Démarchage Téléphonique : décision du 11 avril 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01564

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Démarchage Téléphonique : décision du 11 avril 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/01564

PhD/ND

Numéro 23/1329

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 11/04/2023

Dossier : N° RG 21/01564 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H3U6

Nature affaire :

Demande en paiement relative à un autre contrat

Affaire :

[T] [H] [F]

C/

S.A.R.L. CPMA MEDICAL

S.A.S. LOCAM LOCATIONS AUTOMOBILES MATERIELS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 11 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 21 Février 2023, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [T] [H] [F]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Vincent DELPECH de la SCP ETCHEVERRY & DELPECH, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEES :

S.A.R.L. CPMA MEDICAL

[Adresse 1]

[Localité 6]

assignée

S.A.S. LOCAM – LOCATIONS AUTOMOBILES MATERIELS

immatriculée au RCS de Saint Etienne sous le n° B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sabrina- ABDI de la SCP CAMESCASSE-ABDI, avocat au barreau de PAU

Assistée de LEXI Conseil & Défense, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

sur appel de la décision

en date du 29 MARS 2021

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BAYONNE

FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Suivant bon de commande du 06 février 2017, Mme [T] [H]-[F] (la locataire), infirmière libérale, a commandé auprès de la société à responsabilité limitée Cpam médical (le vendeur) un appareil « bodywork » à ultrason par cavitation et radiofréquence moyennant le prix de 28.800 euros TTC.

Cette commande a été financée au moyen d’un crédit-bail souscrit le 10 mars 2017 auprès de la société par actions simplifiée Locam (le bailleur), d’une durée de 48 mois.

Le matériel a été livré le 10 mars 2017, et les fonds libérés par le bailleur au vu de la facture émise le même jour.

Par lettre du 19 juillet 2017, la locataire a notifié au vendeur sa décision de « résilier » le contrat de vente.

Par lettre distincte, la locataire a également notifié au bailleur sa décision de « résilier » le contrat de crédit-bail.

Le 26 juillet 2017, le bailleur a refusé d’accéder à la demande de la locataire.

La locataire a cessé de régler les loyers à compter du mois de septembre 2017.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 18 septembre 2017, la locataire, par l’intermédiaire de son conseil, a notifié au vendeur et au bailleur sa décision d’exercer son droit de rétractation.

Par lettre recommandée avec accusé de réception remise le 15 décembre 2017, le bailleur a mis en demeure la locataire de régulariser les trois loyers impayés dans les huit jours, sous peine de déchéance du terme, et de paiement immédiat de la somme de 34.691,73 euros.

Suivant exploit du 11 décembre 2019, le bailleur a fait assigner la locataire par devant le tribunal de grande instance de Bayonne en paiement des sommes dues au titre du contrat de crédit-bail.

Suivant exploit du 13 juillet 2020, la locataire a appelé le vendeur en intervention forcée.

La société Cpma médical n’a pas constitué avocat.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement réputé contradictoire du 29 mars 2021, le tribunal judiciaire de Bayonne a :

– condamné Mme [H]-[F] à payer à la société Locam la somme de 31.510,08 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2017, outre la somme de 500 euros au titre de la clause pénale

– débouté Mme [H]-[F] de ses demandes

– condamné Mme [H]-[F] au paiement de la somme de 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration faite au greffe de la cour le 7 mai 2021, Mme [H]-[F] a relevé appel de ce jugement en intimant la société Locam.

Par une seconde déclaration faite au greffe de la cour le 30 août 2021, Mme [H]-[F] a relevé appel de ce même jugement en intimant la société Cpma médical.

Le 21 octobre 2021, l’appelante a fait signifier à celle-ci, dans les formes de l’article 656 du code de procédure civile, la déclaration d’appel et ses dernières conclusions remises au greffe le 8 octobre 2021.

