parties :

Madame [L] [H] affirme, au visa des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, qu’elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, aux motifs que :

– La qualité des relations au travail a changé à compter de l’arrivée de [C] et [M] [S] dans l’entreprise,

– Depuis le mois de juillet 2016, elle était seule dessinatrice, alors que le service a toujours compté deux dessinateurs, entrainant une surcharge de travail,

-Le 31 octobre 2017, elle a reçu un avertissement abusif,

– Elle ne disposait pas de tous les outils nécessaires à ses fonctions, alors que le fils du dirigeant disposait d’un logiciel spécifique dont elle aurait eu besoin et qu’elle n’a jamais eu le droit de l’utiliser,

– Le 23 février 2018, elle a été victime d’un accident de la circulation qualifié d’accident de travail, et elle est arrivée avec une heure de retard, que son employeur lui a retenue,

– A son retour d’arrêt maladie en mars 2018, ses outils de travail lui avaient été retirés,

– Durant toute l’année 2016, M. [C] [S] a exercé des pressions sur elle, ayant un comportement très oppressant à son encontre et lui faisant sans cesse des reproches, ce qui l’a amenée à solliciter un entretien avec son médecin,

– Son employeur justifie les reproches formulés par ses retards, absences et l’utilisation de son téléphone portable, en produisant des attestations de salariés non probantes,

– Elle a été placée en arrêt de travail durant trois semaines en mars 2018 pour syndrome anxiodépressif, suite au harcèlement subi par M. [C] [S].

La SAS SOBRABO affirme en réponse que Mme [L] ne rapporte pas la preuve de faits précis et concordants laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral. Elle soutient ainsi que :

– L’arrivée de [C] [S], fils du [O] [S], en 2016 n’a rien changé à la relation de travail de Mme [L] avec sa direction puisque [O] [S] est resté à la tête de l’entreprise jusqu’au 20 juillet 2021,

– La société a connu une baisse importante de son activité matérialisée par une baisse de son chiffre d’affaires entre 2013 et 2015, de sorte qu’il n’y avait aucune surcharge de travail,

– Mme [L] était dotée d’un logiciel informatique spécifique, dédié aux dessins d’architecture et aux installations techniques dans un bâtiment, outre qu’elle avait le droit d’utiliser le logiciel LOGIKUTCH sur l’ordinateur de M. [M] [S],

– Elle n’a pas été informée que le retard du 23 février 2018 était dû à un accident de trajet,

– Durant l’absence de Mme [L] en mars 2018, ses outils de travail ne lui ont pas été retirés, mais ont été utilisés par les personnes qui l’ont remplacée,

– Mme [L] ne démontre pas le lien entre son arrêt de travail et ses conditions de travail.

Réponse de la cour,

Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Suivant les dispositions de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait constitutifs selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il appartient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [L] fait grief à l’employeur de lui avoir fait subir un harcèlement moral sur son lieu de travail caractérisé par plusieurs faits imputables à son employeur.

La SAS SOBRADO ne conteste pas que jusqu’en juillet 2016, le bureau d’étude était composé de deux dessinateurs expérimentés, Mme [L], et M. [B], et que celui-ci a donné sa démission en juillet 2016 et quitté les effectifs de la société sans être remplacé par un salarié de formation et de compétence équivalents.

Ce fait est établi.

La SAS SOBRADO ne conteste pas que le logiciel LOGIKUTCH n’était pas installé sur le poste informatique de la salariée.

Ce fait est établi.

La salariée produit :

– Une photographie d’un écran d’ordinateur ayant pour fond d’écran une moto de course,

– Une photographie d’une partie de l’écran d’un ordinateur montrant une fenêtre ouverte intitulée « Propriétés de BIBLI NATH » et les indications suivantes : « Taille : 0 octet », « Créé le : jeudi 13 avril 2017 » et « Supprimé le : lundi 5 mars 2018 »,

– Une photographie d’un espace de bureau faisant apparaître une chaise de bureau classique, sans support pour les cervicales,

– Une photographie d’un espace de bureau montrant des étagères vides,

– Une photographie d’un espace de bureau montrant une bannette vide.

