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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
YW/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/02091 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ESTX
jugement du 17 Septembre 2019
Tribunal de Grande Instance d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 17/00264
ARRET DU 28 NOVEMBRE 2023
APPELANTE :
Madame [T] [N] Veuve [F]
née le 29 Novembre 1940 à [Localité 5] (14)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume ASFAR de la SELARL ASFAR – PINEAU, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19188
INTIMEE :
SARL LA MAISON AUTO-NETTOYANTE ANGERS prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane CONTANT de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 06 Mars 2023 à 14’H’00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WOLFF, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 28 novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Yoann WOLFF, conseiller pour la présidente empêchée et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 28 septembre 2016, Mme [T] [N] veuve [F] a signé avec la société La Maison auto-nettoyante (la société) un bon de commande ayant pour objet la réalisation par cette dernière de prestations dénommées de la manière suivante : hydrofuge toiture, changement de faîtage, isolation par soufflage et par découvrement, ventilation Écopur pour l’habitat Technitoit, création Velux et finition plaque de plâtre. Le prix stipulé était de 38 628,75 euros, pour lequel Mme [F] a réglé un acompte de 8628,75 euros.
Par deux lettres des 14 et 15 octobre 2016, Mme [F] a indiqué à la société qu’elle souhaitait annuler cette commande. Celle-ci lui a répondu par une lettre du 19 octobre 2016 que sa demande avait été faite en dehors du délai légal de rétractation.
Mme [F] a alors fait assigner la société devant le tribunal de grande instance d’Angers par acte d’huissier de justice du 12 janvier 2017, afin de voir prononcer la nullité du contrat.
Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal, considérant que les man’uvres dolosives invoquées par Mme [F] n’étaient pas caractérisées, a, tout en écartant l’exécution provisoire :
Rejeté les demandes de Mme [F] ;
Condamné Mme [F] à verser à la société la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme [F] aux dépens conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Mme [F] a relevé appel de ces chefs du jugement par déclaration du 23 octobre 2019.
Par ordonnance du 25 novembre 2020, le conseiller de la mise en état, saisi par la société, a notamment dit n’y avoir lieu à caducité de la déclaration d’appel, et condamné la société aux dépens de l’incident et à verser à Mme [F] la somme de 600 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a ensuite été prononcée par ordonnance du 22 février 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, Mme [F] demande à la cour :
D’infirmer le jugement ;
De dire et juger que le bon de commande est entaché de nullité en application des articles L. 242-1 du code de la consommation et 1116 du code civil ;
De condamner la société à lui payer la somme de 8628,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 octobre 2016 ;
D’ordonner la capitalisation des intérêts ;
De condamner la société à lui verser la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts ;
De rejeter l’ensemble des demandes de la société ;
De condamner la société à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
De condamner la société aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2023, la société demande à la cour :
De confirmer le jugement et de rejeter l’ensemble des demandes de Mme [F] ;
De condamner celle-ci à lui verser les sommes de 2000 euros pour appel abusif et 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
De condamner Mme [F] aux dépens.
MOTIVATION
Sur la demande d’annulation du bon de commande
Moyens des parties
Mme [F] soutient que :
Le bon de commande mentionne les dispositions d’un article ‘ l’article L. 121-21 du code de la consommation ‘ qui n’était plus applicable depuis le 1er septembre 2016 (sic), alors qu’il se devait de reprendre fidèlement celles de l’article L. 221-18 du même code, dont la teneur est différente et qui vient préciser le point de départ du délai de rétractation. Ainsi, c’est le bon de commande lui-même qui est non conforme au code de la consommation. Admettre la référence explicite à un texte inapplicable reviendrait à mettre à néant la protection du consommateur.
La société soutient que :
Il n’est pas demandé aux professionnels d’intégrer dans les contrats les articles applicables du code de la consommation, mais, lorsque le droit de rétractation existe, de porter à la connaissance du consommateur les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation. Ainsi, si le bon de commande fait état de l’article L. 121-21 en lieu et place de l’article L. 221-18, cela n’a aucune conséquence : les deux textes, qui se sont succédés, visent le même délai et les mêmes conditions, et les dispositions obligatoires sont intégrées au bon de commande à la page 4 de celui-ci.
Alors que la nullité encourue est une nullité relative nécessitant, pour celui qui s’en prévaut, de démontrer l’existence d’un grief, Mme [F], qui n’a jamais usé de la faculté de rétractation, n’a subi aucun préjudice.
Réponse de la cour
Selon le jugement, le moyen n’avait pas été invoqué devant les premiers juges.
Il est constant que le contrat litigieux est un contrat conclu hors établissement.
Les dispositions du code de la consommation qui lui sont applicables sont celles issues de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, en vigueur au moment de sa conclusion.
Il résulte à cet égard des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement comprenant, de manière lisible et compréhensible, les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation, ainsi que le formulaire type de rétractation dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État.
Selon l’article L. 242-1 du même code, ces dispositions, d’ordre public en vertu de l’article L. 111-8, sont prévues à peine de nullité du contrat. S’il s’agit effectivement d’une nullité relative, son prononcé ne nécessite pas néanmoins qu’un grief soit prouvé. En effet, cette relativité signifie uniquement que la nullité ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger et qu’elle peut être couverte par la confirmation. En outre, les dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, relatif aux nullités pour vice de forme des seuls actes de procédure, ne s’appliquent pas aux contrats.
