Droit de rétractation : décision du 24 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01882
Droit de rétractation : décision du 24 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01882
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ARRÊT DU

24 Novembre 2023

N° 1758/23

N° RG 21/01882 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T5UZ

GG/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOURCOING

en date du

20 Septembre 2021

(RG 20/00042 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 24 Novembre 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A. COSHYTEC

[Adresse 2]

représentée par Me Cindy DUBRULLE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS :

M. [M] [V]

[Adresse 1]

représenté par Me Emily TAHON, avocat au barreau de LILLE

Association UNEDIC DELEGATION AGS,CGEA DE LILLE

[Adresse 3]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l’audience publique du 14 Juin 2023

Tenue par [C] [P]

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine [O]

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

[C] [P]

: CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 29 septembre 2023 au 24 novembre 2023 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 24 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

La SA COSHYTEC, qui exerce une activité d’ingénierie et d’études techniques et emploie habituellement moins de dix salariés, applique la convention collective nationale des bureaux d’études techniques.

Elle a engagé M. [M] [V], né en 1952, par contrat à durée déterminée du 01/09/2015, pour le remplacement d’un salarié malade, M. [R], en qualité de coordinateur sécurité et protection de la santé.

Le contrat prévoit une rémunération de 15 euros nets de l’heure pour 2 jours de travail par semaine. Au dernier état, la rémunération s’établissait à 19,65 € l’heure.

La relation de travail s’est poursuivie à l’issue du licenciement pour inaptitude du salarié remplacé le 10/06/2016.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par jugement du tribunal de commerce de Lille le 05/09/2016. Le tribunal de commerce par jugement du 12/07/2017 a arrêté un plan de redressement par voie de continuation.

Les parties ont signé un protocole de rupture conventionnelle le 25/03/2019. Le contrat de travail a pris fin le 01/05/2019, les documents de fin de contrat étant établis le 15/05/2019.

Par lettre du 23/09/2019 adressée par son conseil, M. [V] a contesté les conditions de travail et la rupture du contrat.

Il a saisi par requête du 17/02/2020 le conseil de prud’hommes de Tourcoing de demandes indemnitaires relatives à une requalification du contrat de travail à temps complet, et à la nullité de la rupture conventionnelle.

Par jugement du 20/09/2021, le conseil de prud’hommes de Tourcoing a :

-dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de requalifier le contrat de travail à temps partiel de M. [M] [V] à temps plein,

-dit et jugé nulle la rupture du contrat de travail de M. [M] [V],

-condamné la société COSHYTEC à régler à M. [M] [V] les sommes suivantes :

-2.254.26 € au titre du préavis,

-225,42 € au titre des congés payés y afférent,

-3.381,69 € au titre des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse,

-6.260,40 € au titre des frais de repas,

-1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la SA COSHYTEC à remettre à M. [M] [V] des documents (bulletins de paie rectifiés sur trois ans et les documents de fin de contrat) sous quinzaine à réception de la mise à disposition de ce présent jugement,

-débouté M. [M] [V] du surplus de ses demandes,

-débouté la SA COSHYTEC de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R1454-28 du code du travail sont de droit exécutoire à titre provisoire les jugements ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R1454-14 dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, ladite moyenne s’élevant à 1.100,12 € bruts,

-précisé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la dernière convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation soit le 27/02/2020 pour l’indemnité compensatrice de préavis, de licenciement, le salaire et ses accessoires et d’une façon générale pour toutes autres sommes de nature salariale ; à compter du jugement pour toute autre somme,

-laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

La SA COSHYTEC a régulièrement interjeté appel du jugement le 26/10/2021.

Par jugement du tribunal de commerce de Lille du 27/06/2022, la société COSHYTEC a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, la SCP BTSG² représentée par Maître [B] étant nommée mandataire judiciaire.

Selon ses conclusions d’intervention volontaire reçues le 02/09/2022, la SCP BTSG² ès qualités de mandataire liquidateur de la société COSHYTEC demande à la cour d’acter son intervention volontaire, d’infirmer le jugement en ses dispositions concernant la nullité de la rupture du contrat de travail, la condamnation au paiement des sommes de 2.254,26 € au titre du préavis, 225,42 € au titre des congés payés y afférent, 3.381,69 au titre des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse, 6.260,40 € au titre des frais de repas, 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la remise de bulletins de paie rectifiés sur trois ans et de fin de contrat sous quinzaine à réception de la mise à disposition de ce présent jugement, et de confirmer le jugement qui a débouté M. [V] de ses demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en travail à temps plein, de rappels de salaire et de congés payés sur rappels de salaire suite à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non-respect de la législation relative à la durée du travail, de condamnation au paiement de la somme de 7 070.70 € au titre du solde des congés payés, de rappel de prime de vacances et de congés payés sur prime de vacances, de remboursement des frais de formation,

et statuant à nouveau, de :

