Droit de rétractation : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01229
Droit de rétractation : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/01229
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AFFAIRE : N° RG 22/01229

N° Portalis DBVC-V-B7G-G7PV

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 14 Avril 2022 – RG n° F 21/00172

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2023

APPELANT :

Monsieur [C] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S.U. CA NORMANDIE IMMOBILIER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me Aurélie LEFEBVRE, avocats au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 25 septembre 2023, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme JACQUETTE-BRACKX

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 30 novembre 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 24 avril 2017, M. [C] [Y] a été engagé par la société CA Normandie Immobilier en qualité de conseiller en immobilier placement. Un avenant à effet du 1er avril 2018 a modifié ses conditions de rémunération ;

Les parties ont signé une rupture conventionnelle du contrat le 6 mars 2020 ;

Poursuivant la nullité de la rupture conventionnelle et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture et de l’exécution de son contrat de travail, M. [Y] a le 9 avril 2021 saisi le conseil de prud’hommes de Caen lequel par jugement rendu le 14 avril 2022 a condamné la société à lui payer la somme de 1340.45 € à titre de rappel de commissions, celle de 134.04 € à titre de congés payés afférents et celle de 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et a débouté les parties de leurs autres demandes ;

Par déclaration au greffe du 16 mai 2022, M. [Y] a formé appel de cette décision critiquant les dispositions du jugement à l’exception de celles relatives aux rappels de commissions, aux congés payés afférents et aux indemnités de procédure et aux dépens ;

Par conclusions n°1 remises au greffe le 23 juin 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, M. [Y] demande à la cour de confirmer le jugement sur le rappel des commissions et sur l’indemnité de procédure, de l’infirmer pour le surplus et dire nulle la rupture conventionnelle, de condamner en conséquence la société à lui payer les sommes de 10.186,80 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de1.018,68 € bruts à titre d’indemnité de congés payés y afférents, de 13.500,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 2.000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile, de la condamner à procéder aux rectifications des irrégularités relevées sur bulletins de paie et au paiement correspondant qui s’imposent sous astreinte de 50,00 € par jour de retard passé un délai d’un mois suivant notification du jugement à intervenir, également à lui remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document les documents de fin de contrat et bulletins de paie et se réserver la liquidation de l’astreinte, de la condamner enfin à lui payer une somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Par conclusions n°1 remises au greffe le 12 septembre 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société Normandie Immobilier demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur le paiement des rappels de commissions et de débouter M. [Y] de ses demandes, et de le condamner à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

MOTIFS

I- Sur la nullité de la rupture conventionnelle

Le salarié soutient qu’il n’a pas reçu l’exemplaire de la rupture conventionnelle tant à l’issue de l’entretien qui a eu lieu avec M. [V] que par un courriel du 6 mars 2020, observant que son accès à sa boîte professionnelle avait été désactivé ;

L’employeur fait valoir qu’un exemplaire du formulaire CERFA a été remis au salarié par M. [V] qui a mené l’entretien ainsi qu’il en atteste, qu’à la demande du salarié un envoi par mail de cet exemplaire a été fait par un courriel du 6 mars 2020, sa boîte mail n’étant pas désactivée, le salarié ayant continué à l’utiliser jusqu’à la fin de son préavis ;

La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle ;
En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve ;

Au vu des pièces produites, à la demande du salarié, deux entretiens ont eu lieu le 18 février et le 6 mars 2020 en vue d’une rupture conventionnelle, aucune des parties n’étant assistée, et l’imprimé CERFA de rupture conventionnelle signé par les parties le 6 mars 2020 ne comporte aucune mention relative à une remise d’un exemplaire de cet imprimé au salarié ;

L’employeur produit aux débats une attestation de M. [V], responsable ressources humaines de la société, qui indique avoir reçu M. [Y] en entretien le 6 mars 2020, qu’au cours de cet entretien trois exemplaires du CERFA ont été signés par les parties et qu’il a remis un de ces exemplaires en main propre à M. [Y]. Le témoin précise par ailleurs que conformément à la demande de ce dernier, il lui a transmis une copie du CERFA par mail le même jour ;

Le salarié conteste cette remise, M. [V] qui a mené l’entretien n’a pas signé l’imprimé, qui a été signé par M. [I], si bien qu’à l’issu de l’entretien, il a signé et a quitté les lieux et M. [V] a fait signer alors les exemplaires par M. [I] ;

L’employeur ne conteste pas que l’imprimé a été signé par M. [I], et produit une attestation de ce dernier qui indique que le 6 mars 2020, M. [V] est venu le voir dans son bureau pour lui demander de signer les trois exemplaires CERFA qui venaient d’être imprimés, puis est reparti avec les exemplaires lui permettant de reprendre l’entretien avec M. [Y] et de lui remettre un exemplaire signé ;