Ces photographies sont suffisantes pour établir que durant son arrêt de travail du 1er au 25 mars 2018, le poste de travail de la salariée a été utilisé par une personne en son absence, et qu’ainsi son fond d’écran a été modifié, sa chaise de bureau remplacée par une autre moins ergonomique, sa documentation et ses dossiers de travail ont été retirés et déplacés, et que son dossier informatique de travail a été vidé et supprimé.

Ces faits sont établis.

Il ressort du bulletin de paie du mois de février 2018 que la salariée s’est vu retenir une heure de travail de sa rémunération sur la journée du 23 février 2018. Ce fait est établi.

S’agissant des altercations qu’elle allègue avoir eu avec M. [C] [S], la salariée verse un message du 1er mars 2018 envoyé à 8h54 dans lequel elle évoque une nouvelle altercation le matin avec le fils de son employeur en indiquant que « cela dure depuis un moment », et ajoute : « je suis au bout’ j’ai failli partir du travail ce matin’ du harcèlement sans arrêt’ pour n’importe quoi’ », la salariée demandant un rendez-vous à son médecin en indiquant « être à bout psychologiquement » (« je n’ai jamais demandé ça à un docteur’ mais j’aimerais que vous m’arrêtiez’ besoin psychologiquement au bout (‘) Je ne supporte plus ces reproches sans arrêt »).

Il doit être relevé que le Dr [G], auquel le message a été adressé, a répondu par courriel à la salariée le même jour à 9h16 en la conviant à un rendez-vous à 18h45 ce même jour.

Si, la SAS SOBRADO ne produit aucun élément permettant de mettre en doute l’authenticité de ce courriel et de l’écarter des débats, la salariée ne verse quant à elle, comme elle en a la charge, aucun élément objectif extérieur venant corroborer le mail qu’elle a elle-même rédigé faisant état des faits dénoncés et donc insuffisamment probant.

Ce fait n’est pas établi.

La salariée s’est vu notifier un avertissement par courrier du 31 octobre 2017 aux motifs de mécontentements de clients sur les délais de fourniture de documents, ayant notamment, pour un chantier, entraîné des pénalités de retard, et de ne pas respecter ses horaires de travail. Ce fait est établi.

Enfin, Mme [L] produit un courrier du 13 novembre 2018 de son médecin traitant, le Dr [G], dans lequel celui-ci indique qu’il la suit en tant que patiente depuis le mois de novembre 2014 et confirme qu’il n’a jamais eu à traiter de problèmes en lien avec la dépression ou de mal-être avant la fin du mois de février 2018.

Le Dr [G] indique par ailleurs que la salariée a été placée en arrêt de travail pour quinze jours, renouvelé pour huit jours, à compter du 2 mars 2018 pour « syndrome anxio dépressif réactionnel » avec prescription d’un traitement anxiolytique « car troubles du sommeil, troubles de la mémoire, idées noires, pleurs incontrôlées, perte de l’appétit et de l’élan vital », et que la salariée l’a à nouveau consulté le 16 mars 2018 (prolongation de l’arrêt initial de huit jours), le 14 mai 2018 (motif : « consultation sur mal être, persistance des symptômes dépressifs »), le 22 juin et le 22 juillet 2018 pour le même motif, et le 5 mai 2018 pour le même motif, le Dr [Z] indiquant : « amélioration partielle des symptômes mais reste fragile ».

La salariée verse également aux débats la copie de son arrêt de travail initial susvisé et les copies des ordonnances de son médecin traitant lui prescrivant un traitement anxiolytique.

Il résulte de l’examen des faits établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis et concordants permettant de supposer que Mme [L] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral ayant engendré une dégradation importante de ses conditions humaines, matérielles et relationnelles de travail avec pour conséquence un état dépressif.

Il incombe dès lors à l’employeur de démontrer que les faits établis sont étrangers à tout harcèlement moral.

Pour justifier sa décision de ne pas remplacer M. [B] à la suite de sa démission en juillet 2016, la SAS SOBRADO fait valoir que la société a connu une importante baisse d’activité matérialisée par une baisse de son chiffre d’affaires de près de 37 % entre 2013 et 2014, puis que son chiffre d’affaires a par la suite stagné entre 2016 et 2017, et verse aux débats ses comptes de résultat pour les exercices clos pour les années 2013, 2015, 2017 et 2018.