Enfin, aux termes de l’article R. 221-3 du code de la consommation, les informations relatives au droit de rétractation peuvent être fournies au moyen de l’avis d’information type dûment complété figurant en annexe à ce code.
En l’espèce, les conditions générales de vente du contrat stipulent, au paragraphe relatif au droit de rétractation et intitulé Délai de réflexion :
« Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle.
Le délai mentionné au premier alinéa du présent article court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L. 121-16-2 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens.
Dans le cas d’une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d’une commande d’un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien. »
Cette stipulation est critiquable à plusieurs titres.
Tout d’abord, elle est une reproduction partielle d’un article qui, tant en ce qui concerne son numéro que son contenu, était abrogé depuis presque quatre mois au moment de la conclusion du contrat, soit depuis l’entrée en vigueur le 1er juillet 2016 de l’ordonnance du 14 mars 2016. Il est ainsi renvoyé, pour l’information sur les conditions et le délai d’exercice du droit de rétractation, à des dispositions ‘ les articles L. 121-16-2 et L. 121-21-3 à L. 121-21-5 du code de la consommation ‘, non seulement qui ne sont pas explicitées, mais qui de plus n’existent pas. Cela ne permettait pas en toute hypothèse à Mme [F], qui n’était pas tenue d’effectuer des recherches juridiques, de déterminer quels étaient les coûts susceptibles de rester à sa charge en cas de rétractation, et si son contrat faisait partie de ceux pour lesquels le délai courait à compter du jour de la conclusion.
Ensuite, la stipulation litigieuse n’est pas l’information compréhensible sur les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation, telle qu’elle est exigée par les articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation. En effet, elle ne précise pas quel est, pour Mme [F], le point de départ du délai de rétractation, mais se contente d’envisager deux possibilités selon que le contrat peut être qualifié, soit de contrat de prestation de services ou de contrat mentionné à l’article L. 121-16-2, soit de contrat de vente de biens ou de contrat de prestation de services incluant la livraison de biens. Or cela est loin d’être compréhensible et évident pour un consommateur, qui plus est en l’espèce où les prestations commandées étaient multiples et diverses, et où la nature du contrat, qui avait notamment pour objet la fourniture de biens (ex. : fenêtre de toit) pouvait être sujette à discussion. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’avis d’information type annexé à l’article R. 221-3 du code de la consommation invite à apporter une information différente selon les situations.
Enfin, cette ambiguïté du contrat lui-même, contraire aux dispositions précitées du code de la consommation, ne pouvait être palliée par le formulaire de rétractation qui y était annexé, lequel ne fait pas partie de la convention et peut d’ailleurs être séparé définitivement de son support écrit. Elle n’était pas levée quoi qu’il en soit par la seule mention dans ce formulaire du jour de la conclusion du contrat comme point de départ du délai de rétractation, cette information supplémentaire, accompagnée d’aucune explication et qui n’était pas mise en rapport avec les conditions générales de vente, ne faisant qu’ajouter à la confusion créée par celles-ci.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le contrat litigieux est nul, faute de comprendre, de manière compréhensible, les conditions et le délai d’exercice du droit de rétractation.
En conséquence, le jugement sera infirmé et cette nullité sera prononcée.
Celle-ci oblige à remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. La société sera donc condamnée à restituer à Mme [F] l’acompte de 8628,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2017, date de la demande, la mise en demeure invoquée par Mme [F] n’étant pas produite et son contenu n’étant ainsi pas précisément connu. La capitalisation des intérêts, qui est de droit dès lors qu’elle est demandée, sera ordonnée.
2. Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [F]
Moyens des parties
Mme [F] soutient que :
La société a fait preuve d’une mauvaise foi caractérisée en refusant de restituer l’intégralité de l’acompte versé alors même qu’elle ne pouvait ignorer que son offre n’était pas conforme aux dispositions d’ordre public du code de la consommation.
La société soutient que :
Aucune information n’est donnée quant à la nature du préjudice et son évaluation, ni même sur le fondement juridique de la demande. Mme [F] ne communique aucun document justifiant d’un quelconque préjudice.
Réponse de la cour
Comme la société le soulève, Mme [F] se contente d’invoquer un « préjudice subi », sans que la nature de celui-ci soit précisée ou même ressorte des conclusions de l’intéressée. Aucune indemnisation ne pourra donc être allouée dans ces conditions.
3. Sur la demande de dommages et intérêts de la société
Dans la mesure où il est fait droit pour l’essentiel à l’appel de Mme [F], celui-ci ne saurait être qualifié d’abusif comme le prétend la société, qui verra donc sa demande correspondante rejetée.
Sur les frais du procès
La société perdant le procès, le jugement sera infirmé en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.
La société sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et se trouve de ce fait redevable vis-à-vis de Mme [F], en application de l’article 700 du code de procédure civile, d’une indemnité qu’il est équitable de fixer à la somme demandée de 2500 euros. La demande de la société faite sur le même fondement sera quant à elle rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Prononce la nullité du bon de commande conclu le 28 septembre 2016 entre Mme [T] [N] veuve [F] et la société La Maison auto-nettoyante ;
Condamne la société La Maison auto-nettoyante à restituer à Mme [T] [N] veuve [F] la somme de 8628,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2017 ;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt ;
Condamne la société La Maison auto-nettoyante aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société La Maison auto-nettoyante à verser à Mme [T] [N] veuve [F] la somme de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes des parties.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE empêchée
C. LEVEUF Y.WOLFF