-débouter Monsieur [V] de sa demande au titre de l’indemnité de repas,

-constater dire et juger que Monsieur [V] a été rendu destinataire de ses exemplaires de rupture conventionnelle,

-dire régulière la rupture conventionnelle régularisée entre Monsieur [V] et la société COSHYTEC ;

-débouter Monsieur [V] de ses demandes au titre d’indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-débouter Monsieur [V] de sa demande de communication de l’ensemble des bulletins de paie rectifiés sur 3 ans ainsi que les documents de fin de contrat rectifiés,

-lui accorder la somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement :

-confirmer le jugement en ce qu’il a déterminé les sommes dues à Monsieur [V] en fonction d’un contrat de travail à temps partiel et non à temps complet,

En conséquence :

-fixer le salaire moyen de Monsieur [V] à 1127,13 €,

-condamner la société COSHYTEC au paiement de la somme de 2.254.26 € au titre de l’indemnité de préavis et la somme de 225,42 € au titre des congés payés sur préavis,

-débouter Monsieur [V] de sa demande d’indemnité de licenciement celle-ci étant égale à l’indemnité spécifique de rupture déjà payée à l’occasion de la rupture du contrat de travail le 1er mai 2019,

-constater que Monsieur [V] ne justifie pas de son préjudice,

-réduire considérablement les dommages et intérêts sollicités par Monsieur [V] au titre de l’indemnisation de son préjudice en ce qu’ils sont limités entre 1 à 4 mois de salaires et faire masse des sommes obtenues à l’occasion de la rupture pour la détermination desdits dommages et intérêts,

En toutes hypothèses :

-Dépens comme de droit.

Selon ses conclusions n° 5 reçues le 09/05/2023, M. [M] [V] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

-condamné la société COSHYTEC à lui verser la somme de 6.504,80 € nets au titre de ses frais de repas mais remplacer la condamnation par une admission à la liquidation judiciaire de la société COSHYTEC,

-juger que la rupture du contrat de travail est nulle,

-infirmer le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau de :

-prononcer la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

-fixer les créances au passif de la liquidation judiciaire de la société COSHYTEC, représentée par la SCP BTSG² prise en la personne de Maître [T] [B], ès qualités de liquidateur de la société COSHYTEC, aux sommes suivantes :

-63.976,11 € bruts et 6.397, 61 € bruts au titre des congés payés afférents à titre d’un rappel de salaire suite à requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein,

-17.877, 30 € nets (2.979,55 € x 6) au titre de l’indemnité de travail dissimulé,

-5.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la législation relative à la durée du

travail,

-fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société COSHYTEC à la somme de 7.070,70 € bruts au titre du solde de l’indemnité de congés payés,

-fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société COSHYTEC à la somme de 1.048,55 € bruts au titre de rappel de prime de vacances et à 104,85 € bruts au titre des congés payés afférents,

-fixer la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société COSHYTEC à la somme de 1674€ nets à titre de remboursement de frais de formation,

-juger que la rupture du contrat de travail est nulle et que cette nullité produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence fixer les créances au passif de la liquidation judiciaire de la société COSHYTEC aux sommes suivantes :

-indemnité conventionnelle de rupture : 2.447, 28 € nets,

-préavis : 8.938, 65 € bruts,

-congés payés sur préavis : 893,86 € bruts,

-dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse : 17.877,30 € nets (6 mois),

En tout état de cause,

-dire que le CGEA de LILLE sera tenu de garantir les créances,

-dire que la créance sera inscrite sur l’état des créances déposées auprès de la juridiction commerciale, en application des dispositions de l’article L625-1 du code de commerce,

-ordonner à Maître [B], ès qualités de mandataire judiciaire de la société COSHYTEC la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard de l’ensemble des bulletins de paie rectifiés sur trois ans ainsi que les documents de fin de contrat rectifiés,

-mettre solidairement à la charge des sociétés COSHYTEC, BTSG représentée par Maître [B] ès qualités de mandataire judiciaire et du CGEA de Lille, une indemnité procédurale d’un montant de 3.000 € conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens d’instance.