Il doit être relevé que la SAS SOBRADO ne produit aucun élément permettant de convaincre la cour que la charge de travail à compter de la baisse alléguée de chiffre d’affaires à partir de l’année 2013, était insuffisante pour occuper deux dessinateurs à temps plein, et ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle n’a pas procédé au licenciement de l’un de deux dessinateurs pour motif économique à compter de 2013 ou lorsqu’elle a constaté que le chiffre d’affaires stagnait les années suivantes.

La société ne produit pas non plus d’élément démontrant qu’elle aurait réaffecté l’un des deux dessinateurs à d’autres fonctions en raison de la baisse d’activité de l’entreprise à compter de 2013.

Les deux attestations produites, à savoir celle de M. [C] [S], responsable de travaux, qui indique qu’il s’occupe désormais seul de la préparation des chantiers, en plus de son rôle de responsable de travaux, et celle de M. [V], métreur, qui allègue qu’un seul dessinateur occupe le poste depuis le départ de la salariée, malgré une augmentation de 10 % du chiffre d’affaires en 2018 et une augmentation identique en 2019, sont insuffisantes, faute d’être étayées par des éléments objectifs permettant à la cour d’apprécier la réalité de la charge de travail confiée aux deux dessinateurs, d’une part, avant le départ de M. [B] en juillet 2016, d’autre part, à la suite de son départ, enfin, à la suite du départ de Mme [L], pour démontrer que le départ de M. [B] n’a engendré aucune surcharge de travail subie par la salariée, comme le soutient l’employeur.

Dès lors, il y a lieu de retenir que la SAS SOBRADO ne justifie pas par de raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, sa décision de ne pas remplacer M.[B] par un employé de compétence similaire à la suite de sa démission en juillet 2016 et de laisser par conséquent Mme [L] prendre en charge la totalité de la charge de travail qui était jusqu’alors répartie entre deux salariés affectés aux mêmes tâches.

S’agissant de l’absence du logiciel LOGIKUTCH sur le poste informatique de la salariée, la SAS SOBRADO se limite à alléguer que le logiciel dont disposait la salariée, à savoir le logiciel AUTOCAD, lui permettait de réaliser les cotations de manière informatique, et non à la main comme le soutient la salariée, et que le logiciel LOGIKUTCH permet seulement d’améliorer la qualité esthétique des carnets de détails.

Sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le point de savoir si le logiciel AUTOCAD, présent sur le poste de travail de Mme [L], permettait ou non de coter informatiquement, il doit être relevé que la SAS SOBRADO n’explique pas pour quelle raison le logiciel LOGIKUTCH n’a pas été installé sur son poste de travail, mais uniquement sur le poste de travail de M. [M] [S], salarié en cours de formation, et par conséquent bien moins expérimenté que la salariée.

La SAS SOBRADO, qui conteste incidemment l’utilité de ce logiciel en produisant l’attestation de M. [M] [S], salarié en alternance, dans laquelle celui-ci indique qu’il « n’était en aucun cas indispensable pour réalité le travail que nous avions à faire », n’apporte pas de précision suffisante à la cour d’appel lui permettant d’apprécier le bien-fondé de cette allégation.

Au surplus, il doit être constaté que l’employeur soutient que la salariée avait accès à ce logiciel, et produit, au soutien de son allégation, outre l’attestation susvisée de M. [M] [S], dans laquelle celui-ci précise que la salariée avait accès à son poste informatique lors de ses périodes d’apprentissage à l’école, une attestation de Mme [K], secrétaire, qui indique qu’en l’absence de M. [M] [S] lorsqu’il était à l’école, Mme [L] « a travaillé sur le poste informatique de ce dernier ».

Dès lors, la SAS SOBRADO se contredit en soutenant dans le même temps que ce logiciel n’était pas indispensable à la réalisation des tâches confiées à la salariée, et que la salariée y avait accès en l’absence de M. [M] [S].

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que la SAS SOBRADO ne justifie pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral pourquoi le logiciel LOGIKUTCH n’était pas installé sur son poste informatique, mais uniquement sur celui de M. [M] [S], salarié en alternance, moins expérimenté que la salariée.