Le fait que M. [V] ne soit pas le signataire de la rupture ne fait pas en soi obstacle à ce qu’il en ait remis un exemplaire au salarié à l’occasion de l’entretien dont il n’est pas contesté qu’il l’ait mené ;

L’employeur produit également une copie d’un courriel envoyé le 6 mars 2020 à 17h13 par M. [V] à M. [Y] lui indiquant « suite à notre entretien et comme convenu, tu trouveras ci-joint le CERFA signé des parties pour la rupture conventionnelle », ce courriel contient une pièce jointe. Le salarié conteste l’authenticité de ce courriel en ce que l’adresse mail ne peut être vérifiée, qu’aucun accusé de réception n’est produit, et que son accès à sa messagerie professionnelle a été coupée pendant 15 jours avant la fin de son contrat. L’adresse du courriel du 6 mars 2020 correspond bien à l’adresse professionnelle de M. [Y] « [Courriel 5], outre qu’elle est contestée et non établie, l’éventuelle coupure de l’accès à la messagerie 15 jours avant le 30 avril 2020 (date de la fin du contrat) serait en tout état de cause sans incidence sur un message le 6 mars 2020. En outre, le salarié a restitué son matériel professionnel dont son ordinateur le 16 mai 2020 ;

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur rapporte la preuve qui lui incombe de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié. Dès lors, la demande de nullité de la rupture conventionnelle sera par confirmation du jugement rejetée ;

II- Sur le paiement des commissions

La rémunération du salarié se compose d’une partie fixe de 1600 € brut par mois et d’une partie variable correspondant à des commissions calculées selon le montant annuel des honoraires encaissés ;

L’article 11 du contrat de travail « droit de suite » prévoit que « en cas de rupture du présent contrat, quelle qu’en soit la cause, M. [Y] percevra pendant une durée de 6 mois à compter de l’expiration de son préavis les commissions sur les honoraires encaissées durant cette période au titre des affaires qui seraient la suite et la conséquence de son travail durant l’exécution de son contrat » ;

Les parties sont en désaccord sur l’interprétation de cette clause, l’employeur estimant que la rupture conventionnelle ne prévoyant pas de préavis, c’est la date de sortie des effectifs qu’il faut prendre en compte soit le 30 avril 2020, le droit de suite s’appliquant jusqu’au 31 octobre 2020, ce qui exclut les commissions réclamées qui portent toutes sur des honoraires encaissés postérieurement au droit de suite. Le salarié considère que le contrat ne prévoit qu’un délai courant à l’expiration du préavis

qui doit trouver application même si la rupture conventionnelle ne soumet pas le salarié à un préavis, et soutient qu’après un préavis de trois mois, le délai expirait le 31 décembre ou 31 janvier 2021. Il soutient en tout état de cause que le contrat doit s’interpréter en faveur du débiteur en application de l’article 1190 du code civil ;

Si la clause traite des modalités du droit de suite quel que soit la cause de la rupture, elle fixe néanmoins le point de départ du délai de 6 mois pour le salarié à l’expiration de son préavis, ce qui suppose qu’un préavis soit effectivement applicable. Cette clause ne nécessite ainsi aucune interprétation. La rupture conventionnelle ne soumettant le salarié à aucun préavis, il convient de se référer à la date de la rupture des relations contractuelles fixée par les parties au 30 avril 2020, le délai de six mois expirant donc le 30 octobre 2020. A cette date, il résulte des pièces produites par l’employeur non utilement contredites que les honoraires des ventes dont la commission est réclamée ont été encaissés postérieurement à cette date (le 6 novembre 2020 pour le dossier [W], le 4 novembre 2020 pour le dossier [K] et le 3 décembre 2020 pour le dossier [J]). Dès lors aucune commission n’est due et le jugement qui s’est fondé pour les accorder non sur la date d’encaissement conformément à la clause contractuelle mais sur leur date de paiement sera infirmé ;

III- Sur les irrégularités des bulletins de paie

L’employeur indique que la demande est nouvelle en appel. Mais outre qu’il résulte du jugement que le conseil de prud’hommes a bien été saisi de cette demande qui n’est donc pas nouvelle en appel, le dispositif des conclusions ne contient en tout état de cause aucune prétention tendant à l’irrecevabilité de la demande pour ce motif. La cour n’est donc pas saisie en application de l’article 954 alinéa 3 ;

Le dispositif des conclusions du salarié saisit la cour d’une demande de condamnation de l’employeur de procéder aux rectifications des irrégularités relevées sur les bulletins de paie et au paiement correspondant ;

Il fait état de :

– maintien du salaire pendant son absence pour maladie de décembre 2018 à mars 2019