Selon ses conclusions n° 2 reçues le 09/05/2023, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de Lille demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

-dit et jugé nulle la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] [V]

-condamné la SA COSHYTEC à régler à Monsieur [M] [V] les sommes suivantes :

2.254,26 € au titre du préavis

225,42 € au titre des congés payés y afférents

3.381,69 € au titre de dommages et intérêts pour rupture de contrat sans cause réelle et

sérieuse

6.260,40 € au titre des frais de repas

1.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

-condamné la SA COSHYTEC à remettre à Monsieur [M] [V] des documents (bulletins de paie rectifiés sur trois ans et les documents de fin de contrat) sous quinzaine à réception de la mise à disposition de ce présent jugement,

-rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail sont de droit exécutoire à titre provisoire les jugements ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R.1454-14 dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois ; ladite moyenne s’élevant à 1.100,12 € bruts

-précisé que les condamnations prononcées emportent intérêt au taux légal A compter de la réception par l’employeur de la dernière convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation soit le 27 février 2020 pour l’indemnité compensatrice de préavis, de licenciement, le salaire et ses accessoires et d’une façon générale pour toutes autres sommes de nature salariale ; à compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme,

-confirmer le jugement déféré pour le surplus

STATUANT A NOUVEAU :

-débouter Monsieur [M] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la Cour faisait droit à la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

-débouter Monsieur [M] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, faute de justifier d’une intention frauduleuse de l’employeur,

-juger que les demandes de rappel de salaire antérieures au 17 février 2017 sont prescrites compte-tenu de la saisine du conseil de prud’hommes de TOURCOING au 17 février 2020,

Par conséquent,

-juger que les rappels de salaire sollicités devront être réduits à de plus justes proportions

-Si par extraordinaire, la Cour jugeait la rupture conventionnelle nulle,

-juger que les indemnités de rupture doivent être déterminées sur la base d’un contrat de travail à temps partiel et les réduire à de plus justes proportions,

-réduire le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal, faute de justifier d’un préjudice subi,

-En toute hypothèse,

Juger que l’AGS ne garantit pas l’astreinte

Dire que l’arrêt à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l’article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues,

Dire et juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire conformément aux dispositions de l’article L.3253-20 du code du travail,

Statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture de la procédure résulte d’une ordonnance du 24/05/2023

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l’audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’intervention volontaire

Il convient en application de l’article 329 du code de procédure civile d’accueillir l’intervention volontaire de la SCP BTSG² en qualité de liquidateur de la société COSHYTEC.

Sur l’exécution du contrat de travail

-Sur la requalification du contrat de travail à temps complet

Au titre de son appel incident, M. [V] fait valoir que le contrat de travail ne comporte pas de répartition des horaires, qu’aucune convention de forfait n’a été signée, qu’en outre à compter du départ de M. [R], aucun contrat de travail écrit n’a été signé, le contrat étant nécessairement à temps complet, que l’employeur a reconnu dans ses conclusions l’impossibilité de prévoir les jours travaillés par le salarié ou d’établir un planning, ce qui constitue un aveu, que sa demande n’est pas prescrite.

Sur quoi, l’article L3123-14 du code du travail devenu L3123-6, dispose que :

«Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1°La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2°Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3°Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4°Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Le contrat de travail du 01/09/2015, conclu pour le remplacement de M. [Z] [R], stipule un temps de travail de travail de deux jours par semaine.

Le contrat de travail ne comporte pas de terme précis. Il est constant que la relation de travail s’est poursuivie après le licenciement de M. [R]. Le contrat de travail s’est donc poursuivi à compter du 10/06/2016 pour une durée indéterminée en application de l’article L1243-11 du code du travail, aux mêmes conditions contractuelles.

Le contrat qui mentionne une période de deux jours de travail par semaine sans précision ne comporte pas de répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, ce qui est nécessaire, le salarié devant pouvoir connaître avec précision les jours travaillés qui lui sont assignés.

En conséquence, il incombe à l’employeur, et non au salarié, de prouver que ce dernier n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir à sa disposition permanente.

Le liquidateur fait valoir que M. [V] est inscrit au répertoire SIRENE depuis le 07/07/2012 pour une activité de coordonnateur SPS, que son profil Linkedin indique qu’il cherche des missions pour compléter son calendrier professionnel, qu’il travaillait en outre pour la société SQSE.