S’agissant des modifications de son espace de travail durant son arrêt de travail de trois semaines en mars 2018, il doit être relevé que la SAS SOBRADO, qui allègue que celles-ci seraient justifiées par l’utilisation de son poste de travail par la personne chargée de réaliser son travail en son absence, n’apporte aucune précision sur l’identité de cette personne et ne produit aucun élément démontrant que les dossiers suivis par la salariée auraient été confiés à un autre salarié durant cette période.

Ainsi, il doit être retenu que la SAS SOBRADO ne justifie pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral la modification du fond d’écran du poste informatique de la salariée, et la suppression de l’ensemble des documents se trouvant à la fois sur les étagères de son bureau et dans sa bannette.

La SAS SOBRADO ne peut non plus valablement soutenir qu’il était nécessaire de supprimer l’intégralité de la bibliothèque de son disque dur, dans le seul but de réaliser une bibliothèque de croquis, et ainsi de priver la salariée de l’ensemble de ses données de travail à son retour d’arrêt de travail, l’employeur n’alléguant pas qu’il aurait par ailleurs effectué une sauvegarde des données de la salariée, dans le but de les lui restituer à son retour.

Par ailleurs, il est sans incidence que la SAS SOBRADO ait demandé à plusieurs reprises à la salariée de réaliser cette bibliothèque de croquis, ce qu’elle ne démontre au demeurant pas par la production d’éléments objectifs (courriels de consignes en ce sens, courriels ou courriers de rappel à l’ordre), l’attestation de M. [C] [S] n’étant pas un élément suffisant permettant d’en faire la démonstration, l’éventuelle omission de la salariée de réaliser cette tâche ne pouvant en tout état de cause justifier la suppression de son dossier informatique de travail.

Dès lors, il y a lieu de retenir que la SAS SOBRADO ne justifie pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral la suppression du dossier informatique de travail de la salariée.

Enfin, l’attestation de Mme [K], dans laquelle celle-ci indique qu’elle a demandé si elle pouvait emprunter le fauteuil de Mme [L] en son absence, et qu’elle a obtenu l’autorisation de le faire si elle le lui restituait à son retour, ce qu’elle dit avoir fait, est insuffisante pour justifier par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral l’absence de son fauteuil à son retour d’arrêt maladie, établie par la photographie produite par la salariée et non contestée par l’employeur, peu important qu’il ait pu lui être restitué par la suite, la cour d’appel rappelant que le salarié est en droit de retrouver un espace de travail fonctionnel et conforme à l’état dans lequel il était à son départ lors de son retour sur son lieu de travail, peu important les raisons de son absence (congés, arrêt de travail, etc.).

S’agissant de l’heure retenue sur sa rémunération du mois de février 2018, la SAS SOBRADO allègue qu’elle n’a jamais eu connaissance de ce que la salariée aurait eu un accident de la circulation qualifié d’accident du travail ce jour-là, et que la salariée ne lui a jamais fourni aucun élément en ce sens, permettant de justifier de son heure de retard à la prise de son poste le 23 février 2018.

Il doit être constaté que la salariée, qui ne conteste pas être arrivée en retard d’une heure ce jour-là, ne produit pour sa part aucun élément démontrant qu’elle venait de subir un accident de la circulation sur le trajet du travail et qu’elle en aurait averti son employeur.

Dès lors, il y a lieu de retenir que la SAS SOBRADO justifie par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral de la retenue d’une heure sur la rémunération du mois de février 2018.

S’agissant de l’avertissement du 31 octobre 2017, il a été retenu précédemment que celui-ci était injustifié et qu’il y avait lieu de l’annuler. Dès lors, la SAS SOBRADO ne justifie pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral sa décision de sanctionner la salariée par un avertissement.

Les attestations de plusieurs salariés produites par la SAS SOBRADO, dans lesquelles ceux-ci indiquent qu’ils n’ont jamais eux-mêmes fait l’objet d’un harcèlement moral sur leur lieu de travail ou qu’ils n’ont jamais constaté l’adoption d’un harcèlement moral à l’encontre de Mme [L], sont sans aucune pertinence dans le cadre de l’appréciation par la cour d’appel de l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de Mme [L], le fait qu’un salarié n’ait pas subi un harcèlement moral n’impliquant pas qu’un autre ne puisse en être victime, et l’absence de constatation par des salariés d’un harcèlement moral par un salarié, y compris par ceux travaillant dans un environnement proche ou partageant le même bureau du salarié qui allègue avoir subi un harcèlement, n’étant pas un élément permettant de caractériser l’existence ou l’absence d’un harcèlement moral subi par un salarié.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations que l’employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [L], à l’exception de la retenue d’une heure sur sa rémunération du mois de février 2018, sont justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral. Le harcèlement moral est donc établi, par confirmation du jugement dont appel de ce chef.