Le salarié indique que l’employeur a appliqué par erreur un maintien de salaire à 90% les deux premiers mois ce qui a conduit à une reprise d’un trop perçu en totalité sur février 2019, contrairement à la régle des 10%, que les indemnités journalières à déduire doivent être de 1092.15 € et non de 1213.05 € ;

L’employeur répond que le maintien du salaire prévu par la convention collective plus favorable, que sur les indemnités journalières, il indique avoir déduit 1092.15 € ;

Le salarié qui ne produit aucune pièce au soutien de son argumentation (sauf un document dactylographié qui reprend ce qui est dit dans ses conclusions) ne répond pas aux observations de l’employeur, en tout état de cause, il ne forme aucune demande chiffrée sur les indemnités journalières prétendument mal calculées pas davantage qu’il indique ce qu’il faut rectifier sur les bulletins de paie, cette rectification supposant le bien fondé de sa demande en paiement ;

Sa demande sera rejetée ;

– régime de prévoyance

Le salarié indique qu’il n’en a pas bénéficié et que le décompte des indemnités journalières ne lui a pas été demandé ;

L’employeur indique que le salarié n’a pas transmis le décompte malgré ses demandes et qu’il ne les a toujours pas transmis à ce jour ;

Même si l’employeur ne justifie pas des demandes de transmission de ce décompte, il n’en demeure pas moins que dans le courrier adressé à l’avocat du salarié le 17 mars 2021, l’employeur indique qu’il appartient à M. [Y] qu’il transmette ce décompte, ce que ce dernier ne justifie pas avoir fait. Au demeurant, il n’explique pas quelle serait l’irrégularité du ou des bulletins de salaire qui devrait être rectifiée. Sa demande sera rejetée ;

– les jours de repos compensateurs

L’employeur a reconnu dans son courrier du 17 mars 2021 une erreur en omettant 3 jours pour la période allant de juin 2017 à mai 2018 et a adressé au salarié par lettre recommandée du 15 novembre 2021 une somme de 221.50 € et un bulletin de salaire rectifié.

Le salarié qui ne forme aucune observation ou critique, et ne chiffre d’ailleurs pas sa demande, celle-ci sera donc rejetée;

– sur la mention du nombre de jours travaillés

Selon l’article R3243-1, le bulletin de paie comporte (a) la nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés dont la rémunération est déterminée sur la base d’un forfait hebdomadaire ou mensuel ;

Les bulletins de paie mentionnent un salaire forfaitaire mais non la nature et le volume du forfait, alors que son contrat de travail prévoit un forfait annuel de 217 jours ;

L’employeur indique dans le courrier du 17 mars 2021 que le nombre de jours est mentionné dans la convention et qu’un suivi mensuel a été fait ;

En l’état de ces éléments, le salarié n’indique pas en quoi cette absence de mention lui a occasionné un préjudice et sera débouté sur ce point ;

– sur les salaires minimaux non atteints en mai 2018 et décembre 2019

Le salarié n’explique pas ce dont il se plaint eu égard aux mentions du bulletin de salaire. Il évoque le respect du salaire minimum brut mensuel et vise une disposition de la convention collective selon laquelle le salaire minimum brut mensuel doit être mentionné sur le bulletin de paie ;

Toutefois il ne précise pas concrètement les montants devant être mentionnés. Sa demande sera rejetée ;

– sur les congés pris en juin et juillet 2019

Selon le bulletin de salaire de juin 2019, le salarié a perçu une somme de 223.58 € (taux de 111.790) pour deux jours de congés en mai et juin 2019 et selon son bulletin de salaire du mois d’août 2019, il a perçu une somme de 1452.40 € (taux de 121.033) pour 12 jours de congés en août 2019 ;

Le salarié considère que ce dernier devrait être appliqué aux congés pris en juin 2019 car la période de référence court de juin à mai ;

L’employeur répond que les congés pris en juin et juillet 2019 ne concernent pas les mêmes périodes de sorte que l’indemnité n’est pas calculée sur la même base ;

Le salarié qui ne forme aucune demande de rappel chiffré, ne fait aucune observation ou critique sur le fait que la période de calcul est nécessairement différente. Sa demande sera rejetée ;

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rectification sous astreinte des bulletins de paie ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées ;

En cause d’appel, il n’y a pas lieu à indemnités de procédure mais M. [Y] qui perd le procès sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 14 avril 2022 par le conseil de prud’hommes de Caen sauf en ses dispositions relatives au rappel de salaire pour commissions et congés payés afférents et aux indemnités de procédure et aux dépens ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Déboute M. [Y] de sa demande de rappel de salaire au titre des commissions et au titre des congés payés afférents ;

Dit n’y avoir lieu à indemnités de procédure ;

Condamne M. [Y] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD L. DELAHAYE

 


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