Le fait que M. [V] a indiqué travailler à temps partiel pour une autre société ainsi que comme auto-entrepreneur ne constitue pas une justification de son temps de travail au sein de la société COSHYTEC.

Ainsi que le fait remarquer le salarié, l’employeur admet qu’il était impossible de prévoir quels seraient les jours travaillés par le salarié ou même d’établir un planning. La circonstance que l’activité du salarié dépendait des réunions organisées en fonction de l’avancement des chantiers est indifférente, dans la mesure où l’employeur n’apporte aucun élément pour justifier de la communication au salarié des dates de réunion de chantier.

Les fiches de remboursement de frais établies par le salarié comportent l’indication du nombre de visites par jour travaillés et par chantiers ainsi que le kilométrage effectué. Toutefois ces documents ne permettent pas de vérifier le temps de travail effectif du salarié. Les courriels produits par l’entreprise de clients se plaignant du manque de suivi des chantiers démontrent au contraire une relative désorganisation, puisqu’il n’est apporté strictement aucune réponse par l’employeur. Aucun planning de travail n’est produit. Contrairement aux affirmations de l’employeur et de l’UNEDIC, ces éléments sont insuffisants à démontrer que le salarié pouvait prévoir à quel rythme il devait travailler.

Le liquidateur et l’UNEDIC sont en outre bien mal fondés à se prévaloir de l’application de l’accord national du 22/06/1999 sur la durée du travail, en l’absence de toute convention de forfait signée, cet accord impliquant au surplus une mesure rigoureuse du temps de travail effectif (confer chapitre 7 de l’accord), ce qui n’a précisément pas été fait.

Enfin, M. [V] n’avait pas à produire ses relevés d’imposition comme le lui a demandé l’employeur, lequel supporte la charge de la preuve s’agissant de la durée du travail du salarié.

Il suit de l’ensemble de ces éléments que M. [V] devait se tenir en pratique à complète disposition de l’employeur.

Il en résulte que le contrat de travail doit être présumé à temps complet. Le jugement est infirmé.

-Sur le rappel de salaire au titre de la requalification :

L’UNEDIC invoque la prescription pour partie de la demande.

Selon l’article L3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.

M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes le 17/02/2020. Sa demande est recevable pour les salaires échus depuis le 17/02/2017, la période antérieur étant prescrite.

Les rappels de salaires s’établissent comme suit, le calcul du salarié qui a déduit les rémunérations déjà perçues, n’apparaissant pas critiquable :

-2017 (à compter du mois de février) : 19.437,75 €,

-2018 : 21.239,02 €,

2019 : 6.731,09 €,

Soit la somme totale de : 47.407,76 €, outre 4.740,78 € de congés payés afférents.

Ces sommes seront fixées au passif de la société COSHYTEC.

-Sur le travail dissimulé :

Le salarié explique que la société COSHYTEC s’est affranchie des règles du code du travail, sa gérante n’ayant pas tiré les leçons de ses manquements passés, que l’absence de mention du nombre réel d’heure est volontaire.

Selon l’article L8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’existence d’un litige afférent à la requalification de la relation de travail à temps complet est insuffisant en soir à démonter l’intention de l’employeur de se soustraire aux obligations de l’article L L8221-5 précité, les bulletins de paie décomptant le temps de travail en heures. La demande est rejetée. Le jugement est confirmé.

-Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la législation relative à la durée du travail :

Le salarié explique que l’employeur a méconnu la législation relative à la durée du travail, faisant valoir des journées de travail de 11 heures.

Il convient de rappeler que, contrairement à ce qu’affirme l’UNEDIC, que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique.

Il est constant que par application de l’article L3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogations non alléguées en l’espèce. Le décompte produit par le salarié fait apparaître plusieurs jours de travail atteignant une durée de 11 heures.

Outre que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur, comme le fait justement remarquer le salarié, il est de principe que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation.

Les dépassements constatés à la durée quotidienne du travail justifient de réparer le préjudice de M. [V] par une somme de 800 €, qui sera fixée à l’état des créances salariales. Le jugement est infirmé.

-Sur les frais de repas :

Pour infirmation, l’appelante fait valoir que le salarié n’était pas à sa disposition permanente, et qu’il ne démontre pas avoir été contraint de prendre ses repas à l’extérieur de son domicile, aucun ticket de restaurant justifiant des dépenses engagées n’étant produit.

Le salarié indique que la réalité des dépassements n’est pas contestée et qu’il s’est fondé sur le barème de l’URSSAF.

L’article 50 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 stipule que :

«les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l’occasion d’une charge supplémentaire ou d’une diminution de salaire.