Mme [L] ne demande pas de dommages et intérêts au titre du préjudice subi résultant du harcèlement moral. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties,

La SAS SOBRABO soutient que les reproches formulés à sa salariée sont fondés sur des faits objectifs, et justifiés par :

– Ses retards et absences injustifiés,

– Les demandes réitérées et restées sans effet d’établir un planning des dossiers à remettre afin qu’elle puisse avoir une visibilité sur son travail et que l’employeur puisse l’aider à s’organiser,

– L’avertissement du 31 octobre 2017 qui n’a pas été contesté,

– Les erreurs techniques et les prises de retard dans la remise des carnets de détails, pour cinq des six chantiers mentionnés dans la lettre de licenciement, outre sept autres chantiers.

A titre principal, la salariée soutient que son licenciement doit être déclaré nul en ce qu’il est intervenu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail.

A titre subsidiaire, Mme [L] soutient sur son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle allègue en premier lieu, au visa de l’article L. 1235-2 du code du travail, que son employeur ajoute dans ses écritures des griefs qui ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement.

Elle expose en outre qu’elle était une simple dessinatrice exécutante. Or sur les retards dans l’exécution de ses taches, elle affirme qu’ils sont imputables au seul employeur qui ne lui a pas indiqué d’ordre à respecter et ne lui donnait pas de date de remise.

Elle ajoute que les reproches sur la qualité de son travail sont liés au matériel informatique utilisé, à l’absence d’accès à certains logiciels, à l’absence de formation et à l’absence d’entretien individuel pour déterminer les actions de formation à mettre en ‘uvre.

Elle précise enfin, sur les chantiers visés dans la lettre de licenciement, que :

– L’erreur de mention de l’isolant « laine de roche », sur son carnet de détails pour le chantier ADAPEI de Lautagne a été rectifiée, et que cette modification relève du quotidien d’une entreprise telle que la SAS SOBRABO,

– L’employeur tente de lui faire supporter les retards du chantier OPUS de [Localité 6], pourtant inhérents à tout chantier, et imputables à la seule direction,

– Le retard dans l’établissement du carnet de détails du chantier de l’EHPAD à [Localité 5] a pour origine les sollicitations du client qui demandait de le compléter et de le mettre à jour,

– L’employeur lui reproche des erreurs sur un carnet de détails du 30 mai 2018 du chantier Les Terrasses Fleuries à [Localité 7], alors qu’elle avait quitté l’entreprise,

– Pour le chantier ESAD de [Localité 7], l’employeur ne démontre pas que le retard lui serait imputable,

– Les documents produits par l’employeur sont incomplets pour le chantier Brigade SNCF à [Localité 7] et ne permettent pas de déterminer qu’une faute lui serait imputable dans la mesure où si des modifications ont été faites, elle n’en a jamais été informée.

Réponse de la cour,

Aux termes de l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions susvisées des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Par ailleurs, selon les dispositions des article L. 1332-2 et suivants du code du travail, l’employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire dans l’attente de prononcer une sanction disciplinaire si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité telle, qu’ils justifient sa mise à l’écart immédiate de l’entreprise. Cette mesure doit être suivie immédiatement de l’ouverture de la procédure disciplinaire et interrompt la prescription des faits fautifs. Seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l’employeur de payer au salarié concerné le salaire afférent à cette période au cours de laquelle le salarié est dispensé d’exécution de son travail.

Enfin, selon l’article 1235-3-1, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

(‘)

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4.

Il a été retenu précédemment que la salariée avait subi un harcèlement moral et qu’elle avait été placée en arrêt de travail au cours du mois de mars 2018 pour trois semaines pour syndrome anxio-dépressif et que son médecin traitant avait constaté une poursuite des symptômes pendant plusieurs mois à la suite de cet arrêt de travail.