La société Cpma médical n’a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 janvier 2023.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2021 et signifiées le 21 octobre 2021 par Mme [H]-[F] qui a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau de :

A titre principal :

– dire et juger que Mme [H]-[F] peut se prévaloir de la qualité de consommateur

– à tout le moins, dire et juger que si, elle doit être qualifiée de professionnelle, elle peut se prévaloir des dispositions de l’article L221-3 du code de la consommation

– dire et juger que Mme [H]-[F] a été démarchée par la société Cpma médical et qu’en conséquence un droit de rétractation aurait dû lui être notifié

– dire et juger qu’aucun droit de rétractation ne lui a été notifiée et qu’elle était fondé à solliciter la résiliation du contrat

– dire et juger que le contrat conclu entre elle et la société Cpma médical a été résilié le 15 mai 2017

– dire et juger qu’en conséquence, le contrat conclu avec la société Locam est caduc

– en conséquence, débouter la société Locam de l’intégralité de ses demandes

– reconventionnellement, condamner la société Locam à lui rembourser les sommes versées à ce jour versées selon échéancier

– condamner la société Locam à récupérer à ses frais la machine litigieuse.

A titre subsidiaire :

– après avoir constaté que les conditions essentielles du contrat souscrit entre elle et la société Cpma médical n’étaient pas remplies, dire et juger que le contrat conclu est caduc

– en conséquence déclarer caduc le contrat conclu avec la société Locam

– débouter la société Locam de l’intégralité de ses demandes

– reconventionnellement, condamner la société Locam à lui rembourser les sommes versées et à récupérer la machine litigieuse.

En tout état de cause, réduire à 1euro symbolique le montant de la clause pénale sollicitée, et condamner la société Locam à lui payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2021 par la société Locam qui a demandé à la cour de débouter Mme [H]-[F] de ses demandes et de confirmer le jugement entrepris, outre sa condamnation au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

En l’espèce, il ressort du procès-verbal d’huissier que la déclaration d’appel et les conclusions d’appel ont été signifiées à la société Cpma médical, à domicile, dont la réalité a été vérifiée, avec remise de l’acte à l’étude de l’huissier, dans les formes de l’article 656 du code de procédure civile.

La cour paraît donc régulièrement saisie à l’égard de cette partie défaillante et le présent arrêt sera rendu par défaut.

sur l’application du droit de la consommation

L’appelante fait grief au jugement d’avoir écarté les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement alors que l’acquisition de l’appareil bodywork, à destination esthétique, exclusive de tout intérêt médical, n’entrait pas dans le domaine de son activité d’infirmière libérale, de sorte que, en application de l’article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement doivent être étendues au contrat conclu avec la société Cpma médical.

L’intimée objecte, d’abord, que le contrat de crédit-bail est exclu du bénéfice des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement, et, ensuite que l’appareil commandé, ayant pour finalité de permettre à la locataire de dispenser des soins esthétiques, entrait dans le champ de son activité principale d’infirmière libérale au sens de l’article L. 221-3 du code de la consommation dont elle revendique l’application.

L’article L. 221-3 du code de la consommation dispose que les dispositions des section II, III, VI du présent chapitre applicable aux relations conclues entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entrent pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En premier lieu, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, les dispositions de l’article L. 221-2, 4° du même code, excluant les contrats portant sur des services financiers, ne sont pas applicables à l’opération conclue par Mme [H]-[F] dès lors que le contrat principal a pour objet la vente de l’appareil bodywork, commandé par le locataire mandaté par le crédit-bailleur, le contrat de crédit-bail n’étant que l’accessoire de cette vente.

Ensuite, il est constant que l’opération a été conclue dans le cadre d’un démarchage commercial au cabinet d’infirmière libérale de Mme [H]-[F].

L’appareil bodywork à ultrason par cavitation et radiofréquence, objet de la commande, propose une technique non invasive qui utilise les ondes à basse fréquence et les massages pour éliminer la graisse localisée.

L’utilisation de cet appareil ne nécessite aucune formation relevant d’une profession médicale réglementée, sa seule finalité esthétique d’affinement de la silhouette relevant d’une prestation commerciale pouvant être dispensée sans pré-requis réglementaire.

Par conséquent, non seulement l’utilisation d’un tel appareil n’entre pas dans le champ de l’activité principale de Mme [H]-[F], exclusivement dédiée aux soins infirmiers réglementés par le code de la santé publique, mais, en raison de sa destination commerciale, ne peut être affectée à l’exercice d’une activité d’infirmière libérale.

Et, Mme [H]-[F], qui a été démarchée en raison de sa qualité d’infirmière, mentionnée dans le bon de commande, n’exploitait aucune activité commerciale parallèlement à son activité d’infirmière libérale.