L’importance des frais dépend du lieu où s’effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d’une façon uniforme. Ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d’hôtel et de restaurant du salarié. Ils pourront faire l’objet d’un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.

En ce qui concerne les chargés d’enquête, s’il résulte d’un transfert de la résidence d’un chargé d’enquête un accroissement systématique de frais de déplacement nécessités par le service, ces frais supplémentaires restent entièrement à la charge du chargé d’enquête, sauf accord de l’employeur pour les prendre à sa charge».

Les frais de repas constituent des frais professionnels qui ne sont pas des compléments de salaire. Le contrat de travail ne prévoit pas de forfait pour la prise en charge des frais de repas. Il appartient par conséquent à M. [V] d’en justifier notamment par la production des justificatifs des frais de restauration, qui ne sont pas versés aux débats. De plus le décompte produit par le salarié mentionne le nombre de repas pris par mois, sans indication des jours. En conséquence la demande en remboursement de frais de repas n’est pas fondée, de sorte qu’infirmant le jugement déféré, la cour déboute M. [V] de ce chef.

-Sur les congés payés :

Au titre de son appel incident, M. [V] sollicite le bénéfice de l’article 28 de la convention collective.

Le liquidateur et l’UNEDIC s’opposent à la demande compte-tenu de l’absence de requalification à temps complet et de la prescription de la demande.

L’article 28 de la convention collective SYNTEC dans sa rédaction applicable prévoit que l’indemnité de congés est égale au dixième de la rémunération perçue par l’intéressé au cours de la période de référence, sans pouvoir être inférieure pour les IC et les ETAM à la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé pour un horaire normal de travail, et pour les CE au montant de la rémunération minimum.

Les droits à congé s’acquièrent du 1er juin de l’année précédente au 31 mai de l’année en cours. Pour l’année 2016, la créance était exigible au 31/05/2016. Compte-tenu d’une instance engagée le 17/02/2020, la demande est partiellement prescrite pour l’année 2016.

La demande doit être accueillie pour les années 2017 (2.241,42 €), 2018 (2.132,90 €) et 2019 (673,10 €), compte-tenu du rappel de salaire alloué, le calcul du salarié n’étant pas critiquable. Il convient de lui allouer la somme de 5.047,42 €. Le jugement est infirmé. Cette somme sera inscrite à l’état des créances salariales.

-Sur le rappel de la prime de vacances :

Le salarié explique que la prime de vacances doit être allouée sur la base des indemnités de congés payés qui lui sont dues.

Le liquidateur et l’UNEDIC qui s’opposent à la demande soutiennent subsidiairement la prescription de la demande, ainsi que le paiement de 132,92 € en décembre 2017.

L’article 31 de la convention collective SYNTEC stipule que l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l’ensemble des salariés.

Toutes primes ou gratifications versées en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l’alinéa précédent et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

Compte-tenu des rappels de congés payés alloués (soit les sommes de 5.047,42 € et de 4.740,78 €), il convient d’allouer au salarié, après déduction de la somme de 132,92 €, une indemnité pour la prime de vacances de 978,82 €. Cette indemnité n’est pas productive de congés payés. Le jugement est infirmé. Cette somme sera inscrite à l’état des créances salariales.

-Sur les frais de formation :

Au titre de son appel incident, M. [V] explique avoir engagé des frais de formation pour la somme de 1.674 € nets qui ne lui ont pas été remboursés.

Le liquidateur et l’UNEDIC font notamment valoir que la formation n’a pas été autorisée par l’employeur et que le salarié doit mobiliser son compte personne de formation.

Il n’apparaît que la formation suivie du 25/03/2019 au 29/03/2019 d’actualisation des compétences de coordonnateur SPS a été effectuée à la demande de l’employeur. M. [V] ne peut donc pas en demander le remboursement. La demande est rejetée. Le jugement est confirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

-Sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle

L’appelante explique qu’elle faisait l’objet d’un plan de redressement, que le salarié a signé le formulaire CERFA et la convention annexe, qu’il a bien été destinataire des exemplaires lui revenant, qu’une notice d’information lui a été remise, l’UNEDIC s’associant à cette argumentation.

En vertu de l’article L1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Il est de principe qu’un exemplaire de la convention de rupture doit être remis au salarié.