Il est constant, d’une part, que la salariée a été mise à pied à titre conservatoire par un courrier remis en main propre le 26 avril 2018, ce courrier indiquant par ailleurs qu’il est envisagé de la licencier pour faute grave et la convoquant à un entretien préalable à cette éventuelle mesure fixé au 9 mai 2018, d’autre part, que la SAS SOBRADO lui a notifié son licenciement pour faute grave le 1er juin 2018.

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, et à la concomitance entre les faits établis par la salariée caractérisant un harcèlement moral et la dégradation durable de son état de santé, il y a lieu de retenir que le harcèlement moral subi par Mme [L] se poursuivait au moment de sa mise à pied à conservatoire, qui a duré plus d’un mois, et de la décision de son licenciement par l’employeur.

Il en résulte, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé des griefs invoqués par la SAS SOBRADO dans la lettre de licenciement, que le licenciement pour faute grave de Mme [L] doit être déclaré nul, par application des dispositions susvisées de l’article L. 1152-3 du code du travail.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef et doit également être confirmé en ce qu’il a condamné la SAS SOBRADO à payer à Mme [L] les sommes suivantes, dont l’employeur ne conteste pas le calcul :

– 2 660,08 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre – 266 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

– 4 768 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 476,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

– 9 536 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

Mme [L] justifie avoir bénéficié de l’Allocation de retour à l’emploi jusqu’au mois de janvier 2019 par la production d’une attestation de paiement délivrée par Pôle emploi, et avoir rencontré des difficultés financières durant cette période.

Eu égard au préjudice ainsi établi résultant de son licenciement nul, de son ancienneté dans l’entreprise de 14 ans, de la rémunération qu’elle percevait lors de la rupture de la relation de travail, et des circonstances dans lesquelles celle-ci est intervenue, la SAS SOBRADO doit être condamnée à payer à Mme [L] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul par réformation du jugement entrepris sur le quantum de la condamnation.

Sur le caractère vexatoire de la procédure de licenciement :

Moyens des parties,

Mme [L] affirme, au visa de l’article L. 1222-1 du code du travail, que son employeur n’a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi, et que les circonstances de son licenciement ont été brutales et vexatoires.

La SAS SOBRABO ne conclut pas sur cette demande.

Réponse de la cour,

Il est de principe que le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement et de justifier de l’existence de ce préjudice et que le licenciement soit ou non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Mme [L] ne justifie d’aucune faute de son employeur dans les circonstances entourant son licenciement, et ne fait la démonstration d’aucun préjudice en résultant, distinct du préjudice résultant de la perte de son emploi en conséquence de son licenciement nul.

Dès lors, la salariée doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office à l’employeur le remboursement des allocations chômages perçues par la salariée du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, les organismes intéressés n’étant pas intervenus à l’audience et n’ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement entrepris est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

La SAS SOBRADO, partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme [L] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Enfin, il convient de rappeler que conformément aux dispositions de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution, les frais d’exécution forcée sont de plein droit à la charge du débiteur, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point, au visa de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, lequel est par ailleurs abrogé.

La décision de première instance sera donc infirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Annulé l’avertissement du 31 octobre 2017,

– Dit que Mme [L] a été victime de faits répétitifs constitutifs de harcèlement moral,

– Prononcé la nullité du licenciement intervenu le 1er juin 2018,

– Débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect de l’obligation de formation,

– Condamné la société SOBRABO au paiement des sommes suivantes :

2 660,08 euros à titre de rappel de salaire sur la période de la mise à pied, outre 266 euros au titre des congés payés afférents,

4 768 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 476,80 euros au titre des congés payés afférents,

9 536 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit que la moyenne mensuelle brute de Mme [L] s’élève à la somme de 2 384 euros,

– Débouté la SAS SOBARBO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la SAS SOBRABO aux dépens de l’instance.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS SOBRADO à payer en outre les sommes suivantes :

– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l’absence d’entretiens professionnels au cours de la relation de travail,

– 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

ORDONNE d’office à la SAS SOBRADO le remboursement des allocations chômages perçues par Mme [L] du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, en vertu des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, les organismes intéressés n’étant pas intervenus à l’audience et n’ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés,

DIT qu’une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction,

CONDAMNE la SAS SOBRADO aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,

 


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