Enfin, il n’est pas contesté que Mme [H]-[F] travaille seule au sein de son cabinet, comme elle le soutient dans ses écritures.

Par conséquent, le contrat portant sur la commande de l’appareil bodywork n’entre pas dans le champ de l’activité principale de Mme [H]-[F], de sorte que celle-ci est fondée à revendiquer le bénéfice des dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation et, spécialement, celles relatives au droit de rétractation.

L’article L. 221-18, inséré à la section VI, indique que le consommateur dispose d’un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévues aux articles L. 221-23 à L. 221-25.

Selon le 2° du même article, le délai court à compter de la réception du bien par le consommateur pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.

L’article L. 221-20 dispose également que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l’article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de 12 mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l’article L. 221-18.

En l’espèce, il est constant que le bon de commande ne contient aucune information relative au droit de rétractation qui était ouvert au profit de Mme [H]-[F], ni aucun bordereau de rétractation, en violation des dispositions de l’article L. 221-5, 2°.

Par conséquent, l’appareil ayant été livré le 10 mars 2017, le délai de rétractation expirait le vendredi 24 mars à minuit, de sorte que Mme [H]-[F] pouvait exercer son droit de rétractation jusqu’au 24 mars 2018 à minuit.

Et, par courriers de son conseil adressés au vendeur et au bailleur, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 septembre 2017, Mme [H]-[F] a manifesté sa volonté non équivoque d’exercer son droit de rétractation.

Par conséquent, infirmant le jugement entrepris, la cour dira que Mme [H]-[F] a valablement exercé son droit de rétractation mettant à néant la vente de l’appareil litigieux.

La jurisprudence décide désormais que si la jurisprudence en matière de location financière n’est pas transposable au contrat de crédit-bail mobilier, accessoire au contrat de vente, la caducité qu’elle prévoit, qui n’affecte pas la formation du contrat et peut intervenir à un moment où celui-ci a reçu un commencement d’exécution, et qui diffère de la résolution et de la résiliation en ce qu’elle ne sanctionne pas une inexécution du contrat de crédit-bail mais la disparition de l’un de ses éléments essentiels, à savoir le contrat principal en considération duquel il a été conclu, constitue la mesure adaptée et qu’il y a lieu dès lors, de décider que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de crédit-bail et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat (en ce sens Ch. Mixte 13 avril 2018 n° 16-21.345).

En l’espèce, l’anéantissement du contrat principal résultant de l’exercice du droit de rétractation a pour effet d’entraîner la caducité du contrat de crédit-bail à compter du mois de septembre 2017.

Par conséquent, la société Locam sera déboutée de sa demande de paiement formée contre Mme [H]-[F] comprenant les loyers échus entre septembre et novembre 2017 et les loyers à échoir postérieurs, outre la clause pénale.

Mme [H]-[F] sera également déboutée de sa demande de restitution des loyers réglés avant la caducité du crédit-bail.

Et, l’anéantissement du contrat principal résultant de l’exercice de son droit de rétractation, Mme [H]-[F] sera déboutée, en application des articles L. 221-23 et L. 221-24 du code de la consommation, de sa demande de condamnation de la société Locam à venir récupérer, à ses frais, l’appareil litigieux.

La société Locam sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Mme [H]-[F] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt par défaut et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

DIT que les dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation sont applicables au contrat de vente de l’appareil bodywork commandé hors établissement par Mme [H]-[F] auprès de la société Cpma médical,

DIT que Mme [H]-[F] a valablement exercé son droit de rétractation par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 septembre 2017,

DIT que l’anéantissement du contrat principal a entraîné la caducité du contrat de crédit-bail à cette même date,

DEBOUTE la société Locam de l’ensemble de ses demandes contre Mme [H]-[F],

DEBOUTE Mme [H]-[F] de sa demande de restitution des loyers versés,

DEBOUTE Mme [H]-[F] de sa demande de condamnation de la société Locam à venir récupérer, à ses frais, l’appareil bodywork,

CONDAMNE la société Locam aux dépens de première instance et d’appel,

CONDAMNE la société Locam à payer à Mme [H]-[F] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller, suite à l’empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière Le Président

 


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