Le salarié reconnaît avoir signé les documents de rupture mais conteste avoir été destinataire de son exemplaire

La convention de rupture et le formulaire CERFA ont été signés par les parties, mais ne comportent aucune mention afférente à la remise d’un exemplaire au salarié. L’attestation dactylographiée de Mme [X] est toutefois insuffisante pour démontrer la remise de l’exemplaire au salarié, à l’issue de l’entretien, dans la mesure où les documents de rupture indiquent que l’employeur n’était pas assisté lors de l’entretien du 25/03/2019. La cour observe qu’il n’est justifié d’aucune autre pièce démontrant l’existence de pourparlers en vue de cette rupture. Faute de preuve de la remise au salarié de son exemplaire lui permettant de pouvoir exercer au besoin son droit de rétractation, la convention est nulle, ainsi que l’a retenu le premier juge, étant précisé que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé.

-Sur les conséquences indemnitaires de la rupture :

Le salarié se fonde sur le rappel de salaire alloué au titre de la requalification pour calculer les indemnités de rupture.

Le liquidateur et l’UNEDIC estiment que les indemnités de rupture doivent être fixées sur la base du salaire à temps partiel.

Toutefois, ainsi que le fait justement valoir le salarié, la relation de travail étant présumée à temps complet, c’est sur la base d’un salaire à temps complet que doivent être calculées les indemnités de rupture.

L’indemnité conventionnelle s’établit, déduction faite de l’indemnité de rupture conventionnelle déjà perçue par le salarié (1.442,68 €) s’établit à la somme de 2.447,28 € nets, compte-tenu d’un salaire mensuel de 2.979,55 € et d’une ancienneté de 3 ans et 11 mois.

Le préavis de deux mois, M. [V] ne justifiant pas de sa qualité de cadre, s’établit à la somme de 5.959,10 € outre 595,91 € de congés payés afférents.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (66 ans), de son ancienneté, étant précisé que M. [V] ne justifie pas de sa situation après le licenciement, et pas plus de ses ressources et charges, il convient de réparer le préjudice résultant de la perte de son emploi par la somme de 5.000 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé. Ces sommes seront fixées à l’état des créances.

Sur les autres demandes

Le jugement du 27/06/2022 rendu par le tribunal de commerce de Lille ayant prononcé la liquidation judiciaire a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels en vertu des articles L622-28 et L 641-8 du code de commerce. Le jugement est donc infirmé.

La présente décision est opposable à l’UNEDIC, délégation AGS CGEA de Lille devra sa garantie en application des articles L.3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites et plafonds légaux.

Il sera enjoint au liquidateur, par dispositions infirmatives de remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, la rectification de l’ensemble des bulletins de paie n’étant pas nécessaire, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiée, le présent arrêt valant reçu pour solde de tout compte. Une astreinte n’est pas nécessaire la décision étant prise en dernier ressort.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance n’étant pas garantie.

Les dépens de première instance et d’appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Reçoit la SCP BTSG² en qualité de mandataire judiciaire de la société COSHYTEC en son intervention volontaire,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a jugé nulle la rupture du contrat de travail de M. [M] [V], en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, de sa demande pour les frais de formation,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Précise que la nullité de la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que la relation de travail est présumée à temps complet,

Fixe à l’état des créances salariales du passif de la liquidation judiciaire de la SAS COSHYTEC les sommes suivantes :

-47.407,76 € de rappel de salaire, outre 4.740,78 € de congés payés afférents,

-800 € de dommages-intérêts pour non respect de la législation relative à la durée du travail,

-5.047,42 € d’indemnité compensatrice de congés payés,

-978,82 € de rappel de prime de vacances,

-2.447,28 € nets d’indemnité conventionnelle de licenciement,

-5.959,10 € d’indemnité compensatrice de préavis outre 595,91 € de congés payés afférents,

-5.000 € d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute M. [M] [V] de sa demande d’indemnités de repas,

Dit que le jugement du 27/06/2022 rendu par le tribunal de commerce de Lille ayant prononcé la liquidation judiciaire a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels en vertu des articles L622-28 et L 641-8 du code de commerce,

Dit que le présent arrêt est opposable à l’UNEDIC, délégation AGS CGEA de Lille qui devra sa garantie en application des articles L.3253-6 et suivants du code du travail, dans les limites et plafonds légaux,

Enjoint à la SCP BTSG² en qualité de mandataire judiciaire de la société COSHYTEC de remettre à M. [M] [V] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, le présent arrêt valant reçu pour solde de tout compte,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Le Greffier

Serge LAWECKI

Pour le Président empêché

Muriel LE BELLEC,

Conseiller

 


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